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CÔTÉ, JEAN-BAPTISTE, architecte, sculpteur, doreur, graveur sur bois, caricaturiste, éditeur de journaux et imprimeur, né le 30 mai 1832 à Saint-Roch de Québec, fils de Jean-Baptiste Côté et d’Hélène Grenier ; le 8 septembre 1856, il épousa à Québec Marie Auger, fille de Jacques Auger et de Marie Roussin, et ils eurent dix enfants, puis le 21 janvier 1884, dans la même ville, Adélaïde Bédard, et de ce mariage ne naquit aucun enfant ; décédé le 9 avril 1907, à Saint-Roch de Québec.
Jean-Baptiste Côté passera presque toute sa vie dans le quartier Saint-Roch de la basse ville de Québec où il est né. Après quelques années d’études, il entre vers 1850 comme apprenti à l’atelier de François-Xavier Berlinguet*, architecte et entrepreneur reconnu de Québec, où il devient architecte-dessinateur et collabore, notamment, à la décoration de l’église de Beauport. Toutefois, au milieu des années 1850, Côté, qui se sent peu attiré par l’architecture, décide de s’établir à son compte et s’oriente vers la sculpture navale. Depuis son jeune âge, il se trouve dans un environnement où la construction navale est omniprésente, puisque la majorité des grands chantiers sont établis à proximité de la rivière Saint-Charles. Son père Jean-Baptiste est lui-même charpentier de navires et travaille comme contremaître pour le constructeur Narcisse Rosa. En 1855, Côté ouvre son premier atelier près des chantiers maritimes de la Saint-Charles. Dans le Canadien du 4 juin de cette année-là, il offre ses services aux constructeurs de navires en insistant sur la qualité de ses figures de proue : « M. J.B. Côté, Statuaire et Sculpteur a établi son atelier Rue St. François, no. 32 [...] Il exécutera avec promptitude, toute espèce d’ouvrage de sculpture que l’on voudra bien lui confier. Il désire attirer l’attention de MM. les constructeurs de vaisseaux sur le fini de ses statues, dont on peut voir un échantillon à son atelier. » À cette époque, l’industrie de la construction navale est en pleine expansion, elle fait vivre presque la moitié de la population de Québec et procure du travail à plusieurs sculpteurs. Le mariage de Côté en 1856 lui ouvre les portes : le père de son épouse, Jacques Auger, est « charpentier de vaisseaux » et contremaître aux chantiers de Narcisse Rosa, tandis que son frère, Elzéar Auger, est lui-même constructeur de navires. Côté aurait ainsi travaillé pour la plupart des grands constructeurs de Québec, notamment Rosa, Pierre-Vincent Valin* et James Gibb Ross*. Il réalise divers genres de sculptures pour les proues et les poupes des bâtiments, dont des nymphes (figures féminines en pied). Malheureusement, aucune pièce de ce type n’a encore pu être retracée ou lui être attribuée avec certitude.
L’année de son mariage, Côté emménage rue Saint-Vallier, mais son atelier est détruit dans le grand incendie de Saint-Roch en octobre 1866. L’année suivante, il achète un terrain dans le même faubourg, qu’il conservera jusqu’à son décès. Sa maison en briques à un étage, rue de la Couronne, brûlera à son tour dans le grand incendie du 24 mai 1870. Durant ces années, Jean-Baptiste est associé à son frère Claude, également sculpteur.
Tout en continuant à travailler pour les constructeurs navals, Côté collabore dans les années 1860 à divers journaux éphémères de la ville de Québec, s’adonnant à la caricature et à la satire sociale et politique. On le retrouve d’abord à la Scie, propriété de L.-P. Normand, en 1864, où, en collaboration avec Adolphe Guérard, il assume les tâches de rédacteur et de graveur sur bois. Cette feuille humoristique dénonce, entre autres, le projet de Confédération, perçu comme un suicide national. Les « finots », ces « hommes à la conscience élastique », sont des traîtres et des vendus. Les hommes politiques George-Étienne Cartier*, Joseph-Édouard Cauchon*, Hector-Louis Langevin, George Brown*, de même que les journalistes François Évanturel*, Hector Fabre et Hector Berthelot* sont les têtes de turc préférées de la Scie. Durant près de trois mois, soit du 25 novembre 1864 au 11 février 1865, le journal publie plus de 60 caricatures gravées par Côté. Parmi les plus célèbres, il faut mentionner la Confédération (2 décembre 1864) représentée comme un dragon à sept têtes, chevauché par Brown, encensé par Cartier et Cauchon, et s’apprêtant à avaler un mouton (le Québec), de même que le Philosophe Grosperrin vendant sa complainte, qui serait un portrait-caricature d’Adolphe Guérard et non un autoportrait, comme l’a affirmé Marius Barbeau*.
