DUBOIS, JEAN-BAPTISTE (baptisé Joannes Baptista Alphonse), violoncelliste, professeur et chef d’orchestre, né le 19 janvier 1870 à Gand, Belgique, fils d’Alphonsus Josephus Dubois, musicien, et d’Anna Catharina Laevaert ; le 2 octobre 1923, il épousa à Montréal Caroline Derome (Derome-Descarreaux), veuve de Joseph-Rosario Bourdon, et ils eurent un fils et une fille ; décédé dans la nuit du 2 au 3 juillet 1938 à Montréal et inhumé le 5 au cimetière de la paroisse de La Visitation-de-la-Bienheureuse-Vierge-Marie de la même ville.
À l’âge de 13 ans, Jean-Baptiste Dubois est engagé comme violoncelliste dans l’orchestre d’un théâtre de variétés de sa ville natale ; sa virtuosité étonne le public. Après avoir suivi des cours de solfège au Conservatoire royal de musique de Gand, il y entreprend l’étude du violoncelle auprès des réputés professeurs Jean-Baptiste Rappé, de 1887 à 1889, et Jules De Swert, de 1889 à 1891. De 1886 à 1890, il occupe aussi un poste de moniteur de solfège au même endroit. Il remporte un deuxième prix au concours de musique de chambre en 1889 et un premier prix de violoncelle au cours supérieur l’année suivante.
Dubois n’a que 21 ans lorsqu’il débarque à Montréal, le 7 mai 1891, en compagnie de 18 autres musiciens belges, dont son frère Adolphe. La mort de son professeur De Swert, le 24 février 1891, l’aurait déterminé à venir au Québec. À ce motif s’ajoutent sans doute l’attrait de l’Amérique et les possibilités qu’offre, par l’entremise d’agents recruteurs, une vie musicale montréalaise alors en expansion. Ernest Lavigne*, propriétaire et directeur musical du parc Sohmer, a régulièrement engagé des diplômés des conservatoires belges pour sa Bande de la cité ; mais, cette fois, les cordes dominent largement les cuivres et les bois, car celui-ci veut intégrer un conservatoire et un orchestre symphonique au parc. Il ne faut pas longtemps pour qu’il engage Dubois comme violoncelle soliste et chef d’orchestre adjoint de l’Orchestre du conservatoire. Cependant, les concerts symphoniques attirent peu les habitués du parc et Lavigne se résigne à dissoudre son orchestre après quelques manifestations. En 1892, Dubois devient violoncelliste de l’Association artistique de Montréal fondée par son compatriote Frantz Jehin-Prume*. Dès 1893, il se produit fréquemment au Cercle Ville-Marie.
La carrière de musicien de Dubois est très importante. À l’automne de 1895, il devient violoncelliste de l’orchestre de l’Opéra français de Montréal. En 1896, il retourne quelques mois dans son pays ; il en profite pour remplir un engagement au théâtre néerlandais d’Amsterdam. Il se fixe ensuite définitivement à Montréal et s’annonce comme professeur de musique, rue Craig (Saint-Antoine), tout en étant premier violoncelliste de l’Orchestre symphonique de Montréal, dirigé par Guillaume Couture*. Joseph-Jean Goulet* retient également ses services dans l’orchestre qu’il met sur pied en 1898. Après la disparition de l’Association artistique de Montréal en 1896, Dubois joint successivement six ensembles de chambre éphémères, jusqu’à ce qu’il fonde le Quatuor Dubois en 1910, rebaptisé Quatuor à cordes Dubois le 20 novembre 1912, dont il demeurera le seul violoncelliste pendant 28 ans. Les instrumentistes montréalais fournissent l’essentiel de son effectif avec, entre autres, les violonistes Albert Chamberland et Eugène Chartier, l’altiste Joseph Mastrocola et les pianistes George MacKenzie Brewer et Marie-Thérèse Paquin. Le quatuor ne survivra pas à son fondateur, mais il laissera le souvenir d’une formation de qualité qui a initié le public à des œuvres contemporaines, notamment de Claude Debussy, César Cui et Vincent D’Indy, sans compter quelques pièces de compositeurs locaux, tels Guillaume Couture, Alexis Contant* et Georges-Émile Tanguay, tout en faisant entendre aussi un répertoire plus ancien. Dubois se démarque aussi comme chef d’orchestre. Il dirige quelques formations musicales, dont la Montreal Amateur Orchestral Society (1904–1905), l’Association symphonique de Montréal (1914) et l’Orchestre à cordes (ou Symphonie) Dubois (1916–1917).
