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BULLER, CHARLES, fonctionnaire et homme politique, né le 6 août 1806 à Calcutta, fils aîné de Charles Buller et de Barbara Isabella Kirkpatrick ; décédé célibataire le 29 novembre 1848 à Londres.
Décrit par l’historien Thomas Carlyle comme un homme aux « principes élevés et [à la] conduite honorable » qui avait l’« air enjoué, aimable et charmant », Charles Buller possédait l’« authenticité », la « probité et le savoir-vivre parfaits » de son père, employé de l’East India Company, de même que l’esprit et l’imagination de sa mère, une personne « gracieuse, désinvolte, ingénieuse [et] intelligente ». Il étudia à Harrow de 1819 à 1821 puis, jusqu’en 1823, suivit des cours pendant plusieurs trimestres à l’University of Edinburgh. De 1822 à 1825, il reçut, comme son frère Arthur William*, des leçons particulières de Carlyle. Ce dernier dut se remettre au latin et au grec pour se maintenir au niveau de Charles, « un prodige [...] fort docile, intelligent, joyeux et bien apprécié ». Buller obtint son baccalauréat ès arts du Trinity Collège de Cambridge en 1828, puis se consacra à l’étude du droit. On l’admit au barreau en 1831, mais il n’exerça pas immédiatement.
Buller se tourna plutôt vers la politique et le journalisme. Au Parlement, en 1830–1831, il représenta West Looe, la circonscription où habitait sa famille, puis celle de Liskeard de 1832 à 1848. Radical populaire, il appuya de nombreuses mesures réformistes. En 1836, il proposa la formation et assuma la présidence d’un comité spécial d’enquête sur l’état des archives gouvernementales. Plus tard, il dirigea un comité chargé d’étudier la loi électorale de l’Irlande. Il en vint aussi à s’intéresser de plus en plus aux questions coloniales. Même si parfois on le critiqua pour sa légèreté au Parlement, Buller savait être sérieux et grave. Autant il avait la parole facile, autant il maniait la plume avec habileté. Il écrivit pour des journaux et dirigea même à Londres, avec Henry Cole, un hebdomadaire, le Guide to Knowledge ; il contribua également à l’Edinburgh Review et à la Westminster Review, et signa de nombreuses brochures.
En janvier 1838, on offrit à Buller de devenir le premier secrétaire de lord Durham [Lambton], qui venait d’être nommé gouverneur en chef de l’Amérique du Nord britannique, avec mission d’enquêter sur le gouvernement du Haut et du Bas-Canada après l’insurrection de 1837. Buller refusa d’abord le poste mais, convaincu par Durham, il changea d’idée. Il s’embarqua pour Québec en avril 1838, après la répression du soulèvement, en compagnie de son frère Arthur William et de Durham. Ce départ tardif l’inquiétait cependant, car il rendait moins urgente la mission du gouverneur et moins nécessaires les pouvoirs extraordinaires dont on l’avait investi. Au contraire de Durham, qui selon lui « en voulait trop aux Canadiens français en raison de leur récente insurrection », Buller était bien disposé à leur égard et croyait plutôt que de « longues années d’injustice » et « la déplorable ineptie de [la] politique coloniale » britannique les avaient poussés à se rebeller. Le premier secrétaire nota que Durham, même s’il était prêt à tempérer sa justice de pitié, avait décidé « qu’il ne [fallait] faire aucun quartier aux absurdes prétentions raciales, et qu’il [devait] viser à rendre le Canada entièrement britannique ». Pour le reste, Buller appréciait son supérieur, dont il jugeait favorablement le caractère, les actions et les réalisations, et qui s’était montré « invariablement aimable [... envers lui] dès le début » et « très réceptif aux bons conseils ».
