LARKIN, JOHN, prêtre, sulpicien et éducateur, né le 2 février 1801 à Ravensworth, Angleterre, deuxième fils de John Larkin, hôtelier, et d’Elizabeth Jones ; décédé le 11 décembre 1858 à New York.
Issu d’une famille d’origine irlandaise, John Larkin grandit à Newcastle upon Tyne, en Angleterre. Il semble qu’il ait reçu ses premières leçons d’un ministre protestant à Whickham. En 1808, il entra avec son frère aîné Charles Fox, futur médecin et défenseur des catholiques en Angleterre, au St Cuthbert’s College, à Ushaw, fondé cette année-là par des professeurs du collège anglais de Douai, en France, qui avaient été chassés par la révolution. Il eut comme maître John Lingard, célèbre historien anglais du début du xixe siècle, et, comme condisciple, Nicholas Patrick Stephen Wiseman, futur archevêque de Westminster et cardinal. Il connut des succès intéressants, finissant, en 1815, sixième d’une classe de 14 élèves. Il se croyait appelé à la prêtrise, mais les autorités du collège l’en dissuadèrent, jugeant qu’il n’avait pas la vocation.
À sa sortie du collège, Larkin s’engagea donc dans la marine ; il fit quelques voyages en mer et visita notamment l’Inde en 1816. À son retour, il se tourna vers le commerce et travailla pendant quelques années dans des établissements à Newcastle upon Tyne et à Londres. En 1819, il rencontra Mgr Edward Beda Slater, qui venait d’être nommé vicaire apostolique de l’île Maurice. Frappé de l’intérêt manifesté par Larkin pour la vie religieuse, le prélat en fit son secrétaire et l’emmena avec lui dans l’île Maurice. Durant son séjour dans cette île, sa vocation sacerdotale se précisa, et il décida de retourner en Europe en 1823. Cette année-là, il entra au séminaire de Saint-Sulpice à Paris, où il fit sa philosophie et commença sa théologie. Il étudia aux côtés d’Henri Lacordaire, futur dominicain et prédicateur de Notre-Dame de Paris. Le 12 juin 1824, il reçut la tonsure à Paris. Peu après, il fit part, semble-t-il, au vice-président de l’University of Baltimore, Michael Francis Wheeler, alors en visite au séminaire, de son désir d’œuvrer pour la Compagnie de Saint-Sulpice en Amérique. À la fin de l’été de 1825, il s’embarqua avec Wheeler pour les États-Unis, et les deux hommes arrivèrent à Baltimore, dans le Maryland, le 9 septembre de la même année. Larkin termina ses études théologiques au St Mary’s Seminary où il fut ordonné prêtre pour le vicariat apostolique de Durham, en Angleterre, le 26 août 1827. Il commença ensuite à enseigner, mais il ne devait pas rester longtemps à Baltimore.
Seul établissement d’enseignement secondaire de langue française au Bas-Canada fondé et dirigé par les sulpiciens, le petit séminaire de Montréal comptait 4 prêtres, 5 ou 6 régents et de 130 à 150 élèves, dont les deux tiers étaient pensionnaires et 30 p. cent de langue anglaise. En 1827, la mort d’un des professeurs de l’institution, Simon Boussin, créa un vide. Le séminaire avait par ailleurs grand besoin d’un prêtre de langue anglaise. Candide-Michel Le Saulnier*, qui dirigeait l’institution en l’absence de Jean-Henry-Auguste Roux*, pria alors le directeur du St Mary’s Seminary, Jean-Marie Tessier, de lui envoyer Larkin afin de pourvoir à la vacance de ce poste. Tessier acquiesça à regret, et Larkin quitta Baltimore le 20 novembre 1827 ; il arriva à Montréal neuf jours plus tard. Au début de décembre, il reçut la charge de vicaire de la paroisse Notre-Dame de Montréal, aidant en cette qualité le sulpicien Jackson John Richard* dans son ministère auprès des catholiques de langue anglaise, qui se réunissaient à la chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours ; il devint aussi professeur au petit séminaire, poste qu’il allait occuper jusqu’en 1840. Dès son arrivée, Larkin connut des succès remarquables comme professeur et comme prédicateur.
