DECORBY, JULES (baptisé Marie-Jules-Louis), père oblat de Marie-Immaculée, né le 3 mai 1841 à Chandolas, France, fils de Joseph Decorby, vigneron, et de Marie-Madeleine Serre ; décédé le 16 octobre 1916 à Saint-Charles, Manitoba.
Jules Decorby entra au noviciat à Notre-Dame-de-l’Osier en France le 30 avril 1861, fit profession dans la congrégation des oblats le 3 mai 1862 et prononça ses vœux perpétuels au scolasticat d’Autun un an plus tard. Ordonné prêtre à Autun le 30 mai 1867, il partit en septembre pour faire du travail missionnaire dans le diocèse de Saint-Boniface, qui était alors sous l’autorité de Mgr Alexandre-Antonin Taché*.
De 1868 à 1880, Decorby œuvra à la mission de Saint-Florent (Lebret, Saskatchewan), dans la vallée de la Qu’Appelle. D’autres oblats l’aidèrent – Jean-Marie-Joseph Lestanc l’assista de temps à autre et Joseph Hugonard vint le seconder en 1874 –, mais souvent, il était à 15 jours de marche du prêtre le plus proche. À partir de la mission, il parcourut ce qui est maintenant le sud de la Saskatchewan, jusqu’aux monts Cypress [V. Payipwat*]. Bon nombre des lieux qu’il visita devinrent des missions, puis des localités. Il œuvra parmi les Cris, les Sauteux, les Sioux et les Assiniboines. On le surnommait parfois « le petit père qui connaît toutes les langues ». En 1874, pendant que les Amérindiens négociaient le traité no 4 avec le gouvernement du Canada, Decorby tenta d’aider les Métis de la région de la Qu’Appelle à obtenir des garanties sur des terres et d’autres droits. Il écrivit à Taché et à David Laird, le ministre de l’Intérieur, et aida les Métis de la Qu’Appelle à rédiger une pétition à l’intention du lieutenant-gouverneur Alexander Morris*.
Les lettres adressées pendant cette période par Decorby à des membres de sa famille en France et à Mgr Taché décrivent la vie quotidienne dans les Prairies et racontent divers événements, par exemple l’incendie de la résidence et de la chapelle de la mission, la construction de nouveaux bâtiments avec l’aide des Métis et la dévastation d’un campement amérindien par la variole. Comme Decorby accompagnait les Métis à la chasse au bison, il était en mesure d’expliquer comment ils établissaient un campement d’hiver près du trajet migratoire de cet animal et de donner des détails sur la vie familiale des Métis et le travail du missionnaire parmi eux. D’après ses écrits, la disparition du bison l’inquiétait surtout à cause de la misère dans laquelle elle plongerait les Amérindiens et les Métis, mais aussi parce qu’on avait des raisons de craindre que l’espèce ne disparaisse de l’ensemble des Plaines de l’Ouest. En 1879, Decorby et un assistant chargèrent quelques jeunes bisons sur des chariots de la Rivière-Rouge et les expédièrent à Winnipeg, à quelque 600 milles de là.
En 1880, Decorby fut muté dans la région du fort Ellice, sur la rivière Assiniboine, dans l’ouest du Manitoba, où il fonda la mission de Saint-Lazare. Tout en exerçant son ministère auprès des peuples aborigènes, il desservait des colonies d’immigrants européens, dont la nouvelle colonie hongroise située près d’Esterhazy (Esterhazy, Saskatchewan) [V. Pál Oszkár Esterházy]. Dans une lettre écrite à sa sœur en 1880, il affirmait connaître neuf langues et être en train d’en apprendre une dixième. Dans le courant de l’année 1895, Decorby fut envoyé plus loin au nord dans la vallée de l’Assiniboine, au fort Pelly (Fort Pelly, Saskatchewan). Il y bâtit une chapelle en rondins, une maison et un externat pour les jeunes Amérindiens de l’endroit, mais en 1901, il réinstalla la mission à quelques milles de là, à Saint-Philippe-de-Néri, plus près de la réserve The Key. Le pensionnat qu’il fonda à Saint-Philippe-de-Néri ouvrit ses portes en 1903. Toutefois, le gouvernement commença à le subventionner seulement à l’automne de 1906, ce qui engendra beaucoup de problèmes. Decorby continuait d’œuvrer auprès des immigrants européens ; sans doute cette tâche était-elle d’autant plus facile qu’il s’était mis à l’étude du hongrois, de l’ukrainien, du russe et de l’allemand.
