BLACK, SAMUEL, trafiquant de fourrures et explorateur, baptisé le 3 mai 1780 dans la paroisse de Pitsligo, Écosse, fils de John Black et de Mary Leith, qui se marièrent en 1781 ; décédé le 8 février 1841 au poste de la rivière Thompson (Kamloops, Colombie-Britannique).
Samuel Black naquit dans une famille de commerçants écossais qui avait des liens avec le Canada : son oncle maternel James Leith appartenait à la New North West Company (appelée parfois la XY Company). C’est peut-être grâce à lui que Black arriva à Montréal en 1802 et fut embauché à titre de commis par cette compagnie. Il manifesta son indépendance d’esprit en « ayant des mots » avec le principal associé, sir Alexander Mackenzie*. En 1804, la firme fut absorbée par la North West Company, et Black entra alors à son service.
Pendant les premières années où il participa à la traite des fourrures, Black acquit une réputation de brute qui tablait sur sa grande taille et son allure déterminée pour intimider les trafiquants de la Hudson’s Bay Company à qui il tendait souvent des pièges, parfois dangereux. En 1803, on l’avait envoyé dans la région de la rivière de la Paix, où s’était installée la XY Company, puis deux ans plus tard au fort Chipewyan (Fort Chipewyan, Alberta), sur le lac Athabasca, pour repousser les hommes de la Hudson’s Bay Company ; il les harcela si bien qu’en 1806 Peter Fidler* abandonna Nottingham House. Commis dans la région de l’Athabasca pendant 15 ans, Black incendia en 1811 le poste de la Hudson’s Bay Company à Île-à-la-Crosse (Saskatchewan) et prit part, quatre ans plus tard, à une échauffourée au cours de laquelle plusieurs employés de cette compagnie furent tués [V. Joseph Howse*]. En 1817, il prit possession du fort que l’on avait reconstruit à Île-à-la-Crosse. En 1818, sur l’ordre de William McGillivray* et en vertu du Canada Jurisdiction Act, il arrêta Colin Robertson au fort Wedderburn (Alberta) et l’y retint prisonnier. De tous les Nor’Westers, Black était celui que les hommes de la Hudson’s Bay Company haïssaient le plus ; en novembre 1820, George Simpson*, qui avait remplacé Robertson comme responsable de la campagne menée par la Hudson’s Bay Company contre la North West Company dans la région de l’Athabasca, notait : « ce hors-la-loi est si étranger à tout sentiment d’honneur ou d’humanité qu’il n’est pas déraisonnable de le soupçonner des actes les plus noirs ».
À ce moment, la chance avait abandonné les Nor’Westers et, en juin 1820, pour éviter d’être arrêté, Black s’était enfui au poste que sa compagnie possédait sur les bords du lac McLeod, dans le district de New Caledonia (Colombie-Britannique). Quand il retourna dans la région de l’Athabasca, au cours de l’hiver, Simpson y dirigeait les opérations. Au moment de la fusion des deux compagnies de traite en 1821 [V. Simon McGillivray], les hommes de la Hudson’s Bay Company ne se montrèrent pas prêts à oublier les violences de Black envers eux et l’exclurent de la nouvelle compagnie (qui avait conservé le nom de Hudson’s Bay Company), tout comme Alexander Macdonell* Greenfield, Peter Skene Ogden* et Cuthbert Grant*. En 1822, Black se rendit en Angleterre, manifestement pour plaider sa cause devant le comité de Londres de la Hudson’s Bay Company. Au début de l’année suivante, il fut nommé commis de première classe et se vit garantir le salaire mais non le titre de chef de poste. Plus tard cette année-là, il retourna dans le Nord-Ouest pour prendre en charge le fort St John (près de Fort St John, Colombie-Britannique). Lorsqu’il devint chef de poste, en 1824, il explora la rivière Finlay et tint un journal qui fut publié par la suite. Grâce à son infatigable curiosité et à la vivacité de ses descriptions, Black a produit là un document précieux sur les régions situées au nord-ouest des Rocheuses à l’époque des premières explorations. Il avait entrepris son expédition en partie parce que la Hudson’s Bay Company projetait d’explorer la région jusqu’au territoire de traite russe le long du littoral, mais il conclut que le secteur n’était pas assez riche et que l’accès par la rivière semblait trop difficile pour songer à une quelconque expansion de la traite des fourrures.
