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CAMERON, MALCOLM, homme d’affaires, homme politique, apôtre de la tempérance, né le 25 avril 1808, à Trois-Rivières, Bas-Canada, fils d’Angus Cameron, sergent infirmier dans un régiment écossais, et d’Euphemia McGregor, décédé à Ottawa, Ont., le 1er juin 1876.
Malcolm Cameron, qui était le fils de presbytériens écossais, passa son enfance dans le comté de Lanark, Haut-Canada, où son père s’était établi quand son régiment fut licencié. Angus Cameron ouvrit une taverne non loin du Mississippi, entre Lanark et Perth, et Malcolm, « le petit batelier aux pieds nus », conduisait le bac que les voyageurs prenaient pour traverser la rivière. À 15 ans, il trouva du travail dans un magasin de Laprairie, puis à Montréal où il fut palefrenier. Il retourna à Perth où il fréquenta l’école et trouva finalement un poste d’employé dans un brasserie-distillerie.
En 1828, Cameron se joignit à son beau-frère, Henry Glass, pour ouvrir un magasin général, mais l’association fut de courte durée. Quatre ans plus tard, il établit un magasin du même genre avec John Porter et Robert Gemmell. L’entreprise prospéra et, au cours d’un voyage d’affaires qu’il effectua en Écosse, en avril 1833, Malcolm épousa une de ses cousines, Christina McGregor.
Les affaires de Cameron prirent de l’expansion dans les années 1830. Il se lança dans les valeurs immobilières aux alentours de Perth. En août 1834, de concert avec son frère John, il fonda le Bathurst Courier. Le journal se présentait comme un hebdomadaire indépendant, qui ne devait être « ni l’esclave, ni l’instrument » d’aucun parti. Mais les deux frères durent le vendre un an plus tard, car les riches marchands tories de la région se refusaient à lui confier de la publicité. Entre-temps, l’attention de Malcolm s’était portée vers l’ouest de la région du lac St Clair qui l’avait favorablement impressionné lors d’un voyage en 1833. En 1835, il ouvrit à Port Sarnia un autre magasin général qu’il mit en gérance et, pour £400, acheta à Elijah Harris, adjoint de l’agent au service des Indiens de l’endroit, une propriété de 100 acres, qui forme de nos jours le centre de la ville de Sarnia. Il divisa cette terre en lots, dont plusieurs furent vendus dans les années 30 et 40, ainsi qu’au cours d’une grande vente aux enchères qui eut lieu en avril 1857. Parmi les gens qu’il encourageait à s’établir à cet endroit, on remarquait surtout des officiers en demi-solde et des tisserands écossais qui s’étaient établis tout d’abord à Lanark.
Cameron s’installa à Port Sarnia en 1837 et, le 4 août de la même année, la firme Porter, Gemmell and Company fut dissoute. À Port Sarnia, il établit des scieries et des meuneries, et il construisit des bateaux pour le transport des marchandises sur les Grands Lacs, de Chicago à Québec. Il acheta également à l’intérieur du pays, loin du lac St Clair, de bonnes terres boisées et mit sur pied un commerce de bois. En 1847, il était un des entrepreneurs participant à la construction du Great Western Railway.
Cameron était fortement influencé par les Écossais « radicaux » qui s’étaient établis aux environs de Lanark et, en 1836, l’intérêt qu’il témoignait pour la politique le porta à se présenter comme réformiste modéré à Lanark. Il fut élu, bien qu’il n’eût en aucune façon exprimé clairement ses idées politiques, si ce n’est qu’il était en faveur du maintien des liens avec la Grande-Bretagne et qu’il agirait dans l’intérêt de ses électeurs. Au cours de la session de 1837, il se joignit à Robert Baldwin*, à Marshall Spring Bidwell et à d’autres réformistes qui s’opposaient à sir Francis Bond Head. Quand la rébellion éclata, Cameron se trouvait à Hamilton et il s’engagea comme volontaire sous les ordres d’Allan Napier MacNab*, mais il démissionna au bout de 16 jours, jugeant qu’on n’avait plus besoin de ses services. À la fin de la session de 1839, Cameron donna une idée de son caractère, de sa répugnance à prendre position et de sa tendance aux réactions impulsives, qui devaient se confirmer plus tard au cours de sa carrière. Le dernier jour de la session, le gouvernement fit voter à la hâte un projet de loi prévoyant la vente des « réserves » du clergé et le placement des sommes ainsi récoltées dans les mains du gouvernement anglais, à qui on laisserait le soin de les répartir. Selon l’avis de Camerons l’entreprise avait été menée de force, sous l’influence de l’alcool, alors que « tous les règlements de l’Assemblée, tous les engagements des députés et tous les principes d’honneur avaient été foulés aux pieds ». Aussi jura-t-il de ne jamais revenir à l’Assemblée.
