Titre original :  Arthur Wentworth Hamilton Eaton - from 'Canadian Poets' by John William Garvin, Toronto, Canada: McClelland, Goodchild & Stewart, Publishers, 1916.

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EATON, ARTHUR WENTWORTH HAMILTON, ministre de l’Église protestante épiscopale, éducateur, érudit, esthète et homme de lettres, né le 10 décembre 1849 à Kentville, Nouvelle-Écosse, aîné des enfants de William Eaton, instituteur, et d’Anna Augusta Willoughby Hamilton ; décédé célibataire le 11 juillet 1937 à Boston.

Arthur Wentworth Eaton (il ajouta Hamilton à son nom plus tard) avait pour ancêtres des planters de la Nouvelle-Angleterre du côté paternel et des loyalistes américains du côté maternel. Au début de la vingtaine, il émigra dans les « États de Boston », où il poursuivrait la plus grande partie de sa carrière de gentleman érudit, décrivant la vie des colons préloyalistes et loyalistes en Nouvelle-Écosse. Il compta parmi les premiers continentalistes américains modernes à s’attaquer à la vaste question géopolitique du choix des Néo-Écossais de ne pas s’associer volontairement à leurs compatriotes de la Nouvelle-Angleterre dans la rébellion américaine. Sa perspicacité fut louée par nul autre que John Bartlet Brebner*, sommité en matière d’histoire, qui déclara qu’Eaton avait été l’un de ses inspirateurs.

On connaît peu de chose de la vie d’Eaton avant son départ de la Nouvelle-Écosse, à l’automne de 1873. Selon son propre témoignage, il « [fit ses] études classiques et [reçut sa] formation générale dans les grammar schools de Kentville, de son père à la maison et, pendant un court moment, à l’[Acadia] College et à la [Horton] Academy de Wolfville ». Son père était un fervent baptiste, mais sa mère était anglicane, et Eaton fréquentait l’église St James, à Kentville. Son penchant personnel aurait pu l’amener non loin de là, à la University of King’s College de l’Église d’Angleterre de Windsor ; sous l’influence de son père, il s’orienta plutôt vers la Newton Theological Institution, séminaire baptiste situé près de Boston. Diplômé en 1876, il fut ordonné et desservit quelque temps une église du Maine. Au regard de la carrière qu’il embrasserait, son appartenance à l’Église baptiste représentait une aberration embarrassante qu’il tâcherait de faire oublier. Il consacra ensuite trois années à ce qu’il qualifia de « travail littéraire » avant de rejoindre son frère cadet, Francis (Frank) Herbert, à la Harvard University, à Cambridge, où il entra en classe terminale. Après avoir reçu une licence ès arts en 1880, il entreprit puis abandonna – « par manque de temps », selon ses dires – le programme de doctorat. Il devint alors ministre de l’Église protestante épiscopale, pendant américain de la confession à laquelle sa mère avait appartenu. On ne peut s’empêcher de se demander si l’attachement filial n’avait pas été à l’origine de sa vocation. À la suite de la mort de sa mère en 1883, puis de son accession au diaconat l’année suivante et à la prêtrise en 1885, le pastorat d’Eaton se limita à quelques responsabilités de courte durée à New York et dans le Massachusetts. Il fut par la suite prédicateur invité et suppléant ainsi qu’aumônier d’hôpital. Tout au long de sa carrière d’homme d’Église, il demeura un évangélique libéral.

