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JAMESON, ROBERT SYMPSON, avocat, homme politique, juge et fonctionnaire, baptisé le 5 juin 1796 à Harbridge, Angleterre, fils de Thomas Jameson et de Mary Sympson ; en 1825, il épousa à Londres Anna Brownell Murphy, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 1er août 1854 à Toronto.
D’une famille modeste mais ambitieuse, Robert Sympson Jameson, né dans le Hampshire, grandit et fit ses études dans la région des Lacs, à Ambleside. Dès l’enfance, il fut un ami intime du poète Hartley Coleridge, qui était le fils du poète Samuel Taylor Coleridge et qui lui dédia plus tard trois sonnets. En 1818, Jameson entra au Middle Temple de Londres, où il étudia le droit, et, en 1823, il fut admis au barreau. Au cours des six années suivantes, il travailla à Londres comme rédacteur de textes concernant l’equity et publia, en collaboration, deux volumes contenant des comptes rendus de procès relatifs à des causes de faillite. Il ne délaissa pas pour autant ses intérêts littéraires : associé au London Magazine, il prépara aussi une édition du Dictionary of the English language[...] de Samuel Johnson.
Jameson fit la connaissance d’Anna Murphy pendant l’hiver de 1820–1821. Ils se marièrent en 1825, après s’être fréquentés longtemps mais de façon irrégulière. Leur union ne fut cependant pas heureuse. De caractères incompatibles, ils cohabitèrent jusqu’à ce que, en 1829, Jameson parte pour les Antilles afin d’occuper le poste de juge en chef de la Dominique ; quant à Anna, déjà engagée dans une carrière littéraire prometteuse, elle s’embarqua pour le continent. Quatre années de « bannissement fastidieux » dans une région tropicale furent pour Jameson une expérience frustrante : il tenta, sans succès, de réformer l’appareil judiciaire, que les puissants propriétaires d’esclaves de l’île manipulaient à leur avantage. Rebuté par les Antilles, qu’il décrivit comme un « endroit morne, vulgaire, sensuel, aussi peu propice que possible aux activités intellectuelles », il déclina une offre qui l’aurait fait juge en chef de Tobago (Trinité et Tobago) et retourna à Londres en 1833. Peut-être grâce aux efforts d’amis influents, il fut nommé dès le mois de mars de cette année-là procureur général du Haut-Canada à la place de Henry John Boulton*, qui avait été démis de ses fonctions. Dernier procureur général du Haut-Canada nommé par le gouvernement britannique, il occupa son poste à York (Toronto) à compter de juin 1833.
Jameson s’acquitta avec compétence de ses fonctions nombreuses et diverses : il donnait des avis juridiques, faisait rapport sur les pétitions, examinait les demandes de permis et de lettres patentes, et s’occupait de questions législatives, administratives et judiciaires. Même s’il venait à peine d’arriver, il ne tarda pas à se trouver mêlé à la vie politique de la province, turbulente en ces années 1830. Aux élections de 1834, avec Ogle Robert Gowan*, leader toujours actif de l’ordre d’Orange, il fut élu comme candidat « constitutionnel » dans la circonscription de Leeds. Cependant, leurs adversaires réformistes, William Buell* et Mathew H. Howard, prouvèrent que des partisans de Gowan avaient intimidé des électeurs, et les résultats du vote furent contestés. Lors d’une élection partielle tenue en 1835, la victoire de Jameson fut de nouveau annulée à cause d’actes de violence, et il ne se présenta pas à l’autre élection partielle qui se tint l’année suivante.
Vers la fin de 1835, Anna consentit enfin à rejoindre son mari et partit pour Toronto à l’automne de 1836. Toutefois, ne pouvant souffrir une société de provinciaux, elle partit définitivement moins d’un an plus tard, après avoir obtenu de Jameson une pension et une entente de séparation, et recueilli de quoi écrire un nouveau récit de voyage. Winter studies and summer rambles, ouvrage publié en 1838, obtint un grand succès, mais son mari, toujours préoccupé par sa position, accueillit mal sa description caustique de la province.
Avec ou sans femme, Jameson s’était taillé une place respectable dans le Haut-Canada. En 1837, il fut nommé vice-chancelier de la Cour de la chancellerie, nouvellement créée et attendue depuis longtemps, le lieutenant-gouverneur de la province en étant nominalement le chancelier. À titre de vice-chancelier, Jameson devint aussi membre de la Cour d’appel, Grâce à sa connaissance de l’equity anglaise, il était dans la province l’un des rares candidats possibles à ce poste exigeant, dont la juridiction s’étendait sur les fraudes, les accidents et les comptes, les associations et les questions relatives aux fidéicommis et aux hypothèques. Même s’il assuma seul et avec dignité la lourde responsabilité de ce tribunal pendant plus d’une décennie, sa prudence excessive et son immense respect des précédents en vinrent à impatienter certains solicitors. Son expérience pratique limitée, la lourde procédure héritée de l’equity anglaise et la présence au tribunal de plusieurs grands avocats comme William Hume Blake*, James Christie Palmer Esten* et Robert Baldwin Sullivan rendaient sa tâche de vice-chancelier encore plus difficile. En outre un problème d’alcoolisme, probablement hérité de son séjour à la Dominique, réduisit peu à peu son efficacité.
