GOSSELIN, LÉON (baptisé Antoine-Léon), avocat, journaliste, propriétaire de journal et fonctionnaire, né le 24 décembre 1801 à L’Assomption, Bas-Canada, fils de Joseph Gosselin, meunier, et de Thérèse Viger ; le 21 août 1830, il épousa à Québec Mary Graddon, et ils eurent au moins deux enfants ; décédé le 1er juin 1842 à Montréal.

Par sa mère, Léon Gosselin appartient au puissant réseau des familles Viger, Papineau et Cherrier. Il est le neveu de Louis-Michel Viger* et de Joseph Papineau ainsi que le cousin de Louis-Joseph Papineau* et de Denis-Benjamin Viger*. Il étudie au petit séminaire de Montréal de 1811 à 1819, puis il opte pour le droit. Il est admis au barreau le 6 décembre 1828, mais on ignore s’il pratiqua. En 1830, il se trouve dans l’entourage de Ludger Duvernay*, propriétaire de la Minerve. Sans doute collabore-t-il déjà à la rédaction du journal, où il aurait remplacé le député Augustin-Norbert Morin*, accaparé à partir de 1830 par ses fonctions à l’Assemblée.

Au début de 1832, Gosselin succède à Morin au poste de rédacteur en chef. À ce moment, Duvernay purge une peine d’emprisonnement pour diffamation contre le Conseil législatif. En février, Gosselin se croit lui-même menacé et se cache quelque temps. La Minerve est alors le porte-parole radical du parti patriote à Montréal. Cependant, comme les journalistes ne signent pas leurs articles, il est difficile d’identifier ce qui est de la plume de Gosselin. Un de ses détracteurs affirmera dans la Quotidienne, en 1837, que Gosselin a laissé de son passage à la Minerve le souvenir d’un « révolutionnaire renforcé » et rappellera que « c’est lui qui publia le célèbre écrit signé S. et qui faillit par là provoquer un soulèvement parmi le peuple. On sait que dans cet écrit M. Gosselin laissait dire à l’auteur qu’une révolution immédiate seule pourrait sauver le pays en l’arrachant à la suprématie du parti breton. »

Au cours de 1830, Gosselin a envisagé de publier « une gazette des tribunaux canadiens et américains ». Toutefois, ce projet, qui lui aurait permis d’allier sa formation en droit et son intérêt pour le journalisme, ne se réalise pas. Mais sa femme, Mary Graddon, réussit, en décembre 1832, à créer le Montreal Museum, or Journal of Literature and Arts, premier journal du Bas-Canada destiné aux femmes et fondé par une femme. Le rôle de Gosselin dans cette entreprise est sans doute des plus modestes. Tout au plus sert-il d’intermédiaire entre son épouse et Duvernay, chez qui on imprime le journal.

Le 4 septembre 1834, Gosselin démissionne subitement de son poste à la Minerve et c’est Hyacinthe-Poirier Leblanc* de Marconnay qui le remplace aussitôt. Il se serait alors mis à la pratique du droit. À la fin de 1835, il pose sa candidature au poste de traducteur français à l’Assemblée. Il bénéficie alors de l’appui de Louis-Joseph Papineau mais se heurte à l’hostilité des députés de Québec dont les positions sont plus modérées. On lui préfère finalement un autre candidat. C’est donc dans le courant de l’année 1836 qu’il aurait commencé à prendre ses distances à l’égard des patriotes. Toutefois, la rupture n’apparaît pas encore tout à fait consommée quand Gosselin fonde, avec Leblanc de Marconnay comme rédacteur en chef, le Populaire, dont le premier numéro paraît le 10 avril 1837.