Sous la direction de Joseph-Vincent Quiblier, Larkin enseigna la philosophie et les lettres classiques. Il exerçait beaucoup d’influence sur ses élèves, et même si le petit séminaire était à cette époque un milieu troublé par des querelles intestines, il s’adapta si bien à l’enseignement que Quiblier songeait en 1830 à le désigner comme son successeur à la tête de l’institution. En 1832, l’évêque de Kingston, Mgr Alexander McDonell*, le demanda comme coadjuteur, mais Larkin refusa catégoriquement, alléguant le désir de vivre comme un simple prêtre et professeur dans une communauté où il pouvait s’épanouir. Au cours des années suivantes, Larkin continua d’enseigner et fit paraître à Montréal en 1837 une grammaire grecque à l’usage du collège.
Durant ses années d’études à Paris, Larkin avait été fortement marqué par la doctrine ultramontaine de Hugues-Félicité-Robert de La Mennais. Les sulpiciens canadiens, traditionalistes et opposés aux idées de liberté propagées par la Révolution française, adhéraient au gallicanisme qui avait eu cours sous l’Ancien Régime. Ils s’opposaient sur ce point à l’auxiliaire de l’évêque de Québec à Montréal, Mgr Jean-Jacques Lartigue*, et aux professeurs du séminaire de Saint-Hyacinthe. Quiblier fit donc exercer certaines pressions sur Larkin par l’évêque de Québec et le supérieur du séminaire de Saint-Sulpice à Paris, Antoine Garnier, et les conseils de ces derniers comme les condamnations de La Mennais par Grégoire XVI en 1832 et 1834 eurent raison des tendances libérales de Larkin. À la fin des années 1830, les professeurs du petit séminaire étaient divisés et le manque d’autorité de leur directeur, Joseph-Alexandre Baile*, n’aidait peut-être pas à faire régner la bonne entente entre les prêtres. Larkin connut alors quelques difficultés avec ses confrères. En 1837, les sulpiciens de Baltimore demandèrent aux sulpiciens canadiens de permettre à Larkin de revenir travailler au St Mary’s Seminary, mais en vain.
À l’été de 1839, le coadjuteur de l’évêque de Montréal, Mgr Ignace Bourget*, invita le jésuite Jean-Pierre Chazelle*, recteur du St Mary’s College, près de Bardstown, au Kentucky, à venir prêcher une retraite sacerdotale à ses prêtres. Larkin se sentit dès lors attiré par la Compagnie de Jésus et s’en ouvrit à ses supérieurs de Montréal et de Paris. Ayant renoncé à son agrégation au séminaire de Saint-Sulpice à Montréal, le 23 juillet 1840, il entrait le 23 octobre suivant au noviciat des jésuites de Louisville, au Kentucky. Puis il enseigna au St Mary’s College, donna des conférences et prêcha dans la région de Bardstown. Il commença même la construction d’un nouveau collège en 1845.
À l’été de la même année, tous les jésuites établis au Kentucky se transportèrent à New York pour prendre en charge le St John’s College, qui allait devenir la Fordham University. C’était alors une petite institution comptant de 100 à 150 élèves. L’année suivante, Larkin fonda, à la demande de ses supérieurs, un centre d’apostolat et d’enseignement en plein cœur de New York. Il transforma à cette fin un ancien temple protestant qui devait accueillir plus de 100 élèves. Ce centre ouvrit ses portes en juillet 1847 mais, en janvier 1848, le feu détruisit tout. Sans se laisser aller au découragement, il trouva dans le quartier Bowery une autre maison pour remettre sur pied la même œuvre.
En février 1849, Larkin apprit que les évêques du Canada avaient proposé à Rome sa nomination à l’évêché de Toronto. Les bulles avaient été signées par Pie IX, et toutes les autorités romaines insistaient pour qu’il accepte. En novembre de la même année, Larkin se rendit en France pour demander au supérieur général d’intervenir auprès du pape afin de faire annuler sa nomination. À la fin, Armand-François-Marie de Charbonnel* fut nommé évêque de Toronto. Larkin compléta, quant à lui, sa formation de jésuite en poursuivant des études au scolasticat de Laval, en France. Revenu aux États-Unis, il exerça de 1851 à 1854 les fonctions de recteur du St John’s College où un certain laisser-aller s’était introduit. D’une main ferme, il y corrigea les abus et se révéla un éducateur remarquable. À l’occasion d’un échange de jésuites en 1854, Larkin séjourna en Angleterre et en Irlande pendant deux ans en qualité de visiteur, se consacrant à la prédication. Il profita aussi de l’occasion pour revoir sa famille et ses amis.
