FLEMING, ROBERT JOHN, homme d’affaires, militant de la tempérance, homme politique et fonctionnaire, né le 23 novembre 1854 à Toronto, fils de William Fleming et de Jane Cauldwell ; le 23 décembre 1879, il épousa à Montréal Margaret Jane Breadon (décédée le 5 avril 1883), et ils eurent une fille, puis le 23 octobre 1888, à Toronto, Lydia Jane Orford (décédée le 20 septembre 1937), et de ce mariage naquirent quatre filles et quatre fils ; décédé le 26 octobre 1925 dans la région torontoise.

Les débuts de Robert John Fleming – qui serait considéré à sa mort comme l’un des « plus grands administrateurs » canadiens – rappellent les romans de Horatio Alger. Ses parents, Irlandais, étaient pauvres. Il naquit rue St David, dans le quartier torontois de Cabbagetown, et abandonna la Park Street School pour travailler dans la chaufferie d’un bureau. Vers 1875, après avoir suivi des cours du soir dans une école commerciale, l’ambitieux jeune homme fit son entrée dans le secteur de l’alimentation animale, du charbon et du bois. Dès 1885, il était dans l’immobilier et la finance.

Principes chrétiens et réforme sociale étaient au cœur de la vie de Fleming. Affilié aux libéraux, parmi lesquels on avait plus de chances de trouver des prohibitionnistes convaincus que dans la plupart des autres groupes, ce fervent méthodiste était dans la vingtaine quand il commença à militer pour la tempérance. Après avoir été élu en 1886 échevin du quartier St David, où la vente d’alcool était autorisée, il fit pression en faveur de la réduction des permis de vente à Toronto. De l’avis de bien des gens, cette prise de position lui ferait perdre des votes, surtout parmi les Irlandais, mais il avait une personnalité si engageante qu’il conserva son siège sans difficulté aux scrutins de 1887, 1888 et 1889. Au sein de l’équipe du maire William Holmes Howland*, il était le défenseur le plus cohérent de la tempérance, et il réussit en 1887 à faire adopter un règlement sur la diminution des permis. En 1892, avec l’appui des libéraux, il fut élu à la mairie sur la base d’un programme réformiste dans lequel il s’opposait à la circulation des voitures de la Toronto Railway Company le dimanche. À cause de la simplicité de ses manières et de sa mise, de ses discours au style décousu et divertissant, de son soutien indéfectible à la classe ouvrière et de ses idéaux réformistes chrétiens, on le surnommait affectueusement « the People’s Bob ». Porté par une immense vague de popularité, il fut réélu en 1893, en 1896 et en 1897. Pendant la campagne de 1897, il tourna casaque et se mit à défendre la circulation des tramways le dimanche, ce qui lui valut d’être accusé de corruption. À l’époque, il était à l’avant-garde de la lutte pour la tempérance, principalement à titre de trésorier de la section ontarienne de la Dominion Alliance for the Total Suppression of the Liquor Traffic et de vice-président de l’instance nationale de cet organisme. Il avait présidé la conférence nationale sur la prohibition tenue à Montréal en 1894. Ses assemblées dominicales de tempérance aux Horticultural Gardens (Allan Gardens) à Toronto attiraient les foules. Avec James Laughlin Hughes* et William Houston*, il forma un petit groupe d’appui au suffrage féminin, en grande partie dans l’espoir d’encourager la lutte des femmes pour la tempérance.

Durement touché par le krach immobilier des années 1890, Fleming démissionna de la mairie le 5 août 1897 et devint commissaire municipal à l’évaluation. Dans un bilan, le Globe estima qu’il avait accompli plus de « bonnes réformes en quelques années que tous les autres maires dans les dix dernières années ». Il s’était battu en faveur d’un salaire minimum pour les travailleurs municipaux et avait présidé à la création d’un bureau de contrôle en 1896 [V. Samuel Morley Wickett*], ce qui est sa contribution la plus connue à la gestion de Toronto. Après avoir assumé en plus, en 1903, la fonction de commissaire foncier, il puisa dans son expérience de l’immobilier pour faciliter l’acquisition de grands terrains par la municipalité.

