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BURNIE, WILLIAM, employé de chemin de fer et mécanicien, né vers 1838 à Glasgow ; le 24 février 1863, il épousa à South Durham (Durham-Sud, Québec) Margaret Holmes (décédée le 8 juillet 1905), et ils eurent sept fils et quatre filles ; décédé le 21 décembre 1902 à Fairchild, Wisconsin, et inhumé au même endroit.
William Burnie émigra d’Écosse au Canada avec sa mère vers 1846. Il entra au service de la Compagnie du chemin de fer du Grand Tronc (communément appelée le Grand Tronc) en novembre 1856, d’abord comme nettoyeur de moteurs (pendant deux ans), puis comme gardien de nuit dans ses établissements à Richmond, dans le Bas-Canada (pendant trois ans et demi). Il travailla ensuite en qualité d’aide-mécanicien à bord d’une locomotive utilisée pour aider les trains sur la pente raide entre Richmond et Acton Vale, à environ 22 milles à l’ouest. Le 18 juin 1864, on le promut mécanicien de locomotive.
En déplaçant des immigrants – il le faisait régulièrement entre Lévis et Montréal –, le Grand Tronc menait une activité lucrative. Le 27 juin, un groupe important de personnes arriva de manière inattendue à Lévis et le Grand Tronc dut leur fournir un train. La plupart d’entre elles provenaient des États allemands et se rendaient dans le Middle West américain. Une seule voiture de passagers était disponible pour la formation d’un train qui devait transporter entre 458 et 467 voyageurs (le nombre varie selon les rapports). La politique du Grand Tronc en pareil cas, introduite par son directeur général, Charles John Brydges*, consistait à installer les clients dans des wagons provisoirement équipés de bancs de bois rudimentaires. On enfermait les immigrants dans ces wagons dépourvus de toilettes, de chauffage, de ventilation ou d’eau. Des arrêts occasionnels dans les gares le long de la route offraient un certain répit. À trois heures quarante de l’après-midi du 28 juin, le train, constitué de dix wagons sommairement aménagés pour les voyageurs, d’une voiture de passagers et d’un fourgon de serre-freins, quitta la gare du Grand Tronc à Pointe-Lévy (Lévis). Un changement d’équipe devait avoir lieu à Richmond, à 94 milles de là.
Le contremaître de locomotive du Grand Tronc à Richmond, Thomas King, désigna Burnie pour agir à titre de mécanicien du train de 12 wagons à partir de Richmond jusqu’à Montréal. Deux autres mécaniciens chevronnés auraient normalement pu effectuer ce travail, mais ils se trouvaient alors au cirque à Richmond. Burnie demeurait le seul disponible.
Ce n’était pas la première fois qu’on faisait appel aux services de Burnie pour un train transportant des immigrants sur ce trajet. Trois jours plus tôt, King le lui avait demandé, mais il avait protesté, invoquant son manque d’expérience et sa méconnaissance de la ligne. Au dernier moment, un mécanicien remplaçant qualifié se libéra, et Burnie n’eut pas à faire le voyage. Le 28 juin, Burnie exprima à nouveau son désaccord à King ; le contremaître lui laissa toutefois clairement entendre que son emploi au Grand Tronc dépendait de son acceptation de la mission.
Quand il apprit quelle locomotive pilote on avait choisie pour ce train – soit celle avec laquelle il avait l’habitude de travailler entre Richmond et Acton Vale –, Burnie informa son supérieur que ses pistons ne fonctionnaient pas bien. Cela signifiait, entre autres choses, que l’engin avait une puissance de freinage réduite en marche arrière. Les pistons ne firent néanmoins l’objet d’aucune inspection avant le départ, puisqu’il n’y avait personne pour l’effectuer : les employés du Grand Tronc à Richmond se trouvaient eux aussi au cirque à ce moment-là.
Il s’avéra également difficile de recruter le reste de l’équipe pour le voyage, qui devait se composer de cinq personnes. S. P. Dean, répartiteur pour le Grand Tronc à Pointe-Saint-Charles (Montréal), communiqua par télégraphe avec le conducteur F. Sadler, à Richmond, qui refusa l’affectation et transmit le message à Thomas Finn, chauffeur à la fiabilité et aux compétences douteuses. Celui-ci accepta et eut pour tâche de trouver les deux serre-freins nécessaires pour un train de 12 wagons. En apprenant de Finn qu’il n’y aurait pas d’autre serre-frein à bord, Gédéon Giroux déclina l’offre ; quand Finn décida d’embarquer à Saint-Hyacinthe un serre-frein qu’il ferait venir de Montréal, il finit par s’incliner.