À l’âge de 70 ans, Decorby se blessa en tombant ; à contrecœur, il quitta la mission pour se rendre à Saint-Laurent, au Manitoba. De 1913 à 1915, il vécut dans la ferme des oblats à Cartier ; en 1915, on le transporta au juniorat de Saint-Charles. Son état continua de s’aggraver et il mourut l’année suivante. Sa dépouille fut transférée par la suite au cimetière oblat de Saint-Boniface.
Decorby était devenu une légende dans l’Ouest. Beaucoup d’histoires circulaient à son sujet. En général, elles mettaient en relief l’endurance avec laquelle il pouvait faire de longs voyages à pied, à cheval ou en traîneau à chiens, son adresse extraordinaire avec les chevaux, son humilité et sa générosité, son travail infatigable de prédicateur et de missionnaire, son affection sincère pour les Amérindiens et les Métis.
Le travail missionnaire de Jules Decorby s’inscrivait dans une vaste campagne lancée par les oblats et l’Église catholique, d’abord en vue d’évangéliser et d’instruire les peuples aborigènes, puis de desservir les immigrants catholiques installés dans la région. Dans ce contexte, le « petit père » Decorby peut apparaître comme un homme de Dieu qui, toute sa vie, s’efforça d’aider la population de l’Ouest canadien à cheminer vers l’autosuffisance, la justice et, ultimement, la vie éternelle.
Les principaux documents d’archives sur Jules Decorby sont ses lettres à Mgr Taché et celles adressées plus tard à Mgr Adélard Langevin, conservées dans les papiers de ces deux archevêques aux Arch. de l’archevêché de Saint-Boniface, Manitoba, ainsi que sa correspondance avec sa famille en France, dont les originaux font partie de la collection privée d’une de ses petites-nièces, Joann DeCorby Blaise, de Kennedy, Saskatchewan. Les lettres de Decorby sont difficiles à lire, mais Mme Blaise a fait transcrire sa correspondance pour en faciliter la lecture et l’a fait traduire en anglais. On trouve aussi des photocopies des lettres de Decorby à Taché au Saskatchewan Arch. Board (Regina), R-806 (St. Boniface Archdiocese). Mme Blaise possède en outre une photographie originale de Decorby prise au moment de son départ pour le Canada en 1867.
Archdiocese of Regina : a history (Regina, 1988).— [J.-P.-A.] Benoît, Vie de Mgr Taché, archevêque de St-Boniface (2 vol., Montréal, 1904).— Gaston Carrière, l’Apôtre des Prairies : Joseph Hugonnard, o.m.i., 1848–1917 (Montréal, [1967]).— J.-É. Champagne, les Missions catholiques dans l’Ouest canadien (1818–1875) (Ottawa, 1949).— J. W. Grant, Moon of wintertime : missionaries and the Indians of Canada in encounter since 1534 (Toronto, 1984).— Donat Levasseur, Histoire des missionnaires oblats de Marie Immaculée : essai de synthèse (1 vol. paru, Montréal, 1983– ) [l’oblat non identifié dans la photographie à la page 23 est Decorby].— Missions de la Congrégation des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée (Paris), 18 (1880) : 193–200.— Aristide Philippot, « Quarante-neuf ans de rude apostolat », l’Ami du foyer (Saint-Boniface, Manitoba), 53 (oct. 1958) : 3–5 ; 54 (janv. 1959) : 6–7 (exemplaire conservé aux Arch. Deschâtelets, Oblats de Marie-Immaculée, Ottawa).— Clovis Rondeau, la Montagne de Bois, 1870–1920, [2e éd.], Simone LeGal et al., trad., publié sous la même reliure avec l’ouvrage d’Adrien Chabot, Willow Bunch, 1920–1970, sœur Gabrielle-Madeleine [Irène Bonin], trad. (2 vol. en un, [Willow Bunch, Saskatchewan], 1970).
Margaret F. Sanche, « DECORBY, JULES (baptisé Marie-Jules-Louis) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/decorby_jules_14F.html.
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Auteur de l'article: | Margaret F. Sanche |
Titre de l'article: | DECORBY, JULES (baptisé Marie-Jules-Louis) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 10 nov. 2024 |