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BALLANTYNE, THOMAS, instituteur, homme politique, fromager et homme d’affaires, né le 13 août 1829 à Peebles, Écosse, quatrième fils de James Ballantyne, tisserand, et d’Elizabeth Whitson ; le 24 avril 1856, il épousa Mary Ballantyne (décédée en 1902), et ils eurent sept fils et une fille ; décédé le 29 juin 1908 à Stratford, Ontario.

Thomas Ballantyne fit son apprentissage à la boutique de son père à Peebles, mais en 1850, il travaillait dans un magasin coopératif à Innerleithen. Deux ans plus tard, il immigra avec ses parents et sa sœur dans le Haut-Canada et s’installa dans la ferme de son frère aîné dans le canton de Downie, comté de Perth. En 1853, Ballantyne obtint une place d’instituteur dans Downie. Trois ans plus tard, il épousa sa cousine germaine Mary Ballantyne, fille du président du conseil du canton. Manifestement ambitieux, il se fit connaître en défendant la cause de l’instruction – il fonda la première bibliothèque publique de Downie – et en prenant part à l’administration cantonale, à titre de vérificateur en 1855 et de 1859 à 1865, de greffier en 1856–1857 et en 1865–1866, puis de président du conseil en 1867–1868 et de 1870 à 1873. En 1872, il fut le seul président du conseil d’un canton du Sud à appuyer, au conseil du comté de Perth, une proposition en faveur du financement de la construction d’un chemin de fer qui relierait Wiarton à Port Dover en passant par Stratford. Les fermiers du Sud en conclurent qu’il plaçait les intérêts de Stratford au-dessus de ceux de la campagne ; tout au long de sa carrière politique, les habitants des cantons de Blanshard et de Fullarton allaient se méfier de ses intentions.

Pourquoi Ballantyne décida-t-il de fabriquer du fromage ? On ne saurait le dire. Après avoir quitté son poste d’instituteur en 1861, probablement à cause d’un différend au sujet de son salaire, il s’était remis à l’exploitation agricole. On suppose qu’il faisait déjà de la production laitière. C’est peut-être ce qui l’incita à aller visiter la première fromagerie ouverte peu de temps auparavant dans le comté d’Oxford par Harvey Farrington. Il faut dire que le secteur laitier connut une très forte vague d’industrialisation en 1866–1867 : en cette seule année, rien que dans le district de London, quelque 80 manufactures ouvrirent leurs portes. Par tempérament – Ballantyne était tyrannique de nature – et à cause de son expérience dans une entreprise coopérative, fabriquer du fromage lui convenait parfaitement. Après avoir sillonné le nord de l’État de New York, berceau de l’industrie fromagère, il fonda une manufacture près de Sebringville, à un endroit où le ruisseau Black formait un coude. Au début, il s’agissait d’une coopérative dont les capitaux provenaient des fermiers, mais elle ne tarda pas à passer entre les mains d’un seul propriétaire. En 1868, le prix du fromage chuta et l’industrie connut une brève période de décroissance. Profitant du fait que la manufacture ne comptait plus 120 mais 30 coopérateurs, Ballantyne vendit sa ferme et, avec l’aide d’une subvention provinciale, s’en porta acquéreur. L’entreprise demeurerait sous ce régime de propriété jusqu’à ce que le fils de Ballantyne la vende en 1925.

Contrairement à la plupart des industries rurales auxquelles donna naissance le boom agricole de la fin du xixe siècle, l’industrie fromagère produisait pour l’étranger. Presque toute la production des fromageries canadiennes était exportée ; encore au début du xxe siècle, le Canada demeurerait l’un des plus faibles consommateurs de fromage de l’Occident industrialisé. L’industrie fromagère était une affaire d’envergure : en 1875, le fromage se classait au troisième rang des produits agricoles d’exportation du Canada et, dix ans plus tard, au deuxième rang. On ne s’étonnera donc guère que Ballantyne ait pensé tôt à distribuer ce produit à l’étranger. En fait, l’année même où il appuya le financement d’une liaison ferroviaire, c’est-à-dire en 1872, il ouvrit un entrepôt à Stratford et se rendit pour la première fois en Angleterre afin d’y réaliser des ventes. Bien vite, ce fut le succès : dès 1876, à la Philadelphia Centennial International Exhibition, un de ses cheddars de trois ans obtint la meilleure cote d’un jury international et reçut la médaille d’or de la commission canadienne. Dès 1880, le cheddar coloré Black Creek était l’un des fromages nord-américains les plus fameux et les plus chers en Angleterre ; au Canada par contre, il était pour ainsi dire introuvable (on ne le servait que dans quelques hôtels sélects).

