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PENNY, EDWARD GOFF, journaliste, homme d’affaires et homme politique, né le 15 mai 1820 à Islington (maintenant partie de Londres), fils de John Penny et d’Emmiley May ; le 13 octobre 1857, à Montréal, il épousa Eleanor Elizabeth Finley, née Smith, et ils eurent un fils, Edward Goff ; décédé à Montréal le 11 octobre 1881.
Marchand de charbon londonien, le père d’Edward Goff Penny appartenait à la classe moyenne et avait des opinions libérales. Quant à Penny lui-même, il reçut de toute évidence une formation pratique, peut-être aussi bien sur le marché du travail que dans des établissements où l’on donnait des cours réguliers car, en plus d’avoir une intelligence vive et d’écrire avec facilité, il connaissait la sténographie. En 1844, il immigra à Montréal où ses connaissances lui permirent d’obtenir un poste d’apprenti reporter au Montreal Herald. Comme il n’était assuré de conserver son emploi qu’à la condition d’apprendre le français, Penny passa six mois dans une famille de Longueuil et en vint à parler assez bien cette langue. D’abord reporter judiciaire, ce qui lui donna l’occasion d’innover en introduisant la sténographie, il devint ensuite correspondant parlementaire du Herald quand l’Assemblée siégea à Montréal de 1844 à 1849. À la même époque, il étudia le droit et fut admis au Barreau du Bas-Canada en 1850, mais n’exerça jamais la profession d’avocat.
Depuis le début des années 1840, le Herald passait généralement pour le principal journal commercial de Montréal, mais il ne jouissait pas d’une réputation aussi assurée dans le domaine de la politique. Au moment de l’arrivée de Penny en 1844, on gardait un souvenir encore vivace des rébellions de 1837–1838, du débat sur l’Acte d’Union en 1841 et des positions extrêmement conservatrices adoptées par les rédacteurs en chef précédents, Adam Thom et James Moir Ferres*. Robert Weir, fils, qui occupait le poste de rédacteur en chef depuis 1838, était mort en 1843 et David Kinnear* avait pris la relève. Sous sa direction, le Herald commença de se faire connaître comme un journal conservateur modéré, quoique indépendant. Penny affirma plus tard qu’en tant que nouveau venu insensible aux animosités existant de part et d’autre au pays, il avait tempéré dans une certaine mesure le ton tory excessif du Herald. En 1846, un groupe composé de Kinnear, principal actionnaire, Penny, Andrew Wilson, administrateur, James Potts, imprimeur, et James Stewart, chroniqueur commercial, acheta le Herald des héritiers de Robert Weir père.
La volonté de modération des nouveaux propriétaires fut sérieusement mise à l’épreuve lorsque le projet de loi visant à indemniser les personnes qui avaient subi des pertes pendant la rébellion, présenté par le gouvernement réformiste de Louis-Hippolyte La Fontaine* et de Robert Baldwin*, provoqua de violentes réactions à Montréal en 1849 et donna lieu à un mouvement d’agitation en faveur de l’annexion aux États-Unis. Contrairement à ce que firent la plupart des journaux anglophones de Montréal durant cette période, le Herald évita d’adopter une attitude belliqueuse et de s’en prendre aux Canadiens français. Au début de juillet, le journal proposa cependant l’annexion pacifique du Canada aux États-Unis, en vue de compenser la désorganisation économique qui avait résulté de l’application du libre-échange par la Grande-Bretagne. En plus de signer le Manifeste annexionniste d’octobre 1849, comme la majorité des propriétaires du Herald, Penny occupa le poste rémunéré de secrétaire adjoint de l’Association d’annexion de Montréal, de la fondation de cet organisme jusqu’à sa dissolution en 1850.
À l’issue de 1849, année difficile, le Herald adhéra aux vues du parti libéral ou « rouge », en voie de formation au Bas-Canada, nouvelle orientation politique que Penny, quant à lui, trouva manifestement attirante. De loin celui qui avait le meilleur talent d’écrivain au journal, il remplaça Kinnear au poste de rédacteur en chef lorsque ce dernier vint à prendre sa retraite en 1856 ou 1857. Le 7 janvier 1863, un peu plus d’un mois après la mort de Kinnear, Penny et Wilson avaient pris la direction du journal et, en mars 1865, ils en étaient les seuls propriétaires. Tout en donnant une importance accrue aux comptes rendus très appréciés de l’activité commerciale montréalaise, Penny continua de soutenir fermement l’opposition faite par les rouges, et prit fait et cause dans ses éditoriaux pour les libéraux anglophones groupés autour de Luther Hamilton Holton*, allié politique et ami intime. À l’époque de la Confédération, Henry James Morgan* estimait que Penny était « incontestablement le journaliste le plus compétent associé à la presse rouge ou libérale ».
