Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 3215533
FERGUSON, DONALD, fermier, fonctionnaire, juge de paix et homme politique, né le 7 mars 1839 à Marshfield, Île-du-Prince-Édouard, fils de John Ferguson et d’Isabella Stewart, tous deux Écossais d’origine ; le 26 mars 1873, il épousa à Charlottetown Elizabeth Jane Scott, et ils eurent trois fils et deux filles ; décédé le 4 septembre 1909 à Marshfield.
Donald Ferguson fréquenta l’école élémentaire à Marshfield, mais il était en bonne partie autodidacte. En 1870, il acheta une ferme à cet endroit, en bordure de la rivière East ; peu après, il construisit sur sa terre une maison qu’il baptisa Tulloch. Il ne tarda pas à se faire connaître par le bétail qu’il élevait et exposait ; en 1898, il accéderait à la vice-présidence de la Dominion Short-horn Breeders’ Association. Il contribua largement à l’adoption de la loi provinciale de 1889 qui visait à améliorer et à réorganiser les foires d’agriculture et les foires aux bestiaux par la création, dans les comtés, d’associations qui s’en chargeraient. Durant nombre d’années, il veilla, en qualité de commissaire, à l’administration de la Government Stock Farm, à la pointe Falcon. Tôt dans sa carrière, il était devenu représentant d’un détaillant de produits chimiques destinés à l’agriculture, la Nichols Chemical Company. Plus tard, il fut une autorité en matière de culture fruitière (des pommes surtout) et promut le plus possible l’exploitation des vergers. En tant que fermier, il fut « toujours à l’avant-garde », disait la notice nécrologique du Daily Examiner de Charlottetown.
Ferguson s’était mis à participer aux débats publics dès avant l’âge de 30 ans. Fervent partisan de la Confédération, il publia en 1866, dans l’Islander, une série de lettres où il défendait le projet et s’en prenait aux arguments du camp adverse [V. Cornelius Howatt*]. Sur la question foncière, il prit constamment le parti des locataires [V. George Coles*] et appuya l’abolition, par voie législative, du régime des propriétaires absentéistes. Ce fut avec vigueur aussi qu’il préconisa la construction d’un chemin de fer dans l’île ; il présenta une résolution à ce sujet à une réunion des résidents du comté de Queens à Charlottetown en 1871. Quand l’Île-du-Prince-Édouard devint une province, deux ans plus tard [V. James Colledge Pope*], ce fut donc presque naturellement que le fermier de Marshfield fit le saut en politique : il était connu et savait faire valoir ses idées.
Devenu juge de paix en 1872, Ferguson fut nommé l’année suivante receveur du revenu intérieur à Charlottetown. Plus tard en 1873, il démissionna de ces deux fonctions pour se présenter, sous la bannière conservatrice, à l’élection partielle qui se tenait pour combler le siège de conseiller législatif du 2e district du comté de Queens. Défait en cette occasion, il le fut aussi, au même endroit, aux élections générales de 1874. La même année, on le nomma membre et secrétaire d’un conseil provincial, le Bureau d’évaluateurs des chemins de fer ; il démissionna de ce poste en 1876 pour briguer l’un des sièges du 3e district de Queens à l’Assemblée, mais il essuya encore la défaite. Il fut l’un des rares conservateurs protestants à refuser d’appuyer la coalition dirigée par Louis Henry Davies*, qui avait pour but de mettre fin à l’instruction confessionnelle dans les écoles publiques.
Ferguson accéda enfin à l’Assemblée en juin 1878 : élu sans opposition à une élection partielle tenue dans le 3e district de Kings, il y remporta de nouveau la victoire aux élections générales de 1879. Aux élections de 1882, 1886 et 1890, il gagnerait dans son district de résidence, le 3e de Queens. Le 11 mars 1879, le premier ministre de la province, William Wilfred Sullivan*, le nomma au Conseil exécutif à titre de commissaire des Travaux publics. Le 3 mars 1880, il devint secrétaire et trésorier de la province, ainsi que commissaire des Terres de la couronne ; il exercerait ces trois fonctions jusqu’à sa démission en octobre 1890.
Pendant les 12 années où il fit de la politique provinciale, Ferguson acquit un tel pouvoir que le principal journal libéral de l’Île-du-Prince-Édouard, le Daily Patriot, parlait souvent, par dérision, du gouvernement « Sullivan–Ferguson ». En ce temps où, d’ordinaire, le cabinet se composait du premier ministre et de huit ministres, dont deux seulement avec portefeuille, il était manifestement le ministre le plus puissant. En tant que trésorier, il présida à la difficile adaptation de sa province au régime fiscal qu’avait amené la Confédération. Il souligna avec fierté que, en 1881, le budget provincial présentait un excédent pour la première fois depuis que l’Île-du-Prince-Édouard faisait partie du Canada. L’année suivante, il supprima une mesure impopulaire : l’impôt foncier que la coalition de Davies avait instauré en 1877 pour payer les frais du nouveau système d’enseignement. En tant que commissaire des Terres de la couronne, il veillait à l’application du Land Purchase Act de 1875, ce qui l’exposait parfois à la controverse. Comme secrétaire de la province, il s’occupait d’une bonne partie des affaires courantes du gouvernement. Enfin, ayant la charge de la ferme de la pointe Falcon, il était ce que l’Île-du-Prince-Édouard avait de plus semblable à un ministre de l’Agriculture.