Toujours plein de zèle, Ballantyne travaillait à répandre les méthodes auxquelles son fromage devait une telle renommée. La manufacture de Black Creek avait la chance d’avoir eu à son service certains des meilleurs fromagers du pays et d’avoir mis sur le marché un produit qui, pour l’époque, était remarquablement uniforme. En tant qu’exportateur, Ballantyne voulait que le fromage de tous les producteurs soit à la hauteur des mêmes normes. Il promut ses objectifs par l’entremise de la Canadian Dairymen’s Association (à la fondation de laquelle il participa en 1867), puis des associations qui lui succédèrent, la Dairymen’s Association of Ontario et la Dairymen’s Association of Western Ontario, formée en 1877. Il appartint toujours à la direction de ce groupement : il fut membre du conseil de 1867 à 1891, président en 1872–1873, en 1879, en 1882, en 1886–1887 et en 1891, puis président honoraire de 1892 à 1908. Fervent partisan de l’instruction agricole, il convainquit l’association des producteurs laitiers de l’ouest de l’Ontario d’organiser un service d’instructeurs itinérants et contribua largement à la fondation de la Dairy School de Tavistock en 1891. Le maintien du savoir-faire ne le préoccupait pas moins, et c’est pourquoi il prônait la syndicalisation des ouvriers de fromagerie et la création d’un système d’apprentissage. Sa manufacture fut la première à utiliser le test de Babcock, qui déterminait la teneur du lait en matières grasses ; on classait et achetait le lait d’après les résultats de ce test. En 1887, Ballantyne rédigea la loi provinciale qui interdisait aux fermiers d’écrémer leur lait et qui autorisait les inspecteurs de l’association à entrer dans les bâtiments de ferme, à tester le lait et à porter des accusations contre les fermiers s’ils trouvaient là du lait plus riche que celui qui avait été livré à la manufacture. De toute évidence, Ballantyne avait une piètre opinion des fermiers : en fait, il semblait les considérer comme des travailleurs à domicile qui avaient besoin de supervision.

         Grit toute sa vie, Ballantyne tenta une première fois de passer de la scène locale à la scène provinciale en posant sa candidature dans Perth North en 1871, mais il fut battu. Élu en 1875 dans Perth South, il allait représenter cette circonscription durant 19 ans. Même s’il ne fut pas fermier pendant longtemps, beaucoup le considéraient comme un spécialiste des questions rurales, et on le tenait pour un porte-parole important des agriculteurs dans le gouvernement libéral d’Oliver Mowat. De 1891 à 1894, il occuperait la présidence de l’Assemblée législative.

Jamais Ballantyne n’exerça autant d’influence que dans les années 1880. Installé à Stratford vers 1878, il se consacrait presque exclusivement à la politique et à ses affaires. Il était à la tête du consortium d’hommes d’affaires de Stratford qui acheta et réorganisa la British Mortgage Loan Company en 1879, et appartenait au conseil d’administration de la Perth Mutual Fire Insurance Company. Il s’intéressait toujours à l’agriculture, mais de plus en plus en tant que commanditaire. Au début des années 1880, il acheta une ferme, engagea un régisseur et se mit à élever des shorthorns écossais et des bœufs de l’Ayrshire. Il préconisa tôt l’intégration des industries. À la fin des années 1880, non seulement était-il au conseil d’administration de la fromagerie d’Elma et détenait-il la majorité à la Tavistock Cheese Company, mais, en plus, il avait construit deux entrepôts frigorifiques à Stratford ; il avait aussi établi une maison d’exportation de fromage, la Thomas Ballantyne and Sons, et une filiale, la Ballantyne Dairy Supplies, qui, entre autres, vendait ses animaux reproducteurs. Il avait toujours travaillé aux confins du secteur agricole, et, plus il était riche, notable et lié à la société des petites villes, plus la distance qui le séparait du milieu rural s’accroissait.

