GRAVIER, JACQUES, prêtre, jésuite, missionnaire chez les Outaouais, fondateur de la mission des Illinois, né le 17 mai 1651 à Moulins et décédé dans la nuit du 16 au 17 avril 1708 à Mobile (Alabama).

Gravier entra dans la Compagnie de Jésus à l’automne de 1670 et fit son noviciat à Paris. De 1672 à 1680, il fit la classe et donna des leçons particulières dans les écoles des Jésuites à Hesdin, à Eu et à Arras. Il interrompit son enseignement pour consacrer un an à l’étude de la philosophie au collège Louis-le-Grand à Paris (1678–1679), puis poursuivit ses études en théologie à la même institution de 1680 à 1684. Les lettres qu’il écrivit plus tard et dans lesquelles il traite avec perspicacité de questions de droit canon et de théologie témoignent de son intelligence et de son savoir. Ordonné prêtre après sa troisième année de théologie, il s’embarqua pour le Canada aussitôt sa quatrième année terminée. Après un court séjour au collège de Québec, il passa un an à Sillery à apprendre la langue algonquine (1685–1686).

Appelé dans l’Ouest à la mission des Outaouais, c’est à Saint-Ignace que, le 2 février 1687, il transcrivit de son écriture posée et serrée les quatre vœux solennels des Jésuites. Il allait consacrer les 21 ans qui lui restaient à vivre à remplir la promesse faite ce jour-là.

Il alla habiter chez les tribus illinoises en 1689, se fixant d’abord à Starved Rock, sur la rivière des Illinois, où il rédigea une grammaire de la langue illinoise. En fondant cette mission, il accomplissait le vœu formé par Jacques Marquette* presque 20 ans plus tôt. Nommé « Supérieur des Missions chez les Outaouais, les Illinois, les Miamis et autres » en 1696, ses nouvelles fonctions le rappelèrent à Michillimakinac. L’évêque de Québec, Mgr de Saint-Vallier [La Croix], le nomma vicaire général de ces missions. Avec la ténacité qui lui était propre, Gravier essaya de garder la mission des Tamarois comme faisant partie de l’ensemble des missions confiées aux Jésuites par l’évêque de Québec en 1690. Mais il lui fallut se soumettre à Mgr de Saint-Vallier qui demeura inflexible et confia le village aux prêtres du séminaire de Québec.

En novembre 1700, Gravier descendit en canot aux établissements de la Louisiane, où il passa un an à dispenser son ministère aux Français et aux Indiens. Au cours de ce séjour, il gagna l’estime et l’amitié durables de Jean-Baptiste Le Moyne* de Bienville. De son côté, Bienville fit, par sa connaissance des langues indiennes, grande impression sur Gravier, qui était un bon linguiste. Gravier quitta la colonie du golfe du Mexique en février 1702 pour retourner au pays des Illinois. On le retrouve de nouveau chez « ses Illinois » au cours des années 1702 à 1704, et en 1705, alors qu’il fut, cette dernière année, nommé supérieur de cette mission désormais administrée séparément.

À l’automne de 1705, un Péoria déchaîné l’attaqua « par haine de la foi » comme le dira Gravier lui-même plus tard, et lui lança cinq flèches sans provocation ni avertissement. La profonde blessure qu’il reçut au bras fut, peut-être à dessein, soignée d’une façon très sommaire, avec le résultat que l’infection se mit dans la plaie et que la douleur empira. Ayant perdu tout espoir de guérir dans un lieu aussi sauvage, Gravier fit le pénible trajet jusqu’à Mobile en plein hiver (1705–1706) puis, son état ne s’étant aucunement amélioré, il s’embarqua pour la France à la fin de l’année 1706. (À Mobile comme à Paris, il appuya Bienville contre Henri Roulleaux de La Vente, prêtre des Missions étrangères, et le commissaire Nicolas de La Salle.) Quelque soulagement qu’il y reçût, il devint évident que la blessure le ferait souffrir pour le reste de ses jours. En connaissance de cause, il s’embarqua pour Mobile, qu’il atteignit en février 1708, puis fit ses préparatifs pour retourner à son poste chez les Péorias. Mais l’infection dont il souffrait et les fatigues accumulées au cours de ses voyages déjouèrent ses projets. La mort emporta son pauvre corps torturé par la fièvre alors qu’il était encore dans l’ancienne ville de Mobile ou dans ses environs.

Charles E. O’Neill

AN, Col., B, 29, ff.260v., 261, 263v., 265 ; Col., C13A, 1 ff.504–507, 570–581, 582 ; Marine, 3JJ, 387, 19.— ASJ France (Chantilly), Fonds Brotier, 105.— ARSI, codex Gal. 110–II : 269–270v., 271–272v., 273v.— ASQ, Lettres, R, 82, 83 ; Lettres, M, 38, 39 ; Lettres, S, 102.— BN, mss, Fr. 6 453.— Library of Congress (Washington), Jesuit Relations mss.— Découvertes et établissements des Français (Margry), IV : 5.— [Jacques Gravier], Lettre du PJacques Gravier, le 23 février 1708, sur les affaires de la Louisiane (New York, 1865) ; Relation ou journal du Voyage de RPJacques Gravier de la Cde J., en 1700 depuis le pays des Illinois jusqu’à l’embouchure du Mississipi (New York, 1859).— JR (Thwaites), LXV : 100–179 ; LXVI : 32–34, 120–143.— Lettres édifiantes et curieuses, écrites des Missions étrangères (14 vol., Lyon, 1819), IV : 209.— Delanglez, French Jesuits in Louisiana.— O’Neill, Church and State in Louisiana.— Rochemonteix, Les Jésuites et la N.-F. au XVIIe siècle, III : 538, 547, 688–690.

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Charles E. O’Neill, « GRAVIER, JACQUES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gravier_jacques_2F.html.

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Auteur de l'article:    Charles E. O’Neill
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    12 déc. 2024