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JUCHEREAU DE SAINT-DENIS, LOUIS, explorateur, trafiquant, officier dans les troupes de la Marine, né le 17 septembre 1676, baptisé le 18 septembre à Québec, fils de Nicolas Juchereau* de Saint-Denis et de Marie-Thérèse Giffard ; épousa, à la fin de 1715 ou au début de 1716, Emanuela Ramón de Navarro, décédé le 11 juin 1744 à Natchitoches, Louisiane.
On sait peu de chose des premières années de la vie de Louis Juchereau de Saint-Denis. Aucun document ne vient appuyer l’affirmation selon laquelle il aurait reçu son éducation à Paris, mais comme il appartenait à un réseau d’importantes familles de la colonie, la chose n’est pas invraisemblable. En 1699 il accompagna Pierre Le Moyne* d’Iberville, à la famille duquel il était allié, lors de son deuxième voyage en Louisiane. Il y resta et, avec Bienville [Le Moyne], il explora en 1700 et 1701 la région située entre la rivière Rouge (Red River, É.-U.) et la rivière Ouachita. On lui confia en 1702 ou 1703 le commandement du fort du Mississipi, situé à 18 lieues de l’embouchure du fleuve, et il occupa cette charge jusqu’à l’abandon du fort, en 1707. Au cours de ces années, on dit qu’il remonta vers le nord jusqu’à l’embouchure de l’Ohio, où il prit pendant une courte période la direction d’une tannerie établie par son frère Charles*. Il fit un certain nombre de voyages en direction de l’ouest, dans ce qui est aujourd’hui l’état du Texas, et s’y livra au trafic et à l’exploration.
À une époque ultérieure à 1707, il se fixa sur les bords de la rivière d’Orléans (Bayou St John) comme propriétaire terrien et trafiquant. En 1713, le nouveau gouverneur de la Louisiane, Lamothe Cadillac [Laumet*], le plaça à la tête d’une expédition qui partait à la recherche d’une route de commerce pour se rendre à la Nouvelle-Espagne. Ce choix se révéla judicieux car Saint-Denis était un voyageur expérimenté, qui connaissait bien les régions plus ou moins hostiles qui s’étendaient à l’ouest du Mississipi, et aussi un habile diplomate qui connaissait les dialectes des Indiens de cette région. Il remonta la rivière Rouge jusqu’aux abords de l’actuel Natchitoches en Louisiane, où il fonda dans une île le poste de Saint-Jean-Baptiste des Natchitoches. Il avança à travers le Texas, s’arrêtant pour trafiquer avec les Indiens hasinais (confédération des Caddos), et il se peut qu’il soit retourné en Louisiane pour chercher d’autres articles de traite. Il atteignit San Juan Bautista (Piedras Negras, Mexique), ville de garnison espagnole, en juillet 1714. Le commandant, Diego Ramón, retint le groupe, en attendant les instructions de ses supérieurs. Saint-Denis occupa son temps à faire la cour à la petite-fille de Ramón, Emanuela. Au printemps de 1715 on l’amena de San Juan Bautista pour l’incarcérer à Mexico. Pendant qu’il était en prison, les autorités espagnoles décidèrent d’occuper le Texas et ils acceptèrent l’offre qu’il leur fit de guider un groupe qu’on y envoyait pour fonder des missions. En cours de route, Saint-Denis arrêta à San Juan Bautista à la fin de 1715 ou au début de 1716 et y épousa Emanuela. Puis, la laissant à San Juan Bautista, il partit en direction de l’est avec les prêtres et les soldats, dont plusieurs appartenaient à la famille de Ramón. On fonda quatre missions ; la plus à l’est se trouvait dans le voisinage de Nacogdoches (Texas), à moins de 100 milles de Natchitoches.
Saint-Denis était de retour à Mobile (Ala.) en août 1716. Les Espagnols n’étaient pas disposés à encourager le commerce entre la Louisiane et la Nouvelle-Espagne ; néanmoins, Saint-Denis semble avoir entrevu un avenir prometteur dans la contrebande. Il recueillit tous les fonds qu’il put trouver et, en compagnie de plusieurs associés, la marchandise transportée à dos de mulets, il partit pour la rivière du Nord (Rio Grande). Cependant, la nouvelle de cette violation patente des lois espagnoles filtra, et lorsque le groupe arriva à San Juan Bautista, Ramón fut obligé de saisir la marchandise. Saint-Denis se rendit à Mexico afin de tenter de la recouvrer. En juillet 1717, il se retrouva en prison. On le relâcha après plusieurs mois, lui accordant la permission de vendre sa marchandise mais on lui signifia de ne plus jamais remettre les pieds au Texas. Il retourna à Natchitoches en février 1719. Sa femme l’accompagna ou le suivit de peu.
