Titre original :  Margaret Addison, young woman. Image courtesy of Victoria University Archives (Toronto, Ont.).

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ADDISON, MARGARET ELEANOR THEODORA, éducatrice, auteure d’un journal intime et doyenne, née le 21 octobre 1868 à Horning’s Mills, Ontario, aînée des cinq enfants du révérend Peter Addison et de Mary Ann Campbell ; décédée célibataire le 18 décembre 1940 à Toronto.

Fille d’un ministre de l’Église méthodiste du Canada et d’une ancienne institutrice, Margaret Eleanor Theodora Addison fut profondément influencée par les convictions de ses parents, qui croyaient que l’éducation était un guide moral et spirituel. La famille déménageait tous les trois ans, comme l’exigeait la règle de l’itinérance imposée aux prédicateurs méthodistes. Margaret Eleanor Theodora commença ses études secondaires à Richmond Hill, en Ontario, et les termina à Newcastle. En 1885, elle s’inscrivit à ce qui était alors la Victoria University à Cobourg, établissement dirigé par Samuel Sobieski Nelles*, puis par Nathanael Burwash*. Sixième femme à obtenir un diplôme de la Victoria University, Mlle Addison obtint en 1889 sa licence ès arts en langues modernes et remporta la médaille d’argent. Elle enseigna principalement les mathématiques et la chimie à l’Ontario Ladies’ College de Whitby (1889–1891) avant de devenir spécialiste du français et de l’allemand au Stratford Collegiate Institute (1892–1900) et au Lindsay Collegiate Institute (1901–1903).

Pour les jeunes femmes méthodistes de cette époque, l’un des obstacles à l’accès aux études supérieures était la réticence de leurs parents à les loger dans des pensions (en particulier après le déménagement du Victoria College, qui s’installa à Toronto en 1892 à la suite de sa fédération avec la University of Toronto). Pas plus tard qu’en 1895, la femme du président de la Victoria University, Margaret Burwash, avait proposé la construction d’une résidence pour femmes : un foyer bien géré auquel les parents pourraient confier leurs filles. Mlle Addison comptait parmi les partisans les plus fervents de Mme Burwash. Elle écrivit des lettres, prononça des discours et se déclara « prête à faire tout ce qui était moralement acceptable pour aider à la mise sur pied de la résidence ». En 1896, Hart Almerrin Massey* légua par testament 50 000 $ pour la réalisation du projet. L’année suivante, une association commémorative nommée en l’honneur de la méthodiste Barbara Heck [Ruckle*] fut établie pour recueillir plus de fonds et, en 1898, la Victoria College Alumnae Association prit la relève, avec Mlle Addison comme présidente.

En 1900, entre deux contrats d’enseignement, Mlle Addison passa plusieurs mois à voyager en Europe avec sa sœur, Mary Agnes Charlotte W. ; elles terminèrent leur périple par une visite de six semaines à Cambridge et à Oxford, en Angleterre. Pendant ce séjour, Mlle Addison se livra à une étude approfondie des collèges féminins, en amassant des idées pour la résidence du Victoria College et peut-être en se préparant au cas où on lui demanderait d’y jouer un rôle. Auteure prolifique de journaux, lettres et rapports, elle tint un journal intime détaillé dans lequel elle nota son admiration pour les groupes de femmes instruites qu’elle rencontrait. Elle répondait avec enthousiasme aux responsables de collèges qu’elle interviewait et, plus tard, se qualifierait d’« humble disciple de ces grandes dirigeantes ».

