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KENNEDY, sir ARTHUR EDWARD, soldat et administrateur colonial, né le 5 avril 1809 dans le comté de Down (Irlande du Nord), quatrième fils de Hugh Kennedy et de Grace Dorothea Hughes ; le 18 mai 1839, il épousa Georgina Mildred Macartney, et ils eurent trois enfants ; décédé le 3 juin 1883 au large d’Aden, dans la mer Rouge.
Né dans une famille de la petite noblesse irlandaise, Arthur Edward Kennedy eut un précepteur et, en 1823–1824, il fréquenta le Trinity College, à Dublin. En 1827, il s’enrôla dans l’armée britannique et fit du service dans l’infanterie aux îles Ioniennes de 1828 à 1837, puis en Amérique du Nord britannique en 1838–1839 et de 1841 à 1844. Kennedy vendit son grade de capitaine en 1847 et accepta le poste d’inspecteur de l’assistance publique au sein de la mission de secours menée en Irlande par le général sir John Fox Burgoyne. À Kilrush Union, dans le comté de Clare, il eut la tâche de distribuer des fonds à presque la moitié des 82 000 habitants du district. Témoignant en 1850 devant une commission d’enquête de la chambre des Communes sur l’assistance aux pauvres, il déclara que la mission de secours dont il avait la responsabilité avait accompli peu de chose. Des années plus tard, il rappelait : « certains jours, dans ce comté de l’ouest, lorsque je rentrais chez moi après avoir assisté à une scène d’éviction, la vue de la faim et de la misère m’avait mis dans une telle rage [...] que j’avais envie de prendre le fusil qui était derrière ma porte et de tirer sur le premier propriétaire foncier que je rencontrerais ».
En 1851, le poste de Kennedy fut aboli et il fit une demande en vue d’obtenir une charge aux colonies. Il fut nommé gouverneur de la Gambie en mai 1852 mais, avant d’entrer en fonctions, il obtint le poste de gouverneur de la Sierra Leone. Dans la capitale, Freetown, il trouva un gouvernement corrompu et inefficace et il dut faire un grand nombre de changements administratifs. L’ardeur qu’il mit à instituer ces réformes lui créa des ennemis, mais il reçut l’appui du ministère des Colonies, qui, en 1854, le nomma par surcroît consul général du district avoisinant de Sherbro (présentement intégré à la Sierra Leone).
Après avoir « acquis sa réputation dans le service colonial en faisant montre de courage dans la lutte contre les abus », Kennedy, à l’automne de 1854, fut promu au poste de gouverneur de l’Australie-Occidentale, où il continua de mettre en œuvre ses méthodes administratives vigoureuses. Il aida à relancer l’économie en accroissant les revenus publics et l’immigration, en stimulant la vente des terrains et en encourageant la recherche de terres arables et de ressources minières. À l’instar de la Sierra Leone, l’Australie-Occidentale ne possédait pas d’assemblée populaire, et la grande latitude que la constitution laissait à l’exécutif permettait au gouverneur d’outrepasser ses pouvoirs ; il arriva au moins une fois que le ministère des Colonies renversa une décision de Kennedy. Néanmoins, lorsque son mandat prit fin en 1862, on le considérait comme l’un des « meilleurs gouverneurs » des colonies.
Les postes de gouverneur étant l’objet d’une vive concurrence, Kennedy ne put obtenir un nouvel emploi qu’en juillet 1863. Sa nomination à la tête de la colonie de l’Île-de-Vancouver, poste de peu d’importance comparativement au précédent, fut rendue publique au mois de décembre. On avait décidé que les colonies de l’Île-de-Vancouver et de la Colombie-Britannique (la terre ferme), dont sir James Douglas* avait été gouverneur durant six ans, devaient avoir chacune un gouverneur distinct ; Frederick Seymour* fut nommé en Colombie-Britannique le 11 janvier 1864. Kennedy et son groupe arrivèrent à Victoria le 25 mars suivant et furent accueillis en grande pompe. Les journaux saluèrent sa nomination comme un événement longtemps attendu qui devait entraîner une diminution de l’influence de la Hudson’s Bay Company, de même que du népotisme et de l’autoritarisme dont la colonie, selon eux, avait souffert sous l’administration de Douglas. Cependant, la chambre d’Assemblée craignait que la nomination d’un gouverneur dans la colonie de la Colombie-Britannique ne constitue une menace pour la situation privilégiée de Victoria. Juste avant l’arrivée de Kennedy, l’Assemblée avait refusé de voter des crédits permanents pour la liste civile en échange de la haute main sur les vastes, terres de la couronne de la colonie, arrangement qui avait été proposé par le ministère des Colonies. Elle menaçait à présent de retenir le traitement de Kennedy et elle refusait de lui fournir des crédits, un bureau convenable et les services d’un secrétaire. Comme il n’y avait pas de résidence du gouverneur, le nouvel administrateur et sa famille logèrent à l’hôtel. Les citoyens de Victoria, au cours d’une « réunion monstre », dénoncèrent le traitement mesquin dont Kennedy était l’objet, mais l’Assemblée ne voulut pas corriger la situation ; en ce qui concernait son salaire et ceux de ses fonctionnaires, toutefois, un accord fut péniblement conclu : en juillet 1864, elle accepta d’indemniser l’exécutif de toute perte qu’il subirait dans le paiement des salaires.
