FIELD, ELEAKIM, producteur de fer et fondeur du Haut-Canada ; circa 1831–1835.
Au début du xixe siècle, de nombreuses tentatives furent faites pour établir des fonderies dans le Haut-Canada, mais les frais d’établissement étaient élevés et la plupart des projets aboutirent à un échec. La perspective de réaliser des profits était cependant fort attrayante, et les entrepreneurs, généralement des Américains, étaient souvent prêts à tenter leur chance. On en À un bon exemple avec la Colborne Iron Works (connue également sous le nom de Colborne Furnace), établie dans le canton de Gosfield, qui avait en outre le rare avantage d’être dotée d’un haut fourneau pour la fusion du minerai. Persuadés que la région était riche en minerai de fer de première qualité, Eleakim Field et Benjamin Parker Cahoon mirent sur pied cet établissement qui commença à fonctionner vers le 10 octobre 1831. Selon un journal de la région, les associés avaient « une bonne connaissance de leur travail, ayant dirigé de [telles] entreprises pendant de nombreuses années » en Ohio. Ils avaient la conviction que le minerai de Gosfield était de qualité supérieure et qu’il pouvait être traité avec « un profit beaucoup plus grand ».
Les installations de la Colborne Iron Works étaient situées à un mille des gisements de minerai. À l’automne de 1831, le haut fourneau était en service et l’usine produisait de quatre à cinq tonnes de gueuse par jour. Comme il n’y avait pas dans les environs un cours d’eau capable de faire fonctionner une soufflerie pour le jet d’air, celle-ci fut alimentée par une machine à vapeur de 15 chevaux. La nécessité d’utiliser la vapeur au lieu de l’eau comme force motrice ajouta quelque 3 000 $ par année aux frais de production. La pierre à chaux, servant à la réduction du minerai de fer, et le sable nécessaire au moulage étaient disponibles sur place. Le haut fourneau utilisait chaque jour environ 500 boisseaux de charbon, et celui-ci était fabriqué à l’usine même, à partir du bois de la région ; la quantité annuelle requise était évaluée approximativement à 200 acres de forêt et, en échange du bois, les associés offraient aux voisins de défricher leur terrain. Dans un guide de voyage, cet aspect du travail était présenté comme un avantage pour les futurs colons.
L’établissement, décrit plus tard comme grand bien que rudimentaire, comprenait aussi un bâtiment de moulage (60 pieds carrés), deux maisons d’habitation, deux baraquements et une forge. De 60 à 70 hommes étaient employés par l’entreprise et, selon un journal, les salaires étaient généreux. Aucune pièce moulée n’avait été faite à l’automne de 1831, mais on produisait assez de fer pour en exporter à York (Toronto) où, semble-t-il, la demande était forte. Dans les journaux de Kingston, d’York, de Hamilton et de Sandwich (Windsor) en date du ler mars 1832, Field et Cahoon annonçaient qu’ils étaient prêts à fournir du fer et, à l’ouverture de la navigation, des pièces moulées. Ils estimaient que leurs produits, des poêles et des articles de ménage, étaient « fabriqués en fer de première qualité et avec un soin ne pouvant être surpassé par aucun autre fabricant de la province ni de l’extérieur ». Des concurrents du Haut-Canada, comme Joseph Van Norman*, leur disputaient le marché de la province, mais les rivaux les plus importants étaient des producteurs américains, notamment ceux de Buffalo, dans l’état de New York. Les associés annonçaient « un produit meilleur [...] au moins aussi bon marché qu’à Buffalo » et ils espéraient ainsi « garder tout cet argent dans la province ».
