HILL, JOHN, homme d’affaires et juge de paix, baptisé le 7 avril 1754 à Topsham, Angleterre, fils de Samuel Hill et d’Elizabeth Summerhill ; le 19 avril 1775, il épousa au même endroit une veuve, Margaret Ferguson, et ils eurent au moins trois fils ; décédé le 28 mars 1841 à Exmouth, Angleterre, à l’âge de 87 ans.
On ne connaît guère les antécédents ni les premières années de John Hill. Il apprit le métier de forgeur d’ancres dans son Devon natal et dès 1775, avec un associé du nom de David Sweetland, il se lançait dans diverses activités commerciales, dont l’achat et la vente de navires et le transport du charbon et du fer. Les documents relatifs au commerce nord-américain le mentionnent pour la première fois en 1783 : il était alors propriétaire du Diana et du Peggy, qui partirent tous deux pour Terre-Neuve à la faveur de la cessation des hostilités. À ce moment, Hill était encore associé à Sweetland, mais il vivait à Londres (dans Eastcheap, qu’il quitta ensuite pour Rotherhithe). En 1786, il avait sa propre société, la John Hill and Company. Bientôt, il devint l’un des principaux marchands de poisson du district terre-neuvien de Ferryland : il employait des pêcheurs côtiers, exploitait l’un des morutiers de la région et approvisionnait des chasseurs de phoque. Son premier représentant fut John Barry, suivi de John Baker puis, à compter de 1797, de John Rowe.
Pendant la Révolution américaine, Hill avait aussi acquis des intérêts dans l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard), d’abord avec l’un des premiers propriétaires de l’endroit, Edward Lewis, député au Parlement britannique. Dès 1779, les deux associés possédaient le lot 5, où ils fondèrent un village appelé Lewis Town (Alberton South) en y envoyant en juin 1788 un maure charpentier de navires et plusieurs représentants. Par ailleurs, Hill se lança dans une entreprise commerciale à Charlottetown et dans l’extrémité est de l’île avec les marchands John Cambridge* et William Bowley. Il visita ses installations nord-américaines pour la première fois en 1790. Il vit alors avec fierté l’achèvement du schooner Industry, qui jaugeait 41 tonneaux, le premier des nombreux bâtiments qu’il allait faire construire dans l’île. Avec Cambridge et Bowley, il projetait de se tailler une large place dans le commerce du bois et du poisson avec les Antilles et Terre-Neuve, mais il se heurta bientôt à la politicaillerie qui affligeait l’île Saint-Jean. Des officiers de douanes zélés saisirent plusieurs de leurs navires, dont l’Industry, pour, de prétendues infractions aux lois du commerce, et Hill avait acquis la conviction, à l’occasion de sa visite à Charlottetown pendant l’été de 1790, que le régime du lieutenant-gouverneur Edmund Fanning* était tout aussi hostile aux projets de développement des propriétaires que l’avait été celui de Walter Patterson*. Lorsqu’il rentra à Londres, bien résolu à diriger l’opposition des propriétaires au gouvernement Fanning, il appuya une requête en faveur d’une remise des arriérés de redevances et d’une réduction des versements, ainsi que l’offre d’utiliser l’argent épargné pour envoyer dans l’île des « sujets utiles ».
Le 27 janvier 1791 à Londres, au cours d’une assemblée plénière des propriétaires de l’île à laquelle participaient aussi des marchands londoniens, Hill présenta puis défendit longuement et avec vigueur une ébauche d’adresse contre les agissements du gouvernement Fanning. Il en résulta une requête, datée du 19 juin, qui dénonçait « la quasi-totalité des hautes autorités de l’île qui, par leur collusion et leur grossière incompétence administrative, [avaient] beaucoup retardé le peuplement, entravé et accablé le commerce et nui aux pêcheries de ladite île de [Sa] Majesté ». Cette « collusion », disait le texte, était orchestrée par Fanning, le juge en chef Peter Stewart*, le procureur général Joseph Aplin* et le receveur des douanes William Townshend*. Seulement six propriétaires, dont Hill et Cambridge, signèrent la requête ; les autres s’en dissocièrent. Comme tous les plaignants étaient des partisans reconnus de Patterson, tombé en disgrâce, le document constituait une revanche de l’ancien gouvernement. Il s’avéra impossible de corroborer l’existence d’une conspiration ou de trouver des témoins indépendants pour attester les harcèlements mesquins et les cas de favoritisme énumérés dans la requête, de sorte qu’en 1792 le Conseil privé exonéra de tout blâme le gouvernement de l’île.