Quand la France et l’Espagne entrèrent en guerre, en 1719, il prit part à la défense de Mobile au cours de cette année-là, et aussi à la reprise par les Français de Pensacola (Floride). Il avait quitté les rangs des troupes de la Marine quelques années plus tôt ; il les réintégra le 3 mars 1720, avec une commission de lieutenant, et quelques mois plus tard on lui confiait le commandement de la région de Natchitoches. Au cours de l’hiver 1720–1721, des renseignements de source espagnole révélèrent qu’il regroupait les Indiens qui habitaient à l’ouest des Hasinais. Au printemps de 1721, la Compagnie des Indes, maintenant chargée de la Louisiane, lui accorda une commission de 5 p. cent sur les articles vendus aux étrangers, car elle voulait promouvoir le commerce avec les Espagnols du Texas. La paix revint entre la France et l’Espagne en mai 1721 et ce commerce contrevenait aux lois espagnoles, mais les Espagnols avaient fait de Los Adayes (près de Robeline, Louisiane), située seulement à 15 milles à l’ouest de Natchitoches, la capitale du Texas. Los Adayes était à une grande distance d’une source d’approvisionnement légale et ainsi les affaires y étaient florissantes. Saint-Denis trouvait le temps entre ses activités militaires et commerciales de gérer son domaine – il prétendait que les vignes de l’endroit pouvaient fournir des vins aussi bons que ceux de la France – et aussi le temps de mener de délicates négociations diplomatiques avec les Indiens, lesquelles étaient indispensables au maintien de la paix à la frontière.
Les Français n’avaient pas tous le doigté de Saint-Denis. Le commandant du fort Rosalie (Natchez, Miss.) ayant tenté de déposséder la population du village Natchez de ses terres, la tribu se souleva contre les Français en 1729. Les Natchez s’emparèrent du poste en 1731. Ceux de la tribu qui étaient allés se fixer dans le voisinage de Natchitoches furent massacrés par la garnison de Saint-Denis avec l’aide d’Espagnols.
Saint-Denis vivait à Natchitoches dans un grand luxe mais, en 1741, des difficultés financières, qui découlaient en partie de ses voyages en Nouvelle-Espagne, commencèrent à l’assaillir. Il fut obligé de reconnaître une dette de 18 361# envers la défunte Compagnie des Indes. Réduit à la gêne, il fut en proie à un sentiment de frustration qui ressemblait peu à l’optimisme débordant qui avait auparavant guidé sa vie. « Il est heureux celui qui peut quitter [la Louisiane], et plus heureux encore est celui qui n’y mit jamais les pieds », écrivait-il en 1741. Il demanda à être relevé de son commandement en janvier 1744 et sollicita la permission de partir avec sa famille pour la Nouvelle-Espagne, mais la mort l’en empêcha. Il mourut en juin et fut inhumé dans l’église de Natchitoches.
Malgré sa carrière haute en couleur, Saint-Denis semble avoir eu peu de part dans les violentes controverses politiques internes qui agitèrent la Louisiane. Il mérita le respect des Français, des Indiens et des missionnaires espagnols du Texas. Les autorités espagnoles poussèrent un soupir de soulagement à la nouvelle de sa mort ; leur réaction est peut-être la meilleure appréciation de sa contribution à la Louisiane française.
Cathedral of the Immaculate Conception (Natchitoches, Louis.), Registres des baptêmes, mariages et décès de la paroisse des Natchitoches.— [André Pénicaut], Fleur de lys and calumet : being the Pénicaut narrative of French adventure in Louisiana, traduit et édité par R. G. McWilliams (Baton Rouge, 1953).— Natchitoches and the trail to the Rio Grande : two early eighteenth-century accounts by the Sieur Derbanne, traduit et édité par Katherine Bridges et Winston De Ville, Louisiana History (Baton Rouge), VIII (1967) : 241s.— DAB.— J. F. Bannon, The Spanish borderlands frontier, 1513–1821 (New York, 1970).— Ross Phares, Cavalier in the wilderness, the story of the explorer and trader Louis Juchereau de St Denis (Baton Rouge, 1952).— P.-G. Roy, La famille Juchereau Duchesnay (Lévis, 1903).
en collaboration avec Winston De Ville, « JUCHEREAU DE SAINT-DENIS, LOUIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/juchereau_de_saint_denis_louis_3F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/juchereau_de_saint_denis_louis_3F.html |
Auteur de l'article: | en collaboration avec Winston De Ville |
Titre de l'article: | JUCHEREAU DE SAINT-DENIS, LOUIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 11 déc. 2024 |