Effectivement, il n’assista pas à la session suivante. Toutefois, devant les instances d’un groupe d’amis de Lanark, il accepta de se présenter aux élections prévues, les premières à avoir lieu après l’Union du Haut et du Bas-Canada, devenus le Canada-Ouest et le Canada-Est. Il se présenta encore comme indépendant, promettant vaguement d’appuyer les institutions desquelles dépendait le bien de la province, tout en déclarant cependant qu’il voyait dans la politique de lord Sydenham [Thomson*] certaines tendances libérales qu’il soutiendrait le cas échéant. Il fut élu et, au cours de la session de 1841, appuya le gouvernement formé par Sydenham. Au moment où l’Assemblée allait se réunir, devant le refus de Sydenham de prendre dans le gouvernement d’autres réformistes comme Louis-Hippolyte La Fontaine*, Baldwin avait démissionné mais Cameron n’avait pas appuyé son geste. Dès lors, il vota constamment avec la majorité et contre Baldwin, et fit partie d’un comité chargé de rédiger le projet de réponse au discours du trône. Plus tard, certaines personnes affirmèrent qu’en 1841 on avait offert à Cameron le poste d’inspecteur général, mais on n’en a jamais eu de preuve, et des gens bien informés, comme Francis Hincks*, ont mis en doute la véracité de cette histoire. En 1842 cependant, Cameron soutenait à nouveau Baldwin et était nommé inspecteur du fisc par le ministère Baldwin-La Fontaine. En septembre 1843, ne voulant pas voter pour le projet de loi présenté par le gouvernement, qui prévoyait le transfert de la capitale de Kingston à Montréal, il démissionna. Malgré tout, il ne croyait pas que dans cette affaire aucun principe politique ait été mis en jeu, et pensait que le gouvernement avait eu tort de présenter ce choix comme le sien et de faire du résultat du vote de l’Assemblée une question de confiance. Il n’hésita pas toutefois à continuer de reconnaître Baldwin comme le chef des réformistes.
En 1844, Cameron fut réélu dans Lanark, bien que sa vie ait été surtout centrée alors sur Sarnia. Aux élections de 1847, il se présenta dans la circonscription de Kent où, à une forte majorité, il battit John Hillyard Cameron, membre du Conseil exécutif de William Henry Draper. Lorsqu’en mars 1848 le deuxième ministère La Fontaine-Baldwin fut formé, Malcolm Cameron devint commissaire adjoint des Travaux publics. Il continua néanmoins à se conduire en indépendant et, dès le mois de mai 1848, Baldwin fut forcé de lui demander par lettre, en termes sévères, de venir immédiatement à Montréal et de donner les raisons qui l’avaient empêché jusqu’alors de se présenter à l’Assemblée. S’il passait outre, ajoutait Baldwin, il serait révoqué. En avril 1849, à la demande de Baldwin, Cameron rédigea un projet de loi sur les écoles et le déposa devant l’Assemblée, au milieu de la tempête soulevée par le projet sur l’indemnisation des pertes subies pendant la rébellion de 1837. Mais Cameron avait déposé le projet de loi sans en informer auparavant de son contenu Egerton Ryerson*, surintendant de l’Éducation au Haut-Canada. Ryerson s’opposa fortement à ce projet de loi et particulièrement aux clauses empêchant les ecclésiastiques d’être inspecteurs dans les écoles publiques, et interdisant l’usage de tous les livres renfermant des « dogmes ou des doctrines théologiques sujets à controverse ». Ryerson craignait qu’une telle phrase permît d’exclure la bible des écoles ; quand la loi fut adoptée, il démissionna. Par la suite, dans une atmosphère plus calme que celle qui avait régné en avril, Baldwin et Hincks reconsidérèrent la question. Vers la fin du mois de décembre, on demanda à Ryerson de continuer à exercer ses fonctions comme si la loi de 1849 n’avait jamais existé.