En 1888, après un tour d’Europe de quelques mois, Eaton accepta un poste de professeur d’anglais à la Cutler School de New York, école préparatoire au réseau d’universités qu’on appellerait l’Ivy League, où il deviendrait directeur du département. Parmi ses travaux professionnels figurent Letter-writing : its ethics and etiquette, with remarks on the proper use of monograms, crests and seals (New York, 1890), College requirements in English entrance examinations (Boston, 1892) et une édition de la Boucle dérobée (New York, 1901) d’Alexander Pope. Eaton toucha aussi à la poésie, à la satire sociale – ses Tales of a garrison town (New York et St Paul, Minnesota, 1892), écrits en collaboration avec Craven Langstroth Betts, se déroulent dans le Halifax d’alors – et à l’histoire des religions. Eaton avait composé ses premiers vers pendant ses études de premier cycle à Harvard et, au fil des années, des périodiques comme le Youth’s Companion de Boston publièrent ses poèmes. Ses quatre recueils de poèmes (1889–1907) parurent d’abord pendant qu’il enseignait à la Cutler School.

En 1904, Eaton obtint sa licence et sa maîtrise ès arts à la Dalhousie University, à Halifax, ad eundem dans le premier cas et avec un mémoire intitulé « The New York loyalists in Nova Scotia » dans le second. Trois ans plus tard, il abandonna l’enseignement pour de bon. Il s’établit à Boston, la ville qu’il aimait, et se consacra à la recherche et à l’écriture en histoire. Son appartement – à la fin de sa vie, il habitait rue Pinckney, non loin du sommet de Beacon Hill – était un lieu de rencontre favori d’autres intellectuels expatriés de Nouvelle-Écosse, comme l’auteur et traducteur Benjamin Rand, cousin d’Eaton et son ami intime. En 1913, Eaton fut élu membre de la Société royale du Canada, distinction à laquelle il renonça l’année suivante parce que cette dernière refusa de publier dans ses Mémoires l’article qu’il avait présenté à l’assemblée générale de Montréal en mai 1914. Étant donné qu’il fallait résider au Canada pour être admis à la société, Eaton était revenu en Nouvelle-Écosse et demeura quelque temps à Truro ; il rédigeait alors un ouvrage monumental sur l’histoire du comté de Colchester, dont Truro était le chef-lieu.

Les premiers écrits érudits d’Eaton témoignent d’un rationalisme et de son attrait pour l’étude scientifique des religions inspirés de l’Église large. Cependant, l’ouvrage The heart of the creeds : historical religion in the light of modern thought (New York et Londres, 1888) devait être le seul du genre. Par la suite, peu enclin à la théologie académique, il limita ses écrits sur la religion à la poésie, tandis que son intérêt passager pour la théologie historique s’intégra à un engagement plus profond envers l’histoire des religions, celle des sociétés et collectivités et la géographie historique. Les textes d’Eaton dans ces domaines se fondaient sur du vécu ; sa passion pour l’histoire commençait par celle de sa famille. Son premier ouvrage d’importance fut une enquête généalogique en constante évolution sur la famille de son père. Elle ne prit sa forme définitive que lorsque l’auteur eut près de 80 ans. Eaton était un érudit assidu et perspicace, désintéressé et impartial, travaillant, dans la mesure du possible, seulement à partir de sources de première main. Sa perspective était unique : celle d’un descendant de planters et de loyalistes de la Nouvelle-Angleterre revenant à ses origines. Il fut aussi remarquablement prolifique, écrivant sans cesse livres, monographies et articles sur une variété déconcertante de sujets historiques et généalogiques.

En 1929, une attaque de paralysie rendit Eaton partiellement invalide. Sa dernière œuvre marquante fut un recueil de poèmes publié en 1930 et dédié à son cousin éloigné, l’industriel Cyrus Stephen Eaton*. Il mourut sept ans plus tard. On retourna ses cendres à sa ville natale, dans la vallée d’Annapolis, en Nouvelle-Écosse. Un imposant monument érigé à sa mémoire au cimetière Oak Grove, à l’extrémité est de Kentville, signale que la University of King’s College lui décerna un doctorat honorifique en droit en 1905 et indique qu’il était « prêtre du diocèse de New York ».