Au début de son gouvernement, Kennedy se déclara en faveur d’un système d’éducation universel, financé par le gouvernement et non confessionnel, lequel fut réalisé en 1865 par le Common School Act. En outre, il attira l’attention sur la méconnaissance générale de l’arrière-pays et de ses ressources, et promit une aide gouvernementale à toute entreprise privée qui se consacrerait à la recherche des minerais dans le sud de l’Île-de-Vancouver. En juin 1864, un groupe d’hommes d’affaires locaux organisa une expédition qui se mit en route sous la direction du docteur Robert Brown* et qui, en juillet, découvrit de l’or dans la localité de Sooke, à quelque 20 milles de Victoria. Il y avait à cet endroit, semble-t-il, des « placers rentables » ; un citoyen de Victoria fit observer : « La folie des mines de Sooke atteint tout le monde et la place se dépeuple. » La découverte de l’or fit subitement ressortir la valeur des terres de la couronne et incita Kennedy à présenter de nouveau la proposition du ministère des Colonies visant à céder les terres à l’Assemblée en retour de l’adoption de la liste civile. Cette fois encore, l’Assemblée refusa l’arrangement.
Kennedy se trouva également en désaccord avec l’Assemblée au sujet d’un projet d’union de la colonie avec la Colombie-Britannique. L’Assemblée vota des résolutions qui insistaient sur les intérêts de l’île, tandis que Kennedy affirmait que toute union devait tenir compte des intérêts des deux colonies. En janvier 1865, toutefois, l’Assemblée se laissa convaincre par Amor De Cosmos* que l’union allait ranimer l’économie chancelante de l’Île-de-Vancouver. Elle résolut d’accepter toute forme d’union avec la Colombie-Britannique qui lui serait accordée par le ministère des Colonies – aucune décision ne pouvait plaire davantage à Kennedy.
En matière d’administration publique, le gouverneur s’efforça, comme on pouvait s’y attendre, de corriger les nombreuses irrégularités qu’il découvrait et d’accroître le rendement des employés. Persuadé de la valeur d’une fonction publique compétente, bien rémunérée et respectable, il exigea la démission de plusieurs fonctionnaires corrompus ou incompétents. Il prescrivit aussi la vérification des comptes publics et le recouvrement des impôts fonciers non payés. Le budget de 1865, qui s’élevait à $390 000, montra que Kennedy entendait accroître le personnel et les appointements de la fonction publique. Si l’Assemblée n’adopta pas intégralement ce budget, elle vota des salaires pour les employés du gouverneur, un loyer pour le logement de Kennedy et même des crédits de $50 000 pour la construction d’une résidence permanente du gouverneur, sans doute en vue d’augmenter les chances de Victoria de devenir la capitale de la colonie unifiée que l’on projetait d’instaurer.
À cause de l’expérience acquise en Afrique et en Australie, Kennedy s’estimait apte à juger les indigènes de l’Île-de-Vancouver. Il croyait que le contact avec les Européens provoquait invariablement chez eux l’ivrognerie, la prostitution et la violence, et que leur « condition plus que déplorable » était causée par le commerce actif et illégal de l’alcool auquel se livraient des Européens, tel l’ancien commissaire de police Horace Smith. Kennedy recommanda de séparer les Indiens des Blancs et tenta, avec le procureur général suppléant, Thomas Lett Wood, de faciliter la condamnation des trafiquants de whisky en renforçant les dispositions prohibitionnistes et en permettant aux Indiens de témoigner sous serment devant les tribunaux. Toutefois, l’Assemblée rejeta les mesures de Kennedy ainsi que sa proposition de recourir à des gens compétents faisant office d’agents des Affaires indiennes. Il demanda aux autorités britanniques de reconnaître que les Indiens étaient propriétaires de leurs terres et de ne permettre l’aliénation de celles-ci que contre une « juste compensation », mais le ministère des Colonies jugea que l’indemnisation des Indiens était à la charge des colons, ce qui signifiait en pratique que la « juste compensation » pouvait n’être jamais versée.
