LACOSTE, sir ALEXANDRE (baptisé Alphonse-Charles-Alexandre), avocat, professeur, homme politique et juge, né le 13 janvier 1842 à Boucherville, Bas-Canada, fils de Louis Lacoste*, notaire et homme politique, et de Marie-Antoinette-Thaïs Proulx ; le 8 mai 1866, il épousa à Montréal Marie-Louise Globensky, et ils eurent au moins sept filles et trois fils ; décédé le 17 août 1923 à Montréal et inhumé le 21 dans la même ville au cimetière Notre-Dame-des-Neiges.

Alexandre Lacoste fait ses études classiques au séminaire de Saint-Hyacinthe, où il entre en 1851. La notoriété de son père, un des praticiens du droit les plus réputés de son époque, l’attire sans doute vers une carrière juridique. Il fréquente la faculté de droit de l’université Laval à Québec en 1858-1859, puis l’école de droit du collège Sainte-Marie, à Montréal, dirigée par François-Maximilien Bibaud*, où il obtient une licence en droit. Les avocats Pierre Moreau, Gédéon Ouimet* et Joseph-Adolphe Chapleau* l’accueillent à leur cabinet comme clerc. En février 1863, il réussit avec brio l’examen d’entrée au barreau.

Lacoste exerce sa profession d’avocat exclusivement à Montréal. Entre 1863 et 1891, il s’associe successivement à Isaïe-A. Jodoin, Charles-André Leblanc*, Francis Cassidy*, William D. Drummond, Benjamin-A. Globensky, Toussaint Brosseau, François-Joseph Bisaillon et son gendre Henri Gérin-Lajoie. Il est bâtonnier du barreau de Montréal de 1879 à 1881. L’avocat s’attache une clientèle diversifiée, notamment en droit commercial, en droit immobilier et en droit des successions. Les liens qu’il tisse avec le monde des affaires l’amènent à faire partie de plusieurs conseils d’administration, notamment ceux de la Manitoba Assurance Company et de la Liverpool and London and Globe Insurance Company, ainsi qu’à assumer la présidence du bureau de contrôle de la Banque provinciale du Canada. À cause de ses activités au sein du Parti conservateur, il représente fréquemment des hommes politiques dans des affaires de contestation d’élection. En 1882, le gouvernement provincial retient ses services comme procureur et comme négociateur à l’occasion de la vente du chemin de fer de Québec, Montréal, Ottawa et Occidental à la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique et au syndicat constitué par Louis-Adélard Senécal* [V. sir Joseph-Adolphe Chapleau], qui compte d’ailleurs parmi ses clients. À plusieurs reprises, il plaide devant les diverses instances judiciaires du pays. Il se rend aussi à Londres, afin de représenter différents clients devant le comité judiciaire du Conseil privé.

Lacoste figure parmi les premiers professeurs de la faculté de droit de l’université Laval à Montréal. Suivant la coutume, au moment de son entrée en fonction, en décembre 1879, il se voit décerner un doctorat d’honneur en droit. Il sera titulaire de la chaire de droit commercial et de droit maritime jusqu’à son décès. Au moment où l’université Laval à Montréal engage Lacoste, l’expansion de l’établissement [V. Édouard-Charles Fabre*] suscite de l’opposition : certains mettent en doute le pouvoir de l’institution d’ouvrir une succursale à Montréal en se fondant sur les prérogatives que lui reconnaît sa charte royale. L’université entend mettre fin à la controverse en demandant l’intervention de l’Assemblée législative. En 1881, le recteur Thomas-Étienne Hamel et Lacoste défendent avec succès devant le comité des bills privés un projet de loi qui confirme les pouvoirs de l’université [V. sir Joseph-Adolphe Chapleau].

