Titre original :  Robert Jaffray. Commemorative biographical record of the county of York, Ontario : containing biographical sketches of prominent and representative citizens and many of the early settled families. --
by J.H. Beers & Co. Publication date 1907. From: https://archive.org/details/recordcountyyork00beeruoft/page/n33.

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JAFFRAY, ROBERT, homme d’affaires, éditeur et homme politique, né le 23 janvier 1832 à la ferme Skeoch près de Bannockburn, Écosse, deuxième fils de William Jaffray et de Margaret Heugh ; le 22 novembre 1860, il épousa à Toronto Sarah Bugg (décédée en 1906), et ils eurent deux fils et deux filles ; décédé dans cette ville le 16 décembre 1914.

Robert Jaffray fréquenta l’école à Bannockburn. À l’âge de 12 ans, il perdit son père, cloutier devenu fermier, dans un accident de diligence. Il poursuivit ensuite ses études dans une localité voisine, Stirling, jusqu’à l’âge de 15 ans, puis fut mis en apprentissage à Édimbourg chez un épicier et marchand de vin. À l’automne de 1852, il vint à Toronto pour diriger le commerce d’épicerie et de vin de son beau-frère, John B. Smith. Dès 1857, il était son associé. Smith se retira de l’entreprise après qu’un incendie eut détruit en 1858 son parc à bois et son usine de portes et châssis ; Jaffray devint alors le seul propriétaire.

Jaffray s’était engagé dans les milieux réformistes quelques semaines après son arrivée au Canada. Dès 1857, il faisait campagne à Toronto pour George Brown*, député à l’Assemblée législative et propriétaire-éditeur du Globe. De 1874 à 1877, grâce au premier ministre libéral du pays, Alexander Mackenzie*, Jaffray représenta le gouvernement au conseil d’administration de la Northern Railway Company of Canada, qui avait reçu beaucoup de subventions du gouvernement conservateur précédent. En 1879, il fut victime d’un étrange enlèvement. Conduit à l’est de Toronto dans un endroit où il devait être enfermé, il réussit par la force à échapper à ses ravisseurs. Ceux-ci faisaient partie d’un complot visant à kidnapper des libéraux influents, selon des indices découverts par la police, mais on ne sut pas si leur mobile premier était l’argent ou l’hostilité politique.

En 1880, Brown confia à son ami Jaffray un siège au conseil d’administration de la Globe Printing Company. Brown était alors en convalescence ; blessé par balle, il en mourrait bientôt, contre toute attente. En 1882, deux ans après la nomination du frère de Brown, John Gordon, au poste de directeur administratif du Globe, Donald Alexander Smith entreprit de mettre la main sur la Globe Printing Company. Apparemment, il voulait ainsi empêcher le quotidien de continuer à critiquer la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, dont il était l’un des principaux bailleurs de fonds. La veuve de Brown, Anne Nelson, de même que les frères de celle-ci, Thomas et William, alertèrent Jaffray et d’autres libéraux importants, et leur offrirent de vendre des intérêts majoritaires au Parti réformiste. Jaffray et le financier George Albertus Cox achetèrent environ la moitié des actions d’Anne Nelson Brown ; d’autres fidèles du parti prirent le reste. En décembre, les nouveaux propriétaires évincèrent Gordon Brown, car ils avaient appris que, à cause de la médiocrité de ses vérifications financières, le Globe était bien plus endetté qu’on ne l’avait indiqué. En même temps, ce départ apaisa d’influents libéraux ontariens qui jugeaient les méthodes de Brown anachroniques et préjudiciables au parti. Dans les quelques années suivantes, Jaffray acheta d’autres actions du Globe aux Nelson, qui les avaient prises en garantie sur des emprunts consentis à George Brown. Lorsque Jaffray devint président du journal, en 1888, il y était actionnaire majoritaire.

Si Jaffray avait pu commencer à investir dans le Globe, c’était probablement parce que, au plus tard en avril 1883, il avait vendu son commerce d’épicerie de gros et de détail à son frère George et à James Ryan. Il s’était mis à diversifier ses intérêts dès les années 1870, et ces deux opérations s’inscrivaient dans ce processus. Sa réussite dans l’alimentation lui avait assuré un petit capital, mais ce fut en grande partie à cause de ses relations politiques qu’il s’enrichit et put entrer dans l’élite torontoise des affaires. En 1874, avec l’appui de financiers britanniques, il avait contribué à la création de la Toronto House Building Association (par la suite la Land Security Company), qui mettait en valeur des terrains situés à l’extrémité ouest de la ville. Membre du Bureau de commerce à compter de 1876, il devint, avec Cox, membre du conseil d’administration et investisseur du chemin de fer Midland du Canada. Il fut aussi vice-président de la Crow’s Nest Pass Coal Company Limited, fondée par lui-même et Cox en 1897. Entré en 1885 au conseil d’administration de la Banque impériale du Canada, il en deviendrait président en novembre 1914. Vers 1886, il assuma la présidence de la Toronto Real Estate Investment Company. Il appartint aussi, souvent avec Cox, au conseil d’administration de beaucoup d’autres sociétés, dont la Toronto General Trusts Company, la Compagnie d’assurance du Canada sur la vie, la Canadian General Electric Company et la Central Canada Loan and Savings Company.