À la mi-février 1865, Guérard et Côté quittent la Scie, lui reprochant de manquer de mordant et de ne pas être assez radicale. Ils forment alors une société comme imprimeurs, sous le nom de A. Guérard et Compagnie, établie au 45 de la rue Sainte-Marguerite. Le 17 du même mois, ils lancent la Scie illustrée, placée sous la devise Mieux vaut rire que pleurer, dans le but avoué de faire échec à la Confédération. Jusqu’au 12 mai 1866, le journal est illustré de plus de 300 gravures sur bois exécutées par Côté, comprenant environ 275 caricatures, une vingtaine de rébus et une dizaine de portraits. La feuille comporte quelques séries célèbres, échelonnées sur plusieurs numéros, dont les « Tribulations d’un cadet » (3 et 17 novembre 1865), « Comment on devient député » (29 décembre 1865 au 16 février 1866) et « Baptiste Pacot, employé civil » (9 au 23 mars 1866). En mars 1866, Guérard et Côté sont poursuivis pour libelle par Michael McAvoy, de Saint-Roch. Ce dernier les accuse d’avoir affirmé dans leur journal qu’il était « de connivence avec le parti fénien ». Moins de deux mois plus tard, la Scie illustrée disparaît pour faire place, le 19 mai, à l’Électeur. Ce journal de « politique, caricature et critique » se veut « d’une portée plus sérieuse que son prédécesseur ». L’Électeur se distingue des autres journaux par son désir d’inculquer au peuple canadien-français un idéal démocratique. Cet hebdomadaire comporte également plus de 40 caricatures étalées de la date de fondation jusqu’au 3 novembre 1866. À son tour, l’Électeur sera remplacé par l’Écho du peuple (1er juin 1867 au 4 avril 1868), non illustré, puis par le Charivari canadien (5 juin au 13 novembre 1868). Le Charivari, « journal pour rire », est placé sous la devise Je vois tout, avec en en-tête l’illustration d’un gros oeil rayonnant. Il fait aussi une large place à la caricature avec plus de 50 gravures sur bois, certaines signées du pseudonyme de Nemo, mais on ne sait si elles sont l’œuvre de Côté. Ce devait probablement être la dernière collaboration de Côté à une feuille humoristique.
Au cours des années 1870, Côté amorce le second versant de sa carrière. En effet, le déclin de la construction des navires en bois avec l’arrivée d’une nouvelle génération de bâtiments à vapeur et à coque de métal, et la rareté qui s’ensuit dans les commandes de figures de proue le forcent à se tourner vers d’autres marchés comme ceux de l’enseigne commerciale, du mobilier et du monument funéraire. Il façonne des Indiens comme enseignes de tabagie, des meubles de luxe pour des membres de sa famille, des pleureuses pour les cimetières de Charlesbourg et de Saint-Charles de Québec, des anges de corbillard, et même des animaux pour la crèche de l’église Saint-Sauveur de Québec.
En 1876, Côté s’est fait construire une nouvelle maison à deux étages, rue de la Couronne. Occupant lui-même le second étage, il se réserve le rez-de-chaussée pour sa boutique. L’entrée de l’échoppe est surmontée d’une enseigne en relief polychrome, très pittoresque, tandis que la vitrine est constamment décorée de statues et d’objets qu’il a façonnés.