Les réactions imprévisibles de Cameron ne se manifestaient pas seulement en politique. Une fois, notamment, alors qu’il voyageait en compagnie de Baldwin, il disparut. Ce dernier partit à sa recherche et, horrifié, le découvrit, le torse nu, faisant ses ablutions dans un bar où il n’y avait heureusement aucun client à ce moment-là. Cameron déclara qu’il s’était rarement senti aussi bien. À la suite de discussions sur l’annexion du Canada aux États-Unis, les réactions de Cameron furent beaucoup plus au goût de Baldwin. Immédiatement après la parution, en octobre, du manifeste en faveur de l’annexion, Cameron dénonça le mouvement, qu’il qualifia de conspiration traîtreusement montée « par une bande de sujets infidèles qui projetaient le démembrement de l’Empire ».
Au début de décembre 1849 cependant, Cameron démissionna de son poste au sein du cabinet. Il reprochait à ses collègues de ne pas l’avoir consulté sur les changements exécutés dans le ministère, de ne pas avoir accepté ses projets de réduction des dépenses et d’avoir refusé d’affecter des fonds à certains travaux publics. Il déclara également que le poste qu’il occupait était inutile. Certains virent l’affaire d’un autre oeil, et Baldwin, notamment, déclara que la première fois que Cameron lui avait parlé de démissionner, ce dernier n’avait invoqué que des affaires personnelles urgentes. Quant à la réduction des dépenses, Baldwin, La Fontaine et James Hervey Price* assuraient tous que Cameron trouvait le traitement de commissaire adjoint trop faible. Ceux-ci, niant l’accusation selon laquelle Cameron n’avait pas été consulté avant les changements effectués dans le cabinet, conclurent, comme bien d’autres, que sa démission n’était « qu’un geste de mauvaise humeur et d’orgueil humilié », parce qu’on ne lui avait pas offert le poste de commissaire des Terres de la couronne qu’il convoitait.
À la suite de sa démission, Cameron n’abandonna pas pour autant la scène publique. Presque immédiatement, il commença à s’intéresser à un nouveau groupe radical du Haut-Canada. Les membres de ce groupe, tels que William McDougall*, allaient se faire connaître sous le nom de Clear Grits. Les façons dont Baldwin dirigeait le gouvernement et la discipline qu’il fallait observer avaient fini par agacer Cameron. De plus, il s’était découvert un intérêt commun avec les Grits. En 1840, il en était arrivé à penser que l’on devait supprimer l’aide de l’État aux différentes Églises, ou bien alors qu’elle fût divisée également entre toutes les Églises vraiment constituées. Maintenant il se montrait fermement en faveur de la position des Grits qui étaient opposés à tout rapport entre l’Église et l’État. Lorsque John Wetenhall, qui lui avait succédé au sein du cabinet, tenta de se faire réélire, en 1850, dans la circonscription de Halton, Cameron se fit, avec succès, le champion du candidat grit, Caleb Hopkins, qui se présentait contre le candidat du gouvernement. Cameron, qui avait des manières brusques et raffolait de la discussion, attaqua à maintes reprises le nouveau ministre, s’acharnant à critiquer le gouvernement et accablant sans répit Wetenhall, dont la raison était déjà défaillante.