Cependant, Jaffray tenait par-dessus tout au Globe et il s’employa à l’améliorer, comme l’avait fait Brown. Le journal, enrichi d’une section illustrée de quatre pages à compter de mai 1889, devint en mars 1891 le premier quotidien canadien à publier une photogravure en demi-teinte. Il se dota d’une Linotype en avril 1892, peu après l’arrivée de ces machines au pays. En 1890, lorsque le nouveau rédacteur en chef, John Stephen Willison*, insista pour que le Globe commence à rendre compte des assemblées et discours des conservateurs, Jaffray le soutint contre les chefs libéraux. Il appuya également Willison quand celui-ci prit une position différente de celle du parti sur plusieurs questions importantes. James Alexander Macdonald*, qui succéderait à Willison en 1902, aurait la même latitude.

Jaffray dirigea le Globe pendant une période où le tirage chuta et où l’édifice du journal, détruit par le feu en 1895, dut être entièrement reconstruit. Il fouilla lui-même les décombres pour récupérer les précieuses listes d’abonnés, qu’il trouva intactes dans une voûte. Dès 1900, le Globe allait tout à fait bien, notamment grâce à des contrats d’impression et de publicité du gouvernement libéral élu à Ottawa en 1896. Le versement des dividendes, interrompu en 1880, reprit en 1897. Le tirage quotidien atteignit les 44 000 exemplaires en 1901 après avoir été d’environ 24 000 au cours de la décennie précédente.

Homme de parti, Jaffray fut vice-président et président de la Toronto Reform Association au début des années 1890. Le gouvernement libéral de l’Ontario, dirigé par George William Ross, le nomma en 1904 président de la Temiskaming and Northern Ontario Railway Commission. Jaffray démissionna après la défaite des libéraux l’année suivante, mais le 8 mars 1906, on le nomma au Sénat pour le récompenser de ses longues années de fidélité au parti. Il y avait là quelque chose d’ironique puisque, sous Jaffray, le Globe avait cessé d’être subordonné au parti et avait acquis beaucoup d’indépendance en matière politique. Toutefois, quand il s’agissait des intérêts de Jaffray, la démarcation n’était pas toujours aussi évidente. Willison estimait avoir été amené sous de fausses représentations à soutenir en éditorial, en 1897, une position favorable à la Crow’s Nest Pass Coal Company Limited. Il faut quand même préciser que Jaffray démissionna du conseil d’administration de la Toronto Electric Light Company pour éviter d’être en contradiction avec le Globe, qui prônait pour l’Ontario une société publique d’électricité.

Robert Jaffray mourut en 1914 de la rupture d’un anévrisme et fut inhumé au cimetière Mount Pleasant après une cérémonie presbytérienne tenue chez lui, à Surrey Lodge, rue Grenville. Son fils aîné, William Gladstone, devint président du Globe. Le journal demeura propriété de la famille jusqu’en 1936, année où il fut vendu pour 1,3 million de dollars à William Henry Wright*, magnat de l’industrie minière. Peu après, il fusionna avec le Mail and Empire.

Dean Beeby

AO, F 1075, MU 1290, boîte 2, dossier 10 ; RG 22-305, no 30343 ; RG 55-17-63, no 2928 ; RG 80-27-2, 66 : 94.— MTRL, BR, Toronto scrapbooks, vol. 3, 5.— Globe, 1879–1901, 8 mars 1906, 17 déc. 1914.— Annuaire, Toronto, 1883–1893.— Canadian album (Cochrane et Hopkins), 1 : 153.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— H. [W.] Charlesworth, More candid chronicles : further leaves from the note book of a Canadian journalist (Toronto, 1928).— A. H. U. Colquhoun, Press, politics and people : the life and letters of Sir John Willison, journalist and correspondent of the « Times » (Toronto, 1935).— Commemorative biographical record of the county of York [...] (Toronto, 1907).— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 2.— Dict. of Toronto printers (Hulse).— History of Toronto and county of York, Ontario [...] (2 vol., Toronto, 1885), 2.— W. H. Kesterton, A history of journalism in Canada (Toronto, 1967).— Allan Levine, Scrum wars : the prime ministers and the media (Toronto, 1993).— W. T. R. Preston, The life and times of Lord Strathcona (Toronto, [1914 ?]) ; My generation of politics and politicians (Toronto, 1927).— Paul Rutherford, A Victorian authority : the daily press in late nineteenth-century Canada (Toronto, 1982).— Joseph Schull, Edward Blake : leader and exile (1881–1912) (Toronto, 1976).— Toronto, Board of Trade, « A souvenir » : a history of the growth of the Queen City and its board of trade [...] (Montréal et Toronto, 1893).— J. [S.] Willison, Reminiscences, political and personal (Toronto, 1919).

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Dean Beeby, « JAFFRAY, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/jaffray_robert_14F.html.

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Auteur de l'article:    Dean Beeby
Titre de l'article:    JAFFRAY, ROBERT
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
Date de consultation:    10 nov. 2024