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EENOOLOOAPIK (Bobbie), chasseur, voyageur, guide et trafiquant inuit, probablement né vers 1820 à Qimisuk (île Blacklead), dans la baie Tenudiakbeek (baie de Cumberland, Territoires du Nord-Ouest), fils aîné de Noogoonik ; décédé au cours de l’été de 1847.
Pendant la jeunesse d’Eenoolooapik, plusieurs familles dont la sienne quittèrent Qimisuk et, en longeant la côte de la terre de Baffin, se rendirent jusqu’au cap Enderby (situé probablement sur la côte sud-est de la péninsule de Cumberland). Elles y rencontrèrent l’équipage d’un baleinier britannique avec qui elles se rendirent au cap Searle, sur la rive nord de la péninsule. Après avoir entendu parler du lieu d’origine des pêcheurs, Eenoolooapik conçut le désir de s’y rendre. Cependant, puisque son père avait pris une deuxième femme parmi les autochtones du cap Searle, le jeune homme devait assurer en grande partie la subsistance de sa mère, Noogoonik. Il faillit à plusieurs reprises s’embarquer pour la Grande-Bretagne, mais chaque fois l’angoisse qu’éprouvait sa mère à l’idée d’être abandonnée le dissuada de partir.
En septembre 1839, à l’île Durban, Eenoolooapik fit la connaissance du fougueux capitaine de baleinier William Penny*. Ce dernier avait vécu le déclin de la pêche à la baleine dans l’Arctique et estimait, comme l’avait écrit le capitaine James Clark Ross*, qu’elle tomberait si les pêcheurs de baleine ne diversifiaient pas leurs activités et n’hivernaient pas dans le Nord. Les pêcheurs, toujours à l’affût de nouveaux territoires, avaient entendu parler d’une grande baie, Tenudiakbeek, qui selon les Inuit regorgeait de baleines et assurait la subsistance d’une nombreuse population autochtone. Penny voyait là peut-être l’endroit idéal où s’établir pour relancer la pêche à la baleine, mais en 1839, malgré trois tentatives, il n’était toujours pas parvenu à trouver cette baie. Quand il apprit qu’Eenoolooapik y était né, qu’il connaissait à fond la géographie des environs et qu’il souhaitait visiter l’Écosse, Penny résolut de l’emmener avec lui en Grande-Bretagne. Il espérait, avec son aide, convaincre la marine royale d’explorer la région.
Eenoolooapik s’embarqua sur le navire de Penny, le Neptune, et arriva à Aberdeen dans la soirée du 8 novembre. Le lendemain matin, une foule s’assembla dans le port pour l’accueillir et, quelques jours plus tard, il fit une démonstration de kayak sur le Dee. Malheureusement, affaibli par tous ces événements, il contracta une pneumonie qui mit sa vie en danger pendant plusieurs mois. Aussi Penny dut-il renoncer à lui apprendre, entre autres choses, à construire des bateaux.
Eenoolooapik était un homme intelligent et sympathique qui avait le sens de l’humour et un don pour l’imitation. Ces qualités lui furent précieuses non seulement dans sa vie quotidienne, mais aussi durant son séjour en Écosse. Elles le rendirent cher aux gens de l’endroit, qui en vinrent à tellement se préoccuper de lui que les journaux d’Aberdeen publiaient des bulletins sur sa santé. Elles lui permirent également, après sa guérison, de se conduire en vrai gentleman, que ce soit au théâtre, à des dîners officiels ou à l’occasion de deux bals donnés en l’honneur du mariage de la reine. L’Aberdeen Herald du 16 novembre 1839 rapporta l’une de ces reparties d’Eenoolooapik que prisaient les Écossais : « Un des hommes de la chaufferie du Neptune dessina la caricature sommaire d’un visage joufflu et dit : « Voici un Esquimau. » Immédiatement, Bobbie lui emprunta son crayon, dessina un visage très allongé, avec un long nez, et dit : « Voici un Anglais. »
Penny fit parvenir à la marine la carte de la région qu’il avait dressée avec Eenoolooapik, mais l’Amirauté, même si elle versa £20 à l’intention de l’Inuk, ne se montra pas intéressée à lancer une expédition. Le ler avril 1840, nanti de nombreux présents pour lui ainsi que d’une tasse à the et d’une soucoupe en porcelaine pour sa mère, Eenoolooapik quitta donc l’Écosse à bord du Bon Accord. Le navire passa le début de l’été à pêcher la baleine puis, assisté d’Eenoolooapik, Penny se rendit jusque dans la baie Tenudiakbeek. Comme il croyait en être le découvreur, il lui donna le nom de baie Hogarth en l’honneur de l’un de ses bailleurs de fonds. Par la suite, on constata qu’il s’agissait du « golfe » de Cumberland visité par John Davis* en 1585.
Eenoolooapik laissa les pêcheurs de baleine à son lieu de naissance et rejoignit, non loin de là, sa mère et ses frères et sœurs, qui étaient venus à sa rencontre par voie de terre à partir du cap Searle. Peu après, il épousa Amitak, avec qui il eut un fils nommé Angalook. À la grande surprise des pêcheurs, son prestige ne s’accrut pas beaucoup du fait qu’il avait visité un pays « civilisé ». À chaque année où Penny revint, Eenoolooapik fit avec lui la traite des fanons de baleine. Il mourut de consomption au cours de l’été de 1847, sans avoir pu constater tous les effets de l’aide qu’il avait apportée à Penny. Ce n’est en effet que cinq ans après sa mort qu’une première équipe de pêcheurs de baleine s’organisa pour passer l’hiver dans la région. Par la suite, cette pratique devint courante et plusieurs équipages installèrent leur camp à la baie de Cumberland, jusqu’à ce que prenne fin la pêche à la baleine dans l’Arctique. Sans le savoir, l’Inuk avait contribué à la colonisation de la terre de Baffin par les Blancs.
Eenoolooapik n’était pas le seul voyageur de sa famille. Son frère Totocatapik avait à ce titre une grande réputation parmi les Inuit et l’une de ses sœurs, Kur-King, s’installa à Igloolik. La célèbre Tookoolito (Hannah), qui visita l’Angleterre de 1853 à 1855 et fit de nombreux voyages dans l’Arctique et aux États-Unis avec l’explorateur Charles Francis Hall*, était aussi sa sœur.
Scott Polar Research Institute (Cambridge, Angl.),
Susan Rowley, « EENOOLOOAPIK (Bobbie) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/eenoolooapik_7F.html.
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Auteur de l'article: | Susan Rowley |
Titre de l'article: | EENOOLOOAPIK (Bobbie) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 4 déc. 2024 |