Cette attaque maladroite et prématurée allait plus tard mettre le gouvernement Fanning à l’abri d’accusations mieux étayées de mauvaise administration. Elle eut aussi d’autres effets. Les fonctionnaires accusés intentèrent contre Cambridge, devant la Cour supérieure de l’île, un procès pour poursuites injustifiées, qu’ils gagnèrent. Cambridge, à son tour, poursuivit Hill et Bowley pour une part des dommages-intérêts qu’on lui avait imposés. D’abord incapable de trouver un avocat qui n’était pas mêlé à l’affaire, Hill perdit son procès et dut céder à Cambridge les biens qu’il possédait dans l’île. Le capitaine John MacDonald* of Glenaladale, propriétaire résidant, rouvrit le dossier en 1794 au nom de Hill, mais le jury rejeta ses nouvelles preuves et ses opinions appuyées sur la jurisprudence anglaise. Hill et Bowley en appelèrent alors au Conseil privé, et on finit par réformer les jugements au début des années 1800. Hill affirmait ne pas contester le droit de poursuite des plaignants : il s’opposait simplement à ce que la cause soit entendue dans l’île par un tribunal présidé par l’un d’entre eux, Stewart. Il précisait, à l’intention du propriétaire absentéiste James William Montgomery : « [quiconque] tient à sa réputation ou à ses biens [évitera de] s’aventurer parmi des gens aussi dépourvus de principes ; ils ont ruiné tous ceux qui ont tenté jusqu’à maintenant de faire affaire là-bas ». La plupart des propriétaires, dont Montgomery, refusaient cependant d’appuyer Hill ou de faire, comme lui, une critique soutenue du gouvernement Fanning ; ils préféraient s’accommoder des circonstances.
Hill reprit l’offensive en 1801 en soumettant au ministère des Colonies un long exposé sur la situation de l’île. Manifestement écrit avec l’aide de MacDonald, dont on reconnaît le style et la propension au commérage malveillant dans une bonne partie du texte, consacrée aux portraits des grands personnages du régime, l’exposé était méprisant envers presque tous les membres du gouvernement et du Parlement. Tel législateur, peut-on lire, est « si adonné à la boisson que, lorsqu’il apporte chez lui une barrique d’alcool, il reste allongé, ivre, sur son lit, jusqu’à ce que la barrique soit vide, et laisse à sa femme et à ses enfants les labours et les travaux des champs ». Un autre avait « comparu devant le jury d’accusation pour relations incestueuses avec sa belle-fille ». Un éminent fonctionnaire avait « défié toutes les convenances en refusant, après avoir transmis une maladie à sa femme, de payer le médecin qui les a[vait] guéris ». Dans l’ensemble pourtant, malgré leur méchanceté, ces portraits ont l’air véridique lorsqu’on les examine à la lueur d’autres témoignages.
Vu son cynisme compréhensible envers l’Île-du-Prince-Édouard, il n’est guère étonnant que Hill ait repensé à Terre-Neuve dans les premières années du xixe siècle. En 1800, il exploitait un morutier, deux barques et une embarcation triplace ; son personnel comprenait 18 pêcheurs et 7 hommes postés à terre. Il exploitait plusieurs navires océaniques (dont le John MacDonald et plus tard le Lord Selkirk) et il avait toujours des intérêts dans la chasse au phoque. Il demeurait à l’écart de la vie politique de l’île et laissait ses représentants gérer ses affaires. Même si, comme la plupart des marchands de poisson, il était constamment devant les tribunaux, ce n’est, semble-t-il, que vers 1810 qu’il connut de graves difficultés financières à Terre-Neuve, après que son brick, le Devonshire, eut heurté les glaces et se fut perdu en mer avec sa cargaison de poisson et d’huile. Déjà, en 1807, Hill avait fait faillite en Angleterre, mais il ne commença à vendre ses avoirs dans le commerce terre-neuvien qu’en 1810. En 1815, la John Hill and Company n’avait plus la moindre solvabilité ; même si les prix de la morue étaient élevés, la vente forcée de son actif ne rapporta que 7s la livre sterling.