Deux faits contribuèrent en particulier à isoler Penny de la plupart de ses collègues journalistes, à savoir ses attaques contre le projet de confédération et l’appui qu’il donna à l’Union américaine durant la guerre de Sécession. Éprouvant un véritable respect pour les institutions américaines, Penny rejeta la cause sudiste qui constituait à ses yeux une trahison « inutile et insensée » et l’esclavage qu’il tenait pour « le crime le plus ignoble, le plus monstrueux et jadis le plus répandu de la chrétienté ». Il s’efforça par conséquent de rassurer les Canadiens qui s’inquiétaient de la menace latente que représentaient les nordistes pour leur pays et jugea « démentes » les opinions prosudistes les plus extrêmes formulées par certaines factions du parti conservateur. Son attitude lui valut « [un] isolement et [une] hostilité » qui lui parurent plus amères que ce qu’il eut à subir au cours des autres luttes politiques. Il rappela plus tard, en parlant des années de la guerre de Sécession, qu’elles avaient été les plus sombres de sa carrière de journaliste.
Dès qu’il en prit connaissance en 1864, Penny considéra le projet de confédération comme étant, au mieux, un « timide expédient ». Selon lui, ce projet éludait le problème fondamental de la représentation proportionnelle, que réclamaient les réformistes du Haut-Canada, et édifiait un système fédéral coûteux et vaguement défini qui risquait de laisser les protestants du Bas-Canada à la merci du groupe beaucoup plus nombreux des Canadiens français. Il estimait que « les Anglais et les Français du Bas-Canada [...] seraient bien mieux sous l’ancienne union, dotée d’une augmentation équitable du nombre des représentants du Haut-Canada ». Dans une brochure publiée en janvier 1867 et contenant une série de critiques de valeur inégale formulées directement à l’endroit de Londres, Penny soutint que le ministère des Colonies avait déjà porté préjudice au principe de la responsabilité ministérielle en intervenant de façon inconstitutionnelle en faveur du projet de confédération. Le parlement impérial, à son avis, devait s’abstenir de toute nouvelle ingérence en rejetant le projet de loi relatif à la confédération, dont il avait été saisi. Une brochure anonyme parue par la suite expédia Penny en l’accusant d’appartenir à « un restant de parti quasi annexionniste au Canada », charge à laquelle la Gazette fit écho. Cependant, une fois que la loi eut été votée, Penny demanda aux lecteurs du Herald de faire loyalement l’essai du nouveau régime. Mais en privé, en 1873, il parlait encore de George Brown*, leader réformiste et instigateur de la coalition qui avait soutenu le projet de confédération, comme d’un opportuniste hypocrite qui avait « tout vendu à l’ennemi ».
Bien que Penny eût parfois des sautes d’humeur, menaçant même au plus fort du scandale du Pacifique, en 1873, de retirer l’appui de son journal à l’alliance libérale, après que le Globe de Brown lui eut fait un affront, il était tenu en haute estime dans les cercles du parti libéral. À part sa nomination au poste de juge de paix en 1863 par le gouvernement de John Sandfield Macdonald* et d’Antoine-Aimé Dorion*, il ne reçut que peu d’honneurs publics de ce parti. Toutefois, le 13 mars 1874, après la victoire des libéraux que dirigeait Alexander Mackenzie*, on le nomma au sénat pour représenter la division québécoise d’Alma et, en mai 1875, il fut choisi l’un des commissaires du Canada à l’Exposition internationale du centenaire de Philadelphie de 1876.
Le Herald de Penny appuya constamment le « bon et honnête » gouvernement de Mackenzie de 1874 jusqu’à la fin de la campagne électorale de 1878. Le journal ne vit d’abord dans le projet de Politique nationale de sir John Alexander Macdonald* qu’un bluff cynique, puis le considéra comme un véritable danger, une « charlatanerie pernicieuse ». S’il était attiré par les idées du libre-échange, Penny reconnaissait que leur application allait poser des problèmes au Canada en raison de l’attitude de plus en plus protectionniste de son voisin américain. Néanmoins, il croyait qu’il y avait un « cours naturel des affaires » dans le commerce mondial et il s’opposait à ce que le gouvernement manipulât l’économie. Il accepta le verdict des électeurs mais estima que les mesures protectionnistes allaient se révéler « semblables aux pommes de la mer Morte, dont parlait la légende, qui ne contenaient que des cendres sous [leur] très belle pelure ».
Penny ne parlait pas seulement à titre de journaliste, mais aussi en tant qu’homme d’affaires prospère. Membre du conseil d’administration de la Compagnie du télégraphe de Montréal, il était également, selon la Gazette, « un gros actionnaire et un administrateur de plusieurs grands établissements publics ». Lorsqu’il mourut en 1881, il possédait une « assez belle fortune pour un gentleman ». Traduisant le véritable respect que les autres journalistes avaient pour lui, le Montreal Star affirma dans une notice nécrologique : « Monsieur Penny n’avait pas de rival comme rédacteur politique dans le dominion » ; comme pour corroborer cette assertion, le prestigieux Montreal Herald commença de décliner après sa mort.
Edward Goff Penny est l’auteur de : The proposed British North American confederation ; why it should not be imposed upon the colonies by imperial legislation (Montréal, 1867). Une réponse à cette brochure parut sous le titre de : The proposed B. N. A. confederation ; a reply to Mr. Penny’s reasons why it should not be imposed upon the colonies by imperial legislation (Montréal, 1867).
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Lorne Ste. Croix, « PENNY, EDWARD GOFF », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/penny_edward_goff_11F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/penny_edward_goff_11F.html |
Auteur de l'article: | Lorne Ste. Croix |
Titre de l'article: | PENNY, EDWARD GOFF |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
Date de consultation: | 12 nov. 2024 |