Par la suite, en mai 1850, à l’assemblée marquant la fondation de la Toronto Anti-Clergy Reserves Association, il présenta, avec l’appui de James Lesslie*, journaliste grit, une motion demandant que le gouvernement soumette à l’Assemblée le problème de la sécularisation des réserves du clergé. Il proposa que les fonds provenant des terres appartenant au clergé et aux presbytères soient consacrés à l’instruction « ou soient utilisés à toutes autres fins d’utilité publique, conformément aux désirs de la collectivité ». L’association, qui voulait éviter un vote antigouvernemental, rejeta la motion, mais c’est cependant sur cette dernière que Cameron fonda sa position dans sa lutte contre le gouvernement. Au mois de mai, s’apercevant que le discours du trône ne contenait aucune allusion ni aux réserves du clergé ni à la tenure seigneuriale, Cameron présenta un amendement disant que l’Assemblée regrettait l’omission, mais la motion fut repoussée à une forte majorité. Il continua de jouer un rôle éminent, tandis que l’opposition radicale s’accentuait. En juin, il proposa que l’Assemblée se prononce tout d’abord sur la question des réserves du clergé et qu’elle demande ensuite la ratification du parlement britannique. Bien qu’elle ait été repoussée, cette motion – ainsi que d’autres – reçut l’appui de plusieurs réformistes du Haut-Canada, ce qui révèle que le ministère Baldwin-La Fontaine avait à faire face à une opposition grandissante, provenant non seulement de la droite mais aussi de la gauche de l’Assemblée.
En novembre 1850, Cameron fit part de son intention de démissionner. Officiellement il donna pour raison qu’il voulait consacrer plus de temps à ses affaires, mais en privé, il avouait être déçu par la vie parlementaire. D’un côté, le ministère ne semblait pas vouloir s’occuper des réserves et, d’un autre côté, Cameron craignait que les principes des Clear Grits ne conduisent à l’annexion du Canada aux États-Unis. En sa qualité de marchand de bois et d’armateur, il désirait naturellement l’expansion des entreprises commerciales et, en février 1850, il avait été envoyé par un groupe d’hommes d’affaires torontois à Washington, où il essaya, mais en vain, d’intéresser plusieurs membres du Congrès au principe de la réciprocité. Il était toutefois absolument opposé à l’annexion. Il ne démissionna pas, mais n’assista aux séances de la session de 1851 que de temps à autre.
En 1851, le ministère dirigé par Hincks et Augustin-Norbert Morin* succéda au ministère Baldwin-La Fontaine. À Toronto, le Globe de George Brown avait adopté une position indépendante ; il craignait que Hincks, afin de conserver l’appui des réformistes catholiques du Bas-Canada, ne se montre en faveur de relations plus étroites entre l’Église et l’État. À Toronto, Hincks avait besoin d’un nouveau journal. C’est alors que William McDougall, directeur du North American, saisit la chance qu’il avait de travailler au progrès des Grits et les deux parties conclurent un accord. Selon McDougall, l’arrangement prévoyait entre autres que deux Grits, Cameron et John Rolph*, entreraient dans le ministère qui prendrait alors « toutes les mesures progressistes raisonnables » ; le North American appuierait le gouvernement, cessant pour un certain temps d’être l’organe des Grits. La version donnée par Hincks diffère légèrement : il disait avoir proposé tout d’abord un poste à Rolph, qui refusa d’entrer dans le ministère sans Cameron. Quand le réformiste modéré John Sandfield Macdonald refusa les fonctions de commissaire des Terres de la couronne, Cameron aurait pu être nommé à ce poste. Lorsque ce dernier accepta d’entrer dans le ministère, il ne fut nullement question, semble-t-il, du portefeuille qui lui serait offert. Mais de retour à Sarnia, en octobre 1851, il pensait être nommé maître général des Postes. Toutefois, lorsque la composition du nouveau cabinet fut annoncée, il apprit qu’il était nommé président du Conseil exécutif et, comme il avait fréquemment déclaré que ces fonctions étaient superflues, il démissionna immédiatement.