Après avoir passé l’hiver de 1824–1825 au fort Dunvegan, dans la région de la rivière de la Paix, Black retourna à York Factory (Manitoba) pour être affecté en juillet 1825 au fort Colvile (près de Colville, Washington), sur le Columbia. Peu après, il fut muté comme agent principal au fort Nez Percés (Walla Walla), endroit stratégique à partir duquel la Hudson’s Bay Company protégeait son territoire contre les intrusions des trafiquants américains. Dès 1828, le fonctionnaire de cette compagnie qui dirigeait le district de la Colombie, John McLoughlin*, estimait qu’il fallait déplacer Black parce qu’il ne s’entendait pas avec les Indiens, mais sa mutation au poste de la rivière Thompson n’eut lieu qu’à la fin de 1830. Dans son célèbre « Character book » de 1832, George Simpson a laissé ce portrait de Black : « L’homme le plus étrange que j’aie jamais connu. Si défiant et soupçonneux qu’il n’est guère possible d’obtenir de lui une réponse directe sur quelque sujet que ce soit, et lorsqu’il se met à parler ou à écrire [... il est] si prolixe qu’essayer de le suivre est assez fatigant. Homme parfaitement honnête dont la générosité pourrait être prise pour un signe de bonté s’il n’était pas connu comme un type insensible qui ne reculerait devant aucune cruauté et serait le pire des tyrans s’il avait quelque pouvoir [...] Pourtant quand il en vient au fait, on peut se fier à ce qu’il dit. Don Quichotte à la mine patibulaire, aux joues creuses et au corps décharné, mais fort, vigoureux et actif. Ne sait pas se concilier les Indiens, qui ne l’aiment pas et le redoutent sans cesse, avec raison. Car il est [...] si soupçonneux qu’il semble passer sa vie en préparatifs d’attaque et de défense : il cache des poignards, des couteaux et des pistolets chargés sur lui et dans tous les coins de son logis, jusque sous la nappe pendant les repas, et dans son lit. »
En 1837, Black s’organisa pour quitter la région du fleuve Columbia, et il était déjà en route pour York Factory lorsqu’il fut rappelé et chargé, à titre d’agent principal, des postes de l’intérieur de la région. Cette fois, son incapacité de créer des relations harmonieuses avec les Indiens allait lui être fatale. Au début de 1841, le chef des Shuswaps, Tranquille, se querella avec Black au sujet d’un fusil, puis rentra chez lui et mourut peu après. Convaincue qu’il avait été ensorcelé par le trafiquant de fourrures, sa veuve fit pression sur le neveu du chef, qui se rendit au poste de la rivière Thompson et abattit Black le 8 février.
Samuel Black laissait une fortune considérable pour un trafiquant de fourrures. Au moment de sa mort, il avait auprès de la Hudson’s Bay Company un crédit de £7 887 qui devint l’objet d’un interminable litige. Sa parenté en Écosse tenta de s’approprier cette somme sans pourvoir aux besoins des enfants survivants de Black (il en avait eu huit) et de ses épouses à la façon du pays, toutes deux Métisses. Sa première femme s’était remariée mais pas la seconde, Angélique Cameron, qui continua de faire valoir ses droits. La querelle se poursuivit jusque dans les années 1850, tant devant les tribunaux qu’à l’extérieur, mais on ne sait pas avec certitude si Angélique Cameron ou l’un des enfants reçut jamais quoi que ce soit. Brandon de discorde pendant sa vie, Black continua donc de susciter des disputes même après sa mort.
Samuel Black est l’auteur de : A journal of a voyage from Rocky Mountain Portage in Peace River to the sources of Finlays Branch and North West Ward in summer 1824, édité par Edwin Ernest Rich et Alice Margaret Johnson et publié à Londres en 1955 ; il constitue le HBRS, 18.
GRO (Édimbourg), Pitsligo, reg. of births and baptisms, 3 mai 1780.— Docs. relating to NWC (Wallace).— HBRS, 1 (Rich) ; 2 (Rich et Fleming) ; 3 (Fleming), 4 (Rich) ; 6 (Rich).— Simpson, « Character book », HBRS, 30 (Williams).— Brown, Strangers in blood.— Innis, Fur trade in Canada (1930).— Morton, Hist. of Canadian west (Thomas ; 1973).— Rich, Hist. of HBC (1958–1959), 2.— Van Kirk, « Many tender ties ».— J. N. Wallace, « The explorer of Finlay River in 1824 », CHR, 9 (1928) : 25–31.
George Woodcock, « BLACK, SAMUEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/black_samuel_7F.html.
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Auteur de l'article: | George Woodcock |
Titre de l'article: | BLACK, SAMUEL |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 1 nov. 2024 |