Ironiquement, dans les années 1880, Ballantyne fut d’abord sympathique au mouvement de protestation des fermiers, qui gagnait toujours plus d’adeptes et fut d’abord dirigé par la Grange, puis par les Patrons of Industry [V. George Weston Wrigley]. Il accepta les critiques que la Grange formulait à propos des pratiques manufacturières et, au début des années 1890, il se mit, comme elle le réclamait, à fournir des rapports de production et des états financiers aux fermiers qui livraient du lait à sa manufacture. Il acheta même des actions de la coopérative de ficelle à lier que les Patrons tenaient à Brantford. Les résultats des élections de 1894 étonnèrent donc passablement. On croyait que Ballantyne ne risquait pas de perdre son siège, que ses liens avec le milieu agricole étaient tout à fait sûrs. Pourtant, malgré le soutien des conservateurs modérés, il perdit contre John McNeill, jeune fermier sans expérience politique. Le libéral McNeill avait l’appui des Patrons of Industry et, autre atout, appartenait à la Protestant Protective Association [V. D’Alton McCarthy*]. Cependant, ce qui fit la différence, c’est que Ballantyne avait perdu l’adhésion des petits exploitants agricoles. Dès les années 1890, ceux-ci, bien décidés à revaloriser leur métier, rejetaient de plus en plus la domination des marchands, industriels et gentlemen-farmers de la région. Même la Dairymen’s Association, naguère porte-parole des manufacturiers de fromage, était en train d’être investie par les producteurs laitiers indépendants. Comme bon nombre de ceux qui appartenaient aux élites rurales, Ballantyne avait régné sur sa communauté agricole à partir de la périphérie urbaine et industrielle du comté. Le déclin de son influence à la fin du xixe siècle indiquait que la société rurale était en pleine mutation.

Après sa défaite, Thomas Ballantyne prit sa retraite. Sa famille, dont les horizons s’étendaient désormais bien au delà du canton de Downie, continua de se distinguer : Thomas et William à titre d’hommes d’affaires dans la région, James en tant que professeur au Knox College de Toronto, Robert Mitchell dans la haute administration de l’un des principaux grossistes de produits laitiers de Grande-Bretagne. Ballantyne, marchand et industriel revêche mais hautement respecté, mourut en 1908. Trois ans plus tôt, dans son testament, il avait estimé sa fortune à 40 000 $.

David Monod

AO, F 282.— Stratford-Perth Arch. (Stratford, Ontario), Agriculture–Dairying–Downie Township file ; Misc. 3/9 (papiers Thomas Ballantyne).— W. S. Dingman, « The Ballantynes », Stratford Beacon-Herald, 29 avril 1938.— Evening Beacon (Stratford), 6, 15 juin 1894, 31 janv., 1er, 8 févr. 1895.— Farmer’s Advocate and Home Magazine, 5 sept. 1893, 9 juill. 1908.— St. Mary’s Argus (St Marys, Ontario), 14 juin 1894.— Stratford Weekly Herald, 6 juin 1894.— G. H. Burn, « Cheese making » dans « Dairy bulletin, by the Dairy School, Guelph », Ontario Agricultural College, Bull. (Toronto), no 114 (1901).— H. H. Dean, Canadian dairying (Toronto, 1903).— Kathleen Finlay, Speakers of the Legislative Assembly of Ontario, 1867–1984 (Toronto, 1985), 32–34.— The history of the Ballantyne family, Mabel Erb Ballantyne, édit. ([Stratford], 1952).— Illustrated historical atlas of the county of Perth, Ontario (Toronto, 1879 ; réimpr., Ross Cumming, édit., Port Elgin, Ontario, 1972).— William Johnston, History of the county of Perth from 1825 to 1902 (Stratford, 1903 ; réimpr., 1976).— Ontario, Commissioner of Agriculture and Arts, Report on the products, manufactures, etc., of Ontario, exhibited at the international exhibition, Philadelphia, 1876 (Toronto, 1877) ; Dept. of Agriculture, Annual report (Toronto), 1886–1900, rapports de la Dairymen’s Assoc. of Western Ontario.— Ontario agricultural commission, Report of the commissioners (4 vol., Toronto, 1881).— J. W. Robertson, « Care of milk for cheese-making », [Ontario] Agricultural College, Bull., no 28 (1888).— J. A. Ruddick, « An historical and descriptive account of the dairying industry of Canada », Canada, dép. de l’Agriculture, Dairy and cold storage commissioner’s branch, Bull. (Ottawa), no 28 (1911) ; « The development of the dairy industry in Canada », The dairy industry in Canada, H. A. Innis, édit. (Toronto, 1937), 15–123.

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David Monod, « BALLANTYNE, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ballantyne_thomas_13F.html.

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Auteur de l'article:    David Monod
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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
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