Aux élections de décembre 1851, il se présenta comme indépendant dans la circonscription de Huron, mais on a retenu son nom surtout à cause du rôle qu’il joua dans la circonscription de Kent. C’est là que Brown, appuyé par Alexander Mackenzie* et par la Central Reform Association de Lambton, se présentait comme indépendant. En 1849–1850, Brown et Mackenzie avaient pensé qu’il était essentiel de maintenir le ministère au pouvoir si l’on voulait faire progresser le mouvement réformiste et Cameron s’était attiré leur inimitié en démissionnant sur un coup de tête, comme l’affirmait Brown. C’est dans ce même climat de tension que Cameron fit son entrée fulgurante dans l’arène, espérant obtenir pour le candidat du gouvernement, Arthur Rankin, le même résultat qu’il avait eu pour le candidat antigouvernemental dans la circonscription de Halton en 1850. Parlant de Brown, il claironna bien haut qu’il allait « lui régler son compte », et il pressait ses amis d’assister aux réunions de ce dernier pour lui montrer de quelle trempe étaient les vrais réformistes. En outre, il fit appel à la population irlandaise de l’endroit pour chasser l’homme qui avait si souvent combattu les catholiques dans le passé. Cameron reprochait à Brown d’avoir changé d’allégeance et d’avoir retiré son appui au gouvernement ; il l’accusait aussi de tenter de provoquer une scission du mouvement réformiste et de jeter la discorde entre les catholiques et les protestants. Il allait jusqu’à le traiter de « menteur » et de « politicien crapuleux ». Brown, cependant, était plus que quiconque capable de se défendre. Pour ce qui était des accusations d’instabilité, Cameron lui-même, l’un des chefs du mouvement des Clear Grits, n’était-il pas soudain entré dans un ministère dont il avait encore tout récemment attaqué la plupart des membres ? C’est ainsi qu’à maintes reprises Brown parvint à lui damer le pion, et remporta la victoire. Quant au sobriquet de « Coon », dont il avait été question durant l’élection, Cameron en hérita et le garda pendant des années.
Bien qu’au cours des élections Cameron se soit présenté comme indépendant, Hincks était toujours désireux de l’avoir dans le cabinet. À son avis, Cameron voulait davantage de travail pour le même traitement, aussi créa-t-on un bureau de l’Agriculture, qui dépendait du président du Conseil exécutif. Le poste fut offert à Cameron qui l’accepta au début de février 1852.
Au cours de la session de 1852–1853, Cameron dut se sentir mal à l’aise, car il fut obligé à maintes reprises de voter pour le ministère et ainsi de passer outre aux principes qu’il avait défendus auparavant. Quand, en mars 1853, le gouvernement présenta son projet d’augmenter le nombre des députés dans les deux Canadas, Brown proposa un amendement prévoyant la représentation basée sur la population sans distinction entre le Haut et le Bas-Canada. Cameron vota contre l’amendement et le North American expliqua que lorsque les Grits parlaient de représentation basée sur la population, ils situaient le problème dans le cadre d’une réforme de la carte électorale dans chacun des deux Canadas. En juin 1853, l’Assemblée adopta la loi sur les écoles qu’avait présentée le gouvernement. Cette loi prévoyait l’élargissement des droits des écoles séparées dans le Haut-Canada. Seulement 10 députés du Haut-Canada, parmi lesquels Cameron, votèrent en faveur de la loi et 17 votèrent contre. La question de la reconnaissance légale des organisations religieuses mit les ministres grits de plus en plus mal à l’aise. En effet, après que l’Assemblée eut adopté certaines lois accordant un statut juridique à des hôpitaux, à des institutions religieuses, à des œuvres de bienfaisance et à des écoles du Bas-Canada, le gouvernement présenta un projet de loi destiné à englober tous les cas éventuels. Quant à l’opposition, qu’elle vînt des conservateurs dirigés par MacNab ou de Brown lui-même, elle ne manqua pas de souligner l’inconsistance de la politique du gouvernement et de se moquer des ministres grits. Quant à Cameron et Rolph, ils baissaient de plus en plus dans l’estime de leurs partisans grits ; en mai 1853, Lesslie demanda à Alexander Mackenzie s’il les considérait comme des traîtres ou comme des gens débordés par des événements qu’ils n’avaient pas prévus.
