ARMSTRONG, JAMES SHERRARD, avocat et juge, né à Sorel, Bas-Canada, le 27 avril 1821, fils du capitaine Charles Logie Armstrong et de Marjory (Margery) Ferguson, décédé au même endroit le 23 novembre 1888.

James Sherrard Armstrong appartenait à une famille de Loyalistes américains venue s’installer à Yamachiche, Québec, à l’automne de 1778 [V. Conrad Gugy*]. Admis au barreau le 12 février 1844, Armstrong exerça sa profession à Montréal pendant quatre ans. C’est vraisemblablement en 1847 qu’il épousa Marie-Anne-Charlotte Olivier, nièce de François Boucher, seigneur de Carufel et d’une partie de la seigneurie de Maskinongé.

Très tôt, le jeune avocat s’intéressa à la propriété foncière. Le 22 septembre 1848, il acheta l’arrière-fief Hope (Saint-Didace, Québec) et loua de Charles Edward Dunn, propriétaire de la seigneurie de Lanaudière, le manoir et les moulins situés dans la concession de Crête-de-Coq (Sainte-Ursule, Québec). Il s’y établit dès la fin de 1848. En 1857, Armstrong décida de s’installer à Sorel où il poursuivra la plus grande partie de sa carrière d’avocat. En 1864, il fut nommé substitut du procureur général pour le district de Richelieu et il forma, en 1867, une société légale avec Charles-Ignace Gill, plus tard juge de la Cour supérieure.

Les activités juridiques d’Armstrong ne l’empêchèrent pas de continuer à s’intéresser à la propriété foncière. Outre l’arrière-fief Hope qu’il conservera jusqu’à sa mort, Armstrong acheta les cens et rentes de la seigneurie de Sorel, en 1871, et ceux de la seigneurie de Gentilly, en 1885. Il vendit ces droits le 15 juillet 1886. Durant plusieurs années, il sera aussi président du chemin de fer Montréal-Sorel.

Ce profil de carrière n’a rien de bien spectaculaire jusqu’ici. C’est celui d’un avocat rural qui gravit par étapes les échelons de sa profession. Cependant, en novembre 1871, Armstrong fut nommé juge en chef de l’île Sainte-Lucie, dans les Antilles. Ancienne colonie française cédée à la Grande-Bretagne en 1803, l’île Sainte-Lucie avait conservé un système juridique hérité de la Coutume de Paris. Cependant, il n’existait aucun code civil, et la Coutume de Paris avait subi des modifications sous Louis XVI par suite des pressions républicaines. Par ailleurs, les juges anglais nommés à Sainte-Lucie après la cession de l’île n’avaient aucune connaissance des lois françaises. Le chaos juridique le plus complet existait donc au moment de la nomination d’Armstrong. Ce dernier s’appliqua, avec la collaboration de sir George William Des Vœux, administrateur de Sainte-Lucie, à adapter les lois civiles françaises de la province de Québec à cette île des Antilles. Le juge Armstrong mit au point la version anglaise du Code civil du Bas-Canada et rédigea également un Code de procédure, inspiré de celui du Bas-Canada, après avoir apporté quelques modifications nécessitées par le contexte local.

Mais le juge Armstrong avait des ambitions personnelles au Canada. En décembre 1881, il démissionna donc de son poste de juge en chef de Sainte-Lucie, après avoir reçu du premier ministre sir John Alexander Macdonald* l’assurance qu’il obtiendrait un poste semblable au Canada. Macdonald n’ayant pas donné suite à sa promesse, le juge Armstrong exprima son amertume à quelques intimes, sans pour autant manifester publiquement sa déception. Sa fidélité au parti conservateur finit par être récompensée partiellement par sa nomination à la présidence de la Commission royale d’enquête sur les relations entre le capital et le travail au Canada, le 7 décembre 1886.

Rien ne préparait Armstrong à la présidence de l’une des plus importantes commissions royales d’enquête du xixe siècle. Ses antécédents ruraux, ses intérêts dans le chemin de fer Montréal-Sorel, sa dépendance à l’égard du parti conservateur n’avaient rien pour faciliter, sinon son objectivité, du moins sa compréhension des problèmes liés au prolétariat urbain et à l’industrialisation naissante. Aussi, eut-il du mal à imposer son autorité aux deux factions qui s’étaient formées chez les commissaires dès le début des audiences publiques. La commission d’enquête, instituée par Macdonald, compta jusqu’à 16 membres. Ces derniers se partageaient en deux groupes : d’un côté, des journalistes et des représentants du milieu des affaires, et de l’autre, des représentants du monde ouvrier et des Chevaliers du travail. Ces militants pro-ouvriers accusaient l’autre faction, de mentalité libérale, de favoriser le patronat.