L’aide-mécanicien Nicholas Flynn était le dernier membre de l’équipe. À l’instar de Burnie, il n’avait que quelques jours d’expérience à son poste (il nettoyait auparavant les moteurs) et n’avait jamais effectué le trajet jusqu’à Montréal dans la cabine d’une locomotive. Avec ce sous-effectif sous-qualifié et une locomotive défectueuse (la no 168) pour le tirer, le train appelé l’Immigrant Special quitta Richmond à dix heures cinq du soir le 28 juin 1864 ; il devait parcourir 76 milles pour atteindre Montréal. Juste avant le départ, Burnie avait emprunté un exemplaire de l’horaire officiel à William Ames, gardien de nuit du Grand Tronc à Richmond, afin de savoir au moins l’ordre et le nom des arrêts, et la distance entre eux.
Burnie connaissait bien le début de l’itinéraire – de Richmond jusqu’à Acton Vale –, qui constituait son trajet habituel avec la locomotive pilote. Au delà de ce point, il ignorait la nature de cette ligne sinueuse du Grand Tronc. Par conséquent, à Acton Vale, Burnie demanda à Giroux de monter avec lui dans la locomotive pour le guider ; il n’y avait donc plus de serre-frein à l’arrière. À l’arrêt du train à Saint-Hyacinthe, aucun deuxième serre-frein ne se joignit à l’équipe, ce qui confirma que Finn n’avait pas pris les dispositions nécessaires pour doter son train du personnel adéquat. Finn ordonna à Giroux de retourner au fourgon du serre-frein pour rallumer le fanal de queue qui s’était éteint, et le relaya dans la cabine de la locomotive, pour prendre place avec Burnie et Flynn.
Vers une heure vingt du matin, le train de Burnie quitta la gare de Saint-Hilaire (Mont-Saint-Hilaire), à moins d’un mille du pont du chemin de fer du Grand Tronc, sur la rivière Richelieu. La voie descendait une pente abrupte à partir de là, puis tournait brusquement vers la droite avant la traversée du pont. Selon la règle 24 du Grand Tronc, tous les trains devaient s’arrêter pendant trois minutes avant de franchir le pont. Burnie ne savait rien de tout cela et Finn ne le lui avait pas expliqué. L’Immigrant Special arriva au bas de la côte et s’engagea dans la courbe, puis sur le pont de 1 200 pieds de long. Ce ne fut qu’à ce moment-là que Burnie vit le feu rouge à l’autre extrémité. L’opérateur du pont tournant, ignorant qu’un train supplémentaire en direction de l’ouest suivrait le dernier train régulier (il n’y avait pas de communication télégraphique entre la gare de Saint-Hilaire et Belœil, de l’autre côté de la rivière), avait fait pivoter le pont pour permettre le passage d’un remorqueur à vapeur et d’une file de barges. Dès qu’il aperçut le feu rouge au loin, Burnie mit la locomotive en marche arrière (avec peu d’efficacité à cause de ses pistons défectueux) et siffla afin qu’on applique manuellement les freins dans le fourgon (George Westinghouse ne brevetterait le frein à air ferroviaire qu’en 1869). Giroux, qui s’occupait du fanal de queue, n’était pas à son poste de serre-frein sur le toit du fourgon et freina finalement trop tard. Dans son élan, le train continua tout droit et tomba du pont tournant dans la rivière, en partie sur les barges qui passaient. Quatre-vingt-dix-sept immigrants, originaires des États allemands pour la plupart, périrent dans l’accident. Burnie et Giroux survécurent, contrairement à Flynn et Finn. Cet événement constitue la pire catastrophe ferroviaire de l’histoire canadienne. Trois cent soixante-deux personnes s’en sortirent. Les équipages des barges en sauvèrent beaucoup de la noyade, et des résidents mirent leurs maisons à la disposition des rescapés qui nécessitaient des soins. Parmi ceux qui fournirent une assistance médicale figuraient les médecins George Edgeworth Fenwick* du Montreal General Hospital, accompagné par l’aspirant étudiant en médecine Thomas George Roddick*, et William Hales Hingston de l’Hôtel-Dieu de la même ville. Les deux hôpitaux admirent respectivement 138 et 109 patients. Le Grand Tronc offrit 2 000 $ au Montreal General Hospital et lui promit un don annuel de 400 $, mais, en raison de l’accident, l’établissement termina tout de même l’année financière avec une dette de 3 000 $.
Le Grand Tronc fournit une réponse officielle rapide et sans équivoque : il rejeta la responsabilité de la tragédie sur les épaules de Burnie. On incarcéra le mécanicien à Montréal peu après, dans l’attente des conclusions du jury du coroner. La presse discrédita largement le jury sélectionné, l’accusant d’avoir un parti pris en faveur du Grand Tronc. Le jury délibéra du 5 au 9 juillet, puis déclara Burnie coupable de négligence grave. Burnie et son avocat Bernard Devlin* invoquèrent en vain l’habeas corpus auprès du juge Thomas Cushing Aylwin* ; Burnie demeura donc en prison tout l’été et jusqu’au verdict du grand jury.