Bien que le travail de fonctionnaire lui ait plu, Fleming l’abandonna en décembre 1904 pour un poste beaucoup mieux rémunéré, la direction générale de la Toronto Railway Company de William Mackenzie. Il exercerait cette fonction – qui lui permettait de rembourser ses créanciers – jusqu’à l’intégration de l’entreprise au réseau de la Toronto Transportation Commission en 1921. Son aptitude à inspirer confiance protégea grandement les administrateurs de la Toronto Railway Company et d’une filiale, la Toronto Power Company, contre les critiques des réformateurs à propos de la mainmise de la Toronto Railway Company sur le transport municipal et de la corruption qu’elle exerçait dans ce domaine. En 1906, cependant, quand il prôna l’acquisition d’une partie du terrain du vieux fort York pour la construction d’une nouvelle ligne de tramway, le projet souleva des inquiétudes au ministère de la Milice et dans les groupes torontois de préservation du patrimoine [V. Sara Mickle]. L’un des fervents détracteurs de la Toronto Railway Company, le contrôleur municipal Francis Stephens Spence*, prétendit en 1908 qu’« il r[égnait] un climat d’amertume, d’hostilité, l’esprit de la Flemingphobie », mais la population hésitait à s’en prendre directement au sympathique Fleming. (En même temps, R. J., comme on appelait aussi Fleming, collaborait avec Spence au sein du mouvement de tempérance, ce qui montre bien qu’il pouvait travailler avec ses adversaires.) Au fil du temps, Fleming serait directeur ou membre du conseil d’administration de plusieurs autres entreprises de William Mackenzie, dont la Toronto and Niagara Power Company, l’Electrical Development Company et la Winnipeg Electric Railway Company. Ce fut à cause de ces liens que, en 1917, il se trouva en conflit avec sir Adam Beck, qui faisait campagne pour l’étatisation de l’électricité et la construction de chemins de fer interurbains en Ontario. Avoir une place au sein du groupe de Mackenzie apportait néanmoins de la sécurité à Fleming. Ex-membre du conseil d’administration de la Gold and Silver Mines Development Company et ex-président de la Rossland Gold Mining, Development and Investment Company, il avait réintégré avec profit les marchés de l’immobilier, des actions et des mines. La confiance populaire lui permit d’accéder en 1921 au conseil de la Toronto Harbour Commissioners. En 1923, la question des chemins de fer interurbains sur le bord du lac Ontario n’étant toujours pas réglée, il se présenta une dernière fois à la mairie, mais Charles Alfred Maguire le battit par 840 voix.

Fleming semble avoir vécu simplement. Vers 1902, comme ses voisins dans Cabbagetown se plaignaient des bêtes qu’il gardait chez lui, rue Parliament – vestige de l’époque de sa jeunesse, où ses parents avaient du bétail –, il s’installa dans un petit domaine de la rue St Clair, près de la rue Bathurst. Ses vaches jerseys n’en continueraient pas moins de susciter des plaintes. Il possédait aussi une ferme dans la région de Whitby. À Toronto, il fréquentait à la fois l’église méthodiste St Clair Avenue (église unie St Matthew) et la Timothy Eaton Memorial, plus élitiste. Toujours adepte de la tempérance, il devint en 1923 président de la Dominion Alliance. Il déménagea encore une fois, en 1924, pour s’installer dans une ferme de 955 acres, la Donlands Farm, achetée deux ans plus tôt de William Findlay Maclean et située entre Leaside et la rivière Don. C’est là qu’il succomba à une pleurésie en octobre 1925. Sa succession valait plus de un million de dollars. Il fut inhumé au cimetière Mount Pleasant à Toronto.

Robert John Fleming avait été fonctionnaire durant moins de 20 ans, et pourtant des milliers de Torontois et d’influents personnages d’ailleurs au Canada pleurèrent son décès. Selon le Globe, qui en parla longuement, il avait été « l’une des figures les plus connues et les plus aimées de la ville ». Le maire Thomas Foster ordonna que le drapeau de Toronto soit mis en berne. L’attrait exercé par Fleming tenait à la fois à son souci des questions pratiques, à son zèle réformiste et à son exubérance. Par sa moralité indiscutable et son attitude de chrétien bienveillant, il avait gagné le respect de beaucoup d’adversaires. Le premier ministre ontarien George Howard Ferguson*, opposant farouche de ses campagnes prohibitionnistes, nota tristement que, avec le décès de Fleming, « une grande figure publique a[vait] disparu ».

Gayle M. Comeau

ANQ-M, CE601-S109, 23 déc. 1879.— AO, RG 22-305, nº 53233 ; RG 80-5-0-165, nº 14446 ; RG 80-8-0-1015, nº 37912.— Globe, 27–28 oct. 1925.— Toronto Daily Star, 28–29 déc. 1906, 17 févr., 30 août, 14 oct., 25 nov. 1922, 23 mai 1924, 26–27 oct. 1925.— Annuaire, Toronto, 1875–1925.— Christopher Armstrong et H. V. Nelles, The revenge of the Methodist bicycle company : Sunday streetcars and municipal reform in Toronto, 1887–1897 (Toronto, 1977).— Canadian annual rev., 1901–1924/1925.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— Graeme Decarie, « Something old, something new [...] : aspects of prohibitionism in Ontario in the 1890s », dans Oliver Mowat’s Ontario, Donald Swainson, édit. (Toronto, 1972), 154–171.— C. A. S. Hall, « Electrical utilities in Ontario under private ownership, 1890–1914 » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1968).— Middleton, Municipality of Toronto.— H. V. Nelles, The politics of development : forests, mines & hydro-electric power in Ontario, 1849–1941 (Toronto, 1974).— W. R. Plewman, Adam Beck and the Ontario Hydro (Toronto, 1947).— V. L. Russell, Mayors of Toronto (Erin, Ontario, 1982).— Charles Sauriol, Remembering the Don : a rare record of earlier times within the Don River valley (Scarborough, Ontario, 1981), 107–112.— F. S. Spence, « Some suggestions as to Toronto Street Railway problems », dans Saving the Canadian city : the first phase, 1880-1920 [...], Paul Rutherford, édit. (Toronto, 1974), 59–63.— Who’s who in Canada, 1922.

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Gayle M. Comeau, « FLEMING, ROBERT JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/fleming_robert_john_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
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