CASSIDY, FRANCIS, avocat, président de l’Institut canadien et de la Société Saint-Patrice de Montréal, membre du parlement provincial, maire de Montréal, né le 17 janvier 1827, à Saint-Jacques-de-l’Achigan (comté de Montcalm), de parents irlandais, Francis Cassidy et Mary McPharlane, qui avaient quitté le comté de Cavan, en Irlande, pour émigrer au Canada, décédé à Montréal le 14 juin 1873.

Celte jusqu’au bout des ongles, le jeune Cassidy révéla très vite les qualités distinctives de sa race qui allaient lui permettre de se tailler une place enviable dans le pays que ses parents avaient élu comme leur seconde patrie. « C’était, comme le décrit Laurent-Olivier David*, un petit Irlandais à la tête rouge, à l’œil gaillard, à l’air espiègle, vif comme un poisson, à l’esprit précoce. »

Sa vivacité intellectuelle et son ardeur à s’instruire l’orientèrent, ses études primaires terminées dans sa paroisse natale, vers le collège de L’Assomption, où il entra en 1838 pour être élève du sixième cours. En dépit de la pauvreté qui étreignait sa famille, il put parcourir le cycle complet des études classiques grâce à l’appui moral et pécuniaire de l’abbé Étienne Normandin, qui fut directeur du collège et professeur de philosophie de 1839 à 1846. Francis Cassidy ne devait jamais oublier qu’il devait à ce bienfaiteur insigne d’avoir pu terminer ses études collégiales, surtout après qu’il eut perdu son père.

Muni d’une lettre d’introduction de son professeur de rhétorique, Pierre Garnot, il se rendit à Montréal, en 1844, pour étudier le droit. Il entra comme clerc dans le bureau, situé au coin des rues Craig et Saint-Gabriel, des avocats Pierre Moreau et Charles-André Leblanc. Pour vivre il ne disposait que de $60 par année. Comme c’était nettement insuffisant, même en menant l’existence d’un ascète, il se mit à donner des leçons de français. Il aimait à raconter qu’à cette époque il lui arrivait de porter, été et hiver, le même pantalon de toile et, par les grands froids, de rester au lit le dimanche, pour s’épargner de faire du feu dans sa chambre.

Reçu avocat le 18 août 1848, il entra bientôt en société avec ses patrons. Lorsque Moreau prit sa retraite, Cassidy partagea avec l’avocat Leblanc les soins d’une clientèle considérable, attirée par une compétence qui fit bientôt de Cassidy, « au criminel et au civil [...] l’un des avocats les plus brillants du barreau de Montréal », au témoignage de David, qui indique la raison de ses succès : « Ses plaidoiries étaient concises, nerveuses et substantielles ; il ne parlait pas pour parler, pour produire de l’effet sur l’auditoire, mais seulement pour gagner sa cause et convaincre son juge. » Le 5 août 1863, à l’âge de 36 ans, Cassidy fut nommé conseiller de la reine. À maintes reprises, il fut appelé à faire partie du conseil du Barreau de Montréal. Il fut élu bâtonnier en 1871, étant le premier Irlandais catholique à obtenir cette distinction.

Cassidy était donc devenu un personnage considérable. Ses compatriotes l’avaient choisi comme président de la Société Saint-Patrice, fondée en 1834. Profondément irlandais, mais éduqué dans un milieu francophone et comptant dans sa clientèle d’avocat un grand nombre de Canadiens français, il était considéré comme la vivante incarnation de cette entente cordiale que son illustre compatriote Thomas D’Arcy McGee* avait voulu voir se constituer entre irlandais et Canadiens français.

C’est précisément à cause de l’origine raciale de Cassidy que l’Institut canadien, dont il était l’un des fondateurs – il en fut aussi le secrétaire-archiviste en mai 1849 et le président de novembre 1849 à novembre 1850 –, abolit l’une des clauses fondamentales de sa constitution. Jusque-là, en effet, il fallait être canadien-français pour en faire partie. Le 26 février 1862, un ami de Louis-Antoine Dessaulles*, qui polémiquait alors avec Hector Fabre*, écrivait dans l’Ordre : « en 1850, l’Institut canadien, se trouvant présidé par M. Cassidy, Irlandais de père et de mère, nous avons cru [...] qu’il était temps d’effacer cette contradiction entre le fait et le droit ».

Francis Cassidy fut élu une seconde fois président de l’Institut canadien de mai 1857 à mai 1858 Son mandat de président n’était pas encore terminé, lorsque survint la sécession de quelque 135 membres qui, sous la direction de Louis Labrèche-Viger et d’Hector Fabre, démissionnèrent, le 22 avril, pour fonder l’Institut canadien-français le 10 mai suivant. L’Institut canadien ayant fait l’objet de censures épiscopales, le groupe de Fabre avait voulu « retrancher de la bibliothèque un certain nombre de livres immoraux et irréligieux, en mettant à cette œuvre de réforme le plus large libéralisme compatible avec les intérêts moraux de la population et la sécurité publique ». La majorité des membres refusait toutefois à qui que ce fût le droit de surveillance et de prohibition en matière de livres et de lectures. Ne parvenant pas à s’entendre, les partisans de la thèse modérée de Fabre quittèrent l’institut.

