CATALOGNE, GÉDÉON (DE) (il signait « Catalougne » à la façon béarnaise, mais la plupart des documents officiels le concernant orthographient « Catalogne » ; il utilisait parfois la particule « de », car certains membres de sa famille l’employaient alors que d’autres la laissaient tomber), arpenteur, cartographe et sous-ingénieur ; né en 1662, à Arthez, au Béarn, fils de Gédéon Catalougne et de Marie Capdeviolle, et petit-fils de Gédéon Catalougne ; il épousa Marie-Anne, fille de Jean Lemire* et de Louise Marsolet, à Montréal, le 11 août 1690 et eut neuf enfants, dont Joseph ; mort à Louisbourg le 5 juillet 1729.

Catalogne a dû recevoir dans sa jeunesse une formation en mathématiques et particulièrement en géométrie, mais, comme il était de religion protestante, il n’avait pas accès aux études menant à une commission d’officier dans le corps de génie, De toute évidence, il vint au Canada en 1683, sous le nom de guerre de « La Liberté », comme soldat et arpenteur dans les troupes de la marine ; il prit part à la campagne que mena Le Febvre* de La Barre contre les Iroquois en 1684, et aux attaques que dirigea le chevalier de Troyes*, en 1686, contre des postes anglais de la baie d’Hudson. Après sa conversion au catholicisme en 1687, il reçut son brevet d’officier et c’est comme enseigne qu’il participa à plusieurs campagnes contre les Iroquois et les Anglais, sans oublier le siège de Québec par Phips* ; il surveilla aussi la construction de divers ouvrages de fortification : travaux de remblai ou élévations de palissades. Promu lieutenant réformé, à la requête de Buade* de Frontenac, en 1691, il poursuivit ses travaux d’arpentage et de construction tout en remplissant ses autres charges militaires. Bochart de Champigny a dit de lui qu’il était « bon officier et honnête homme ». En 1700, maintenant arpenteur dûment reconnu, il entreprenait, pour 9 000#, la construction d’un canal, à Lachine, pour le compte des Sulpiciens [V. Dollier]. Mais il semble que son relevé topographique n’ait pas été tout à fait au point car, entre autres choses, il n’avait pas prévu la masse de plein roc qu’il faudrait extraire et transporter, et le canal ne fut pas achevé.

Catalogne fut promu lieutenant en 1704, puis il prit piirt à l’incursion qu’Auger de Subercase dirigea contre Saint-Jean de Terre-Neuve en 1705 ; il aida en outre à consolider les défenses de la colonie sur la voie d’invasion que constituait la rivière Richelieu. Son relevé cartographique détaillé des trois « gouvernements » du Canada sera d’une grande importance pendant la guerre de 1703–1713 ; commencé aux environs de 1708, ce travail a été couronné par les célèbres relevés de 1712 et de 1715. Pendant la même période, Catalogne chercha à faire reconnaître par l’Académie des Sciences les conclusions de deux études scientifiques : l’une, présentée en 1706, sur la longitude et la dérivation des navires, et l’autre en 1710, sur une méthode de sondage. L’académie ne crut pas pouvoir les adopter. Les intendants Jacques et Antoine-Denis Raudot, fortement impressionnés par ses travaux, le recommandèrent au grade de capitaine, mais la cour se contenta de le nommer sous-ingénieur avec un supplément annuel de 200#. Il occupa cette fonction à Montréal de 1712 à 1720 ; il y dressa des plans et des cartes et dirigea les travaux de l’enceinte tout en prêtant, à l’occasion, son concours aux travaux à Québec. Lentement il gravit les échelons de l’ancienneté pour atteindre, en 1720, la deuxième place sur la liste des candidats au grade de capitaine.

Cette même année, le comte de Saint-Pierre, propriétaire de l’île Saint-Jean (île du Prince-Édouard), sollicita les services de Catalogne, « un très bon sujet, Entendu aux Travaux nécessaires, et plus propre qu’un autre pour un pareil Etablissement ». Catalogne seconda Saint-Pierre jusqu’à ce qu’il reçoive finalement, en 1723, la promotion tant recherchée, soit le grade de capitaine et le commandement d’une des compagnies en garnison à Louisbourg. Il perdait toutefois, de ce fait, le titre et le traitement de sousingénieur. Pendant les années 1722 et 1723, il fit un séjour au Canada, pour régler diverses transactions immobilières, et s’associa à Jean-Baptiste Maillou*, dit Desmoulins, entrepreneur en bâtiments de Québec, dans le but de soumettre des estimations inférieures à celles d’Isabeau et d’enlever le contrat de certains travaux à Louisbourg. En novembre 1724, il assurait à Maurepas que, loin d’entrer en conflit avec ses devoirs militaires, une association de cette nature ne pouvait que servir les intérêts de sa charge et de plus lui apporter le supplément de revenu qui lui était nécessaire pour subvenir aux besoins de sa nombreuse famille demeurée au Canada.

