DOUGLAS, DAVID, scientifique, né le 25 juin 1799 à Scone, Écosse, fils de John Douglas, tailleur de pierre, et de Jean Drummond ; décédé célibataire le 12 juillet 1834 près de Laupahoehoe, île d’Hawaï.

Plus qu’à l’école paroissiale de Kinnoull, aux abords de Perth, où il était inscrit, c’est en vagabondant dans les bois et en pêchant la truite que David Douglas fit ses classes. Très jeune, il commença à élever des oiseaux et à collectionner des plantes. Quant aux livres, et notamment aux manuels de botanique, il ne s’y intéressa qu’à compter du moment où il devint apprenti jardinier chez le comte de Mansfield, à Scone, c’est-à-dire vers 1811. Engagé comme jardinier au domaine de sir Robert Preston, près de Dunfermline, vers 1818, il se mit à fréquenter la bibliothèque de son employeur, qui comptait un nombre imposant d’ouvrages de botanique, et se prit de passion pour les plantes exotiques, qui faisaient la renommée des jardins de Preston. Environ deux ans plus tard, il fut admis au tout nouveau Royal Botanic Garden de Glasgow, où il devint un étudiant remarqué du professeur William Jackson Hooker. En 1823, sur la recommandation de celui-ci, l’Horticultural Society de Londres l’engagea comme herborisateur.

Dès cette année-là, la société envoya Douglas herboriser dans le nord-est des États-Unis. Autorisé à aller jusqu’à Amherstburg, dans le Haut-Canada, il se rendit néanmoins à Sandwich (Windsor) en traversant « l’établissement français » où, nota-t-il, « les champs [étaient] bien cultivés » et où, « attenant à chaque maison, se trouv[ait] un jardin propret, disposé et tenu avec goût ». Il resta à Sandwich du 18 au 22 septembre. Au cours d’une promenade à la campagne, le 20 septembre, son guide se sauva avec son argent et son manteau pendant qu’il était en haut d’un arbre. Heureusement, le cheval et la voiture de louage étaient toujours là, mais il dut payer quelqu’un pour le ramener en ville, car « le cheval ne comprenait que le français et [Douglas] ne pouvai[t] pas lui parler dans sa langue ». En quittant Sandwich, Douglas prit un bateau à vapeur jusqu’à Buffalo, dans l’état de New York, herborisa des deux côtés de la rivière Niagara et retourna à New York en passant par Queenston, dans le Haut-Canada, et par Albany. Il s’embarqua pour l’Angleterre le 12 décembre.

Douglas rapporta tellement de spécimens que son voyage fut salué publiquement comme une réussite. Dans les mois qui suivirent, il perfectionna ses connaissances scientifiques et techniques dans divers domaines puis, en juillet 1824, l’Horticultural Society l’envoya en Amérique du Nord, sur la côte du Pacifique, par l’entremise de la Hudson’s Bay Company. À partir du fort Vancouver (Vancouver, Washington), il parcourut en tous sens ce que la compagnie appelait le district de la Columbie, entre le nord de la Californie et le bassin du Columbia. En mars 1827, il partit avec le convoi annuel de la Hudson’s Bay Company pour York Factory (Manitoba), où il devait prendre un bateau pour l’Angleterre. Dans le col Athabasca, il accomplit un exploit remarquable en escaladant une montagne de 9 156 pieds en cinq heures, seul et sans équipement ; il lui donna le nom de mont Brown, en l’honneur de l’éminent botaniste Robert Brown, et baptisa mont Hooker un pic voisin.