Peu après son arrivée à Québec, Durham remplaça tous les membres du Conseil exécutif du Bas-Canada et forma plusieurs sous-commissions chargées d’étudier des problèmes particuliers et de rassembler des informations en vue de l’établissement de son rapport final. Buller entra au Conseil exécutif le 2 juin et au Conseil spécial le 28 du même mois ; on le mit de plus à la tête de certaines sous-commissions, mais il délégua son autorité. Ainsi, même si on l’avait désigné au début de juin pour diriger l’enquête sur les terres de la couronne et l’immigration en Amérique du Nord britannique, ce furent plutôt les commissaires adjoints, Richard Davies Hanson et Charles Franklin Head, qui supervisèrent le travail, accompli principalement par Edward Gibbon Wakefield*. Il en fut de même pour la commission sur les institutions municipales qu’on lui confia le 25 août : ses adjoints William Kennedy et Adam Thom* firent le gros de l’enquête et établirent le rapport. À titre de premier secrétaire, Buller devait principalement seconder Durham dans l’administration interne de la colonie. Il accompagna donc le gouverneur à Montréal et à Niagara (Niagara-on-the-Lake, Ontario) en juillet, mais pour des raisons de santé il ne put le suivre à Toronto, à Kingston et à Prescott. De retour à Montréal, Buller mit au point les modalités de commutation des droits seigneuriaux détenus par le séminaire de Saint-Sulpice ; vers la fin d’octobre, il conclut une entente à ce sujet avec le supérieur de l’établissement, Joseph-Vincent Quiblier*.
Buller avait aussi pour tâche de conseiller Durham au sujet du sort qu’il fallait réserver aux rebelles bas-canadiens emprisonnés. Buller et le conseiller juridique Thomas Edward Michell Turton craignaient qu’un procès n’ameute l’opinion et qu’il soit difficile de former un jury impartial ; ils suggérèrent donc de punir les chefs du soulèvement au moyen d’une loi rétroactive. Durham rejeta d’abord cette idée mais, comme il était forcé de se reposer énormément sur Buller, il finit par mettre de côté ses réserves. Il décida donc de rédiger une ordonnance en vertu de laquelle on exilerait aux Bermudes, après avoir obtenu leurs aveux, huit des insurgés les plus coupables, et par laquelle on interdirait à ces patriotes et à ceux qui s’étaient réfugiés aux États-Unis de revenir au Bas-Canada. Cette ordonnance devait être accompagnée d’une proclamation qui amnistierait les autres prisonniers, sauf ceux qui avaient commis un meurtre. De Québec, on dépêcha Buller à Montréal pour qu’il y recueille un appui politique en faveur de la décision de Durham et pour qu’il obtienne les aveux des coupables, avec l’aide de John Simpson*, un fonctionnaire qui avait la confiance des patriotes. Il semble que la majorité des habitants du Bas-Canada finirent par approuver l’ordonnance, ratifiée le 28 juin par le Conseil spécial.
Dès le 7 septembre cependant, on constata que l’opinion anglaise et bas-canadienne critiquait de plus en plus certains aspects de la mission de Durham. Malade et découragé, ce dernier songeait à démissionner mais, compte tenu des attentes considérables que sa mission avait partout soulevées, Buller le pria de rester à son poste. Il écrivit à Durham : « les raisons qui, selon vous, expliquent votre échec ou justifient votre démission [...] ne seront pas jugées suffisantes ». Faisant preuve de réalisme politique, il remarqua que Durham ne pouvait pas compter sur le soutien des tories de Grande-Bretagne ni sur celui du gouvernement de lord Melbourne. Quand le gouverneur en chef apprit plus tard, toujours en septembre 1838, qu’on avait rejeté son ordonnance et que le gouvernement britannique ne l’avait pas appuyé dans le débat, il se démit de sa charge. Buller estima alors que Durham n’avait par reçu l’appui désiré parce qu’il n’avait pas su renseigner le gouvernement de façon adéquate. Il donna son acquiescement à la démission, « un acte qui découlait d’une dure et triste nécessité ». Du reste, il se rendait compte que la mauvaise santé et l’« agitation nerveuse » de son supérieur exigeaient aussi son départ pour l’Angleterre. Il aurait aimé cependant que Durham regagne son pays via les États-Unis, où il aurait reçu des honneurs salutaires pour sa crédibilité politique.
Buller resta au Bas-Canada pour rassembler des documents aux fins de la rédaction des rapports des sous-commissions et ne fut de retour en Angleterre que le 21 décembre 1838. La paternité du rapport final lui fut attribuée, peut-être par lord Brougham, un adversaire de Durham, mais Buller déclara qu’il s’agissait là d’une affirmation gratuite. Effectivement, même s’il avait de belle façon aidé son chef à compiler les documents et peut-être à rédiger certaines parties du rapport, celui-ci fut bel et bien l’œuvre de Durham. Buller tenait à réparer l’injustice dont ce dernier était victime ; néanmoins, après sa rentrée en Angleterre, il cessa de le défendre pour respecter les désirs de Durham lui-même, qui ne voulait pas compromettre les intérêts du Canada.
