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CAMERON, ALEXANDER, avocat et homme d’affaires, né le 22 juin 1827 en Irlande, fils d’Allan Cameron ; le 2 novembre 1853, il épousa à Toronto Calcina Medora Buell, et ils eurent deux fils et deux filles, puis le 7 novembre 1878 à Conneaut, Ohio, Catharine Ward, née Lyon, et aucun enfant ne naquit de ce mariage ; décédé le 15 mai 1893 à Toronto.
Alexander Cameron naquit en Irlande pendant le service militaire de son père, un Écossais du 79th Foot. Il passa son enfance à Amherstburg, dans le Haut-Canada, où son père, retourné à la vie civile, était devenu inspecteur des douanes. Autodidacte – Allan Cameron n’avait pas les moyens d’envoyer son fils à l’école –, Cameron aurait travaillé durant trois ans dans une épicerie d’Amherstburg avant de devenir instituteur dans le canton de Malden. Entré en 1846 à l’Upper Canada College, il subvint à ses besoins en écrivant pour divers journaux. L’année suivante, toujours étudiant, il écrivit à l’éminent réformiste Robert Baldwin* pour lui demander de l’engager à titre de clerc dans son cabinet d’avocat, en lui laissant entendre qu’il pourrait en même temps faire des études universitaires. Après la victoire électorale des réformistes en 1848, il adressa une nouvelle requête à Baldwin pour obtenir un poste de greffier au tribunal ; il estimait que « les services [qu’il avait rendus] pour la cause mérit[aient] récompense ». On ne sait pas ce que Baldwin répondit, ni même s’il répondit à cet avide mais présomptueux jeune réformiste. Après ses études au collège, Cameron entra comme stagiaire au cabinet de Stephen Richards, à Toronto, et fut reçu au barreau en 1853 ; il exerça dans cette ville et à Windsor, dont il fit le lieu de sa résidence principale. Il se lia d’amitié avec la famille d’Andrew Norton Buell*, réformiste bien en vue de Brockville et maître à la Cour de la chancellerie, et épousa sa fille Dora, qui était aussi la cousine du juge William Buell Richards*.
Admirateur de Francis Hincks*, Cameron fit campagne avec succès pour lui aux élections de 1854, mais ce soutien ne lui valut qu’un poste de secrétaire de commission. Dans une lettre à son beau-père en novembre de la même année, il avouait commencer « à en avoir assez de la politique ». Avant l’élection de 1861 dans la circonscription d’Essex, la rumeur voulait qu’il soit candidat, mais Cameron appuya Arthur Rankin, qui accepta de « donner aux réformistes une juste part des faveurs politiques » et à Cameron « les affaires de la couronne dans cette circonscription judiciaire ». Une fois seulement, encouragé par George Brown*, il tenta de se faire élire (comme représentant d’Essex aux élections provinciales de 1867), mais il fut défait par quelques voix.
Pendant la vague de prospérité des années 1850, Cameron avait consacré son immense énergie à la spéculation foncière. En 1853, il commença à acheter des milliers d’acres dans le Haut-Canada, particulièrement dans le comté d’Essex. Il mit à profit les renseignements que lui transmettaient ses amis du département des Terres de la couronne et put ainsi se procurer des terrains à fort bon prix. Cependant, il arriva au moins une fois que ses tractations embarrassent ses amis politiques. En novembre 1853, la presse d’opposition soutint que Cameron, « instrument sans scrupules » du maître général des Postes, Malcolm Cameron*, avait acheté, grâce à certains ministres, un grand nombre de réserves du clergé à un prix dérisoire. On insinuait que le maître général des Postes avait lui aussi profité de l’aubaine, bien qu’en fait Alexander (identifié à tort comme un parent de Malcolm) eût fait la transaction seul. L’opposition considéra néanmoins l’incident comme une preuve que le gouvernement « corrupteur » de Hincks profitait de la vente des réserves du clergé.
En septembre 1853, Cameron avait prédit à Buell qu’il « ferait fortune en dix ans ». Ce ne fut pas le cas. Au lieu de monter, le prix des terres baissa à la fin des années 1850 et laissa Cameron devant des domaines qui ne se vendaient pas et des hypothèques qu’il était incapable de rembourser. Sa belle-famille fit patienter quelques créanciers jusqu’à ce qu’il puisse stabiliser sa situation financière. Outre ces déboires financiers, Cameron s’était brouillé avec sa capricieuse épouse qui détestait Essex et les tâches domestiques. Elle était retournée à Brockville et devait mourir en 1875 sans s’être réconciliée avec lui.
