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ARSAC DE TERNAY, CHARLES-HENRI-LOUIS D’, officier de marine, né le 27 janvier 1723, probablement à Angers, France, fils de Charles-François d’Arsac, marquis de Ternay, et de Louise Lefebvre de Laubrière, décédé célibataire, le 15 décembre 1780, à bord du Duc de Bourgogne en rade à Newport, Rhode Island.
Charles-Henri-Louis d’Arsac de Ternay fut admis dans l’ordre de Malte, comme page du grand maître, le 12 décembre 1737, alors qu’il n’avait pas 15 ans. Entré dans le corps des gardes-marine à Toulon, France, en octobre 1738, il fut nommé sous-brigadier le 10 octobre 1743, puis enseigne de vaisseau le 1er janvier 1746. Il séjourna à Malte de 1749 à 1752 avant de devenir lieutenant de vaisseau à Toulon, en février 1756. Enfin, le 10 janvier 1761, il accéda au grade de capitaine de vaisseau et prit, à Brest, le commandement du Robuste.
La capitulation de Montréal, en septembre 1760, avait pratiquement sonné le glas de la présence française en Amérique du Nord. Mais la guerre continuait sur les champs de bataille européens et le duc de Choiseul, ministre de la Guerre, de la Marine et des Colonies, cherchait à inquiéter les Britanniques tant sur mer qu’outre-mer. À la fin de 1761, il élabora un vaste plan de campagne dans le but d’intercepter les vaisseaux de pêche britanniques sur les bancs de Terre-Neuve, l’année suivante, et même d’attaquer le Canada en 1763. Ternay fut choisi pour prendre la tête de l’expédition initiale qui avait comme objectifs immédiats de s’emparer de St John’s de Terre-Neuve, de « faire le plus de mal que l’on pourrait aux Anglais [et de pousser] si possible jusqu’à l’île Royale [île du Cap-Breton] pour y insulter les Anglais ».
Préparée dans le plus grand secret (seul Ternay connaissait sa vraie destination), l’expédition rassemblait 750 soldats – dont 161 Irlandais qui devaient former le noyau d’un bataillon recruté parmi les pêcheurs irlandais de Terre-Neuve – répartis sur deux vaisseaux, une frégate et deux flûtes. Elle appareilla de Brest le 8 mai 1762. Arborant les couleurs britanniques afin de ne pas donner l’alarme, les cinq navires mouillèrent le 23 juin à Bay Bulls, à 20 milles au sud de St John’s. Le lendemain, les troupes d’infanterie, commandées par le colonel Joseph-Louis-Bernard de Cléron d’Haussonville, débarquèrent sans coup férir et se mirent aussitôt en route vers St John’s. La garnison de l’endroit était faible et, le 27, le drapeau blanc fleurdelisé flottait sur le fort William. Ternay et ses marins entreprirent la destruction systématique des établissements britanniques : toutes les pêcheries furent détruites et 460 navires de tout tonnage, pris ou coulés. On estime à plus de £1 000 000 les dommages ainsi causés aux Britanniques.
Les Français s’installèrent à Terre-Neuve avec la certitude d’y rester au moins jusqu’à l’année suivante, pensant que les Britanniques ne tenteraient rien avant le printemps. Mais, ayant appris dès le 15 juillet le coup de force des Français, Amherst, commandant en chef des troupes britanniques en Amérique du Nord, décida de les déloger incontinent. Il confia à son frère, le lieutenant-colonel William Amherst, le commandement de sept navires sur lesquels devaient embarquer 1500 soldats britanniques et américains des garnisons de New York, Halifax et Louisbourg, île du Cap-Breton. Partis de Louisbourg le 7 septembre, ces navires rejoignirent la flotte du commodore lord Colvill*.
