MORRIS, CHARLES, officier dans l’armée et dans la milice, arpenteur, fonctionnaire, homme politique et juge de paix, né le 18 novembre 1759 à Hopkinton, Massachusetts, fils aîné de Charles Morris* et d’Elizabeth Bond Leggett, et petit-fils de Charles Morris*, premier arpenteur général de la Nouvelle-Écosse ; le 18 novembre 1786, il épousa à Halifax Charlotte Pernette, fille du colonel Joseph Pernette, et ils eurent 15 enfants, dont Frederick William* ; décédé le 17 décembre 1831 au même endroit.
Charles Morris vint probablement à Halifax en 1760, année où ses parents semblent y être arrivés. En mars 1778, il reçut une commission de lieutenant dans les Loyal Nova Scotia Volunteers, régiment levé dans la province, et, en septembre 1779, il passa au 70th Foot qui se trouvait alors à Halifax. Promu lieutenant le 6 mars 1782, il fut mis à la demi-solde au retour de la paix, en 1783. Quelque temps après, il fut apparemment nommé arpenteur adjoint par son père, arpenteur général de la Nouvelle-Écosse, et commença à l’assister dans son service, qui était particulièrement occupé à cause de l’arrivée des loyalistes. Morris se trouva ainsi très pris, car il exerçait à l’occasion les fonctions de son père, qui était atteint de la goutte (et à qui il succéderait en 1802).
Morris fit son entrée sur la scène politique au début de 1788 en se portant candidat à l’élection partielle tenue dans la circonscription de Halifax en raison de la nomination de Sampson Salter Blowers* au Conseil de la Nouvelle-Écosse. L’affaire des Juges, qui soulevait la controverse depuis un an [V. Thomas Henry Barclay ; James Brenton*], eut une incidence sur l’élection, car l’avocat loyaliste Jonathan Sterns, considéré comme le principal accusateur des juges, se présentait contre Morris. La campagne se déroula dans une atmosphère de violence : plusieurs personnes subirent des voies de fait et un homme mourut des suites de blessures reçues lors des émeutes qui entourèrent le scrutin. Morris remporta la victoire avec une forte majorité et fut porté en triomphe « sur les épaules de ses concitoyens [...] au milieu d’une foule immense qui emplissait l’air de mille cris de joie ». Morris refusa de se présenter en 1793, mais il entra de nouveau à l’Assemblée par suite d’une élection partielle en 1797 et y siégea jusqu’en 1806. Deux ans après, sur la recommandation du lieutenant-gouverneur, sir George Prevost*, il était nommé au Conseil de la Nouvelle-Écosse ; il devait y demeurer jusqu’à sa mort. Tout en occupant le poste d’arpenteur général, Morris fut capitaine (il allait plus tard devenir major) dans la milice de Halifax, juge de paix, conservateur des testaments et greffier à l’homologation des testaments à compter de 1798, puis surrogate general de la Cour d’enregistrement et d’examen des testaments ainsi que greffier de la Cour de vice-amirauté à compter de 1802.
Morris était donc un homme très occupé, et il se révélait passablement actif à l’Assemblée. Il lui arriva, en 1800, de déclarer à son beau-père qu’il avait été « si pris par [ses] affaires que la moitié du temps [il avait] eu du mal à savoir où donner de la tête ». Sa situation était d’autant plus grave que sa famille souffrait alors de la petite vérole. Mais, en 1807, les choses n’allaient guère mieux puisque Morris se plaignait de nouveau à Pernette : « Ma pauvre tête est bien affectée par les devoirs complexes de ma charge, et je crains de ne plus être en mesure de m’en acquitter encore pendant bien longtemps – en ces temps de nivellement et de turbulence [où il y a tant] d’envie, de haine, de malice, et si peu de charité, bien des gens déraisonnables manifestent pour la destruction et la violence une disposition qui rend mon poste insupportable. » Sa charge d’arpenteur général n’était d’ailleurs pas la seule à lui causer des difficultés. En raison de ses fonctions à la Cour de vice-amirauté, il fut poursuivi en 1805 devant la Haute Cour d’appel d’Angleterre pour le remboursement de plus de £1 200 de commissions ; le procès s’acheva finalement en sa faveur, mais l’obligea entre-temps à de grosses dépenses.