De retour à New York en octobre 1856, John Larkin œuvra l’année suivante comme vicaire de la paroisse St Francis Xavier. C’est là qu’il mourut subitement d’une crise d’apoplexie le 11 décembre 1858, après une journée passée au confessionnal. Cette mort au travail était bien à l’image de la vie fort active que Larkin avait menée dans tous les milieux où son apostolat l’avait conduit.
Outre un ouvrage pour élèves débutants en grec contenant des morceaux choisis de mythologie, John Larkin a écrit Grammaire grecque à l’usage du collège de Montréal (Montréal, 1837).
AAQ, 210 A, XV : 56, 63.— ACAM, 901.137, 832-1, -3, -17, -20 ; RC, VI : fo 237 vo–238 vo ; RLB, IV : 512, 547 ; V : 137, 169–171 ; VI : 11–15, 20–22 ; RLL, VI : 262–263 ; VII : 120.— Arch. de la Compagnie de Jésus, prov. du Canada français (Saint-Jérôme, Québec), A-1-7 ; D-7.— Arch. de la Compagnie de Saint-Sulpice (Paris), Cahier des ordinations, Corr. avec le Canada, 12 juin 1824.— Arch. of St Mary’s Seminary (Baltimore, Md.), RG 24, Boîtes 7, 9.— Arch. of the Archdiocese of New York (New York), St Francis Xavier church, house history, 11 déc. 1858.— ASSM, 21 ; 25, Dossier 2.— Litteræ annuæ provinciæ franciæ Societatis Jesu ab octobri 1858 ad octobrem 1859 (Paris, 1861), 232–236.— Woodstock letters, a record of current events and historical notes connected with the colleges and missions of the Society of Jesus in North and South America (98 vol., [Baltimore], 1869–1972), 3 : 27–42, 135–150 ; 26 : 268–280 ; 45 : 364 ; 65 : 192, 197, 201 ; 75 : 132.— Mélanges religieux, 22 mars 1850.— New Catholic encyclopedia (17 vol., Toronto et San Francisco, 1966–1978), 8 : 385–386.— Henri Gauthier, Sulpitiana ([2e éd.], Montréal, 1926).— Tanguay, Répertoire (1893), 198.— Louis Bertrand, Bibliothèque sulpicienne, ou Histoire littéraire de la Compagnie de Saint-Sulpice (3 vol., Paris, 1900), 2 : 261.— C. G. Herbermann, The Sulpicians in the United States (New York, 1916), 82–83.— Lemieux, l’Établissement de la première prov. eccl., 404–406.— Olivier Maurault, Nos messieurs (Montréal, [1936]), 90–91.— J. W. Ruane, The beginnings of the Society of St. Sulpice in the United States (1791–1829) (Baltimore, 1935), 199–200.— T. G. Taaffe, A history of St John’s College, Fordham, N. Y. (New York, 1891), 86–93.— « Les Disparus », BRH, 36 (1930) : 243.— « Jesuit who was named second bishop of Toronto », Catholic Reg. and Canadian Extension (Toronto), 26 juill. 1934.— Yvan Lamonde, « l’Enseignement de la philosophie au collège de Montréal, 1790–1876 », Culture (Québec), 31 (1970) : 213–224.— F. J. Nelligan, « Father John Larkin, S.J., 1801–1858 », Canadian Messenger (Montréal), 67 (1957) : 37–43, 103–110, 181–187.
J.-Bruno Harel, « LARKIN, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/larkin_john_8F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/larkin_john_8F.html |
Auteur de l'article: | J.-Bruno Harel |
Titre de l'article: | LARKIN, JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 7 nov. 2024 |