Persuadé que l’application impartiale de la loi était la clef du succès dans l’administration des indigènes de l’Île-de-Vancouver, Kennedy n’en approuva pas moins, mais bien à contrecœur, le bombardement des Ahousahts du détroit de Clayoquot par la marine royale en 1864. Au cours de cette expédition, menée prétendument dans le but de venger le massacre de l’équipage du navire de traite Kingfisher, les canons de la marine royale détruisirent neuf villages indiens et tuèrent 13 indigènes.
Avec l’arrivée de la dépression économique, la popularité de Kennedy diminua et ses problèmes avec l’Assemblée, qui exigeait la réduction des dépenses, se mirent à augmenter. Lorsque le gouverneur présenta ses prévisions budgétaires pour 1866 – elles atteignaient $193 000 – le Daily British Colonist, dominé par les députés De Cosmos et Leonard McClure*, donna à entendre qu’il était « détraqué ». La piètre opinion que Kennedy avait de l’Assemblée parut bien fondée lorsque De Cosmos soumit un projet absurde qui visait à abolir les impôts et à emprunter de vastes sommes pour les affecter aux dépenses courantes et aux travaux publics ; le gouverneur rejeta ce projet. En mai 1866, le découvert du gouvernement à la Banque de l’Amérique septentrionale britannique atteignait $80 000, et la banque refusa de lui consentir de nouvelles avances. Devant la menace d’une faillite financière, l’Assemblée retira sa confiance au gouverneur et fut dissoute en septembre sans qu’un projet de loi sur les subsides eût été présenté à Kennedy. Celui-ci n’en continua pas moins d’assurer la bonne marche du gouvernement, jusqu’au moment où fut annoncée l’union prochaine des deux colonies. En vertu des dispositions de la loi d’union votée par le parlement britannique, le poste de gouverneur de la nouvelle colonie était dévolu à Seymour, et, de ce fait, Kennedy se retrouvait sans emploi.
Contrairement à ce qu’il avait vécu à son arrivée, Kennedy connut un bien triste départ de Victoria, le 23 octobre 1866. Les citoyens de la ville, qui ne pouvaient ignorer la situation économique désastreuse de la colonie et les conditions défavorables et impopulaires de l’union, ne leur firent, à lui et aux siens, que des adieux de pure forme. Dans une large mesure, toutefois, Kennedy devait ses insuccès à l’Île-de-Vancouver à des circonstances particulières et locales, et, notamment, à l’agressivité d’une Assemblée toujours prête à défier la primauté de l’exécutif. Incapable de s’entendre avec cette institution, que le ministère des Colonies appelait une « chambre d’Assemblée démente », Kennedy ne tarda pas à discréditer son régime en mettant de l’avant des projets coûteux afin d’accroître le nombre des bureaucrates et en nommant des fonctionnaires dont le rôle hors du cadre administratif était négligeable ou nul. Aggravé par une sérieuse crise économique, le conflit entre le gouverneur et l’Assemblée fut rendu plus vif encore par l’inquiétude croissante que suscitait la question de l’union, laquelle ne pouvait être résolue qu’à Londres, par le ministère des Colonies. Lorsqu’en septembre 1866 la population fut mise au fait d’une décision qui semblait la défavoriser, elle perdit ce qui lui restait de confiance en Kennedy.
Les difficultés que Kennedy éprouva en tant que gouverneur de l’Île-de-Vancouver ne constituèrent cependant qu’un bref et malheureux intermède dans une carrière publique qui se révéla par ailleurs une réussite et s’étendit sur 56 années. De retour à Londres, il fut récompensé des efforts déployés à l’Île-de-Vancouver lorsqu’il obtint le titre de chevalier et le poste de gouverneur des colonies de l’Afrique occidentale en décembre 1867. À l’expiration de son mandat dans ce pays, il occupa successivement deux postes importants, devenant gouverneur de Hong-Kong, de 1872 à 1877, et de Queensland (Australie), de 1877 à 1883. Pendant qu’il rentrait au pays, venant de Sydney, Kennedy mourut à bord de l’Orient et fut enseveli en mer. À sa mort, il laissait près de £11 000. On lui avait accordé plusieurs distinctions en récompense des services qu’il avait rendus à la population : il fut fait compagnon en 1862, puis chevalier commandeur de l’ordre du Bain en 1867, chevalier de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges en 1871 et chevalier commandeur du même ordre en 1881.
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Robert L. Smith, « KENNEDY, sir ARTHUR EDWARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/kennedy_arthur_edward_11F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/kennedy_arthur_edward_11F.html |
Auteur de l'article: | Robert L. Smith |
Titre de l'article: | KENNEDY, sir ARTHUR EDWARD |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
Date de consultation: | 7 nov. 2024 |