En raison de ses fonctions officielles et de sa position sociale, Jameson se trouva engagé au fil des ans dans de nombreuses activités souvent reliées à de délicates questions politiques. Il fut trésorier de la Law Society of Upper Canada de 1836 à 1841 et de 1845 à 1846. Membre du Conseil législatif de la province du Canada de 1841 à 1853, il en fut le premier président jusqu’en 1843. Il siégea au conseil d’administration du King’s College de Toronto à compter de 1834 et figura parmi les premiers membres du conseil du Trinity College de Toronto à sa fondation, en 1851. Il devint surintendant en chef de l’Éducation en 1842, même si, en fait, c’étaient ses surintendants adjoints, Jean-Baptiste Meilleur* dans le Bas-Canada et le révérend Robert Murray dans le Haut-Canada, qui assuraient la bonne marche du département. Jameson fut aussi membre de plusieurs commissions gouvernementales importantes, et notamment de celles qui s’occupèrent des questions suivantes : cas de trahison pendant la rébellion de 1837–1838, fonctionnement du département des Affaires indiennes et du bureau de l’inspecteur général (1839), établissement d’un asile d’aliénés à Toronto en 1840 et la surintendance de celui-ci à partir de 1841 [V. William Rees*], examen et règlement des réclamations relatives aux concessions de terre sans lettres patentes (1841–1848) et pratiques de la Cour de la chancellerie (1842 et 1843).
Les intérêts personnels de Jameson se reflétaient dans d’autres activités. Comme Henry Scadding* le rappela beaucoup plus tard, Jameson « était un homme très bien éduqué qui avait beaucoup de goût, et même de talent, dans le domaine des arts. Il était un connaisseur en matière d’ouvrages rares et les collectionnait. Sa conversation était remplie de réminiscences et d’anecdotes sur [...] les Coleridge, Wordsworth et Southey, avec qui il avait eu d’étroites relations dans sa jeunesse. » Jameson participa à l’organisation du Toronto Literary Club et de la St George’s Society, et fut président du premier organisme en 1836 et du second de 1839 à 1841 et en 1848, en plus d’être l’un des protecteurs et fondateurs de la Toronto Society of Arts en 1847. Il aida aussi à fonder la congrégation anglicane St George the Martyr, à Toronto, et fut président de la British Emigrant Society of Upper Canada en 1835 et de la Canadian Emigration Association de Thomas Rolph en 1840. Cinq ans plus tard, il institua une médaille d’or, qu’il conçut lui-même, comme prix d’« excellence en histoire et en composition anglaise » au King’s College.
À la fin des années 1840 cependant, la position de Jameson déclinait déjà. Dès 1847, il avait tenté d’abandonner la vice-chancellerie et, en 1849, il dut s’absenter du Conseil législatif à cause de sa « santé chancelante ». Quand George Ridout* écrivit au procureur général Robert Baldwin pour le presser de mettre Jameson à la retraite comme vice-chancelier, il exprimait l’avis de bien des membres du barreau. Par suite de la réorganisation et de l’expansion de la Cour de la chancellerie, en 1849, William Hume Blake, qui avait parrainé les réformes, devint chancelier et James Christie Palmer Esten, vice-chancelier principal ; Jameson, quant à lui, fut rétrogradé et devint vice-chancelier subalterne. Un an plus tard, brisé, il se retira avec une pension annuelle de £750 du gouvernement. Il avait déjà vendu à Frederick Widder* la maison qu’il avait construite pour sa femme, et il faisait apparemment beaucoup de spéculation foncière. Confié aux soins du révérend George Maynard, professeur excentrique de l’Upper Canada College, et de son épouse Emma, il mourut de phtisie en 1854. C’est à eux, et non à Anna, qu’il légua ses effets personnels et sa « propriété de la rue Queen », située dans ce qui est maintenant le quartier Parkdale de Toronto. Son inhumation au cimetière St James de Toronto, dans le caveau familial de feu son ami le lieutenant-colonel Joseph Wells, passa presque inaperçue.
Déçu dans ses ambitions, malheureux dans sa vie personnelle, c’est pourtant avec dignité et dans l’oubli de soi, sinon toujours avec grande distinction, que Robert Sympson Jameson réalisa nombre de tâches importantes et constructives pendant plus de deux décennies. Ses efforts et ses contributions méritent plus d’attention qu’ils n’en ont reçu. Si Jameson a été négligé, c’est probablement en grande partie à cause de la carrière plus remarquée et plus colorée d’Anna Jameson, dont les lettres publiées donnent une image beaucoup trop superficielle de son mari.
Robert Sympson Jameson est le coéditeur de deux volumes de : Cases in bankruptcy [...] containing reports of cases [...] [1821–1828] ; and a digest of all the contemporary cases relating to the bankrupt laws in the other courts, le premier avec T. C. Glyn et le second avec Basil Montagu (Londres, 1824–1828) ; et il édita seul deux éditions de A dictionary of the English language [...] ; with the pronunciation greatly simplified, and on an entire new plan ; revised, corrected and enlarged, with the addition of several thousand words, compilé par Samuel Johnson et contenant le guide de prononciation de John Walker (Londres, 1827 ; 2e éd., 2 vol., 1828). Ses publications comprennent aussi différentes décisions judiciaires et les comptes rendus de commissions gouvernementales.
Une miniature représentant Jameson jeune homme est reproduite dans Anna Jameson : letters and friendships (1812–1860), [B. C. Strong] e Stewart Erskine, édit. (Londres, 1915) ; un portrait à l’huile de Jameson dans son âge mûr, exécuté par John Wycliffe Lowes Forster* vers 1919 pour la Law Soc. of U.C. (Toronto), paraît dans Clara [McCandless] Thomas, Love and work enough : the life of Anna Jameson ([Toronto], 1967).
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John D. Blackwell, « JAMESON, ROBERT SYMPSON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/jameson_robert_sympson_8F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/jameson_robert_sympson_8F.html |
Auteur de l'article: | John D. Blackwell |
Titre de l'article: | JAMESON, ROBERT SYMPSON |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 9 oct. 2024 |