En bien des choses, Ferguson était le bras droit de Sullivan. En 1886, exaspéré qu’Ottawa n’ait pas encore créé de liaison efficace entre l’Île-du-Prince-Édouard et la terre ferme, le gouvernement provincial décida de faire appel aux autorités britanniques ; Ferguson fut alors le seul ministre qui accompagna Sullivan à Londres. Il se rendit aussi à Ottawa régulièrement, pour des missions du même genre, avec Sullivan, puis avec le premier ministre Neil McLeod*. Défendu par les délégués à Londres et à Ottawa, le projet de construire un tunnel métallique sous le détroit de Northumberland resta un important dossier à l’étude pendant 20 ans.
Ferguson n’avait guère son pareil dans les débats à l’Assemblée. Énergique défenseur de la Politique nationale, il affrontait souvent Donald Farquharson, éminent libéral et ardent libre-échangiste, en soutenant que la réciprocité absolue ou l’union commerciale avec les États-Unis serait un « esclavage politique aussi bien que commercial ». Il prit aussi une large part au débat sur l’abolition du Conseil législatif, mesure qu’il appuyait fortement. Bien sûr, en tant que trésorier, il n’était pas indifférent aux économies que l’on réaliserait en ayant un Parlement unicaméral, mais il faisait également valoir que presque toutes les provinces avaient déjà aboli leur deuxième chambre et élargi le droit de vote sans mettre en péril les droits de propriété.
On reconnaissait les talents de Ferguson en privé aussi bien qu’en public. En 1885, Edward Jarvis Hodgson, avocat de l’Île-du-Prince-Édouard, écrivit au premier ministre du pays, sir John Alexander Macdonald*, que Ferguson était « de loin le meilleur homme sur la scène politique provinciale ». « Il a vraiment du jugement, précisait-il, et il a plus de discrétion et de tact que tous ses collègues. » Même si, en 1889, ce fut Neil McLeod qui fut appelé à succéder à Sullivan au poste de premier ministre de la province, beaucoup reconnaissaient que Ferguson méritait cette place. En novembre de cette année-là, le sénateur Samuel Prowse, ancien ministre de l’Île-du-Prince-Édouard, dit à Macdonald que McLeod devait prendre la tête du gouvernement, mais rendit hommage à la compétence de Ferguson. « J’espère, déclara-t-il, le voir bientôt là où il devrait assurément être, c’est-à-dire aux Communes, à Ottawa, et titulaire d’un portefeuille dans votre gouvernement. »
Ferguson nourrissait d’ailleurs l’ambition de passer à la scène fédérale. Par deux fois, en 1887 et à la fin de 1890, il démissionna du gouvernement provincial pour se porter candidat dans la circonscription fédérale de Queens, mais sans succès. Après sa défaite et celle du gouvernement conservateur en mars 1891, il écrivit à Macdonald qu’il était « découragé » et demanda que l’on envisage de lui confier le poste vacant de l’Île-du-Prince-Édouard au Sénat. Il entra à la Chambre haute le 4 septembre 1893.
À Ottawa, Ferguson prit encore plus d’envergure. Devenu ministre sans portefeuille en janvier 1895 dans le gouvernement de sir Mackenzie Bowell*, il demeurerait au cabinet jusqu’à la démission du gouvernement de sir Charles Tupper* en juillet 1896. Pendant l’incident du « nid de traîtres », en janvier 1896 [V. John Fisher Wood*], il demeura fidèle à Bowell et servit à titre de ministre intérimaire de l’Agriculture. Cependant, lorsque Bowell l’invita à faire partie du nouveau cabinet, il déclina l’offre. « [Je] refus[e], écrivit-il le 16 janvier, à moins qu’on ne donne aux ministres démissionnaires l’occasion de revenir. » Tout en reconnaissant qu’avoir un ministre avec portefeuille aurait été bénéfique pour l’Île-du-Prince-Édouard, il était convaincu que « l’ostracisme des ministres démissionnaires, ou de l’un d’entre eux », mènerait à « la désorganisation du Parti » et « empêcherait » que se réalise ce en quoi il voyait « le salut du Parti », à savoir l’accession de Tupper au gouvernement. Néanmoins, Ferguson fut nommé en 1896 au puissant comité permanent du Sénat sur les banques et le commerce et, pendant la session de cette année-là, avant la démission de Tupper, il fut leader adjoint au Sénat sous Bowell.