Hill était retourné à l’Île-du-Prince-Édouard en 1806, ayant eu gain de cause devant le Conseil privé à peu près à ce moment. Cette année-là, il y avait fait construire un navire pour le commerce terre-neuvien (l’infortuné Devonshire) et repris ses opérations à Cascumpec. En 1810, il chercha un forgeron et un tonnelier pour travailler dans l’île. Il avait entamé en 1806 une correspondance avec l’avocat James Bardin Palmer*, qui fut son représentant pendant peu de temps et souligna par la suite combien il était consterné des opinions et objectifs politiques qu’affichait Hill. Ce dernier s’avéra finalement l’un des plus sévères critiques de Palmer et rassembla une bonne partie des preuves dont le gouvernement britannique se servit pour le relever de ses fonctions en 1812. De nouveau plongé dans les méandres de la vie politique de l’île en 1814, Hill fut l’un des principaux signataires d’une pétition de propriétaires qui réclamaient la levée de la restriction selon laquelle on réservait aux protestants étrangers le droit de s’établir sur les concessions originales. La pétition soulignait aussi que les tentatives qui visaient à forcer certains propriétaires à mettre leurs terres en valeur ne devaient pas empêcher les autres de « consacrer leur capital » au même but. « Il est nécessaire, ajoutaient les signataires, que non seulement les titres de propriété soient sûrs, mais que tous aient la conviction qu’ils le sont. »
Hill amorça aussi, en 1814, une correspondance avec le nouveau lieutenant-gouverneur, Charles Douglass Smith*, qui semblait partager nombre de ses réserves et critiques sur l’administration de l’île. Des propriétaires comme lord Selkirk [Douglas*] et sir James Montgomery prenaient Hill au sérieux. À la fin des guerres napoléoniennes, celui-ci était l’unique propriétaire des lots 2, 4, 5 et 6 et il possédait la moitié du lot 7, tous situés à l’extrémité ouest de l’île, qui était sous-exploitée. En dépit de ses activités marchandes, il ne s’intéressait pas beaucoup à la mise en valeur de ses terres, même s’il était prêt à les louer pour 999 ans à des tenanciers, tout en se réservant les droits sur le bois, l’eau et le commerce et en ne leur en accordant que sur les terres elles-mêmes. Apparemment, il attendait beaucoup de déférence de la part de ses tenanciers, dont la plupart étaient engagés dans l’exploitation forestière. Un observateur remarqua d’ailleurs plus tard : « Je me rappelle très bien qu’en sa présence tout le monde enlevait son chapeau et lui manifestait tout le respect possible. »
En 1813, pendant que Palmer tentait, en Angleterre, de refaire sa réputation après qu’on l’eut démis de ses charges publiques, les créanciers de Hill lui parlèrent des biens dont celui-ci avait frauduleusement camouflé l’existence au moment de sa faillite en 1807. De retour à l’Île-du-Prince-Édouard, Palmer tenta de prouver ces allégations ; alarmé Hill se joignit alors au procureur général William Johnston* pour porter contre son adversaire huit accusations de faute proféssionnelle et de malhonnêteté politique. À l’audience qui se tint en 1816 à la Cour de la chancellerie, Palmer nia avoir usé d’« artifices malveillants » pour nuire à la réputation de Hill mais reconnut « avoir déployé du zèle pour exposer et étayer honnêtement les faits relatifs à ladite faillite de Hill » dans la colonie, y compris l’issue d’un procès qu’intenta Hill en Angleterre contre William Spraggon ; ce marchand de bois de l’île avec qui Hill avait fait affaire l’avait accusé de « faillite frauduleuse, et le jury a[vait] posé des dommages-intérêts d’un shilling ». Ainsi que le laisse supposer l’affaire Palmer, Hill avait continué ses activités à l’Île-du-Prince-Édouard comme si la faillite de 1807 n’avait jamais eu lieu, même s’il s’identifia comme « John Hill, insolvable » quand il mit en vente, à Londres et à Terre-Neuve, les terres qu’il possédait dans l’île. En 1818, la William Maddox Hill and Company de Lewis Town (que Hill exploitait avec son fils) prit le nom de John Hill and Son, et à Londres celui de Hill and Son.
