JAMES, THOMAS, navigateur, explorateur et auteur gallois qui, en 1631–1632, explora la côte ouest de la baie d’Hudson et de la baie James à la recherche d’un passage au Nord-Ouest ; né en 1593 (?), décédé en 1635 ou au début de 1636.

On ne possède que très peu de renseignements sur ses ancêtres et sur sa jeunesse ; il est cependant peu probable que sa famille ait habité à Bristol, même s’il y passa une partie de sa vie d’adulte. Il semble bien qu’il ait été le deuxième fils de James ap John Richard de Wern-y-cwm, pays de Galles, et d’Elizabeth Howel, et qu’il ait grandi dans une paroisse galloise près d’Abergavenny dans le Monmouthshire. Avant de devenir navigateur, il fut avocat. On pense qu’il était riche.

C’est la rivalité commerciale qui existait entre les marchands de Londres et ceux de Bristol qui devait fournir à James l’occasion de diriger une expédition à la recherche du passage du Nord-Ouest. Le capitaine Luke Fox avait persuadé un groupe de marchands de Londres de s’intéresser à la recherche d’un passage au Nord-Ouest. La Société des Marchands aventuriers de Bristol décida elle aussi d’envoyer une expédition analogue de peur que les marchands de Londres n’obtinssent le monopole des marchés ou du commerce pouvant résulter des découvertes de Fox. Le capitaine James plaida en cour au nom des Marchands de Bristol et obtint de Charles Ier que, pour toute découverte faite par les marchands de l’une où l’autre ville, chacun des deux groupes de marchands fût assuré de droits et de privilèges proportionnés au capital investi.

Le 3 mai 1631, James mit à la voile de Bristol, à bord d’un navire de 70 tonneaux, baptisé la Henrietta Maria, d’après la reine d’Angleterre. Pour constituer son équipage de 22 hommes, il écarta tous ceux qui avaient déjà navigué dans les régions arctiques, de peur qu’en raison de l’expérience ainsi acquise, ils ne soient tentés de lui tenir tête et de miner son autorité. Le 5 juin, le vaisseau pénétrait dans un champ de glaces à l’entrée du détroit de Davis, et c’est alors que commença pour James et son équipage une série presque ininterrompue de dures épreuves.

Ils mirent presque un mois pour avancer dans le détroit d’Hudson et les glaces les empêchèrent d’aller plus au Nord que l’île de Nottingham. Le 16 juillet, James mettait le cap au Sud-Ouest, entrait dans la baie d’Hudson, et le 11 août, après une traversée pénible, il était en vue de Hubbert’s Hope, là où Churchill se trouve aujourd’hui.

Durant la seconde moitié de juillet, James et Fox explorèrent, chacun de son côté, la côte de la baie d’Hudson, au sud du cap Churchill, que James appela « New Principality of South Wales ». Le 26 juillet, James se trouvait dans l’estuaire d’une grande rivière qu’il nomma la New Severn. Les 29 et 30 juillet eut lieu la seule rencontre de James et de Fox dans la baie d’Hudson. Fox en parla ensuite en termes méprisants.

Le 3 septembre, James aperçut un cap qu’il nomma le cap Henrietta Maria et, le 7 du même mois, il entreprenait la seule exploration qu’il devait faire de son propre chef, pour reconnaître la côte ouest de la baie à laquelle il donna son nom. James se proposait d’effectuer des sondages dans cette baie puis de chercher une voie d’accès au fleuve Saint-Laurent en contournant le « cap Monmouth », pointe de terre inexistante qui, selon lui, formait deux baies distinctes, l’une à l’Est et l’autre à l’Ouest. Elle aurait été découverte par Henry Hudson qui y serait mort. Au début d’octobre, après avoir subi de graves ennuis à cause des tempêtes, des bancs de sable et des glaces, James se mit à la recherche d’une rade propice et en découvrit une au large de l’île Charlton, où il hiverna. Ce fut le premier groupe d’Européens à hiverner de propos délibéré dans le Nord canadien.

Durant les mois d’octobre et de novembre, l’équipage construisit des cabanes dans l’île. Le 29 novembre, James saborda son navire dans un effort suprême pour l’empêcher d’être emporté par la tempête. Au cours de l’hiver, craignant de ne pouvoir renflouer son vaisseau, il tenta de construire une pinasse avec le bois qu’il trouva sur place. À cause de son inexpérience et de l’insuffisance des vivres et des vêtements, James et ses hommes souffrirent du froid et de malnutrition. En février 1632, la plupart des membres de l’équipage étaient atteints du scorbut ; quatre en moururent. En dépit de ces épreuves, James notait soigneusement des données scientifiques, en accordant une attention toute spéciale aux phénomènes propres aux basses températures.

En avril, ils découvrirent à leur grand étonnement que la mer n’était pas complètement gelée et que, à marée basse, l’eau s’écoulait de la coque de leur navire. Ils réparèrent donc la coque endommagée et pompèrent l’eau du navire. Au cours du mois de mai, ils eurent à se plaindre de la chaleur du jour, bien que de nuit la température devînt glaciale. Au mois de juin, à grand-peine, ils remirent le gouvernail en place et conduisirent le vaisseau en eau plus profonde. Ils avaient réussi à rétablir leur santé en mangeant des herbes qui poussaient sur le rivage. Ils apprirent à leurs dépens que les moustiques étaient encore plus à redouter que le froid.