Douglas amassa des spécimens de plantes et d’animaux tout au long du trajet. En chemin, il rencontra Thomas Drummond à Carlton House (près de Batoche, Saskatchewan) et John Richardson* à Cumberland House, qui faisaient partie de la deuxième expédition que John Franklin* mena dans l’Arctique ; ces deux scientifiques avaient, disait-il, des collections « princières ». Franklin lui-même fit traverser le lac Winnipeg à Douglas et le conduisit à l’embouchure de la rivière Winnipeg. À la colonie de la Rivière-Rouge, où il séjourna un mois, Douglas monta « un petit herbier de 288 espèces ». Il parvint à York Factory le 28 août. Son odyssée se terminait sur une note tragique : un « aigle calumet » que l’agent principal John Rowand* lui avait donné au fort Edmonton (Edmonton) s’était étranglé en s’enroulant dans sa longe. « Peut-on imaginer plus grande douleur ? se demanda-t-il. J’ai transporté cet animal sur une distance de 2 000 milles et voilà que je le perds en arrivant pour ainsi dire au but. » Peu après, Douglas faillit perdre la vie. Drummond et lui, avec Edward Nicolas Kendall* et George Back*, qui étaient aussi membres de l’expédition de Franklin, venaient de quitter leur bateau en compagnie de huit hommes de la Hudson’s Bay Company et gagnaient York Factory dans une petite embarcation à voile, quand ils furent pris dans une violente tempête qui les mena à quelque 70 milles de là, en pleine baie d’Hudson. Leur barque menaçant à tout instant de couler, trempés et gelés, sans compas, incapables de voir la rive ou les étoiles, ces hommes mirent en commun leur expérience et leur énergie pour regagner leur bateau, où on les croyait morts. Arrivé à Portsmouth, en Angleterre, le 11 octobre 1827, Douglas souffrit encore longtemps des séquelles de ce drame.

Douglas avait amassé tellement de plantes et de graines qu’il fut considéré comme la personne à avoir introduit le plus grand nombre d’espèces en Grande-Bretagne, pays qui était pourtant le chef de file de la recherche en botanique. Les jardins de l’Horticultural Society étaient débordés ; il fallut recourir à des pépinières privées. De plus, nombre d’espèces, jugées importantes, furent réparties entre des établissements spécialisés. Les découvertes de Douglas furent exposées à des réunions de la société et publiées dans des périodiques scientifiques. Hooker décrivit presque toute la collection de Douglas, avec celles de Drummond et de Richardson, dans Flora Boreali-Americana [...], ouvrage en deux volumes paru à Londres en 1840. De plus, Douglas avait envoyé ou rapporté des spécimens zoologiques dont certains furent utilisés par Richardson dans Fauna Boreali-Americana [...], recueil en quatre parties publié à Londres de 1829 à 1837, et par James Wilson dans Illustrations of zoology [... ], paru à Édimbourg et à Londres en 1831. Par ailleurs, Douglas disait avoir rapporté « plusieurs volumes [contenant] des observations lunaires, chronométriques, magnétiques, météorologiques et géographiques, plus un volume [renfermant] des esquisses faites sur le terrain ». À 29 ans, il était déjà célèbre ; à Londres, la Linnean Society, la Zoological Society et la Geological Society l’invitèrent à devenir membre de leur organisme. Le ministère des Colonies le consulta au sujet de la frontière que la Grande-Bretagne devait revendiquer dans la région de l’Oregon ; rejetant vigoureusement la position des États-Unis, qui réclamaient cette région, Douglas pressa son pays d’insister en faveur du fleuve Columbia, qui était selon lui la meilleure ligne à l’ouest des Rocheuses.

En collaboration avec la Hudson’s Bay Company, l’Horticultural Society organisa pour Douglas une autre expédition en Amérique, sur la côte du Pacifique. Le 31 octobre 1829, il quitta l’Angleterre pour le fort Vancouver, où il fut chaleureusement accueilli le 3 juin 1830 par les trafiquants de fourrures. Sa vue, qui n’avait jamais été bonne, s’était détériorée au cours de son expédition précédente et de la longue traversée océanique qu’il venait de faire, à cause des vents de sable et des reflets du soleil sur la neige ou sur l’eau. À mesure que sa vue diminuait, il négligeait sa sécurité pour se concentrer sur son travail ; ainsi, il tomba un jour dans un ravin qu’il n’avait pas vu et demeura étendu au fond pendant cinq heures, à souffrir, avant d’être secouru. Un trafiquant qui l’accompagnait pendant l’été de 1830 notait pourtant : « Je fus très surpris de la rapidité avec laquelle il remarquait le moindre objet ou la moindre plante sur le sol où nous marchions. Souvent, quand il était en bateau, il se levait d’un bond, tout excité, et, les bras allongés, pointait du doigt l’endroit particulier de la plage, d’une corniche ou d’un rocher escarpé où se trouvait la plante nouvelle ou intéressante qui avait attiré son attention. Alors nous gagnions le rivage, et nous nous amusions de l’agilité avec laquelle il sautait par terre, puis escaladait les rochers, comme un chat, jusqu’à l’objet convoité. »