Plusieurs conflits éclatèrent en public lors des audiences. Le juge Armstrong, appuyé par les commissaires Augustus Toplady Freed, journaliste et rédacteur en chef du Hamilton Spectator depuis 1881, et Michael A. J. Walsh, s’opposa au secrétaire de la commission, Alfred H. Blackeby, et au commissaire Patrick Kerwin, lors des séances tenues à Montréal et à Québec. Ces affrontements eurent des échos dans la presse. Des journaux conservateurs comme la Justice de Québec et la Vérité de Montréal prirent le parti du président de la commission qu’ils considéraient comme un juge impartial. Par contre, les journaux ouvriers anglophones tels le Canadian Workman Newspaper, de Montréal, et le Canadian Labor Reformer, de Toronto, lancèrent des attaques véhémentes contre Armstrong, l’accusant de partialité en faveur des patrons.

Tout au long de l’enquête, le président Armstrong, par ses interventions, avait tenté de calmer les antagonismes, de peur sans doute que les patrons surtout fussent attaqués, suscitant ainsi le mécontentement des milieux d’affaires et du gouvernement conservateur de Macdonald. Il n’acheva pas son mandat à la présidence de la commission, car il mourut subitement le 23 novembre 1888 ; le commissaire Freed le remplaça. N’ayant pu se mettre d’accord, les deux factions de la commission présentèrent deux rapports parallèles mais assez semblables, en février 1889.

Quoique la contribution du juge Armstrong aux travaux de la commission soit difficile à évaluer, il ne semble pas qu’elle ait été déterminante. À cet égard, l’apport du commissaire Jules Helbronner* et de quelques autres commissaires demeure beaucoup plus important, en particulier au niveau de la rédaction des annexes du rapport. De tendance conservatrice, au sens politique et idéologique, le juge Armstrong fut violemment pris à partie par les journaux ouvriers anglophones de Montréal et de Toronto pour sa complaisance à l’égard des patrons. Par ailleurs, au début de l’année 1888, la Compagnie de filature de coton d’Hochelaga (Hochelaga Cotton Manufacturing Company) le poursuivit en libelle diffamatoire pour avoir fait une déclaration concernant l’immoralité des ouvrières de cette fabrique. Ce fait illustre bien l’attitude réactionnaire des milieux d’affaires de l’époque à l’égard de la question ouvrière.

Fernand Harvey

James Armstrong, A treatise on the law relating to marriages, in Lower Canada (Montréal, 1857) ; Laws of intestacy, in the dominion of Canada (Montréal, 1885).

APC, MG 26, E, 7 : 3 158–3 161, 3 175–3 177 ; MG 30, D1, 11 : 424–428, 432.— AC, Richelieu (Sorel), État civil, Anglicans, Christ Church (Sorel), 27 avril 1821, 23 nov. 1888.— Canada, Commission royale sur les relations du capital avec le travail, Rapport (5 vol. en 6, Ottawa, 1889), Québec [II].— Canadian Labor Reformer (Toronto), 25 févr., 10 mars 1888.— Canadian Workman Newspaper (Montréal), 18 févr. 1888.— Gazette, 17 févr. 1888.— La Minerve, 26 nov. 1888.— La Presse, 24 nov. 1888.— La Vérité (Québec), 17 mars 1888.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose), 11 : 325s.— « Références biographiques canadiennes », BRH, 48 (1942) : 155s.— P.-G. Roy, Inventaire des concessions en fief et seigneurie, fois et hommages et aveux et dénombrements, conservés aux Archives de la province de Québec (6 vol., Beauceville, Québec, 1927–1929), II : 272.— Fernand Harvey, Révolution industrielle et travailleurs ; une enquête sur les rapports entre le capital et le travail au Québec à la fin du 19e siècle (Montréal, 1978), 44–46.— Duvern [Richard Lessard], « L’arrière-fief Hope », BRH, 33 (1927) : 307–309 ; « James Armstrong, 1819–1888, juge », L’Echo de Saint-Justin (Louiseville, Québec), 28 nov. 1940 : 1.

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Fernand Harvey, « ARMSTRONG, JAMES SHERRARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/armstrong_james_sherrard_11F.html.

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Auteur de l'article:    Fernand Harvey
Titre de l'article:    ARMSTRONG, JAMES SHERRARD
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
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