Ce journal bihebdomadaire ne présente pas une facture particulière. Sur ses quatre pages s’aligne la matière propre aux journaux de l’époque. La part des affaires provinciales que suscitent les événements d’alors y prend cependant une place prépondérante, accentuée encore par les nombreuses polémiques qui se déchaînent. À en croire son rédacteur en chef, le Populaire aurait atteint, dès le second mois, un tirage de 1 400 exemplaires, et cela en dépit d’une consigne de boycottage qu’avait lancée Louis-Joseph Papineau vers la fin du printemps. Les effets de ce boycottage, ajoutés aux problèmes de livraison liés aux événements de novembre et décembre 1837 et à l’hostilité de certains maîtres de poste, expliquent peut-être les difficultés financières du Populaire en mars 1838. Les imprimeurs John Lovell* et Donald McDonald ne sont plus payés depuis quelque temps et, le 16 mars, ils refusent d’imprimer le journal. Le Populaire interrompt sa publication durant près d’un mois, puis reparaît le 12 avril, en déclarant avoir été victime d’un complot politique. À partir de ce moment, le nom de Gosselin ne figure plus sur la feuille, mais sans que l’on sache s’il a cédé ses titres de propriété. Le journal disparaît brutalement et sans donner de raison le 3 novembre 1838.

Le Populaire a subi les contrecoups d’une conjoncture difficile. Il apparaît le jour où sont connues dans le Bas-Canada les résolutions de lord John Russell, et sa disparition coïncide avec le départ de lord Durham [Lambton] pour l’Angleterre. Pendant cet intervalle se déroulent les événements qui aboutissent à la première insurrection en novembre 1837. Dans ce contexte politique, le Populaire tente de garder le juste milieu. Il est en faveur du respect des autorités en place, mais il considère de son devoir de les critiquer et de les éclairer. Ainsi soutient-il le gouverneur Gosford [Acheson] puis, avec plus de réserves, sir John Colborne*. Lord Durham bénéficie de son appui et de sa confiance. Selon le Populaire, tous les malheurs viennent des extrémistes ; la ligne de partage de ses sympathies n’est donc pas de nature ethnique. Après avoir soutenu l’action de Papineau, il la combat et condamne l’insurrection, tandis que sous Colborne il se rapproche plutôt des patriotes. En fait, le Populaire tente de défendre une position centriste et modérée mais, comme il réagit au coup par coup, son combat le porte parfois un peu plus à droite ou un peu plus à gauche.

Dans le contexte manichéen de cette période, une telle position n’est pas facile à tenir. L’opinion publique semble parfois désemparée par l’attitude du journal. Le Populaire reconnaît le malaise quand il écrit le 12 avril 1838 : « Des circonstances affligeantes et le désir d’éviter de grands malheurs ont pu, pendant une certaine période, abuser quelques personnes sur la véritable marche d’un journal, dont le titre prouve assez le but. » Ce malaise l’oblige à réitérer sa profession de foi : « Le Populaire est libéral par son essence, et loyal par ses effets ; il offre au bon gouvernement tout l’appui qu’il doit attendre des sujets qui n’envisagent que la prospérité d’un pays. » L’accuse-t-on de sentiments anticanadiens, il proclame que « le patriotisme ne réside point dans une poignée d’individus qui pouvaient se tromper, mais qu’il était tout entier dans la masse [des] habitans ».

Non seulement cette position est précaire, mais elle expose le journal à l’hostilité. Pour le Montreal Herald et la Montreal Gazette, les éditeurs du Populaire sont des « ennemis acharnés de tous les Bretons ». Le Libéral de Québec qualifie le journal « d’obscène » tandis que la Quotidienne le voit comme une feuille hostile aux intérêts canadiens. Avec le Vindicator and Canadian Advertiser de Montréal, c’est la guerre ouverte. Même avec l’Ami du peuple, de l’ordre et des lois, qui se situe à peu près dans la même tendance que lui, les polémiques sont violentes. Il ne trouve grâce qu’aux yeux du Canadien.

L’hostilité des patriotes inconditionnels peut expliquer ces qualifications généralement défavorables. Le Populaire est aussi l’un des seuls journaux francophones à n’avoir jamais été inquiétés par les autorités, ce qui l’expose à une réelle suspicion. Mais il apparaît bien que, plus que tout, la personnalité de ses animateurs pèse lourdement dans le jugement qu’on porte sur lui. Gosselin et Leblanc de Marconnay traînent longtemps la réputation de vendus et de transfuges. Derrière eux se profilent Clément-Charles Sabrevois* de Bleury et Pierre-Dominique Debartzch, anciens patriotes largement compromis avec le pouvoir. On présente d’ailleurs très souvent Debartzch comme l’un des fondateurs du Populaire, voire comme l’un des propriétaires cachés.