De 1830 à 1833, Douglas herborisa du Puget Sound à Santa Barbara (Californie) et dans les îles Sandwich (Hawaï). En mars 1833, ne voyant plus du tout de l’œil droit, il décida de retourner en Angleterre par le district de la Nouvelle-Calédonie (Colombie-Britannique) jusqu’à Sitka (Alaska), puis par la Sibérie. Quittant le convoi annuel de la Hudson’s Bay Company au fort Okanagan (Washington), il monta jusqu’au fort Alexandria (Alexandrie), sur le Fraser, puis se rendit au lac Stuart. Incapable de trouver un groupe de trafiquants sûrs qui se rendaient sur la côte, où il voulait s’embarquer pour Sitka, il dut redescendre le Fraser. Le 13 juin, son canot piqua du nez dans une cataracte, au sud du fort George (Prince George), et se perdit. Pris dans un remous, Douglas et son guide furent rejetés sur les rochers. Douglas récupéra son journal d’astronomie, ses cartes, ses observations barométriques, un cahier de notes préliminaires et quelques instruments, mais il perdit ses notes de botanique et sa collection de quelque 400 espèces. Sans nourriture ni vêtements, il arriva au fort Vancouver en juillet, avec son guide, au bord de l’inanition et du désespoir.

Parti pour les îles Sandwich le 18 octobre 1833, Douglas. débarqua à Honolulu le 23 décembre. Le 12 juillet 1834, au cours d’une randonnée en montagne au nord de l’île d’Hawaï, il disparut. Il avait 35 ans. On retrouva son corps, piétiné et marqué de coups de corne, au fond d’une trappe à bétail où se trouvait un taureau enragé. Accident, meurtre ou suicide, sa mort a donné lieu à des spéculations en raison des circonstances mystérieuses qui l’avaient entourée.

À cause de sa renommée, Douglas eut affaire aux plus grands scientifiques britanniques de son temps. Pourtant, le président de l’Horticultural Society, Thomas Andrew Knight, disait que c’était « à peu près l’être le plus timide qu’[il avait] jamais vu ». Par ailleurs, Douglas était à l’aise avec son mentor, Hooker, à qui il écrivait des lettres pleines d’humour et de charme, ainsi que parmi les trafiquants de fourrures du fort Vancouver ; l’un d’eux, George Barnston*, se souvenait de lui comme de l’un des plus joyeux et des plus chaleureux mortels de [cette] petite société ». Pour les Indiens de la région du Columbia, il était le « chef du roi George ou l’homme aux herbes », un petit magicien vaguement menaçant qui pouvait boire des liquides bouillants (« une potion effervescente ») et allumer sa pipe avec le soleil (à l’aide d’une lentille). Il se montrait aussi dur ou amical envers eux que les trafiquants, savait tirer aussi bien et supportait les privations avec autant de courage. Même si Douglas se sentait à l’aise au milieu de ses compagnons (l’un d’eux le décrivait comme un « petit Écossais robuste, plutôt beau, tête et visage de statue grecque »), il n’était pas de la même race d’hommes et se plaignait d’être « importuné au plus haut point par [ceux] qui chant[aient] en pagayant », tandis qu’il essayait d’étudier durant les heures de voyage en canot. De fait, il avait peu de considération pour la Hudson’s Bay Company, qui avait grandement facilité son travail. Une fois, devant un trafiquant abasourdi, il lança : « ce n’est qu’une compagnie mercenaire ; elle ne compte pas un administrateur qui ne vendrait son âme pour une peau de castor ». Cette remarque lui valut aussitôt une invitation à se battre en duel ; il l’accepta avec emportement puis, après réflexion, se ravisa.