Intéressé par le monde de la politique, Lacoste, conservateur modéré, ne cherche cependant pas à se faire élire député. Il préfère continuer une pratique du droit bien établie tout en exerçant une influence au sein du Parti conservateur, où il contribue à la solution de questions épineuses. Par exemple, à la suite du scandale des Tanneries, en 1874, il fait partie de ceux qui concluent à la nécessaire démission du premier ministre Gédéon Ouimet. En 1880, il acquiert le journal conservateur la Minerve avec entre autres Joseph Tassé*, Louis-Aimé Gélinas et Jean-Baptiste Renaud*. Il est nommé membre du Conseil législatif pour la division des Mille-Isles en 1882 ; Chapleau, dont il serait un conseiller, est alors premier ministre. Lacoste demeure au Conseil législatif jusqu’en décembre 1883, puis entre au Sénat en janvier 1884, pour la division de Lorimier. La vie parlementaire l’attise peu. Il prend rarement la parole au Sénat et ses interventions ne sont guère marquantes. Il concentre surtout ses énergies sur les travaux du comité chargé d’étudier les projets de lois privés.

En 1891, après avoir présidé la Chambre haute durant quelques mois, Lacoste devient juge en chef de la Cour du banc de la reine de la province de Québec, en remplacement de sir Antoine-Aimé Dorion*. En acceptant cette nomination prestigieuse, il voit toutefois ses revenus entamés, d’autant plus qu’il cesse en même temps d’exercer sa profession d’avocat. C’est probablement pourquoi il continuera d’occuper des fonctions d’administrateur de compagnies jusqu’à ce que le gouvernement fédéral en interdise l’exercice à la magistrature. D’après les recueils d’arrêts, Lacoste rédige fréquemment les motifs des décisions pour les causes portées en appel devant la Cour du banc de la reine. Ses jugements, rigoureux et concis, présentent peu de développements à caractère érudit. Contrairement à certains de ses collègues, il s’en tient strictement aux arguments soulevés par les parties.

À la fin du xixe siècle, l’administration de la justice, notamment ses coûts élevés et la répartition inégale du travail chez les juges, fait l’objet de nombreuses critiques. Vers 1892, Lacoste prépare un projet de réforme judiciaire. Il propose de regrouper les juges de la Cour supérieure dans les grands centres afin de mieux équilibrer leur tâche, de leur permettre de travailler de manière plus collégiale et d’assurer ainsi une plus grande cohésion à la jurisprudence. Thomas Chase-Casgrain* présente un projet de loi qui intègre les suggestions de Lacoste en février 1893. Le projet n’est cependant pas adopté.

En 1907, Lacoste remet sa démission à titre de juge et retourne à la pratique du droit avec ses fils Paul et Alexandre. Peu de temps après, il accepte la présidence de l’Association conservatrice de Montréal, ce qui provoque de vives critiques de la part de ses adversaires politiques, dont le premier ministre sir Wilfrid Laurier*, qui estiment qu’une telle conduite est inacceptable pour un pensionné de l’État.

Doté d’un esprit ouvert, Lacoste a sans doute favorisé la participation active de ses filles à la vie sociale. Sa femme, qui n’hésite pas à donner son appui aux œuvres de charité et dont le journal intime (qu’elle a tenu pendant plus de 30 ans) constitue une chronique de l’évolution de la vie intime de cette famille de la bourgeoisie montréalaise, les a certainement aussi encouragées à suivre cette voie. Marie* et Thaïs, qui s’initient au droit de façon autodidacte, militent en faveur de la réforme des droits civils des femmes par leurs conférences et leurs écrits. Justine fonde en 1907 l’hôpital Sainte-Justine de Montréal. Intéressé aux questions d’éducation, Lacoste a notamment apporté sa collaboration à une série de conférences sur le droit usuel destinée aux enseignants et organisée en 1905 par sa fille Marie.

Tout au long de sa vie, Lacoste a reçu de nombreux honneurs : il a notamment été créé conseiller en loi de la reine par le gouvernement provincial en 1876, puis par le gouvernement fédéral en 1880. Il a été fait chevalier commandeur de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges en 1892. Le Bishop’s College lui a décerné un doctorat d’honneur en 1895.