Au mois d’août 1853, Cameron fut nommé maître général des Postes en remplacement de James Morris*. En cette qualité, il siégea automatiquement à la commission des chemins de fer et, quand la compagnie du chemin de fer du Grand Tronc fut formée officiellement, il fut nommé administrateur gouvernemental pour le Canada-Ouest. En novembre 1853, sur les conseils de Cameron, John Robert Gemmill, rédacteur du Lanark Observer, fonda le Lambton Observer and Western Advertiser, qui devint plus tard le Sarnia Observer. Au cours de l’hiver suivant, Cameron poursuivit en diffamation Mackenzie qui avait insinué, dans le Lambton Shield, que Cameron avait essayé de faire une transaction foncière louche, quand il était membre du gouvernement La Fontaine-Baldwin. Baldwin, Price et William Hamilton Merritt*, anciens collègues de Cameron au sein de ce ministère, déjouèrent les intentions de Mackenzie en se déclarant liés par le serment qu’ils avaient prêté concernant les secrets d’État. Le jury se prononça en faveur de Cameron, mais la publicité faite autour du procès lui avait fait du tort.
Les élections furent fixées pour juillet 1854 et, à la suite des propositions qui lui avaient été faites, Cameron accepta de se présenter à la fois dans les circonscriptions de Lanark-Sud et de Lambton. Sa campagne se limita cependant à Lambton où, pour la seconde fois, il y aurait un « règlement de compte » entre lui et Brown. Ce dernier accusa Cameron de se livrer en sous-main à des transactions sur les chemins de fer et sur lès terrains, de mettre à profit ses fonctions de maître général des Postes pour envoyer gratis des brochures électorales et d’offrir à des marchands de bois des prix avantageux pour leurs marchandises. Brown allait jusqu’à dire que Cameron procurait des emplois, qu’il faisait venir à pleins bateaux des bûcherons irlandais et canadiens-français, tous catholiques, qui allaient grossir sa claque le jour de la déclaration de candidature (allant même jusqu’à ouvrir une taverne pour eux), et il l’accusait en outre d’appartenir à un gouvernement corrompu. Cameron cria à la calomnie, montant en épingle le rôle qu’il jouait dans le mouvement en faveur de la tempérance et se portant à la défense du ministère, disant que ce dernier se montrait aussi progressiste que les circonstances le permettaient. Une fois de plus, Cameron sortit de ses gonds : au cours d’une réunion, il avertit Mackenzie et un de ses amis qu’eux et leurs semblables iraient en enfer, « à moins qu’ils ne se repentent des calomnies qu’ils avaient répandues contre le ministère ». Cameron fut finalement battu à Lambton ainsi qu’à Lanark-Sud ; il ne reparut pas à l’Assemblée pendant plus de trois ans.
Il semble qu’au cours de cette période Cameron se soit retiré de certaines de ses entreprises commerciales. En 1853, en association avec le baron van Tuyll* van Serooskerken, il avait vendu des lots de terrain du domaine Bayfield dans le comté de Huron et, en 1857, il vendit des lots à Sarnia. C’était encore un très grand propriétaire foncier, mais il s’était retiré des transports maritimes et il semble qu’il ait également vendu son magasin. En février 1857, le bruit courait qu’il avait « des difficultés financières insurmontables ».