L’entreprise éprouvait cependant des difficultés financières. À la suite de jugements rendus contre les associés en janvier 1835 dans deux causes peu importantes, le shérif saisit leurs biens personnels et immobiliers. Pour sa part, Eleakim Field avait perdu un procès intenté par un créancier pour une somme de £444. Incapable de s’acquitter de sa dette, il s’enfuit aux Etats-Unis et il semble qu’on n’entendit plus jamais parler de lui. Le 2 février, James Dougall*, marchand qui résidait à Sandwich, remporta un procès intenté contre les associés pour un montant de £603 l0s 2d. L’association fut dissoute le 9 février et Cahoon assuma les dettes. L’établissement fut vendu et, après des réparations et des ajouts considérables, il fut réouvert en juin, mais son exploitation s’avéra très difficile. Cahoon garda des capitaux dans l’entreprise et occupa peut-être également un poste de direction jusqu’à ce qu’il s’enfuie à son tour vers le sud en 1839, pour échapper à ses créanciers. Francis Xavier Caldwell*, qui était responsable d’une partie de ses dettes, subit alors un grave revers financier. En 1852, dans un de ses ouvrages, William Henry Smith* indiquait que le haut fourneau avait « cessé de fonctionner depuis quelque temps ».
La carrière de la plupart des producteurs de fer et des fondeurs du Haut-Canada était incertaine. En 1835, Amos Horton, fondeur de Toronto, parut devant le comité de commerce de la chambre d’Assemblée. Il préconisa d’assujettir les produits en fer des États-Unis à une barrière douanière, affirmant qu’un tarif protectionniste était nécessaire pour assurer la croissance de l’industrie du fer dans la province. Cependant, il était heureux de pouvoir compter sur le fer importé des États-Unis, même s’il déclarait : « Le fer de Gosfield est le plus solide que je connaisse. Je crois qu’il surpasse le fer de fonte écossais et gallois de première qualité. » Par contre, les exploitants de hauts fourneaux souhaitaient que le fer américain, tout comme les pièces moulées, soit soumis à des mesures restrictives. Field et Cahoon avaient été désavantagés à un double titre dans leur entreprise. En tant que fondeurs de fer, ils devaient affronter la concurrence des produits américains moins coûteux ; comme producteurs de fer, ils ne pouvaient pas compter sur la loyauté de leurs supposés clients naturels, les fondeurs du Haut-Canada.
Les fonderies de fer ne tardèrent pas, toutefois, à connaître le succès et la stabilité. James Bell Ewart* et Edward Gurney* furent parmi les nombreuses personnes qui exploitèrent des entreprises florissantes au cours des années 1830 et de la décennie qui suivit, surtout dans la région de Hamilton et de Dundas. La Hamilton Blast Furnace Company [V. John C. Milne*] ise sur pied en 1895, apporta finalement à l’Ontario une production de fer et d’acier qui s’avéra rentable et durable.
AO, Hiram Walker Hist. Museum coll.,20–85 ; RG 1, A–1–6 : 20848–20849 ; A–II–2, 1 : 10–11 ; RG 22, sér. 131, 4 : fo 110.— H.-C., House of Assembly, App. to the journal, 1835, no 11, « The second report of the committee on trade », 3.— Hugh Murray, An historical and descriptive account of British America [...] (3 vol., Édimbourg, 1839).— Canadian Emigrant, and Western District Commercial and General Advertiser (Sandwich [Windsor, Ontario]), 23 févr., 1er mars 1832, 14, 21 févr., 13 juin 1835, 3 mai 1836.— Illustrated historical atlas of the counties of Essex and Kent (Toronto, 1880 ; réimpr., 1973).— W. H. Smith, Canada : past, present and future [...] (2 vol., Toronto, [1852] ; réimpr., Belleville, Ontario, 1973–974), 1 : 27.— W. L. Baby, Souvenirs of the past, with illustrations : an instructive and amusing work, giving a correct account of the customs and habits of the pioneers of Canada [...] (Windsor, 1896), 121.
Christopher Andreae, « FIELD, ELEAKIM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/field_eleakim_6F.html.
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Auteur de l'article: | Christopher Andreae |
Titre de l'article: | FIELD, ELEAKIM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 5 déc. 2024 |