Après sa défaite électorale de 1867, Cameron se lança dans plusieurs entreprises à Windsor. Il exploita des routes à péage, tenta de mettre sur pied une banque privée, acheta un journal (sans doute l’Essex Record) et tint un cabinet d’avocat à Windsor et à Toronto. Sans renoncer pour autant à la spéculation foncière, il adopta toutefois une attitude raisonnable et circonspecte, de sorte que ses transactions devinrent enfin rentables. Il tira profit de subventions gouvernementales pour drainer les terres qu’il possédait dans le comté d’Essex en vue de les vendre comme terres agricoles. En 1872, il vendit en six semaines des terres d’une valeur de 6 000 $ et put se targuer devant son beau-père de ce que son « heure allait venir, [et que les] terres à l’ouest prendr[aient] constamment de la valeur pendant des années encore ». Il avait très vite compris que la valeur des propriétés adjacentes aux chemins de fer projetés pourrait monter en flèche. En 1872, Cameron et un partenaire commercial, George Wilson, eurent vent du tracé du Canada Southern Railway et achetèrent les terrains où le chemin de fer devait croiser la route à péage qu’exploitait Cameron. Il fit construire des immeubles et concevoir le plan d’une ville à cet endroit, Essex Centre (Essex). Il usa de ses relations politiques et réussit même à faire verser une prime à la Canada Southern Railway pour qu’elle fasse plutôt passer ses trains par Windsor, ce qui améliorait la position de la ville comme grand terminus de chemin de fer et y garantissait la valeur de ses propriétés.
D’abord avec James Curry, puis avec le frère de celui-ci, John, banquier et marchand de Windsor, Cameron entreprit des opérations bancaires qui lui permettaient d’utiliser l’argent des dépôts pour financer ses acquisitions foncières. En 1879, Cameron et John Curry s’associèrent pour former l’Essex County Bank. Ils pressentirent également, au cours des années 1880, que Windsor profiterait de la croissance industrielle et commerciale de Detroit. De fait, un certain nombre d’hommes d’affaires américains, comme Hiram Walker, avaient déjà franchi la rivière de Detroit pour établir des entreprises et investir dans la région de Windsor. Comme la main-d’œuvre toujours plus nombreuse avait besoin de logements, Cameron et Curry subdivisèrent les terrains qui entouraient le centre de Windsor. De 1880 à 1892, en société avec d’autres, ils délimitèrent plus de 1 280 lots à bâtir, soit beaucoup plus que l’ensemble des autres promoteurs de la ville. Cette expansion mena à l’érection de Windsor en municipalité en 1892 et fit en même temps la fortune de Cameron et de Curry.
À sa mort en 1893, Alexander Cameron était considéré comme « l’homme le plus riche de l’ouest du Canada ». Sa fortune, que d’aucuns estimaient à 1 500 000 $, ne fut toutefois évaluée qu’à 700 000 $ au moment de la vérification de son testament, et elle était en grande partie immobilisée dans des terres qui ne se vendraient que bien des années plus tard. Pourtant, même s’il avait acquis la richesse, le bonheur était resté hors de sa portée. Il s’était remarié en 1878 à la veuve du riche constructeur de navires de Detroit, liber Ward, mais son épouse n’aimait pas vivre dans la petite ville de Windsor. Le couple s’était donc installé à Toronto vers 1890 mais, même là, Catharine Ward était plus attirée par la vie mondaine et brillante de Paris que par la compagnie de son époux. Cameron la voyait rarement. Il restait à Toronto pour maintenir le contact avec ses associés commerciaux et avec quelques membres de la vieille garde du parti libéral, tels Goldwin Smith* et George Goldwin Smith Lindsey. Les affaires, semble-t-il, étaient la seule compagne à laquelle il ait pu être attentif.
AN, RG 31, C1, 1871, Essex County.— AO, Hiram Walker Hist. Museum Coll., 20–38 (Alexander Cameron, political poster, 5 août 1867) ; 20–57 (John Curry, personal cheque-book, 1880–1881) ; MU 303–309 ; RG 53, sér. 56.— Essex Land Registry Office (Windsor, Ontario), Records.— Windsor Public Library, Municipal Arch., Assessment records.— Detroit Free Press, 24 nov., 15 déc. 1878, 9 avril 1890.— Globe, 16 nov. 1853.— Leader (Toronto), 11, 21, 23, 29 nov. 1853.— North American (Toronto), 22 nov. 1853.— Canadian album (Cochrane et Hopkins), 4 : 441.— Ont. marriage notices (Wilson), 244.— Roll of U.C. College (A. H. Young), 152.— Ian MacPherson, Matters of loyalty : the Buells of Brockville, 1830–1850 (Belleville, Ontario, 1981), 168–169.— Robertson’s landmarks of Toronto, 3 : 532–533.— Patrick Brode, « Alexander Cameron and the flowering of the county of Essex, 1853–1893 », Essex County Hist. Soc., Occasional papers (Windsor), no 4 (1987).
Patrick Brode, « CAMERON, ALEXANDER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/cameron_alexander_12F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/cameron_alexander_12F.html |
Auteur de l'article: | Patrick Brode |
Titre de l'article: | CAMERON, ALEXANDER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 9 oct. 2024 |