L’importance de Ferguson au Sénat ne fléchit pas après la défaite du gouvernement Tupper aux élections de 1896 ; il continua d’y exposer les positions de son parti sur bien des questions d’intérêt national. Comme le noterait en 1902 le Montreal Daily Star, ses connaissances étaient immenses et il avait « une énorme capacité de travail » ; par exemple, ses discours sur le commerce du Canada avec l’étranger révèlent qu’il maîtrisait merveilleusement bien l’information dont il disposait. En 1898, ce futur vice-président de la British Empire League au Canada déclara au Sénat que, pour sa part, ce serait avec joie qu’il accroîtrait les échanges commerciaux entre le Canada et l’Empire et resserrerait les liens entre ces deux entités, si la chose était possible.
En 1906, dans un important débat sur la réforme du Sénat, Ferguson montra à quel point il savait être réfléchi et original. Il ne voulait pas que l’on abolisse le Sénat, car sa fonction essentielle était de protéger les petites provinces. La faiblesse de cette institution venait de ce que les sénateurs étaient nommés par le gouvernement fédéral de l’heure. En même temps que s’allongeait la durée de vie des gouvernements, les majorités politiques avaient tendance à dicter au Sénat son ordre du jour, d’où une réduction de l’utilité de son travail. La recommandation de Ferguson dut en consterner plus d’un : les deux partis politiques nommeraient un nombre de sénateurs proportionnel à leur représentation à la Chambre des communes et les universités du pays auraient le droit de proposer des candidatures.
Ferguson était ouvert au changement, tant dans le domaine social que politique. Par exemple, il souhaitait que l’État apporte une aide quelconque aux personnes âgées et ce, en un temps où peu de Canadiens pouvaient même envisager une chose pareille. En 1906, au Sénat, il appuya la motion dans laquelle sir Richard John Cartwright* proposait que le gouvernement étudie sérieusement la question. Un tel programme, qui aurait pu « être qualifié de paternaliste, voire de socialiste, dix ou douze ans auparavant, relev[ait] désormais de la science politique pratique », soutint Ferguson, alors âgé de 67 ans. Que tant de gens passent « leur vieillesse dans le besoin » était, selon lui, « une honte pour le pays ».
Ferguson montrait en tout un esprit généreux. Bien qu’Edward Jarvis Hodgson lui ait trouvé « quelque chose de baptiste » (pas question pour lui de recevoir ses collègues politiques le dimanche), il ne montrait pas l’intolérance religieuse de ses contemporains ; sa courageuse prise de position sur la question scolaire aux élections provinciales de 1876 en témoigne. De même, quoiqu’il ait exercé des fonctions au British American Order of Good Templars dans les années 1860 et se soit vanté un jour de n’avoir « jamais pris un verre de spiritueux », il n’était pas prohibitionniste. Selon lui, la loi fédérale sur les permis d’alcool, ou l’Acte de tempérance du Canada, adopté en 1878, méritait un « essai honnête ». Dans les cas où le plébiscite local rejetait la réglementation en vertu de la loi fédérale, il préconisait une loi provinciale plutôt que la prohibition totale.
Homme d’une ambition considérable, Ferguson connut une cruelle déception en 1906. Cette année-là, Bowell démissionna de son poste de leader de l’opposition au Sénat et l’on tint un vote par courrier pour déterminer qui lui succéderait, Ferguson ou James Alexander Lougheed*, de Calgary. Lougheed l’emporta haut la main, ce qui rendit Ferguson quelque peu amer. Selon les mémoires de sir Robert Laird Borden*, il avait cru à sa victoire et pensait qu’on l’avait trompé. Il blâmait surtout Bowell. Peut-être celui-ci n’avait-il pas oublié que Ferguson avait refusé un portefeuille en 1896. Borden note que Ferguson n’adressa plus jamais la parole à Bowell. Quoi qu’il en soit, l’incident témoignait de l’importance de Ferguson sur la scène nationale.
Donald Ferguson mourut chez lui en 1909, à Marshfield, après une maladie de deux ou trois ans. On l’inhuma au cimetière de l’église presbytérienne St Columba. Pendant près de 30 ans, il avait été l’un des grands personnages de sa province. Talentueux, travailleur, tolérant, capable de voir loin, il avait montré des qualités dont l’Île-du-Prince-Édouard tout autant que le Canada avaient besoin en entrant dans une nouvelle période de leur histoire politique. En dépit de ses ambitions et de ses nombreux succès, il demeura profondément religieux et conserva des goûts simples. Cet homme instruit par l’expérience et l’observation aurait sans doute été heureux de lire ce que l’auteur de la notice nécrologique du Daily Examiner écrivit à son sujet : il était « de ceux qui comprennent les leçons que leur murmurent les ruisseaux et les pierres et découvrent du bon en toute chose ».
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Frederick L. Driscoll, « FERGUSON, DONALD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ferguson_donald_13F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/ferguson_donald_13F.html |
Auteur de l'article: | Frederick L. Driscoll |
Titre de l'article: | FERGUSON, DONALD |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 9 nov. 2024 |