De toute évidence, l’ambiance de l’île Saint-Jean plaisait davantage à Catalogne que celle de Louisbourg ; il ne pouvait imaginer meilleur arrangement que d’y commander une compagnie. Aussi, comme les offres de Maillou n’avaient pas abouti, Catalogne informa le ministre que les habitants de l’île, maintenant redevenue partie du domaine royal, désiraient qu’il en prît le commandement. Il pourrait le faire de façon économique si, ainsi qu’il le suggérait, il recevait un montant forfaitaire pour la nourriture et le vêtement de sa compagnie : il achèterait alors des vivres et des vêtements au plus bas prix possible à Louisbourg et les accumulerait pendant deux ans dans de grands entrepôts bâtis à cette fin. Il n’entrait toutefois pas dans les vues du ministre d’augmenter la faible garnison de l’île Saint-Jean et de lui donner les effectifs d’une compagnie ; aussi ne fut-il pas impressionné par le projet de Catalogne.

Catalogne nourrissait trop d’ambitions pour se contenter de la vie de garnison à Louisbourg. Il avait donc fait l’acquisition, sur la rivière Miré (Mira River), d’une propriété dont il exploitait les carrières de pierre calcaire et le sol fertile ; il y cultivait de l’orge, des céréales, plusieurs sortes de légumes, du melon et du tabac. Il avait appris, à ses dépens, que l’agriculture dans certaines régions de l’île Royale (île du Cap-Breton) était possible mais coûteuse si la Main-d’œuvre engagée était insuffisante. Mais, à- la rivière Miré, disait-il, on pouvait faire vivre 500 familles et il était possible d’y élever, avec profit, du bétail importé.

À sa mort, Catalogne possédait des propriétés à Louisbourg, sur la rivière Miré, à Québec et à Montréal. Sa propriété de Québec, le fief des Prairies Marsolet, avait d’abord été concédée au grand-père de sa femme, Nicolas Marsolet* ; il avait acquis des Sulpiciens, en 1690, une propriété à Montréal, située sur la rivière Saint-Pierre. Naturellement, la propriété foncière revêtait une grande valeur pour l’auteur des relevés de 1712 et de 1715, arpenteur par profession, mais l’évaluation de ses biens immobiliers personnels nous demeure inconnue.

Les cartes et les plans de Catalogne, ses relevés de 1712 et de 1715 sur les seigneuries, et son Recueil de ce qui sest passé au Canada, au sujet de la guerre tant des Anglais que des Iroquois, depuis lannée 1682, constituent, sans contredit, son héritage le plus important. Ses relevés et ses cartes n’ont pas tous été conservés et il existe sans doute d’autres cartes dont il est l’auteur et qui ne lui sont pas attribuées. Il subsiste toutefois une carte en trois sections du « gouvernement » de Québec et une autre en deux sections du « gouvernement » de Trois-Rivières, toutes deux datées de 1709 et exécutées par Jean-Baptiste de Couagne, qui illustrent les parties correspondantes du relevé des seigneuries que Catalogne a effectué en 1712, en indiquant les limites des concessions et le nom des familles seigneuriales. Les cartes du district de Montréal n’existent plus. D’autres documents, œuvres de Catalogne, ont été préservés : un plan de Montréal et une carte en deux sections du fleuve Saint-Laurent publiée à Paris en 1723 par les soins de Moullart Sanson, géographe du roi. Il existe aussi des preuves que Catalogne a dressé un plan de Chambly en 1711 et un autre de l’enceinte de Montréal en 1715.

Le relevé des seigneuries que Catalogne a d’abord effectué en 1712 puis revisé en 1715 découlait d’une étude achevée en 1708 et se limitait au gouvernement de Montréal. Catalogne, qui avait entrepris lui-même le travail avec l’appui de l’aîné des Raudot, demanda au ministre s’il croyait qu’il était du bon plaisir du roi qu’il fit le relevé de toutes les seigneuries du Canada. Pontchartrain était d’avis qu’il pouvait en partager la tâche avec Levasseur de Neré et Dubois* Berthelot de Beaucours, cependant toute discrétion en cette affaire était laissée aux frères Raudot. Ceux-ci ont préféré que Catalogne effectue seul tout le travail. De cette décision découlent sans doute certaines lacunes dans le relevé, car Catalogne devait quand même continuer à remplir ses autres charges ; de fait, il invoqua le manque de temps pour s’excuser de n’avoir pas réussi à relever toutes les terres en culture et d’avoir omis certaines seigneuries.

Ce travail a été accompli dans le but de fournir un relevé du Canada, gouvernement par gouvernement, seigneurie par seigneurie, en indiquant « les productions naturelles et accidentelles et la qualité et propriété des terres ». Il y était noté que plusieurs seigneuries n’avaient pas été mises en valeur, confirmant ainsi les raisons qui avaient motivé l’édit de Versailles de 1711 ordonnant le retour au roi des seigneuries inexploitées, et aux seigneurs, des rotures laissées incultes. Cependant, Catalogne n’a tenté ni de décrire les terres inexploitées, ni de fournir des explications sur leur état d’inculture. Le relevé revisé de 1715 (qui, à l’encontre du rapport de 1712, n’a pas été publié) corrigeait certaines erreurs et indiquait « les seigneuries où s’exercent la justice [...] » ; son but premier était toutefois de rendre le document plus pratique en attirant l’attention sur les améliorations qu’il était possible d’entreprendre et de mener à bonne fin.