Annesley Hall, première résidence universitaire pour femmes au Canada, ouvrit finalement ses portes en 1903 et Mlle Addison en fut nommée doyenne. Pendant près de trois décennies, elle agirait avec tact, réussissant ainsi à faire accepter, par une Église prudente, l’éducation universitaire pour les femmes, tout en s’efforçant de créer un milieu culturel et spirituel qui élargirait les horizons des étudiantes. Au début, routines et règles de conduite furent établies. Les repas étaient protocolaires – le déjeuner et le souper étaient suivis de prières – et les lumières devaient être éteintes à 11 heures du soir au plus tard. La pureté des jeunes résidentes était sous stricte surveillance. Les portes principales étaient verrouillées après le souper ; on ne pouvait sortir pour la soirée qu’avec une permission, qui était accordée, entre autres, selon le lieu où l’on désirait se rendre et selon la présence d’un chaperon convenable. Les messieurs pouvaient franchir le seuil de la résidence les deuxième et quatrième vendredis soirs de chaque mois ou le dimanche après l’office.

Quelques étudiantes se rebellèrent contre ce régime. Comme Mlle Addison en fit part au comité de direction des femmes, la première année, marquée par une désobéissance et un égoïsme incontrôlables, fut désastreuse. En conséquence, Mlle Addison instaura la responsabilité étudiante à titre expérimental au cours des deux années suivantes et, en 1906, créa l’Annesley Student Government Association, qui rendait les résidentes en partie responsables de la modification et de l’application des règlements. Son mandat comportait notamment l’éducation des jeunes femmes à la citoyenneté et elle croyait que l’association contribuerait à l’atteinte de ce but. Elle organisa également la venue de conférenciers, dont la suffragette britannique Emmeline Pankhurst, la paléobotaniste Marie Charlotte Carmichael Stopes et James Shaver Woodsworth*, ministre méthodiste qui travaillait auprès des pauvres à Winnipeg. Mlle Addison accompagnait également les filles au concert et au théâtre, encourageait leur goût de l’art et favorisait l’éducation physique, secteur que dirigeait Emma Priscilla Scott.

La carrière de Mlle Addison fut secouée par des orages et perturbations autres que l’insubordination étudiante. Croyant qu’un contrat d’enseignement au Victoria College lui permettrait d’affirmer son autorité, elle accepta un poste de chargée de cours en allemand en janvier 1906 et devint ainsi l’une des premières femmes à occuper ce type d’emploi au Canada. Malheureusement, en raison de malentendus sur son statut et sa rémunération, elle enseigna pendant moins de deux ans ; ultérieurement, son inclusion sur la liste des professeurs serait seulement nominale. Sa gouvernance fut examinée de très près en 1911–1912, quand Burwash ouvrit une enquête à la suite d’allégations de laxisme, selon lesquelles des filles se promenaient d’une chambre à l’autre jusqu’à minuit et filaient aux salles de danse sans chaperons. Mais, appuyée par la Victoria College Alumnae Association, Mlle Addison défendit avec succès son administration et la gestion étudiante ; son autorité surpassa ainsi celle des membres du comité de direction, qui avaient jusque-là supervisé la résidence. En 1920, on restructura la résidence, apparemment dans le but de mettre fin au règne de Mlle Addison, considérée vieux jeu, surtout par Charles Vincent Massey*, qui était à l’époque doyen de la résidence des hommes, et sa femme, Alice Stuart, membre du comité de direction. Mlle Addison fut nommée doyenne des femmes, responsable de toutes les étudiantes du collège. Elle reçut un salaire de 2 500 $ (une amélioration par rapport au 700 $ plus logement fourni de ses débuts, en 1903), mais on lui demanda de libérer les pièces qu’elle occupait à Annesley Hall. L’édifice fut redivisé et on en donna une partie à des étudiantes externes, ce qui affaiblissait les idéaux de foyer et de communauté originaux. L’arrangement ne s’avéra pas satisfaisant ; pour Mlle Addison, c’était un exemple de « l’autocratie des hommes dans les affaires des femmes », alors que « le Victoria College [devait] montrer que les femmes sav[aient] gérer l’éducation des femmes mieux que les hommes ». Dès l’automne de 1921, Mlle Addison revint à Annesley Hall, et Mme Massey démissionna du comité.