Lorsque l’on sut qu’il y aurait des élections à la fin de l’automne de 1857, Brown informa Mackenzie qu’il se présenterait dans la circonscription de Lambton, si les membres du comité réformiste le voulaient bien, tout en leur suggérant d’envisager le choix d’un candidat originaire de l’endroit. « Si seulement Cameron montrait du repentir et était vraiment décidé à accepter les termes [de l’alliance réformiste de 1857], et à faire opposition au ministère, écrivit Brown, il n’y aurait rien à perdre à le choisir. » Sur le conseil de Brown, Mackenzie et Archibald Young rencontrèrent Cameron pour, connaître ses opinions, mais les pourparlers échouèrent, à la suite de violentes discussions. Cameron se présenta comme indépendant dans la circonscription de Lambton, refusant de se prononcer pour ou contre le ministère de John A. Macdonald* et de George-Étienne Cartier, de tendance conservatrice modérée, promettant de le juger sur ses actes. Hope Mackenzie, candidat antiministériel, allait également entrer dans la lutte, lorsqu’il devint évident que Brown ne se présenterait pas ; c’est lui qui fut choisi. Comme il n’y avait guère de différence dans le programme des deux candidats, sauf l’allégeance au parti, la campagne électorale se résuma à des attaques personnelles de part et d’autre. Cameron fut élu à une faible majorité et dans une atmosphère pleine de rancœur.
Pendant la première année de son retour à l’Assemblée, Cameron vota presque continuellement avec le gouvernement Macdonald-Cartier, parce que, disait-il, il n’avait pas encore été mis à l’épreuve et qu’il fallait lui donner une chance de montrer ce dont il était capable. Lorsqu’en mars 1858 Brown proposa une motion demandant la représentation basée sur la population, Cameron vota contre, bien que plus tard, en juin de la même année, il allât jusqu’à présenter une motion semblable. Par la suite, il se défendit de cette inconséquence apparente, en disant qu’il n’avait pas voulu que l’on puisse interpréter son vote comme un manque de confiance dans le ministère. Certains virent dans son geste un désir de « faire passer sa mauvaise humeur sur Brown ». Au début du mois d’août, il vota contre le ministère libéral de Brown et d’Antoine-Aimé Dorion*, qui fut peu de temps au pouvoir, prétendant que Brown avait, dans sa soif du pouvoir, manqué à ses principes politiques. Ce ne fut qu’en mars 1859 que Cameron exécuta une véritable volte-face, retira son appui au gouvernement Cartier- Macdonald et se joignit à Brown pour condamner en termes vigoureux la législation sur l’augmentation des tarifs douaniers, présentée par Alexander Tilloch Galt*. Quelque temps auparavant, il s’était opposé, disait-il, au renvoi de William Cayley* et à l’augmentation du traitement des députés, mais, ajoutait-il, les nouveaux tarifs douaniers avaient été la goutte qui avait fait déborder le vase. À cette occasion, on pouvait lire dans le Globe : « Ce qu’il y a de bien chez le député de Lambton, c’est qu’il ne fait jamais les choses à moitié et, une fois qu’il a eu décidé d’entrer dans l’opposition, il s’y est donné à fond. » Cameron réaffirma sa position lorsqu’en avril il fit une violente sortie contre les propositions du gouvernement tendant à financer le remboursement des propriétés seigneuriales dans le Bas-Canada.
En septembre 1859, l’opposition parlementaire de l’ouest du Haut-Canada tint une réunion à Toronto pour déterminer la politique à suivre dans l’avenir. Il y fut décidé que le pays avait besoin d’une réforme constitutionnelle, et que l’on devrait tenir un grand congrès pour envisager celle-ci et pour raviver l’intérêt et l’enthousiasme en faveur de cette réforme. « Malcolm était là et s’est montré bon garçon, écrivit Brown ; il a exprimé des opinions très importantes dans un esprit coopératif. » Mackenzie et le comité central réformiste, se souvenant des animosités passées et des caprices de la carrière politique de Cameron, n’étaient pas si enthousiastes. Ils décidèrent toutefois que, sans vouloir s’engager pour l’avenir, ils collaboreraient avec Cameron pour le moment, « à cause de la situation alarmante dans laquelle se trouv[ait] le pays ». Lorsqu’en novembre 1859, la convention réformiste s’ouvrit, Cameron siégea dans deux comités et ouvrit les débats. Après s’être félicité de la communion de sentiments qui régnait, il s’expliqua sur son départ du cabinet. Il avait, disait-il, toujours été partisan de l’Union, mais celle-ci était devenue irréalisable et, la représentation basée sur la population n’étant qu’une possibilité fort éloignée avec le système actuel, une fédération devenait la seule solution à envisager. Il voyait alors plus loin qu’une union des deux Canadas et demandait que d’autres territoires puissent se joindre à cette fédération, créant ainsi « le noyau d’un empire s’étendant de l’Atlantique au Pacifique ».