Buller reprit sa carrière d’homme politique. Il commença aussi à pratiquer le droit devant le comité judiciaire du Conseil privé, et s’occupa d’appels qui provenaient des colonies et des Indes. Pendant une partie de l’année 1841, il fut secrétaire du Board of Control. Le gouvernement whig de lord John Russell le nomma juge-avocat général en 1846. L’année suivante, Buller accepta le poste de commissaire en chef de l’assistance publique, « avec l’espoir de faire du bien ». Au Parlement, il exprima son opinion sur le scrutin secret, la question irlandaise, la taxe d’Église, l’éducation nationale, les lois sur l’assistance publique, les Corn Laws, l’impôt sur le revenu et la dépréciation de la pièce d’or.
Buller continuait de s’intéresser aux colonies britanniques. En 1843, il déclara avec éloquence que la colonisation était « un moyen pour les colonies d’augmenter chez elles et ailleurs les possibilités d’utilisation du capital et de la main-d’œuvre », et il ajouta : « la colonisation de grande envergure est un remède approprié contre les maux de notre société, et un remède qui tend à favoriser et à augmenter l’efficacité de tout autre remède ». Dans une brochure, Responsible government for colonies, Buller traita des arrangements politiques possibles avec les colonies ; selon lui, « l’union des Canadas entraînait comme conséquence nécessaire [l’adoption du] gouvernement responsable ». Dans la même brochure, Buller, qui voulut garder l’anonymat pour pouvoir s’exprimer librement, développa également les idées de Durham qui avaient été les moins bien comprises et les plus déformées. En plus d’expliquer et de définir le rôle du gouverneur dans une colonie régie par un gouvernement responsable, il y attaqua avec vigueur le ministère des Colonies. Par ses écrits et ses discours aux Communes, peut-on affirmer, Buller contribua à la réforme de la politique coloniale.
Charles Buller mourut prématurément d’une attaque de typhus consécutive aux « maladresses d’un chirurgien ». Les chefs de file libéraux et réformistes regrettèrent sa disparition. Carlyle fit son éloge et le décrivit comme un « homme fort honnête » et comme « le radical le plus aimable qu’ [il ait] jamais rencontré ». On fit de lui un buste, qui se trouve aujourd’hui dans l’abbaye de Westminster. En 1860, sir Edward George Earle Lytton Bulwer-Lytton rappela son souvenir dans un poème intitulé St. Stephen’s : a poem : « Adieu, subtil humoriste, raisonneur encore plus subtil / Pétulant comme Luttrell, logique autant que Mill. »
Charles Buller est l’auteur de « Sketch of Lord Durham’s mission to Canada » ; manuscrit conservé aux APC dans le fonds Buller (MG 24, A26). Il a été publié dans « The Durham papers », APC Report, 1923 : 341–369. La correspondance de Buller avec divers personnages en Amérique du Nord britannique est conservée aux APC (MG 24, A2 ; A17 ; B2 ; B14 (mfm). Buller est l’auteur de Responsible government for colonies (Londres, 1840) qui parut d’abord dans la Colonial Gazette (Londres) de déc. 1839 à févr. 1840 et qui fut réimprimé dans Charles Buller and responsible government, E. M. Wrong, édit. (Oxford, Angl., 1926). Les chapitres VI et VII ont également été réimprimés dans E. G. Wakefield, A view of the art of colonization, with present reference to the British empire ; in letters between a statesman and a colonist (Londres, 1849). D’autres publications de Buller sont recensées dans le British Library general catalogue.
[J. G. Lambton, 1er comte de] Durham, Lord Durham’s report on the affairs of British North America, C. P. Lucas, édit. (3 vol., Oxford, 1912 ; réimpr., New York, 1970).— Desjardins, Guide parl.— DNB.— H. J. Morgan, Sketches of celebrated Canadians.— C. W. New, Lord Durham ; a biography of John George Lambton, first Earl of Durham (Oxford, 1929).— S. J. Reid, Life and letters of the first Earl of Durham, 1792–1840 (Londres, 1906).
Heather Lysons-Balcon, « BULLER, CHARLES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/buller_charles_7F.html.
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Auteur de l'article: | Heather Lysons-Balcon |
Titre de l'article: | BULLER, CHARLES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 12 nov. 2024 |