En août 1840, Gosselin sollicite un poste de shérif dans une cour de district. Au moment de l’Union, on retrouve l’un de ses écrits dans le Fantasque de Québec du 16 novembre 1840. Il s’attaque aux vues que Louis-Hippolyte La Fontaine* venait d’exposer le 28 août, dans lAurore des Canadas, dans une adresse aux électeurs de Terrebonne. Les idées que défend Gosselin se rapprochent alors de celles des jeunes radicaux qui diffusent largement ce numéro du Fantasque. À la même époque, Gosselin aurait refusé une proposition du gouverneur lord Sydenham [Thomson] qui voulait fonder un journal pour défendre les intérêts du gouvernement.

Gosselin meurt le 1er juin 1842 après une longue maladie sans qu’on lui consacre la moindre notice nécrologique dans les journaux du Bas-Canada. À sa mort, il était registrateur adjoint du district de Montréal, fonction peu prestigieuse pour cet homme qui avait participé aux débats les plus virulents de son époque.

Léon Gosselin n’apparaît pas avoir été une personnalité de premier plan. Sa carrière de journaliste ou de propriétaire de journal fut somme toute assez courte. Mais son cheminement politique, sans être original, n’est pas inintéressant. Patriote, puis réformiste modéré pendant les insurrections de 1837–1838, il semble être revenu à un réformisme plus radical. Il resta toute sa vie éloigné du pouvoir et il semble que jamais une carrière politique ne l’ait tenté. Peut-être mourut-il trop tôt pour donner véritablement sa mesure.

Gérard Laurence

ANQ-M, CE1-51, 4 juin 1842 ; CE5-14, 24 déc. 1801.— ANQ-Q, P-68.— « Papiers Duvernay », Canadian Antiquarian and Numismatic Journal, 3e sér., 6 : 116.— L’Ami du peuple, de l’ordre et des lois, 28 mars 1838.— Le Canadien, 1er oct. 1832, 23 mars 1838.— Montreal Museum, or Journal of Literature and Arts, déc. 1832–mars 1834.— Le Populaire, 18 mai 1832, 10 avril, 15 mai, 19 juin, 13 oct. 1837, 12 avril, 28 mai, 4, 20, 25 juin 1838.— La Quotidienne (Montréal), 28 déc. 1837.— F.-J. Audet, « Commissions d’avocats », BRH, 39 : 585.— Beaulieu et Hamelin, la Presse québécoise, 1.— Fauteux, Patriotes, 157.— Filteau, Hist. des patriotes (1938–1942), 1 : 213.— J.-P. de Lagrave, les Journalistes-Démocrates du Bas-Canada, 1791–1840 (Montréal, 1975).— J.-M. Lebel, « Ludger Duvernay et la Minerve : étude d’une entreprise de presse montréalaise de la première moitié du xixe siècle » (thèse de m.a., univ. Laval, 1982).— I.[-F.-T.] Lebrun, Tableau statistique et politique des deux Canadas (Paris, 1833).— Maurault, le Collège de Montréal (Dansereau ; 1967).— Monet, la Première Révolution tranquille.— Rumilly, Papineau et son temps, 1 : 428.— J.-J. Lefebvre, « la Famille Viger : le maire Jacques Viger (1858) : ses parents – ses descendants – ses alliés », SGCF Mémoires, 17 (1966) : 201–238 ; « Pierre-Dominique Debartzch, 1782–1846 », Rev. trimestrielle canadienne, 27 (1941) : 179–200.— Benjamin Sulte, « Leblanc de Marconnay », BRH, 18 (1912) : 353–354.

Bibliographie de la version révisée :
Bibliothèque et Arch. nationales du Québec, Centre d’arch. de Québec, CE301-S66, 21 août 1830.— La Minerve (Montréal), 31 janv. 1831.— Montreal Transcript​, 21 avril 1838.

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Gérard Laurence, « GOSSELIN, LÉON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gosselin_leon_7F.html.

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Auteur de l'article:    Gérard Laurence
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    2020
Date de consultation:    6 nov. 2024