Le dernier rôle important que joua Cameron à l’Assemblée fut en sa qualité de président d’une commission d’enquête qui, en 1860, devait examiner le cas de l’University of Toronto. Au mois de juin de la même année, on lui offrit de se présenter comme candidat réformiste aux élections du Conseil législatif, dans la circonscription de St Clair. Il accepta et fut élu sans opposition. Au Conseil législatif, pendant deux ans et demi, il continua de plaider en faveur de la fédération et de l’expansion économique. Il préconisa la construction de chemins de fer dans tout le continent, puis fit un voyage en Colombie-Britannique en 1862. Il arriva à New Westminster au mois d’août et, de là, partit pour la Grande-Bretagne où il emportait la pétition présentée par un comité présidé par William James Armstrong et formé de personnes demeurant dans la partie continentale, qui voulaient avoir leur propre gouvernement. Cameron fut considéré comme un délégué idéal en raison de son expérience politique, de ses relations et de son désintéressement. Il avait en fait déjà demandé en 1861 au duc de Newcastle [Clinton] de révoquer sir James Douglas, gouverneur de la colonie.
En 1863, Cameron fut nommé imprimeur de la reine, conjointement avec Georges-Pascal Desbarats*, et, pendant six ans, il ne s’occupa pas de politique. En 1869, la population de la circonscription fédérale de Renfrew apprit avec surprise que Cameron se présenterait à l’élection partielle qui devait avoir lieu. Il fut battu par John Lorn McDougall* et devait aussi se faire battre dans la circonscription de Lanark-Sud, en 1871, lors des élections provinciales en Ontario, alors qu’il faisait campagne pour l’élargissement du droit de vote et contre le gouvernement de coalition de Sandfield Macdonald. Il se présenta de nouveau aux élections fédérales de 1872, dans la circonscription de Russell, mais fut battu par James Alexander Grant. En 1874, il fut élu député libéral dans la circonscription d’Ontario-Sud, où il battit Thomas Nicholson Gibbs*, et siégea pendant deux ans au parlement fédéral. Cameron mourut à Ottawa le 1er juin 1876 et seule une fille, qui était célibataire, lui survécut. Au moment de sa mort, il était criblé de dettes. Il avait des arrérages de taxes et il devait de l’argent à plusieurs banques, à des compagnies de prêt et à des particuliers. Pendant les dernières années de sa vie, il fut l’un des administrateurs de l’Ontario and Quebec Railway et du chemin de fer qui reliait les Marmora Iron Works à Colborne. Il fut également l’un des administrateurs de la Royal Mutual Life Assurance Company, et président de l’Ontario Central Railway.
Bien que sa carrière politique ait été des plus capricieuses, il est une cause à laquelle Cameron resta fidèle toute sa vie, celle de la tempérance. Il fit partie du conseil d’administration de nombreuses sociétés et, entre autres, de celle des Sons of Temperance, et présenta au parlement plusieurs projets de loi sur la tempérance. Mais, c’est surtout comme homme d’affaires qu’il est passé à la postérité et comme fondateur de la ville de Sarnia ; homme politique indépendant mais d’un tempérament emporté, il fut enfin l’un des premiers chefs du mouvement clear grit dans le Canada-Ouest.
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Margaret Coleman, « CAMERON, MALCOLM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/cameron_malcolm_10F.html.
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Auteur de l'article: | Margaret Coleman |
Titre de l'article: | CAMERON, MALCOLM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1972 |
Année de la révision: | 1972 |
Date de consultation: | 11 oct. 2024 |