Déjà inquiété par la présence de Colvill qui patrouillait dans les parages depuis le 25 août, Ternay avait proposé à d’Haussonville d’embarquer les grenadiers et de ne laisser au fort William que les fusiliers de la Marine, pour obtenir une capitulation honorable en cas d’une attaque massive des Britanniques ou pour y rester tout l’hiver s’il ne s’agissait que d’un danger imaginaire. Cependant, à la vue de l’escadre d’Amherst, le 12 septembre, il renvoya les grenadiers à terre « pour s’opposer à l’ennemi ». Le 13 septembre, les troupes britanniques débarquèrent en force à Torbay, à 10 milles au nord de St John’s, sans être gênées par la flotte française. Deux jours plus tard, malgré une résistance acharnée, les Français se virent refoulés dans le fort. Ternay réunit les officiers de marine et les capitaines des grenadiers chez d’Haussonville pour un ultime conseil de guerre. Contre son avis – il préconisait, semble-t-il, l’abandon immédiat du fort –, on décida de laisser momentanément les grenadiers dans le fort ; ceux-ci allaient gagner les vaisseaux en chaloupes au tout dernier moment. Les fusiliers de la Marine, quant à eux, devaient protéger l’opération en empêchant les Britanniques de couper la route d’accès au port. Sur ce, Ternay fit rompre l’estacade qui fermait l’entrée du port et enclouer les canons des batteries menaçant la rade pour que les Britanniques ne pussent s’en servir contre les Français lors de la traversée du goulet.
Cependant, profitant d’un vent favorable, Ternay hâta le départ de sa flotte dans la nuit du 15 septembre. Il ne fut même pas inquiété par les Britanniques car, comme il l’a écrit, « une brume épaisse et des vents d’est frais avaient obligé l’escadre ennemie de prendre le large ». S’il avait réussi à sauver sa division navale au complet. Ternay laissait néanmoins à St John’s, dans une situation désespérée, les fusiliers de la Marine et tous les grenadiers aux ordres d’ Haussonville. Ce dernier dut signer la capitulation, le 18 septembre, avec Amherst. Les Britanniques, qui n’avaient pu intercepter les navires français, prirent leur revanche quelques jours plus tard. Le 22 septembre, ils capturèrent le François-Louis, en route vers St John’s avec un renfort de 93 soldats, et, peu après, le Zéphir, aux ordres du capitaine François-Louis Poulin* de Courval.
C’est seulement le 28 janvier 1763 que Ternay regagna Brest, après avoir été pris en chasse par deux navires britanniques non loin des côtes françaises et avoir réussi à enlever un corsaire britannique avant de chercher refuge dans le port espagnol de La Corogne. Quant à d’Haussonville, il semble qu’à son retour en France, probablement en octobre 1762 conformément aux termes de la capitulation, il se plaignît du départ précipité de Ternay. Celui-ci ne fut cependant pas blâmé car on avait apprécié le fait qu’il eût sauvé sa petite flotte. Par ailleurs, on s’acheminait déjà vers les préliminaires de paix de Fontainebleau entre la France, l’Espagne, et la Grande-Bretagne – signés en fait le 3 novembre 1762.
De 1764 à 1769, Ternay reçut le commandement de divers vaisseaux et, le 16 août 1771, il fut nommé commandant général des îles de France (île Maurice) et Bourbon (île de la Réunion). Le 22 décembre suivant, il accéda au grade de brigadier des armées navales. Chef d’escadre à partir de novembre 1776, Ternay participa à la guerre d’Indépendance américaine à titre d’officier supérieur de la marine au sein de l’expédition du lieutenant général Rochambeau en 1780. Bloqué en rade à Newport par une flotte britannique pendant six mois, il mourut en décembre d’une fièvre putride, après huit jours de maladie. Ayant prononcé les trois vœux monastiques de l’ordre de Malte, il était resté célibataire.
AN, Col., B, 114 ; Marine, B2, 370 ; 371 ; B4, 104 ; C1.— BN,
Georges Cerbelaud Salagnac, « ARSAC DE TERNAY, CHARLES-HENRI-LOUIS D’ », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/arsac_de_ternay_charles_henri_louis_d_4F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/arsac_de_ternay_charles_henri_louis_d_4F.html |
Auteur de l'article: | Georges Cerbelaud Salagnac |
Titre de l'article: | ARSAC DE TERNAY, CHARLES-HENRI-LOUIS D’ |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 11 oct. 2024 |