Hill faisait constamment la navette entre l’Île-du-Prince-Édouard et Londres à bord de ses navires. Bien que résident irrégulier, il fut nommé juge de paix en 1820. Le malheur le frappa plus tard dans l’année. Des bandits s’introduisirent par effraction dans les magasins de la John Hill and Son à Lewis Town et, après avoir volé, mirent le feu à l’entrepôt pour effacer leurs traces. On évalua les pertes à plus de £8 000. Même si on ne le soupçonna pas d’abord, un employé de Hill, James Christie, immigrant récemment arrivé d’Angleterre, fut bientôt arrêté pour complicité. Il passa aux aveux, exonéra sa famille de toute responsabilité dans le crime et attribua ses agissements à « la puissante tentation du démon ». Il fut promptement jugé et trouvé coupable ; on l’exécuta en mars 1821. L’affaire fit la manchette des journaux locaux pendant des semaines. Même si justice avait été faite, Hill ne se trouvait pas en meilleure situation financière, et la John Hill and Son ne survécut pas longtemps à l’incendie. Dissoute en juillet 1821, elle fut remplacée par la Hill Brothers, propriété de William Maddox Hill et de Samuel Smith Hill.
Apparemment, John Hill se retira des affaires cette année-là, même s’il continua à voyager entre l’Angleterre et l’Île-du-Prince-Édouard. Il passa les dernières années de sa longue existence dans le Devon, en échappant à ses créanciers et en tentant de sauver de la faillite de 1807 une partie des biens qu’il avait dans l’île. Malgré son insolvabilité, il participa aux pressions des propriétaires jusqu’en 1835, puis loua ses terres à Thomas Burnard Chanter*. Il fut, avec John Stewart*, l’un des leaders de la campagne menée en Grande-Bretagne pour la destitution du lieutenant-gouverneur Smith en 1824. En outre, il prit part à l’offensive contre le Land Assessment Act de 1833, qui taxait lourdement les terres de l’île et autorisait la saisie et la vente de lots dans les cas où on n’avait pas versé les impôts [V. sir Aretas William Young*]. Selon Hill et ses collègues, ces impôts étaient un moyen détourné de confisquer des terres, et on les avait adoptés parce que le cens électoral était si bas que, à l’Assemblée, les propriétaires et leurs représentants – n’avaient pas autant voix au chapitre qu’ils auraient dû. Dans une lettre personnelle au secrétaire d’État aux Colonies, Hill nota que cette « constitution britannique en miniature [était] le pire désagrément de la terre ». C’était son mot d’adieu à l’île avec laquelle il avait eu des liens étroits pendant un demi-siècle.
La carrière de John Hill est éclairante pour deux raisons. Elle donne une idée de certains des obstacles que devaient affronter les marchands transatlantiques et explique pourquoi peu d’entre eux réussirent à préserver toute leur fortune. Elle laisse aussi entrevoir – ce qu’on a grandement négligé jusqu’à maintenant – combien les relations commerciales entre l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve étaient étroites à la fin du xviiie siècle et au début du xixe.
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J. M. Bumsted, « HILL, JOHN (mort en 1841) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/hill_john_1841_7F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/hill_john_1841_7F.html |
Auteur de l'article: | J. M. Bumsted |
Titre de l'article: | HILL, JOHN (mort en 1841) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 4 déc. 2024 |