L’issue de ces deux controverses porte à croire que Mlle Addison avait réussi à trouver un compromis. Comme elle l’expliqua dans un rapport de 1922, les femmes n’étaient que tolérées dans des établissements comme l’université : « Jamais elles ne pouvaient devancer l’opinion publique quant à leur liberté. Mais à mesure que l’opinion publique changeait, leur liberté put s’accroître. » Mlle Addison fut capable d’évoluer avec son époque : elle permit la danse à la résidence en 1926 et assouplit progressivement les règlements. Quel que serait le rôle futur des femmes, elle croyait que les connaissances et la formation étaient primordiales, et que les femmes devaient utiliser leurs forces et talents particuliers dans toutes leurs entreprises.

Tout au long des années qu’elle passa à Annesley Hall, Mlle Addison demeura active au sein de la Victoria College Alumnae Association et du University Women’s Club. Elle avait également maintenu ses relations avec l’Ontario Ladies’ College et était membre de l’Ontario Educational Association. Après avoir pris sa retraite en 1931, elle continua de travailler auprès de la Young Women’s Christian Association, de la Woman’s Missionary Society et de l’Église unie du Canada, dont l’Église méthodiste faisait partie depuis 1925 [V. Samuel Dwight Chown].

La contribution de Margaret Eleanor Theodora Addison à l’éducation des femmes finit par être reconnue : la University of Toronto lui décerna un doctorat honorifique en droit en 1932 et elle fut nommée commandeur de l’ordre de l’Empire britannique en 1934. Fait encore plus important, Annesley Hall fournirait un modèle et un guide à nombre de futures résidences pour femmes au Canada. À l’âge de 72 ans, tourmentée depuis des années par des maux de tête et un épuisement nerveux, Mlle Addison mourut d’une hémorragie cérébrale. Au Victoria College, où, au début du xxie siècle, Annesley Hall héberge encore des étudiantes, son héritage survit grâce à la bourse Margaret Addison pour les femmes qui poursuivent des études supérieures à l’extérieur du Canada et au nom d’une autre résidence inaugurée en 1959 : Margaret Addison Hall.

Jean O’Grady

Margaret Eleanor Theodora Addison est l’auteure de Diary of a European tour, 1900, Jean O’Grady, édit. (Montréal et Kingston, Ontario, 1999). Elle a aussi écrit plusieurs articles de journaux. Les plus importants sont les suivants, parus dans Acta Victoriana (Toronto) : « Education and our relation to it as graduates », 22 (octobre 1898–mai 1899) : 497–501 ; « Glimpses of education in Europe », 24 (octobre 1900–mai 1901) : 301–304 ; et « Some women’s colleges », 28 (octobre 1904–juin 1905) : 516–518 ; et des articles sur le Japon publiés dans le Missionary Monthly (Toronto) en janvier 1933 : 9–11 ; mars 1933 : 105–107 ; avril 1933 : 157–159 ; mai 1933 : 200–202 ; et « In time of war prepare for peace », sér. en 9 part., parue entre octobre 1936 et janvier 1941.

Arch. privées, Elizabeth McGregor (St Catharines, Ontario), « The book of the Addisons », 2 vol.— Victoria Univ. Arch. (Toronto), Fonds 2067, 90.141V, ser. 1, boxes 1–2 ; ser. 2, box 3 ; Fonds 2069, 90.064V, ser. 2 ; Fonds 2097, 87.168V.— Gertrude Rutherford, « Dean of women », United Church Observer (Toronto), 15 janv. 1941 : 22, 29.— In memoriam Margaret Addison, 1868–1940 (Toronto, 1941).— Jean O’Grady, Margaret Addison : a biography (Montréal et Kingston, 2001).— J. M. Selles, « Margaret Addison and Annesley Hall », dans son Methodists and women’s education in Ontario, 1836–1925 (Montréal et Kingston, 1996), 182–207.— C. B. Sissons, A history of Victoria University (Toronto, 1952).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Jean O’Grady, « ADDISON, MARGARET ELEANOR THEODORA », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/addison_margaret_eleanor_theodora_16F.html.

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Auteur de l'article:    Jean O’Grady
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2017
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