Bien que l’Institut canadien fût mis en cause par Mgr Ignace Bourget* dans les lettres pastorales des 10 mars, 30 avril et 31 mai 1858, Cassidy demeura membre de l’association jusqu’en mai 1867. Aussi lorsqu’en 1870 il fut choisi pour être l’un des avocats de la défense dans le procès relatif à la sépulture de Joseph Guibord* [V. Truteau], l’un des avocats de la partie adverse et son ancien confrère à l’Institut canadien, Joseph Doutre*, se fit-il un malin plaisir de lui faire remarquer, à un moment donné, que de 1858 à 1867, c’est-à-dire pendant « neuf ans », il avait vécu « dans cette lèpre de l’impénitence » qu’il avait lui-même « si énergiquement réprouvée » dans sa plaidoirie.

Car dans cette cause célèbre, où selon lui les parties en présence n’étaient pas Henriette Brown et la Fabrique de Notre-Dame, mais l’Institut canadien et « l’Église du Canada elle-même, menacée dans ses immunités les plus essentielles », Cassidy, « obéissant aux convictions de toute [sa] vie » et remplissant « un devoir sacré » que lui imposait sa « double qualité de sujet anglais et de catholique », défendit pied à pied, dans sa plaidoirie, la prise de position de l’évêque de Montréal, telle qu’exposée devant le juge Charles-Elzéar Mondelet, les 10 et 11 janvier 1870, par l’administrateur du diocèse, le grand vicaire Alexis-Frédéric Truteau.

L’année suivante, ses amis l’incitèrent à tâter de la politique en posant sa candidature de député provincial dans la circonscription électorale de Montréal-Ouest. Élu par acclamation, cet « aimable original » fit à la chambre de Québec, où il siégea durant un parlement, « la plus curieuse figure possible », au témoignage d’Alexandre Lacoste*, qui décrit ses interventions de la façon suivante : « Si le feu de la discussion, attisé par l’esprit de parti, se déchaînait sur l’assemblée législative, M. Cassidy se jetait dans la mêlée, interpellant, à tour de rôle, la droite et la gauche ; il taxait les combattants d’exagération, demandait à ses amis, les libéraux, d’abandonner une partie de leurs prétentions, suppliait les conservateurs de ne pas abuser de leur pouvoir, s’efforçant d’amener une réconciliation sur le terrain des concessions mutuelles. On devinait en M. Cassidy l’avocat qui avait dû réconcilier bien des plaideurs, mais il en allait tout autrement en chambre, où ce rôle d’arbitre et d’aimable compositeur n’était pas compris. Inutile d’ajouter que le sceptre de ce Neptune d’un nouveau genre ne réussit jamais à calmer la tempête. »

Au moment où Cassidy s’efforçait à tenir un rôle auquel manifestement il n’était pas destiné, la maladie qui devait l’emporter prématurément commençait à miner ses forces. Néanmoins il se laissa encore une fois convaincre de poser sa candidature à la mairie de Montréal, où il fut élu par acclamation en février 1873. Il ne put exercer ses nouvelles fonctions que pendant quelques mois, puisqu’il décédait le 14 juin 1873, à l’âge de 46 ans.

Ses funérailles furent grandioses. Par une étrange coïncidence, elles eurent lieu à Notre-Dame deux jours après celles de sir George-Étienne Cartier, dont il avait combattu, l’année précédente, la candidature dans la circonscription de Montréal-Est en faveur de son ami et collègue au procès Guibord, l’avocat Louis-Amable Jetté*.

Francis Cassidy était resté célibataire. Il regrettait, suivant David, de ne s’être pas marié, étant d’avis « que le mariage seul est la force de la jeunesse et la joie de l’âge mûr ».

Philippe Sylvain

Plaidoirie des avocats in re Henriette Brown vs la Fabrique de Montréal ; refus de sépulture (Montréal, 1870), 1–13.— L’Ordre (Montréal), 26 févr. 1862.— Pierre Beullac et É.-F. Surveyer, Le centenaire du Barreau de Montréal, 1849–1949 (Montréal, 1949), 85–90.— L.-O. David, Biographies et portraits (Montréal, 1876), 168–180.— J.-B.-É. Dorion, Institut canadien en 1852 (Montréal, 1852).— A. D[uclos] de Celles, Sir Alexandre Lacoste, Les hommes du jour ; galerie de portraits contemporains ; monument érigé à la gloire de la Confédération du Canada, L.-H. Taché, édit. (Montréal, [1890–1894]), 273–281.— Anastase Forget, Histoire du collège de L’Assomption (Montréal, [1933]).— J.-L. Lafontaine, Institut canadien en 1855 (Montréal, 1855).— Sylvain, Libéralisme et ultramontanisme, Le bouclier d’Achille (Morton), 111–138, 220–255.— É.-F. Surveyer, Two of the early English-speaking Bâtonniers of the Montreal Bar, MSRC, 3e sér., XLIII (1949), sect. ii : 45–55.

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Philippe Sylvain, « CASSIDY, FRANCIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/cassidy_francis_10F.html.

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Auteur de l'article:    Philippe Sylvain
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
Année de la révision:    1972
Date de consultation:    10 oct. 2024