Le grand jury rendit sa décision le 5 octobre en prononçant un non-lieu ; autrement dit, il n’y avait pas de raisons de poursuivre Burnie en justice. Le mécanicien recouvra la liberté. En revanche, le jury dénonça de manière cinglante les autorités du Grand Tronc, « qui, dans cette triste affaire, non seulement [étaient] entièrement responsables de l’accident, mais [avaient] aussi honteusement manqué à leurs devoirs envers les 467 passagers qu’ils transportaient, qui leur avaient confié leurs vies ». Une commission fédérale se vit chargée d’entendre certaines des plaintes des victimes contre le Grand Tronc, et la compagnie versa environ 250 000 $ en indemnisation. Jamais un dirigeant du chemin de fer n’eut apparemment à répondre de ses actes dans les circonstances qui conduisirent à la catastrophe.
Le souvenir de ce tragique accident resta sans aucun doute gravé dans l’esprit de William Burnie, mais il présenta peu de signes d’agitation intérieure. À sa libération, il rentra chez lui à Acton Vale, où il vivait avec sa femme, Margaret, et leur petit garçon. La famille s’installa à Montréal vers 1869. Burnie ne travailla vraisemblablement plus comme mécanicien de chemin de fer, mais trouva vite un gagne-pain. À l’époque de la machine à vapeur, d’autres entreprises, à part les compagnies ferroviaires, cherchaient une main-d’œuvre familière avec le fonctionnement des chaudières. En 1871, il s’établit avec les siens à Upton, où la scierie à vapeur de Valentine Cooke l’engagea comme mécanicien, puis ils séjournèrent au Wisconsin pendant une courte période. En 1881, Burnie demeurait à Roxton Falls, au Québec, avec sa femme et leurs huit enfants, et y travaillait dans une autre scierie à vapeur. Peu après, la famille retourna au Wisconsin, où Burnie exerça le métier de mécanicien de machines fixes. Il mourut en 1902, relativement prospère, père de 11 enfants et membre de la franc-maçonnerie.
La date de naissance qui figure sur la pierre tombale de William Burnie est le 17 janvier 1837. Dans sa déposition sous serment à l’appui de sa demande d’habeas corpus (publié dans le numéro du 27 juillet 1864 du Montreal Witness), ce dernier a toutefois déclaré qu’il était né en 1838. Dans le recensement de l’Écosse de 1841, une entrée, vraisemblablement pour Burnie, donne le nom de ses parents, William et Janet, et indique qu’il est né vers 1837. D’après l’âge de Burnie inscrit dans les recensements canadiens de 1871 et de 1881, son année de naissance correspondrait à 1838 dans l’un et 1839 dans l’autre, et selon le recensement américain de 1900, il aurait vu le jour autour de 1840.
Ancestry.com, « Recensement de l’Écosse de 1841 », William Burnie : www.ancestry.ca/search/collections/1004 ; « Recensement fédéral des États-Unis de 1900 », Wm Burnie : www.ancestry.ca/search/collections/7602 (doc. consultés le 11 mai 2023).— Bibliothèque et Arch. Canada (Ottawa), R233-29-7, vol. 4.63-607, Canada Est, dist. Richmond, sous-dist. Cleveland : 49 ; R233-34-0, Québec, dist. Montréal Est (105), sous-dist. quartier Sainte-Marie (C) : 159 ; R233-35-2, Québec, dist. Shefford (59), sous-dist. Roxton Falls (H) : 22.— Bibliothèque et Arch. nationales du Québec, Centre d’arch. de Trois-Rivières (Trois-Rivières, Québec), CE403-S20, 24 févr. 1863.— Find a Grave, « Memorial no.71628803 » : www.findagrave.com (consulté le 11 mai 2023).— Le Canadien, 10 oct. 1864.— Le Courrier de Saint-Hyacinthe (Saint-Hyacinthe, Québec), 22 juill. 1864.— Le Courrier du Canada (Québec), 15 juill. 1864.— Montreal Witness, 20, 23, 27, 30 juill., 8 oct. 1864.— Richard Brabander, « Des souvenirs pour l’avenir », Cap-aux-Diamants (Québec), no 109 (printemps 2012) : 20–24.— L’Écho du Cabinet de lecture paroissial (Montréal), 6 (1864), no 13.— Roger Saint-Jacques, « La catastrophe du pont ferroviaire de Beloeil », Deutschkanadisches Jahrbuch/German-Canadian yearbook (Toronto), 9 (1986) : 97–124.— John Thompson, « The Immigrant Special, June 29, 1864 », Canadian Rail (Saint-Constant, Québec), no 471 (1999) : 91–110.— James White et G. H. Fergusson, Altitudes in the Dominion of Canada (2e éd., Ottawa, 1915).
John Derek Booth, « BURNIE, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 févr. 2025, https://www.biographi.ca/fr/bio/burnie_william_13F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/burnie_william_13F.html |
Auteur de l'article: | John Derek Booth |
Titre de l'article: | BURNIE, WILLIAM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2025 |
Année de la révision: | 2025 |
Date de consultation: | 9 févr. 2025 |