Dans les « États de Boston », même si Eaton resta évidemment discret sur l’histoire de son arrière-grand-père maternel, Henry Hamilton, réfugié tory, sa propre carrière, menée principalement en Nouvelle-Angleterre, lui donna le recul intellectuel et la perspective historique nécessaires pour écrire avec impartialité et beaucoup de perspicacité sur les origines et le développement de la Nouvelle-Écosse anglophone en tant que la « nouvelle » Nouvelle-Angleterre. Contrairement à ses œuvres littéraires, les ouvrages historiques d’Eaton, difficiles à égaler et plus encore à surpasser, ont résisté à l’épreuve du temps.

Tout comme son contemporain, le Néo-Brunswickois William Odber Raymond*, avec lequel il correspondait et qui fut l’un des trois membres de la Société royale du Canada à proposer sa candidature, Arthur Wentworth Hamilton Eaton finirait par être considéré dans sa province natale comme l’historien par excellence de la période loyaliste. Son œuvre maîtresse, The history of Kings County, Nova Scotia, publiée en 1910 et qui compte près de 900 pages, domine tous les ouvrages semblables. La description que le biographe David Graham Bell fait de Raymond, comme étant « le dernier et le meilleur représentant de la race des historiens amateurs », pourrait aussi s’appliquer à Eaton, qui n’était ni simple amateur d’antiquités, ni tout à fait historien professionnel. Eaton excellait entre les deux, place alors encore inoccupée, et sa contribution à l’historiographie de la Nouvelle-Écosse coloniale reste exceptionnelle et inégalée.

Barry Cahill

Il n’existe aucune bibliographie exhaustive des écrits publiés d’Arthur Wentworth Hamilton Eaton. En frontispice de sa publication The History of Kings County, Nova Scotia […] (Salem, Mass., 1910 ; réimpr. Belleville, Ontario, 1972), on mentionne que, en plus des livres, il a produit des « monographies historiques de familles », des « poèmes dans des anthologies importantes » et des « articles de magazines et d’encyclopédies ». Il a préparé l’article sur la Nouvelle-Écosse pour la première édition d’Encyclopedia Americana (et pour les subséquentes), et a contribué fréquemment à la revue trimestrielle New England Hist. and Geneal. Reg. (Boston). Il a aussi rédigé de nombreux textes pour divers journaux et périodiques. Outre les titres cités dans la biographie, Eaton est l’auteur ou l’éditeur de : la compilation Genealogical sketch of the Nova Scotia Eatons (Halifax, 1885) ; Acadian legends and lyrics (Londres et New York, 1889) ; The Church of England in Nova Scotia and the tory clergy of the revolution (New York, 1891) ; « The Acadian province-by-the-sea », New England Magazine (Boston), nouv. sér., 7 (septembre 1892–février 1893) : 157–173 ; Memorial sketch of William Eaton (New York, 1893) ; The Olivestob Hamiltons (New York, 1893) ; The Elmwood Eatons (Kentville, N.-É., 1895) ; The Cochran-Inglis family of Halifax (Halifax, 1899) ; Families of Eaton-Sutherland, Layton-Hill (New York, 1899) ; Lt.-Col. Otho Hamilton of Olivestob : lieutenant-governor of Placentia, lieutenant-colonel in the army, major of the 40th Regiment of Foot, member of the Nova Scotia Council from 1731 to 1744 (Halifax, 1899) ; le recueil Funny epitaphs (Boston, 1900) ; l’ouvrage d’Elizabeth Lichtenstein* Johnston, Recollections of a Georgia loyalist (New York et Londres, 1901) ; Acadian ballads and De Soto’s last dream (New York, 1905) ; Poems of the Christian year (New York, 1905) ; The lotus of the Nile and other poems (New York, 1907) ; « The settling of Colchester County, Nova Scotia, by New England Puritans and Ulster Scotsmen », SRC, Mémoires, 3e sér., 6 (1912) : sect. ii : 221–265 ; la série « Eminent Nova Scotians of New England birth », New England Hist. and Geneal. Reg., 67–68 (1913–1914) ; [« Chapters in the history of Halifax, Nova Scotia ; Rhode Island settlers in Hants County, Nova Scotia ; Alexander McNutt the colonizer »] (s.l.n.d., accessible à l’adresse archive.org/details/1913t19chaptersinhistor00eatouoft ; ce volume contient 15 articles qu’Eaton a publiés précédemment dans Americana, 8–13 (1913–1919)) ; la série « Old Boston families […] », New England Hist. and Geneal. Reg., 67–71 (1913–1917) ; l’introduction de H. W. Longfellow, Evangeline ([Kentville], 1914) ; The famous Mather Byles : the noted Boston tory preacher poet, and wit, 1707–1788 (Boston, 1914) ; The Eaton family of Nova Scotia, 1760–1929 (Cambridge, Mass., 1929) ; et Acadian ballads and lyrics in many moods : collected poems of Arthur Wentworth Hamilton Eaton (Toronto et Boston, 1930).