Ces relevés n’étaient pas une panacée, mais ils fournissaient, sur la topographie du sol et ses ressources, des renseignements qui étaient en grande partie inconnus des administrateurs et des dirigeants de l’époque.

Le Recueil est à la fois un mémoire et une chronique rédigée à partir de ouï-dire : il réunit les défauts et les avantages de ce genre d’écrit, c’est-à-dire le manque d’objectivité et l’inexactitude des souvenirs, mais aussi des détails inédits qui complètent les documents de l’époque. Le Recueil, qui n’a certainement pas été rédigé avant l’automne de 1716, offre une version des événements de 1682 à 1716. Il est valable pour les détails qu’il fournit sur les événements de cette période, notamment les engagements militaires auxquels Catalogne a pris part : attaques des forts de la baie James en 1686 et de Saint-Jean en 1705 ; il revêt aussi un grand intérêt par les jugements de valeur que Catalogne porte sur quelques-uns de ses contemporains. Sur d’autres points, il est, par ailleurs, sujet à caution.

F. J. Thorpe

On trouve au BM et à la BN les cartes et les plans attribués à Catalogne ; les APC en ont aussi une copie (voir plus bas). Une autre carte, représentant Montréal et conservée aux Archives du Comité technique du Génie à Paris, pourrait également être de Catalogne. On a émis l’hypothèse que le plan de Montréal (voir plus bas) est une copie réduite du plan de 1707 qui n’a pu être retrouvé.

Le Recueil de Gédéon de Catalogne est aux AN, Col., F3, 2, ff.100–129. Il a été publié par la Société historique et littéraire de Québec en 1871 et en 1883 dans Coll. de manuscrits relatifs à la N.-F., I, mais la reproduction est moins complète et moins fidèle que celle de Le Blant. Ce dernier a décrit dans son ouvrage ces deux publications antérieures (pp. 154–156)  [f. j. t.].

AJM, Greffe de Joseph-Charles Raimbault, 19 juin 1726, 25 et 31 août 1728, 15 févr. et 26 juin 1730, 9 août 1731, 13 mars 1732 ; Greffe de Jean-Baptiste Pottier, 2 févr. et 9 août 1690, 31 oct. 1700 ; Greffe de Claude Maugue, 24 oct. 1692 ; Greffe de Jacques David, 28 juill. et 22 sept. 1721.— AJQ, Greffe de François Genaple, 3 juin 1696.— AN, Col., B, 29, ff.124v., 334v., 335s., 400s. ; 33, f.162 ; 34, ff.344, 461v.–463v. ; 35, f.306v. ; 40, ff.490s. ; 41, ff.533v., 534s., 45, f.293v. ; 48, f.973 ; 49, f.722v. ; 52, f.593v. ; 58, f.483 ; Col., C11A, 20, f.74 ; 24, f.163 ; 28, ff.250s. ; 33, ff.15s., 209s. ; 34, ff. 113–114v., 328v. ; 120, f. 180 ; Col., C11B, 5, f.13 ; 7, f.12 ; Col., C11C, 16, ff.13s. ; Col., C11E, 13, ff.156s. ; Col., D2C, 47 ; 57, ff.29, 54 ; 60, f.3v. ; Col., C11G, 3, ff.159s., 183 ; 4, ff.97s. ; Col., E, 65, pièces 2, 3, 5, Il ; Col., F3, 2, ff.358s. ; 6, ff.392s. ; Section Outre-Mer, G1, 406.-APC, Map. Div., H2–312 [1708] (BM, King’s Map CXIX, 22) ; H3–340 ; H12–1112 (1723) ; V2/300 (1709), Sheets I-V (BN, Cartes et Plans, Portefeuille 127, Div. 2, pièces I-V).— M. de Catalogne et le canal de la rivière Saint-Pierre, BRH, XIII (1907) : 88–90.— Documents Relating to the Seigniorial Tenure in Canada, 1598–1854, William B. Munro, édit. (« Champlain Society Publications », III, 1909) : 94–151.— P.-G. Roy, Inv. coll. pièces jud. et not., I : 66 ; II : 310.— Trudel, Atlas de la Nouvelle-France/An Atlas of New France (Québec, 1968).— Harris, The Seigneurial System.— Robert Le Blant, Histoire de la N.-F., 87–272.— Ægidius Fauteux, Gédéon de Catalogne, La Patrie (Montréal), 9 juin 1934 : 40–42.— E. Manceau, Étude sur l’origine des canaux, RC, LXVI (1908) : 432s.— M.-M. Azard-Malaurie, Commentaires et réflexions sur quelques documents de l’exposition « L’Amitié franco-canadienne » organisée à Montréal et à Québec en 1967, RHAF, XXI (1967–68) : 770–772.

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F. J. Thorpe, « CATALOGNE (Catalougne), GÉDÉON (DE) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/catalogne_gedeon_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
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