Pour Douglas, la nature ne faisait pas qu’apporter de l’eau au moulin de la science. Il se montrait « attentif à tout ce qui [était] pittoresque », disait un contemporain, et il soulignait dans ses écrits que, si la nature est variété inépuisable et lieu d’« opérations grandioses », c’est qu’elle est la manifestation de l’« intelligence et de la puissance infinies du Très-Haut ». Obsédé par l’étude de la nature, il déplorait l’étroitesse d’esprit de ceux qui ne se consacraient qu’à la poursuite de la vérité scientifique : cette attitude menait à « une condition guère meilleure que la servitude morale ». « Nous pouvons parcourir des contrées lointaines, écrivait-il, et apprendre à connaître les traits, les sentiments et les caractères de l’humanité dans toutes les conditions de vie ; ce faisant, si nous ne sommes pas des élèves extrêmement réfractaires, nous ne pouvons qu’acquérir maintes leçons de délicatesse et de liberté intellectuelle, tout en apprenant bien ce qui relève de notre travail immédiat. »

David Douglas avait une personnalité si riche, des talents si divers, une énergie, une endurance et un enthousiasme si grands qu’en une décennie il fit ce que d’aucuns mettent toute une vie à réaliser. Un de ses collègues anglais écrivait : « Si nous pouvions seulement imaginer les jardins britanniques sans tout ce que nous devons à Douglas, nous les retrouverions avec guère plus de plantes d’ornement qu’il y a un siècle. » À une époque où le nombre d’espèces végétales répertoriées dans le monde entier s’élevait à 92 000 environ, Douglas avait envoyé en Grande-Bretagne quelque 7 000 espèces, dont beaucoup étaient inconnues en Europe et faisaient partie de la flore indigène de ce qui allait devenir l’ouest du Canada. On connaît bien le sapin de Douglas, qui est le plus gros arbre du pays, mais le nom du botaniste est attaché aussi à de nombreuses plantes plus petites. En outre, vers la fin du siècle, George Mercer Dawson*, directeur de la Commission géologique du Canada, baptisa en son honneur un pic de 11 000 pieds au nord-est du lac Louise (Alberta). Un historien des sciences a dit de cet homme qui vécut pour la recherche et mourut peut-être de sa curiosité qu’il était « un des plus grands botanistes explorateurs [anglais], un de ceux qui ont le mieux réussi et à qui le monde doit beaucoup ». Personne n’oserait contester cette opinion.

En collaboration avec Montague L. Tyrwhitt-Drake

David Douglas est l’auteur de : Journal kept by David Douglas during his travels in North America, 1823–1827 [...], publié à Londres en 1914 par la Royal Horticultural Society et réimprimé à New York en 1959, ainsi que de huit communications scientifiques dont la liste forme l’appendice V du Journal. L’étude la plus complète sur Douglas est celle d’Athelstan George Harvey, Douglas of the fir : a biography of David Douglas, botanist (Cambridge, Mass., 1947). En plus d’une bibliographie complète jusqu’en 1946, elle contient la reproduction d’un portrait fait au crayon de plomb par une nièce du botaniste. William Morwood a fait, dans Traveler in a vanished landscape : the life and times of David Douglas (New York, 1973), une étude psychologique spéculative de Douglas et arrive à la conclusion que sa mort, dans des conditions mystérieuses, était un suicide. Son ouvrage contient une bibliographie valable jusqu’en 1970.

Des spécimens botaniques de Douglas se trouvent aujourd’hui au British Museum, à Londres, qui les a acquis de la Horticultural Society of London en 1856, aux Royal Botanic Gardens, à Londres, et à l’University of Cambridge. Des spécimens zoologiques appartiennent à l’University of Glasgow, à l’Andersonian Institution, à Glasgow, au Royal Scottish Museum, à Édimbourg, et à la Zoological Society of London, à Londres.

PABC, Add. mss 623. G. P. V. et H. B. Akrigg, British Columbia chronicle, 1778–1846 : adventurers by sea and land (Vancouver, 1975), 230, 232233, 235, 247248, 306. Esther Fraser, The Canadian Rockies : early travel and explorations (Edmonton, 1969), 35, 135–138, 151, 154–155, 162, 165–166, 221.— J. W. Eastham, « A note on Archibald Menzies and David Douglas, botanists », BCHQ, 12 (1948) : 247248.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

En collaboration avec Montague L. Tyrwhitt-Drake, « DOUGLAS, DAVID », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/douglas_david_6F.html.

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Auteur de l'article:    En collaboration avec Montague L. Tyrwhitt-Drake
Titre de l'article:    DOUGLAS, DAVID
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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