La production profane de Côté comprend, outre les figures de proue et les enseignes de tabagie, des personnages historiques, des allégories, telles les Saisons, et des types populaires comme l’habitant, le raquetteur, le bûcheron. Ainsi, en février 1885, Côté signe un petit modèle original de Raquetteur, qui allait être moulé en plâtre, en guise de souvenir ou de trophée, par le statuaire italien Aurelio Bertoni. Débordant d’imagination, il fait montre de virtuosité et d’humour dans ses deux séries de personnages filiformes représentant le pêcheur, le chasseur et le chanteur. Côté est aussi connu pour ses médaillons-reliefs décrivant des Indiens en forêt, des raquetteurs en marche ou une vache et son veau dans un pré. En fait, il est également un sculpteur animalier sans pareil, et sans doute le plus fameux du siècle dernier. Il puise abondamment dans le répertoire et multiplie animaux sauvages, domestiques et même exotiques. À ces divers travaux, il convient d’ajouter la superbe enseigne polychrome intitulée les Progrès de la vie économique.
Côté commence aussi à cette époque à exploiter le marché de la sculpture religieuse, en relief ou en ronde-bosse. Ainsi, dès 1877, il livre une statue du Sacré-Cœur à l’église Saint-Roch de Québec, « un travail exquis » selon le Journal de Québec du 28 août. De plus, à l’occasion de l’Exposition provinciale de cette année-là, trois de ses œuvres, dont une Pietà (aujourd’hui dans l’église de Saint-Pierre-Montmagny), font l’objet de commentaires fort élogieux dans le Daily Telegraph et dans l’Événement des 18 et 26 septembre. Tout comme Michele Rigali et Louis Jobin*, Côté mérite un « prix extra » pour ses statues en bois.
La grande convention nationale des Canadiens français, à Québec, en 1880, allait lancer véritablement la carrière de Côté dans le domaine de la statuaire. Il se voit alors confier la sculpture de deux voitures pour la procession du 24 juin, qui allait constituer sans aucun doute l’un des événements les plus spectaculaires et les plus hauts en couleurs dans la province au xixe siècle. Il assume seul la construction entière du char de la Société Saint-Jean-Baptiste de la cité de Québec, conçu par l’architecte Eugène-Étienne Taché*, c’est-à-dire la menuiserie, la sculpture et une statue de saint Jean-Baptiste, patron des Canadiens français. Par sa riche décoration, le véhicule témoignait bien du caractère religieux et patriotique de la fête. Dans son rapport final publié en 1881, Honoré-Julien-Jean-Baptiste Chouinard, secrétaire général de la convention, souligne que « ce char, de l’aveu de tous, était le plus grandiose et le plus remarquable, par l’ampleur de ses formes et l’élégance de tous ses détails ». De plus, Côté façonne une statue de Gutenberg pour le char des imprimeurs-typographes de Québec, char commandé par l’Union typographique de Québec et dessiné par Paul Cousin.
La participation de Côté au défilé du 24 juin 1880 consacre sa bonne réputation de sculpteur et, surtout, de statuaire. À compter de ce moment, il s’oriente définitivement vers le marché de la sculpture religieuse, qu’il exploitera bon an mal an jusqu’à la fin du siècle. Au cours de la décennie 1880, les journaux font écho à quelques-unes de ses réalisations dans ce domaine : en 1882, une grande Sainte Vierge ainsi qu’un Saint Joseph et un Saint François d’Assise pour le couronnement de la façade de la chapelle Notre-Dame de Lourdes à Saint-Sauveur de Québec ; en 1886–1887, un Saint Joseph et une Sainte Vierge pour la façade de l’école des Frères des écoles chrétiennes à Saint-Roch ; en 1888–1889, une grande Sainte Anne pour le mont Sainte-Anne, près de Percé, de même qu’un ensemble de cinq statues pour la façade de l’église de Sainte-Famille, à l’île d’Orléans. Au cours des années suivantes, Côté livre encore statues et reliefs à divers clients, notamment en 1902 une Immaculée-Conception à l’église Saint-Roch et un Saint Antoine au collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, sans compter deux médaillons de Saint Pierre et Saint Paul à Notre-Dame de Québec, un autre Saint Antoine à l’hospice du même nom à Saint-Roch et un haut-relief de la Dernière Cène à la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré.
Côté signe aussi une série de petits tableaux-reliefs, à la polychromie très riche, illustrant divers épisodes du Nouveau Testament. Si l’on ignore la destination première de ces tableaux-sculptés, il en va tout autrement de ses hauts-reliefs qui ornaient à l’origine des tombeaux d’autel. La plupart de ces ouvrages au style narratif et exubérant sont empreints de poésie et de naïveté. Leur souci descriptif évident allié à leur sens du détail pittoresque présentent parfois des maladresses ou traduisent l’horreur du vide et le penchant de Côté pour la caricature.
