FIELD, ELIZABETH (Eliza) (Jones ; Carey) (connue aussi sous le nom de Kecheahgahmequa, « la femme venue de l’autre côté des eaux bleues »), auteur et peintre, née le 1er juin 1804 à Lambeth (maintenant partie de Londres), fille aînée de Charles Field, riche fabricant de savon et de chandelles, et d’Elizabeth Carter ; le 8 septembre 1833, elle épousa Peter Jones [Kahkewaquonaby*], puis, en 1858, John Carey, de Muncey, Haut-Canada ; décédée le 17 août 1890 à Brantford, Ontario.

Elizabeth Field naquit dans une famille à l’aise et passa « huit années heureuses » dans un pensionnat du Surrey, en Angleterre, où elle montra des dons pour la peinture. À la mort de sa mère en 1820, elle revint au foyer pour aider à élever ses six jeunes frères et sœurs. Profondément dévote, elle fréquenta la chapelle évangélique Surrey avec sa famille, et, en 1823, elle se mit à y donner des cours à l’école du dimanche. Bien qu’elle connût une vie confortable, elle eut « hâte » durant toute sa jeunesse de se consacrer aux bonnes œuvres, et, comme elle l’indiquait le 2 juillet 1832 dans son journal, elle souhaitait « être plus utile, plus entièrement vouée au service des autres ». Elle avait déjà rencontré l’homme avec lequel elle allait se mettre à cette tâche.

En juin 1831, Elizabeth Field s’était rendue chez des amis à Bristol, où Peter Jones, prédicateur indien du Canada qui faisait une tournée en Angleterre afin de recueillir des fonds pour les missions ouvertes par les méthodistes chez les Indiens, se remettait d’une maladie. Une fois rétabli, il reprit sa tournée et lui rendit visite à Lambeth. Ils se virent régulièrement durant l’hiver, et, en février, il lui proposa de l’épouser. Très amoureuse du beau Sauteux et désireuse de l’aider à convertir au christianisme les indigènes de l’Amérique du Nord, elle accepta avec empressement. Son père et sa belle-mère, ainsi qu’un grand nombre de ses amis, s’opposèrent à ce projet, mais les témoignages favorables à Jones, dont celui de son ami Egerton Ryerson (qui, en 1833, se trouvait en Angleterre), finirent par venir à bout de la résistance des parents. Après une séparation qui dura plus d’une année (Jones était retourné au Canada en avril 1832), les deux jeunes gens se marièrent à New York, le 8 septembre 1833, devant le révérend Nathan Bangs*.

Ils s’installèrent dans une petite cabane, à la réserve indienne de la rivière Credit où la jeune femme connut quelques années fort difficiles. Elle et son mari soulevaient beaucoup de curiosité partout où ils allaient. Le 6 septembre 1834, elle exprima son désarroi dans son journal : « Je veux être capable d’éprouver de la charité envers ceux qui, par manque d’éducation ou de délicatesse à l’égard des sentiments d’une étrangère, me considèrent comme un sujet d’observation continuelle. » En outre, ayant connu l’aisance en Angleterre, elle éprouvait des difficultés à s’adapter aux rigueurs de la vie dans une réserve indienne. Femme de petite taille et de santé délicate, elle avait souvent la fièvre, et, entre 1834 et 1836, elle fit deux fausses-couches et mit au monde deux enfants mort-nés. Elle enseigna néanmoins la religion aux enfants de la réserve et la couture aux petites Indiennes – art qu’elle avait appris à la hâte peu de temps avant de quitter la Grande-Bretagne.

Après avoir fait un voyage dans son pays natal en 1837–1838 en compagnie de sa nièce Catherine Bunch Sonego [Nahnebahwequay*], Elizabeth Field donna naissance à un fils, le premier de ses quatre enfants qui vécurent au-delà de l’enfance. En 1841, Jones fut nommé à la réserve de Muncey (près de London, Ontario), où les époux demeurèrent jusqu’en 1849. Ils séjournèrent quelque temps à London, puis, en 1851, allèrent s’installer à Brantford, dans une confortable maison de briques appelée Echo Villa ; c’est là que Jones devait mourir cinq ans plus tard. Bien que les décennies 1840 et 1850 aient été assombries par le fait que Jones tomba gravement malade et que les efforts accomplis par le couple en vue d’« européaniser » les Indiens et de créer des « Anglais au teint brun » avaient été repoussés par une partie des Sauteux, sous la direction d’Oominewahjeween (William Herchmer), elles furent, pour la famille qui grandissait, les années les plus heureuses.