Dubois s’investit également dans l’enseignement de la musique. Outre les cours particuliers, il est professeur de violoncelle au McGill Conservatorium of Music en 1905 et 1906, au Conservatoire national de musique et d’élocution de Montréal à partir de 1906 ou 1907, et à la Canadian Academy of Music of Montreal en 1914. Une solide formation en solfège le destinait naturellement à l’enseignement de cette discipline, ce qu’il fait d’abord au petit séminaire de Montréal, de 1896 à 1899. En octobre 1899, le Conseil des arts et manufactures de la province de Québec le charge des classes publiques de solfège, au Monument national. Il quitte cependant ce poste, dont il a été le premier titulaire, pour remplir un engagement d’un an comme violoncelle solo au Cincinnati Symphony Orchestra pour la saison de 1903–1904. En octobre 1929, le secrétaire de la province, Louis-Athanase David*, le nommera directeur de l’enseignement du solfège au Québec, emploi que Dubois occupera jusqu’à la fin de sa vie. L’initiative du Conseil des arts et manufactures, du gouvernement et de Dubois a le mérite de retirer l’exclusivité de l’enseignement du solfège aux établissements d’enseignement et aux studios des professeurs de musique pour en faire profiter toute la population de la province. D’une durée de trois ans, ces cours permettent à un public élargi d’acquérir des notions élémentaires de musique. La première classe, en 1899, n’a diplômé que 69 élèves, exclusivement à Montréal. Quatre ans avant la mort du fondateur, les cours gratuits de solfège se donnent dans 18 villes et 26 écoles, et 900 personnes s’inscrivent à l’examen.
Dubois a toujours poursuivi l’objectif de rendre la musique accessible au plus grand nombre : par exemple, il a aboli les frais d’entrée à ses concerts aussitôt que le gouvernement provincial lui a accordé une subvention. Faut-il voir un rapport entre cet idéal démocratique et son adhésion aux deux loges maçonniques montréalaises du Grand Orient de France (à L’Émancipation en 1909, puis à Force et Courage en 1913) ? Cependant, il quitte le mouvement en 1924, « par désintérêt », indique-t-on dans le rapport des loges.
La musique est aussi très présente dans la vie personnelle et familiale de Dubois. Sa femme Caroline, de dix ans son aînée, est la fille de Léon Derome, mécène de Calixa Lavallée* avec lequel elle a étudié le piano. Lorsqu’ils se marient, leur fils Jules, qui lui aussi enseignera le violoncelle et dirigera l’enseignement public du solfège, a 21 ans. Depuis plusieurs années, Caroline vivait séparément de son premier conjoint avec qui elle a eu deux fils, Louis-Honoré et Rosario* Bourdon, qui mèneront de brillantes carrières dans le domaine musical québécois. En octobre 1923, quelques mois après être devenue veuve, Caroline a épousé Jean-Baptiste.
Le 3 juillet 1938, un élève, que Jean-Baptiste Dubois devait rencontrer, le découvre sans vie dans sa résidence du 1666, avenue Lincoln. Les journaux déplorent unanimement la perte du musicien « dont, selon la Presse du 4 juillet 1938, les conseils et l’exemple ont été profitables à tant de gens ». Pour la pratique du violoncelle, Dubois a implanté au Québec la tradition de l’école franco-belge qui caractérisera une nouvelle génération d’instrumentistes, dont Gustave Labelle, Roland Leduc*, Suzette Forgues et Brahm Sand. Dans les années 1980, les études de Susan Spier ont prouvé le rôle essentiel qu’a joué Dubois, notamment en assurant droit de cité au répertoire de la musique de chambre.
Nous tenons à remercier André Jardon et son épouse Denise, de Québec, qui ont déchiffré et traduit pour nous la déclaration de naissance de Jean-Baptiste Dubois.