Durant cette période, le sculpteur aurait eu quelques apprentis. Chose certaine, il a comme assistant, entre 1887 et 1890, son fils Claude qui l’aide entre autres au contrat de l’église de Sainte-Famille. La clientèle de Côté est composée aussi bien de membres du clergé et des communautés religieuses que d’entrepreneurs-architectes et de simples citoyens. C’est ainsi qu’il est amené à exploiter le marché de la statuaire de grandes dimensions destinée à l’extérieur des édifices. Il doit toutefois affronter la forte concurrence des sculpteurs locaux comme Louis Jobin et Michele Rigali, ainsi que celle des importateurs et des maisons étrangères établies à Québec et à Montréal. Ces grands ateliers-manufactures fabriquent et distribuent des œuvres moulées ou coulées, fort diversifiées et très en demande. Le sculpteur doit donc tenir compte de ces produits en imitant leur aspect tout en créant des œuvres empreintes d’une certaine originalité.
À la suite du grand succès populaire obtenu en 1894 par les statues de glace de Louis Jobin, les organisateurs du carnaval de 1896 relancent l’expérience, mais cette fois à plus grande échelle. Côté se joint à Jobin avec d’autres sculpteurs connus de la ville. On lui commande une statue colossale de Washington d’une hauteur de 18 pieds, devant être érigée « sur un piédestal en neige nuancée », en face de l’hôtel Vendôme. De plus, on lui demande de restaurer l’ancienne figure de proue de l’Alert qui doit être mise en valeur sur un char « allégorique » du défilé. Il devait s’agir là de l’une des dernières activités de Côté relevées par les journaux du temps.
À compter de 1903, Côté, dont la santé est fragile, contracte une grave maladie de l’épine dorsale et se voit obligé de cesser toute activité. Il fait alors de longs séjours chez des amis à Saint-Pierre de l’île d’Orléans. Dans son testament, daté du 7 juin 1905, il donne et lègue à ses trois filles qui habitent avec lui tous ses biens meubles et immeubles. Le 9 avril 1907, Côté meurt dans sa résidence de la rue de la Couronne. Dans son édition du lendemain, le Soleil souligne que « le défunt jouissait de l’estime et de la considération de tous ses concitoyens ». Le 11 avril, d’imposantes funérailles ont lieu à l’église Saint-Roch, « au milieu d’un concours considérable de parents et amis ». Son corps est inhumé au cimetière Saint-Charles.
Selon sa fille Laure, Côté mourut dans la pauvreté. De fait, tout au long de sa carrière, il a eu bien du mal à vivre de son métier, sans cesse aux prises avec les nombreux bouleversements du marché de la sculpture. Seul son fils Claude devait poursuivre le même métier, travaillant notamment pour le meublier Philippe Vallière*.
Les contemporains de Côté le décrivent tous comme un original, certains comme un idéaliste, voire un rêveur. D’après sa fille, il avait un bon cercle d’amis, des réparties fines et des manières distinguées. Louis Jobin rapporte que Côté « était un fameux sculpteur d’ornements [...] tout ce qu’il faisait était bien ». Son œuvre statuaire connu n’a pas l’ampleur de celui de Jobin. Par contre, on ne sait rien de sa production de figures de proue, son champ privilégié. Néanmoins, ses différentes statues religieuses, au style robuste mais noble, attestent la bonne réputation de statuaire que Côté s’était acquise vers 1880. Aujourd’hui, Jean-Baptiste Côté est considéré non seulement comme l’un des premiers graveurs-caricaturistes au pays mais aussi comme l’un des sculpteurs sur bois québécois les plus originaux de la seconde moitié du xixe siècle.
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Mario Béland, « CÔTÉ, JEAN-BAPTISTE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/cote_jean_baptiste_13F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/cote_jean_baptiste_13F.html |
Auteur de l'article: | Mario Béland |
Titre de l'article: | CÔTÉ, JEAN-BAPTISTE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 9 nov. 2024 |