À cette époque, Elizabeth Field se livra également à des activités artistiques et littéraires. En 1838, elle fit paraître Memoir of Elizabeth Jones, a little Indian girl [...], ouvrage qui racontait, entre autres, la mort d’une pieuse nièce portant son nom, et qui était conçu pour servir de leçon à l’école du dimanche. Elle continua aussi de peindre et de dessiner, et ses aquarelles en miniature lui valurent un prix à l’Exposition provinciale du Haut-Canada en 1854. Après la mort de son époux, elle rassembla les journaux et une histoire incomplète des Sauteux rédigés par ce dernier ; Life and journals [...] parut en 1860 et History of the Ojebway Indians [...] en 1861. Par la suite, elle rédigea un essai sur Joseph Brant [Thayendanegea*] qui fut publié en feuilleton dans le New Dominion Monthly de Montréal à la fin de 1872 sous le nom qu’elle portait en sauteux, Kecheahgahmequa. Diverses parties de son journal, couvrant des périodes situées entre 1829 et 1883, ont été conservées et permettent de connaître, entre autres choses, ses commentaires sur le Haut-Canada et ses impressions sur la tribu de son époux.

En 1858, Elizabeth Field s’était remariée avec John Carey, un fermier new-yorkais qui avait été maître d’école à la mission de Muncey durant les années 1820. Ce fut une union malheureuse et il se peut qu’Elizabeth Field n’ait pas attendu plusieurs années avant de quitter son second mari. Elle nota dans un de ses cahiers que ses « goûts, [ses] sentiments, [ses] sympathies n’étaient pas et ne pouvaient aucunement être en harmonie avec ceux de [son] époux » ; Carey ne possédait pas « le raffinement inné et l’amabilité » de Jones. Outre les voyages qu’elle continua de faire en Angleterre, elle enseigna la peinture à Brantford, en plus d’écrire ; vers 1880, elle perdit la vue. Elle passa les dernières années de sa vie à Lambeth Cottage, maison qu’elle habitait alors à Brantford, où elle mourut le 17 août 1890. Pour avoir défié les conventions sociales de l’époque à l’égard des mariages interraciaux et avoir épousé l’homme qu’elle aimait, elle mérite de rester présente à notre souvenir.

Donald B. Smith

En plus d’être l’auteur de Memoir of Elizabeth Jones, a little Indian girl, who lived at the River-Credit Mission, Upper Canada [...] (Londres, 1838 ; éd. révisée, New York, 1841), et de « Brant’s schooldays », New Dominion Monthly (Montréal), juill.–déc. 1872 : 349–351, et d’avoir signé sous son nom indien, Ke-che-ah-gah-me-qua, « Sketch of the life of Captain Joseph Brant, Thayendanagea », New Dominion Monthly, juill.–déc. 1872 : 198–203, 276–282, Elizabeth Field a édité deux ouvrages de son époux, Peter Jones (Kahkewaquonaby) : History of the Ojebway Indians ; with especial reference to their conversion to Christianity [...] (Londres, 1861) et Life and journals of Kah-ke-wa-quo-nā by (Rev. Peter Jones), Wesleyan missionary (Toronto, 1860).

Victoria Univ. Library (Toronto), Peter Jones coll., Eliza Jones Carey papers.— Christian Guardian, 5 nov. 1890.— D. B. Smith, « Eliza and the Reverend Peter Jones », Beaver, outfit 308 (automne 1977) : 40–46 ; « Peter and Eliza Jones : their last years », (hiver 1977) : 16–23 ; « The transatlantic courtship of the Reverend Peter Jones », (été 1977) : 4–13.

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Donald B. Smith, « FIELD, ELIZABETH (Eliza) (Jones ; Carey) (Kecheahgahmequa) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/field_elizabeth_11F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
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