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MINEHAN, LANCELOT (Launcelot) PETER, prêtre catholique et réformateur social, né le 18 janvier 1862 à Killaloe (république d’Irlande), fils de Michael Minehan et de Hanna Skehan ; décédé le 30 décembre 1930 à Toronto.
Lancelot Peter Minehan fréquenta le All Hallows College de Dublin, où il reçut la tonsure et les ordres mineurs le 10 juin 1881. Un accident l’obligea à retourner à Killaloe et à poursuivre ses études sous la direction de F. J. McRedmond, curé de la paroisse et vicaire général. Au moment du départ de Minehan pour le Canada en avril 1884, McRedmond écrivit à son protecteur, l’archevêque de Toronto John Joseph Lynch* : « [Il] a toujours été aussi pieux et affable qu’industrieux et intelligent. Je prédis sans la moindre hésitation que vous trouverez en lui un prêtre excellent sous tous rapports. » Minehan se montrerait à la hauteur de cette prédiction : parmi la dernière génération de religieux missionnaires nés en Irlande à servir dans l’archidiocèse, il serait l’un de ceux qui se distingueraient le plus.
Une fois au Canada, Minehan continua ses études à la maison d’été de Lynch et au grand séminaire de Montréal. Il fut ordonné le 20 décembre 1884 et affecté à la paroisse St Luke de Thornhill, en Ontario. À peine acclimaté, il se plongea dans son travail. Pendant les huit premières années, il fut vicaire à Thornhill, à Brockton (Toronto), à Adjala et à Toronto, de même qu’aumônier à l’Ontario Reformatory for Boys de Penetanguishene et à la Central Prison de Toronto. À Adjala, il assista le père Francis McSpiritt*, personnage haut en couleur auprès de qui il dut constater le pouvoir des prêtres irlandais sur leurs ouailles et la nécessité de la loyauté mutuelle. En 1896, à l’issue de trois ans de ministère à Schomberg, Minehan fut muté à Toronto, à la desserte St Peter, qu’il transforma en une paroisse dotée d’une école séparée, d’une nouvelle église et d’un presbytère. Une seule tache vint ternir son dossier : en 1903, il mobilisa ses paroissiens contre l’archevêque Denis O’Connor*, qui refusait de verser une rémunération d’assistant à son frère, le père James Minehan. Le délégué apostolique Donato Sbarretti y Tazza trancha le litige en réprimandant les deux frères et en ordonnant à O’Connor de payer. St Vincent de Paul, dans le quartier Parkdale de Toronto, fut la dernière cure de Minehan. Nommé dans cette paroisse en 1914, il en fit un foyer puissant de la vie catholique, malgré les restrictions imposées par la guerre. Entre la pose de la première pierre de l’église en 1915 et sa consécration en 1924, il fit construire un presbytère et une école.
En dépit de ses succès, Minehan ne se satisfit jamais totalement de ses tâches paroissiales. Cet énergique prédicateur avait découvert tôt qu’il était aussi à l’aise dans des conférences publiques et que la presse constituait un excellent forum en ces temps où les membres du clergé se prononçaient sur des questions sociales ou morales. En 1909, le Globe affirma que, « même s[’il était] prêtre, il rest[ait] un citoyen ». Minehan fit observer par la suite : « Je n’ai jamais parlé de politique en chaire, mais [je] crois que j’avais le droit de le faire à partir d’une tribune publique, où tous pouvaient m’entendre et me répondre. » Il collaborait fréquemment à des journaux locaux, dont le Catholic Register, sans jamais fuir la controverse. Toujours courtois, il pouvait être impitoyablement dur et recourir parfois au sarcasme pour défendre les enseignements de l’Église catholique. En 1911, tandis que les protestants réagissaient au décret Ne Temere sur le droit matrimonial, il prononça un « sermon enflammé » dans lequel, rapporta le Toronto Daily Star, il accusa les détracteurs du document de se laisser aller à « des élans de fanatisme ignorant et brutal qui [étaient] une disgrâce non seulement pour le christianisme, dont ils usurp[aient] le nom, mais pour l’humanité elle-même ». À la prétention du périodique méthodiste Christian Guardian selon laquelle les catholiques engagés dans des mariages mixtes avaient reçu l’ordre de rompre leurs vœux et d’abandonner leur conjoint, il répliqua que de telles attaques étaient délibérément ou stupidement injustes. En général, il laissait aux évêques [V. Fergus Patrick McEvay*] le soin de débattre la question des écoles séparées, sujet politiquement délicat, mais la querelle sur la qualification de certains religieux et religieuses enseignants l’avait amené en 1906 à écrire (au risque d’être impopulaire) que, pour commencer, ils auraient dû obtenir des brevets valables. En outre, il fit valoir que les écoles séparées avaient du mal à attirer des enseignants qualifiés parce que le gouvernement refusait à ces écoles une part équitable des taxes. Par la suite, il rédigea une brillante critique de la législation fiscale de l’Ontario.