Après la guerre de 1812, Morris semblait plus détendu, même s’il était encore très pris. Il travailla dur pour établir les soldats réformés à l’intérieur de la province et pour aménager entre Halifax et Annapolis Royal une route qui desservirait les nouveaux établissements et donnerait accès aux ressources naturelles de la région. Morris participa aussi aux efforts que le gouvernement néo-écossais mettait en œuvre pour aider la population indienne. En 1815, il remit au lieutenant-gouverneur sir John Coape Sherbrooke un rapport complet sur les affaires indiennes. Le document plaidait contre l’octroi de concessions aux Indiens à titre individuel et recommandait de mettre à part des terres pour qu’ils en usent « de la manière dont ils [avaient] coutume de le faire ». Morris croyait aussi que l’on pouvait réserver l’orignal et d’autres animaux à l’usage exclusif des Indiens et que le gouvernement pouvait prendre des mesures pour fixer le prix de leurs pièces d’artisanat. En 1820, il présenta un plan sur lequel étaient indiquées les terres qui pourraient devenir des réserves.
Durant toute sa carrière d’arpenteur général, Morris eut à composer avec l’incompétence de nombre de ses adjoints et avec la difficulté de trouver du personnel qualifié et consciencieux. En 1802, il dénonça les « bévues et inexactitudes » d’un adjoint, lesquelles allaient obliger à recommencer les levés de certaines terres et, quatre ans plus tard, il reprochait à un autre adjoint d’arpenter des terres de la couronne sans que lui ou le lieutenant-gouverneur ne l’ait demandé. En 1814, il décrivait en ces termes une méthode de délimitation particulièrement douteuse : « monument perpétuel à la disgrâce de toutes les personnes qui se sont occupées de cette opération des plus honteuses ». Les problèmes de son service étaient tels que le lieutenant-gouverneur lord Dalhousie [Ramsay*] songea en 1819 à le remplacer, mais il se ravisa car il ne souhaitait pas ruiner la famille Morris.
Grâce à ses divers postes et à d’importants investissements fonciers (à sa mort, £6 500 en biens-fonds et £1 139 en hypothèques), Morris se bâtit une fortune personnelle considérable. Quand il mourut en 1831, il laissa une succession qui, selon diverses estimations, valait entre £8 000 et £9 000. Il avait une propriété de 900 acres à la campagne, près de Halifax, et possédait en ville une maison comparable à celles de personnages aussi importants que Blowers et Michael Wallace. Par ailleurs, Morris avait été président de la Charitable Irish Society en 1811 et 1816 ainsi que membre du Rockingham Club, cercle mondain fondé par sir John Wentworth* et relancé par Dalhousie en 1818.
Même si la mort de Charles Morris attira peu l’attention, sa carrière était digne de mention. Assailli par des problèmes familiaux et par les faiblesses de son personnel, il a laissé dans ses écrits l’image d’un fonctionnaire tourmenté. Toutefois, il s’acquitta bien, semble-t-il, de ses fonctions d’arpenteur général, et ce malgré la difficulté de concilier les réclamations foncières litigieuses d’individus et de groupes comme les Acadiens, les Micmacs et les loyalistes. En avril 1831, il avait été remplacé par son fils John Spry, qui resta en place jusqu’à ce que le poste d’arpenteur général soit fusionné à celui de commissaire des Terres de la couronne en 1851. Tant qu’exista le poste d’arpenteur général, il fut donc occupé par les Morris ; semblable continuité dans cette fonction ne s’est vue que dans le cas des Wright, de l’Île-du-Prince-Édouard.
APC, MG 23, D4.— Halifax County Registry of Deeds (Halifax), Deeds (mfm aux PANS).— PANS, MG 1, 192, no 19 ; 544 ; 794 ; 1206 ; MG 100, 112, folders 12–12.3 ; RG 1, 53, 169, 396B, 430–432 ; RG 35A, 1, no 3.— N.-É., House of Assembly, Journal and proc.— PANS, Board of Trustees, Report (Halifax), 1937.— Ramsay, Dalhousie journals (Whitelaw).— Novascotian, or Colonial Herald, 21 déc. 1831.— Nova-Scotia Royal Gazette, 4 févr. 1802.— Directory of N.S. MLAs.— Akins, Hist. of Halifax City.— E. A. Hutton, « The Micmac Indians of Nova Scotia to 1834 » (thèse de m.a., Dalhousie Univ., Halifax, 1961).— J. P. Martin, The story of Dartmouth (Dartmouth, N.-É., 1957).— Ethel Crathorne, « The Morris family – surveyors-general », N.S. Hist. Quarterly, 6 (1976) : 203–215.— Mme G. R. [Dorothy] Evans, « The Annapolis road – its weakest link », N.S. Hist. Soc., Coll., 38 (1973) : 91–112.— E. A. Hutton, « Indian affairs in Nova Scotia, 1760–1834 », N.S. Hist. Soc., Coll., 34 (1963) : 33–54.
Donald F. Chard, « MORRIS, CHARLES (1759-1831) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/morris_charles_1759_1831_6F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/morris_charles_1759_1831_6F.html |
Auteur de l'article: | Donald F. Chard |
Titre de l'article: | MORRIS, CHARLES (1759-1831) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 11 oct. 2024 |