Le fils et les beaux-fils de Dubois ont laissé des fonds d’archives qui contiennent quelques renseignements sur sa carrière, surtout celui de Louis-Honoré Bourdon (R5997-0-7) à BAC, mais peu sur sa vie personnelle. Le fonds Jules-Dubois (MSS367) à BAnQ-CAM comporte essentiellement des documents relatifs à la carrière de ce dernier et une copie d’Élégie pour violoncelle (violon ou cor) avec accompagnement de piano (Montréal, 1925) de son père. Il y a aussi des renseignements utiles dans la Rosario Bourdon Coll., qui porte le no 6471, à l’American Heritage Center, Univ. of Wyoming (Laramie, Wyo.). Trois enregistrements de Jean-Baptiste Dubois sont conservés à BAC, « le Gramophone virtuel : enregistrements historiques canadiens » : www.collectionscanada.ca/gramophone (consulté le 30 août 2007). On en trouve les titres dans E. B. Moogk, Roll back the years : history of Canadian recorded sound and its legacy, genesis to 1930 (Ottawa, 1975). La BAnQ possède trois exemplaires d’Élégie pour violoncelle. On trouve une photo de Dubois dans le Passe-Temps (Montréal), 2 mai 1896, et dans la Presse, 4 juill. 1938.
Arch. du séminaire de Saint-Sulpice (Montréal), Fonds du collège de Montréal, boîte 12 : 35.— Arch. générales du Royaume et Arch. de l’État dans les prov. (Bruxelles), État civil, Gand, 21 janv. 1870.— BAnQ-CAM, MSS125/13.— BAnQ-Q, E4, 1960-01-483/436.— FD, Saint-Jacques, cathédrale de Montréal [Saint-Jacques-le-Majeur], 2 oct. 1923.— Le Devoir, 4 juill. 1938.— L’Étendard (Montréal), juin–septembre 1891.— Le Passe-Temps, 2 févr. 1895.— La Presse, 9 juill. 1938, 9 sept. 1940.— Mireille Barrière, « les Musiciens belges et la filière du parc Sohmer de Montréal (1889–1900) » (communication présentée au 17e congrès de l’International Musicological Soc., univ. de Leuven, Belgique, texte dactylographié, 2002) ; l’Opéra français de Montréal : l’étonnante histoire d’un succès éphémère, 1893–1896 (Saint-Laurent, Québec, 2002), 285–286.— Encyclopédie de la musique au Canada (Kallmann et al.), 1 : 376–378, 960 ; 3 : 2803–2804, 3481.— Roger Le Moine, Deux loges montréalaises du Grand Orient de France (Ottawa, 1991), 113.— François de Médicis, « la Carrière de Rosario Bourdon, violoncelliste, chef d’orchestre et compositeur accompli », Soc. d’hist. de Longueuil, Cahier (Longueuil, Québec), no 20 (1990) : 3–34.— Gilles Potvin, OSM : les cinquante premières années (Montréal, 1984), 22 ; « Rosario Bourdon, 1885–1961 », Aria (Montréal), 8 (1985), no 1 : 13–14.— Québec, Dép. du Trésor, État des comptes publics, 1927–1938 ; Secrétariat de la prov., Rapport du secrétaire et registraire, 1927–1934.— Pierre Quenneville, « Guillaume Couture (1851–1915) : l’éducateur, le directeur artistique et le musicien d’église » (thèse de ph.d., univ. de Montréal, 1988), 154.— Susan Spier, « The Dubois String Quartet, 1910–1938 : its role in Montreal music history » (mémoire de m.a., univ. de Montréal, 1985) ; « le Quatuor Dubois : sa place dans la musique de chambre à Montréal (1910–1938) », ARMuQ, Cahiers (Montréal), no 8 (mai 1987) : 97–103.— André Vermeirre, l’Immigration des Belges au Québec (Sillery [Québec], 2001), 114–115.
Mireille Barrière, « DUBOIS, JEAN-BAPTISTE (baptisé Joannes Baptista Alphonse) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/dubois_jean_baptiste_16F.html.
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Auteur de l'article: | Mireille Barrière |
Titre de l'article: | DUBOIS, JEAN-BAPTISTE (baptisé Joannes Baptista Alphonse) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2014 |
Année de la révision: | 2014 |
Date de consultation: | 6 déc. 2024 |