Toutefois, Minehan était plus qu’un apologiste. Homme aux intérêts très variés, il se fit à la fois l’ami des pauvres, le défenseur du capital et des droits des travailleurs (mais fut un adversaire acharné du bolchevisme) et le champion de diverses causes, notamment la réforme de la fonction publique et du ministère de la Milice et de la Défense, la conscription en temps de guerre, les emprunts de la Victoire, la création d’une marine canadienne, le droit de vote féminin et l’autonomie politique de l’Irlande. Il appuya la formation de l’Église unie du Canada en 1925 parce qu’il était convaincu que, comme elle engloberait la plupart des protestants du pays, l’enseignement de la religion dans les écoles publiques pourrait devenir plus facile. Ses convictions l’amenèrent à adhérer à plusieurs organismes : il fut vice-président du Moral and Social Reform Council, cofondateur de la Parkdale Ratepayers’ and Progressive Businessmen’s Association et de la Neighbourhood Workers’ Association, ainsi que membre du conseil d’administration du Social Service Council of Ontario et de la Penny Bank of Ontario, qui encourageait l’épargne chez les jeunes. Il créa la première troupe paroissiale de scouts de l’archidiocèse et, avec ses paroissiens, cultiva un lot en bordure de la rue Yonge pour montrer que les citadins pouvaient se suffire à eux-mêmes. Proche du mouvement Social Gospel en raison de ses préoccupations sociales, il ne lui apportait cependant pas un appui sans réserve. Par exemple, dans l’ouvrage publié à Toronto en 1920 par Salem Goldworth Bland*, The new Christianity […], il ne trouva rien qui n’avait déjà été exprimé par le pape Léon XIII dans les années 1890 ou par les évêques américains dans leur lettre pastorale de 1919.
La ferveur réformatrice de Minehan se manifesta surtout dans le mouvement de tempérance. Dans l’exercice de ses fonctions paroissiales, il dut avoir affaire à des familles ruinées par l’alcoolisme, mais il était assez réaliste pour savoir que la prohibition ne prévaudrait jamais dans une société où l’alcool avait toujours été présent. D’après lui, on devait tolérer les hôtels avec bar, car ils avaient une tradition derrière eux, mais fermer les bars de quartier. Il s’employa à faire réduire, contre dédommagement, le nombre d’établissements pourvus d’un permis. En tant que vice-président de la section ontarienne de la Dominion Alliance for the Total Suppression of the Liquor Traffic, il se joignit au très populaire mouvement de lutte contre l’alcool dirigé par Newton Wesley Rowell*, qui devint chef des libéraux provinciaux en 1911. Minehan présida un grand rassemblement au Massey Music Hall de Toronto le 25 juin 1914, quatre jours avant les élections provinciales : ce fut le point culminant de son engagement en faveur de la tempérance. Dans le discours chargé d’émotion qu’il prononça alors devant un auditoire principalement composé de protestants, il affirma que les catholiques avaient souffert plus que quiconque du fléau des débits de boissons et, d’un ton cinglant, qualifia de déloyaux les marchands catholiques d’alcool. Les conservateurs gardèrent le pouvoir, mais la campagne en faveur de la prohibition prit un nouvel élan pendant la guerre. En 1916, le gouvernement fit adopter l’Ontario Temperance Act. En 1927, lorsque les conservateurs proposèrent d’abandonner cette loi en faveur d’un contrôle gouvernemental, Minehan se jeta à nouveau dans la mêlée.
Par l’intermédiaire du mouvement de tempérance, Minehan était entré en relation avec bon nombre des principaux membres du clergé protestant de Toronto. Mis à part leurs différends théologiques, et tant que l’ordre d’Orange ne s’en mêlait pas, leur collaboration était harmonieuse. Voilà qui pourrait expliquer en partie l’esprit œcuménique de Minehan. Il défendit la nomination de l’archidiacre anglican Henry John Cody* au poste de ministre de l’Éducation en 1918, parla en 1923 à l’église presbytérienne West des « idéaux de la citoyenneté » (allocution qui, selon le Globe porta « encore un dur coup aux vieux préjugés ») et, en 1927, offrit le sous-sol de son église à la congrégation de l’église unie Erskine, qui avait brûlé.
Connu et respecté pour sa tolérance et sa charité, Lancelot Peter Minehan mourut trois ans plus tard, foudroyé par une attaque d’apoplexie. Edwin Austin Hardy*, du Community Welfare Council of Ontario, déclara que c’était « un homme d’une personnalité attachante, avec de fortes convictions et un très grand zèle dans le service de son Seigneur et Maître ».
Lancelot Peter Minehan a prononcé une allocution intitulée « Civil service reform » devant l’Empire Club of Canada le 8 nov. 1906 (Empire Club of Canada, Speeches (Toronto), 1906–1907 : 71–76).
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MICHAEL POWER, « MINEHAN, LANCELOT (Launcelot) PETER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/minehan_lancelot_peter_15F.html.
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Auteur de l'article: | MICHAEL POWER |
Titre de l'article: | MINEHAN, LANCELOT (Launcelot) PETER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 7 déc. 2024 |