Plus tard au cours de sa vie, Eaton a donné ses papiers en les répartissant entre les NSA, la Houghton Library de la Harvard College Library (Cambridge) et la New England Hist. Geneal. Soc. (Boston). Les NSA (MG 1, vol. 277–311) conservent notamment des lettres reçues entre 1882 et 1935, deux volumes de lettres du prêtre et poète Robert Winkworth Norwood, avec lequel Eaton a entretenu une amitié platonique intense, et le manuscrit inédit d’Eaton, « History of Colchester County ». La Houghton Library (MS Am 873-874) possède six volumes de journaux personnels et des lettres reçues entre 1883 et 1914. Une description de la New England Hist. Geneal. Soc., ms coll. (SG EAT 1), figure dans J. B. Carney, « Notes on the manuscript collection », NEHGS Nexus (Boston), 3, no 1 (février 1986) : 30. Dans la Canadian coll. à la Houghton Library se trouve également « Some fugitive writings », dossier dans lequel Eaton a réuni des coupures de journaux et de périodiques, de la documentation biographique et le manuscrit « The Egyptian lotus (in an artificial pond) », paru dans An American anthology, 1787–1900 […], E. C. Stedman, édit. (Boston et New York, 1900), 578–579. Eaton, prévoyant qu’on écrirait sa biographie, a légué le reste de ses papiers à Elizabeth Burbidge Eaton.

Ed Coleman, « Remembering Arthur W. H. Eaton (1849–1937) », Advertiser (Kentville), 30 avril 2004.— F. P. Sibley, « Love of people keeps Dr Eaton ever young », Boston Sunday Globe, 25 mai 1930 : A59.— « Arthur Wentworth Hamilton Eaton, m.a., d.c.l. », Journal of Education (Halifax), avril 1934 : 352–354 (où figure la première parution de « Gardens of Acadie », poème, jusqu’alors inédit, composé à la mémoire de Robert Norwood).— Churchman (New York), 1885–1937.— Cutler Fortnightly (New York), 1889–1907.— Harvard Alumni Bull. (Cambridge), 1898–1938.— The Oxford companion to Canadian literature, Eugene Benson et William Toye, édit. (2e éd., Toronto, 1997).— Henry Roper, « A “high Anglican pagan” and his pupil : Charles G. D. Roberts, Robert Norwood and the development of a Nova Scotian literary tradition, 1885–1932 », Dalhousie Rev., 75 (1995) : 51–73.— J. B. Wasson, « Poet and priest », Canadian Magazine, 29 (mai–octobre 1907) : 352–357.— Who’s who in New York (city and state) : a biographical dictionary of contemporaries (New York), 1904–1911.

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Barry Cahill, « EATON, ARTHUR WENTWORTH HAMILTON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 13 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/eaton_arthur_wentworth_hamilton_16F.html.

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Auteur de l'article:    Barry Cahill
Titre de l'article:    EATON, ARTHUR WENTWORTH HAMILTON
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2018
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