Le 24 juin 1632, James prit possession de l’île Charlton au nom du roi. Le ler juillet, avant de reprendre le chemin du retour, les membres de l’expédition se recueillirent sur la tombe de leurs morts et James récita un poème de sa composition dont Robert Southey fit l’éloge plus tard dans son Omniana (1812). Le lendemain, dans l’île Danby, James trouva deux pieux aux extrémités taillées en sifflet au moyen d’une hachette, ou d’un autre outil de fer, et qui semblaient avoir été enfoncés en terre à coup de hache. Il s’agissait peut-être de vestiges du passage d’Henry Hudson qui avait été abandonné dans ces parages avec ses hommes quelque 20 ans plus tôt.

À cause des glaces qui entravaient la navigation, le vaisseau mit presque trois semaines à atteindre le cap Henrietta Maria et n’arriva en vue du cap Tatnam que le 14 août. James vira alors vers le Nord-Est pour traverser la baie d’Hudson et, le 24, il apercevait l’île Nottingham. Il tenta de s’engager dans ce qu’on appelle aujourd’hui le canal de Foxe, sans savoir que son rival l’avait exploré l’année précédente, lors de son voyage de retour. James atteignit 65° 30′ de latitude nord avant de rentrer en Angleterre. Le 22 octobre, la Henrietta Maria arriva à Bristol tellement avariée que son équipage, à chaque jour de la traversée, avait considéré comme miraculeux qu’il n’ait pas sombré.

Des deux voyages, c’est celui de Fox qui fut le plus riche en découvertes géographiques et il se déroula sans incidents pénibles. Il y a un contraste bien marqué entre Fox, navigateur expérimenté et doué d’un gros bon sens, et James, d’esprit peu pratique, et qui, dans ses mésaventures, fait un peu figure d’amateur. La relation de James, cependant, en raison de son mérite littéraire, eut un plus grand succès auprès du public. Certains critiques sont d’avis que Coleridge s’est inspiré de ce récit d’épreuves et de souffrances pour écrire The Rime of the Ancient Mariner. Robert Boyle en cite plusieurs extraits dans son œuvre intitulée New Experiments and observations touching cold (Londres, 1665).

James conclut avec raison qu’il n’y avait pas de passage du Nord-Ouest au sud du 66e degré de latitude nord. Cette conclusion et le récit de tout ce qu’il endura à la baie James découragèrent à tel point les bailleurs de fonds des expéditions à la recherche du passage du Nord-Ouest, que les explorations commencées par Frobisher en 1576 ne furent reprises qu’en 1719. James Knight* inaugura alors une nouvelle série d’explorations. Après James, il ne reste trace d’aucun voyage à la baie d’Hudson avant l’expédition que Chouart Des Groseilliers et Zachariah Gillam menèrent à bonne fin en 1668 pour organiser la traite des fourrures, et qui devait aboutir à la formation de la Hudsons Bay Company.

À son retour de la baie d’Hudson, James fut nommé par l’Amirauté commandant de l’escadre du canal de Bristol. Son testament est daté du 28 février 1635. Il est peut-être mort au printemps de cette année-là, mais sûrement avant son frère aîné, John, décédé en avril de l’année suivante. On ne connaît pas avec certitude le lieu où il a été enseveli. James possédait sur l’art de la navigation des connaissances très avancées pour son époque. La relation de son voyage, qui demeure un modèle du genre, révèle que l’auteur avait des connaissances étendues, une grande curiosité scientifique ainsi qu’une grande facilité et élégance d’expression.

Alan Cooke

Records relating to the Society of Merchant Venturers of the city of Bristol in the seventeenth century, ed. P. McGrath (« Bristol Record Soc. », XVII, 1952).— Voyages of Fox and James (Christy). V. Introduction, I : cxxxi–ccix, et James, « The strange and dangerous voyage of Captaine Thomas James, in his intended discovery of the northwest passage into the South Sea wherein the miseries indured, both going, wintering, returning ; & the rarities observed, both philosophicall and mathematicall, are related in this journall of it », II : 447–611.— DNB.— Dodge, Northwest by sea. C. M. MacInnes, The north-west passage, dans A gateway of empire (Bristol, 1939), 107–123.— J. F. Nicholls, Capt. Thomas James and George Thomas, the philanthropist (« Bristol Biographies », II, 1870).— Oleson, Early voyages, 169s.— J. W. Damer Powell, Bristol privateers and ships of war (Bristol, 1930).

Bibliographie de la version révisée :
​W. K. D. Davies, Writing geographical exploration : James and the northwest passage, 1631–33 (Calgary, 2003), qui contient une importante bibliographie sur le sujet.

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Alan Cooke, « JAMES, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/james_thomas_1F.html.

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Auteur de l'article:    Alan Cooke
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    2013
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