Alexandre Lacoste est resté profondément attaché à un droit rationnel, ainsi que le rappelait avec justesse Laurent-Olivier David dans Au soir de la vie : « Rien de brillant, peu de vernis dans ses plaidoyers ou ses décisions judiciaires, mais beaucoup de logique, de force et de clarté. » En cela, il est l’illustration d’un modèle de praticien du droit qui se rencontrait de plus en plus fréquemment au début du xxe siècle. Ses traits de caractère, sa passion pour sa profession et ses succès expliquent sans doute son refus de sacrifier sa carrière professionnelle pour occuper des fonctions de premier plan dans le monde politique. Malgré cette réserve, il accepte de siéger aux Chambres hautes de la province et du pays. À l’ombre du pouvoir, il a joué un rôle de conseiller influent, mais discret, du Parti conservateur.

Sylvio Normand

ANQ-M, CE601-S22, 13 janv. 1842 ; CE601-S51, 8 mai 1866 ; P76.— Le Canada (Montréal), 18 août 1923.— Le Devoir, 21 janv. 1919, 17 août 1923.— Gazette (Montréal), 24 oct. 1908, 18, 23 août 1923.— Montreal Daily Star, 17 août 1923.— La Patrie, 17–18, 21 août 1923.— La Presse, 17 août 1923.— Annuaire, Montréal, 1863–1891.— F.-J. Audet, les Juges en chef de la province de Québec, 1764–1924 (Québec, 1927).— L.-P. Audet, Histoire de l’enseignement au Québec (2 vol., Montréal et Toronto, 1971), 2.— BCF, 1920 : 23.— [F.-M.] Bibaud, Supplément à la Notice historique sur l’enseignement du droit ([Montréal ?, 1862 ?]).— Canada, Sénat, Débats, 1884–1891 ; Journaux, 1884–1891.— Canada Gazette, 16 oct. 1880 : 419 ; 22 oct. 1892 : 767 ; 25 mars 1893 : 1767 ; 10 avril 1897 : 2015.— Canadian directory of parl. (Johnson).— CPG,1887, 1897.— L.-O. David, Au soir de la vie (Montréal, [1924]).— DPQ.— A[lfred] D[uclos] De Celles, « Sir Alexandre Lacoste », dans les Hommes du jour : galerie de portraits contemporains, L.-H. Taché, édit. (32 sér. en 16 vol., Montréal, 1890–[1894]), 18e sér. : 273–281.— [Édouard Fabre-]Surveyer, « Sir Alexandre Lacoste », Canadian Bar Rev. (Toronto), 1 (1923) : 757–762.— Gazette officielle de Québec, 1876 : 488.— T.-É. Hamel et Alexandre Lacoste, Plaidoyers de MM. Hamel et Lacoste devant le comité des bills privés en faveur de l’université Laval les 20, 21, 27 et 28 mai 1881 (Québec, 1881).— Jean Hétu, Album souvenir, 1878–1978 ; centenaire de la faculté de droit de l’université de Montréal (Montréal, 1978).— Nicholas Kasirer, « Apostolat juridique : teaching everyday law in the life of Marie Lacoste Gérin-Lajoie (1867–1945) », Osgoode Hall Law Journal (Toronto), 30 (1992) : 427–470.— J.-J. Lefebvre, « Tableau alphabétique des avocats de la province de Québec, 1850–1868 », la Rev. du Barreau de la prov. de Québec (Montréal), 21 (1961) : 314–322.— Prominent men of Canada : a collection of persons distinguished in professional and political life, and in the commerce and industry of Canada, G. M. Adam, édit. (Toronto, 1892).— Québec, Parl., Doc. de la session, réponses aux adresses, no 13, 1888.— Rapports judiciaires de Québec : Cour du banc du roi (Québec), 1892–1907.— G.-É. Rinfret, Histoire du barreau de Montréal (Cowansville, Québec, 1989).— P.-G. Roy, les Juges de la prov. de Québec.— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, 2–26 .— [F.-]X.-A. Trudel et al., Réplique aux plaidoyers de MM. Hamel et Lacoste : Rome 25 septembre 1881 ([Rome ?, 1882 ?]).— Gustave Turcotte, le Conseil législatif de Québec, 1774–1933 (Beauceville, Québec, 1933).— Univ. Laval, Annuaire, 1859–1860, 1880–1881.

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Sylvio Normand, « LACOSTE, sir ALEXANDRE (baptisé Alphonse-Charles-Alexandre) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lacoste_alexandre_15F.html.

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Auteur de l'article:    Sylvio Normand
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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