LAVOIE, THÉOPHILE, prêtre, oblat de Marie-Immaculée et éducateur, né le 6 novembre 1836 à Kamouraska, Bas-Canada, fils de Joseph Lavoie, cultivateur, et de Céleste Clermont ; décédé le 26 octobre 1908 à Montréal.

Théophile Lavoie étudie au collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière de 1847 à 1856 puis fait une année de droit à l’université Laval en 1857–1858. À 24 ans, il entre au noviciat des oblats de Marie-Immaculée à Nancy, en France. De 1861 à 1864, il poursuit ses études à Marseille et est ordonné prêtre à Autun le 1er juin 1864.

De retour au Canada la même année, Lavoie assume la charge de directeur des études au collège d’Ottawa. Fondé en 1848 par Mgr Joseph-Bruno Guigues*, le collège offrait un cours préparatoire, les études classiques et la théologie. Dès 1852, Mgr Guigues avait tenté d’affilier le collège à la University of Toronto, mais ses démarches avaient échoué. En 1866, le Regiopolis College de Kingston, dans le Haut-Canada, obtient du Parlement de la province du Canada une charte universitaire pour les catholiques de langue anglaise. Afin de s’assurer que les francophones ne seront pas privés des bienfaits de l’enseignement supérieur, les pères du collège d’Ottawa sollicitent à leur tour une charte. Pour rallier les députés et conseillers législatifs francophones à leur cause, ils demandent au père Lavoie d’intervenir auprès de Luc Letellier* de Saint-Just, dont il a appuyé la campagne électorale quand il était étudiant. Malgré l’opposition à l’octroi d’une seconde charte aux catholiques, les parlementaires consentent finalement à voter la loi qui confère au collège d’Ottawa les droits et pouvoirs d’une université en 1866. L’intervention de Lavoie a été déterminante. La loi ne mentionne pas que le collège sera un établissement bilingue, mais les pères continueront à donner certains cours en français et d’autres en anglais, aux anglophones et aux francophones réunis dans les mêmes salles de cours.

En tant que directeur des études, le père Lavoie vit toutefois difficilement la dualité linguistique qui existe au collège. En effet, jusqu’à son arrivée à Ottawa, il a toujours été dans un milieu francophone. En 1866, l’établissement accueille près de 150 élèves, dont 50 sont francophones. Son supérieur, le père Timothy Ryan, est Irlandais. En 1869, le provincial des oblats signale que Lavoie « se fait un parti pour faire du collège une œuvre canadienne en opposition avec l’élément anglais ». Cette attitude explique la « grande répugnance » qu’il éprouve à partir lorsque ses supérieurs lui demandent l’année suivante de se rendre dans la nouvelle province du Manitoba.

Mgr Alexandre-Antonin Taché* confie au père Lavoie la direction du collège de Saint-Boniface. Pendant sept ans, il y sera le seul oblat. Durant son mandat, le collège est constitué juridiquement en 1871 puis devient, en 1877, un des établissements qui forment l’université de Manitoba. Toutefois, cette année-là, Mgr Taché, qui n’arrive pas à obtenir plus d’oblats pour le collège, doit se résigner à le remettre aux soins du clergé séculier ; Lavoie devient alors vicaire, puis, cinq ans plus tard, curé de la paroisse Sainte-Marie, à Winnipeg, où le ministère se fait en anglais. En 1885, ses supérieurs l’envoient aux États-Unis où il est successivement curé des paroisses Sacred Heart de Lowell, au Massachusetts (1885–1892), Holy Angels de Buffalo, dans l’État de New York (1892–1893), et de nouveau à Lowell (1893–1897), puis à Saint-Pierre de Plattsburgh, dans l’État de New York (1897–1901). Il revient alors au Canada, d’abord à la paroisse Saint-Sauveur de Québec (1901–1902), puis au collège d’Ottawa (1902–1906) ; dans cette ville, il est également aumônier des sœurs du Bon-Pasteur.

Durant le séjour de Lavoie à Ottawa, un groupe d’Irlandais prétend que la charte civile du collège d’Ottawa a été obtenue du Parlement par des Irlandais, pour les Irlandais. Les oblats de langue française cherchent à infirmer cette thèse, mais la mémoire institutionnelle s’est estompée et les archives de l’université ont été la proie des flammes qui ont détruit le collège en 1903. Un ardent défenseur du français, le père Émile David, demande au père Lavoie, seul survivant de ceux qui ont obtenu la charte civile, de puiser dans ses souvenirs personnels. Celui-ci dicte sa réponse à un secrétaire, le 5 février 1907 : « Nous voulions une charte universitaire [...] dont bénéficieraient surtout les Canadiens français [...], et dont profiteraient aussi les élèves de langue anglaise. » Il semble donc que son séjour au Manitoba et aux États-Unis l’ait libéré de l’allergie qu’il éprouvait, étant jeune, pour tout ce qui n’était pas « canadien » et français.

En raison de sa santé défaillante, le père Théophile Lavoie se retire au noviciat des oblats à Lachine, près de Montréal, en 1906. Il meurt le 26 octobre 1908 et est inhumé dans le cimetière du noviciat. En 1972, ses restes seront transportés dans le cimetière oblat de Richelieu.

Roger Guindon

AC, Montréal, État civil, Catholiques, Saints-Anges (Lachine), 28 oct. 1908.— ANQ-Q, CE3-3, 7 nov. 1836.— Arch. Deschâtelets, Oblats de Marie-Immaculée (Ottawa), HEC 2414.T39c.— Arch. générales des oblats de Marie-Immaculée (Rome), Dossier Théophile Lavoie.— Gaston Carrière, Dictionnaire biographique des oblats de Marie-Immaculée au Canada (3 vol., Ottawa, 1976–1979), 2 : 270 ; Histoire documentaire de la Congrégation des missionnaires oblats de Marie-Immaculée dans l’est du Canada (12 vol., Ottawa, 1957–1975), 6 : 199–202.— Athanase Francœur, Notices nécrologiques de la province du Canada-Est (4 vol., Ottawa, 1957), 2 : 67–69.— Roger Guindon, Coexistence difficile : la dualité linguistique à l’université d’Ottawa (1 vol. paru, Ottawa, 1989–  ).

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Roger Guindon, « LAVOIE, THÉOPHILE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lavoie_theophile_13F.html.

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Auteur de l'article:    Roger Guindon
Titre de l'article:    LAVOIE, THÉOPHILE
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    2 déc. 2024