PERRAULT, JEAN-BAPTISTE, trafiquant de fourrures, maître d’école et auteur, né le 10 mars 1761 à Trois-Rivières (Québec), fils de Jean-Baptiste Perrault, négociant, et de Marie Lemaître ; décédé le 12 novembre 1844 à Sault-Sainte-Marie (Sault Ste Marie, Ontario).

Jean-Baptiste Perrault descend d’une famille qui s’est vite taillé une place enviable dans la société canadienne. Il compte parmi ses oncles Jacques*, dit Perrault l’aîné, important négociant de la ville de Québec, ainsi que Joseph-François, grand vicaire, et, parmi ses cousins, Joseph-François, « le père de l’éducation du peuple canadien », Jacques-Nicolas*, marchand puis seigneur, et Olivier*, juge et conseiller législatif. À la fin de ses études au petit séminaire de Québec, le jeune Perrault se tourne vers le commerce et le voyage. À titre de commis, il passe l’hiver de 1783–1784 à Cahokia (Illinois) en compagnie d’un trafiquant ami de son père. De retour à Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan) au printemps de 1784, il est engagé pour aller hiverner dans la région du haut Mississippi. Ce rite se répétera annuellement jusqu’en 1805.

Pendant cette période, les activités de Perrault s’exercent dans la région du lac Supérieur et particulièrement dans celle du Mississippi, depuis la rivière Chippewa (Wisconsin) en remontant jusqu’aux nombreux lacs qui forment la tête des eaux du Mississippi. Il travaille d’abord au sein de la General Company of Lake Superior and the South [V. Étienne-Charles Campion* ; John Sayer*]. À la dissolution de cette compagnie vers 1787, avec l’expérience qu’il a du « commerce sauvage », selon son expression, Perrault se lance comme trafiquant indépendant. En 1793, il entre au service de la North West Company. La première tâche qu’on lui confie est de bâtir le fort St Louis (Superior, Wisconsin), aussi appelé fort du Fond-du-Lac ; l’année suivante, on l’envoie construire un fort au lac du Cèdre-Rouge (lac Cass, Minnesota) pour en prendre la direction. De 1799 à 1805, Perrault est à la tête du poste de la rivière Pic (Ontario) sur la rive nord du lac Supérieur.

Durant ces années et au delà, la North West Company prend de l’expansion et cherche à s’assurer la mainmise sur tout le commerce de la fourrure. Cela ne va pas sans opposition et sans heurt. Assez ironiquement, l’opposition la plus soutenue provient des dissidents de la compagnie même, qui forment la New North West Company (appelée parfois la XY Company). Perrault raconte des anecdotes amusantes et aussi des épisodes cruels de cette lutte dont il sera lui-même victime en 1811 dans le territoire de la rivière Pic. Aussi émet-il ce jugement sévère : « Il faut [...] dire qu’alors le NWt étoit législateur et roi, tuoit, pendoit, voloit et violoit, &c. La mesure de leurs forfaits arrivoit à son comble. »

En 1805, Perrault revient à Rivière-du-Loup (Louiseville, Québec). Il passe l’année auprès de son père malade et il retrouve sa femme amérindienne et ses trois enfants qu’il a envoyés deux ans auparavant « pour les faire entrer dans le christianisme ». Il semble prévoir un retour définitif. Toutefois, comme son contrat avec la North West Company n’expire qu’en 1808, il reprend sa vie de commis hivernant : en 1806–1807, il va dans le haut Saint-Maurice ; il passe l’hiver suivant au poste de la rivière Agatinung (rivière Gatineau). À partir de cette date, son existence devient plus précaire et plus imprévisible que jamais. Pendant deux ans, il tient une école à Saint-François-de-Sales (Odanak). En 1810, il fait partie des membres de l’expédition de John Jacob Astor, qui, par voie de terre, se rendent au fleuve Columbia [V. Alexander MacKay*] ais il quitte le groupe à Michillimakinac. D’aventure en aventure, il échoue à la baie James pour ne revenir que deux ans après au Bas-Canada. Pendant la guerre de 1812, on le retrouve à Kingston, dans le Haut-Canada, puis la North West Company l’embauche comme maître charpentier à Sault-Sainte-Marie. Finalement, en 1817, la Hudson’s Bay Company lui confie la direction du poste de Michipicoten (Michipicoten River, Ontario). Deux facteurs semblent surtout responsables de sa situation précaire : d’un côté les difficultés de déplacer constamment une famille qui ne cesse de croître et de l’autre la disparition graduelle des gratifications et des privilèges accordés aux commis pour le transport et la subsistance de leur famille. En 1821, la fusion des deux grandes compagnies de fourrures amène la suspension définitive de ces privilèges. Perrault comprend qu’une ère vient de se terminer et qu’il n’y a plus de place pour lui. Il prend donc sa retraite et se fixe à Sault-Sainte-Marie.

Vers l’âge de 70 ans, à l’instigation de l’ethnologue Henry Rowe Schoolcraft, qui à juste titre voit en lui « un homme instruit, [...] courtois et doué d’une mémoire très fidèle », Jean-Baptiste Perrault décide de raconter sa vie de « voyageur ». Dans son récit, l’auteur reste d’une discrétion extrême à propos de sa vie privée, au point qu’on ne peut même pas dire avec certitude combien d’enfants il a eus. Par contre, on y trouvé la chronique très détaillée d’une époque de l’histoire du commerce des fourrures, l’identification de centaines de participants et des routes de pénétration, ainsi que la description des mœurs de cette gent aventureuse, des aléas du métier et des méthodes de troc. L’abondance de détails et l’ordre strictement chronologique du récit révèlent que Perrault a tenu un journal détaillé de ses allées et venues et des événements dont il a été témoin. Le texte est en outre accompagné de 11 cartes qui décrivent les principaux itinéraires de Perrault de manière si éclairante que, selon le géographe Benoît Brouillette, le journal est « encore plus précieux pour les explorations que pour la traite ». Quoiqu’il en soit, la valeur et la richesse de l’information du récit de Perrault ne font pas de doute tant aux yeux des géographes que des historiens.

Louis-Philippe Cormier

Le récit de Jean-Baptiste Perrault s’intitule « Relation des traverses et des avantures d’un marchant voyageur dans les terrytoires sauvages de l’Amérique septentrionale, parti de Montréal le 28e de mai 1783 ». Le manuscrit se trouve à la Library of Congress (Washington), dans les H. R. Schoolcraft papers. Quelques pages de ce manuscrit ont été traduites par Schoolcraft et insérées dans son ouvrage intitulé Historical and statistical information, respecting the history, condition and prospects of the Indian tribes of the United States [...] (6 vol., Philadelphie, 1851–1857 ; réimpr., New York, 1969), 3 : 353–359, sous le titre de « Indian life in the north-western regions of the United States, in 1783 [...] ». Une traduction du texte complet a paru dans Mich. Pioneer Coll., J. S. Fox, édit., 37 (1909–1910) : 508–619. L’original français a été publié en 1978 à Montréal sous le titre de Jean-Baptiste Perrault, marchand voyageur parti de Montréal le 28e de mai 1783, et édité par L.-P. Cormier.

ANQ-MBF, CE1-48, 10 mars 1761.— APC, RG 68, General index, 1651–1841.— ASQ, Fichier des anciens.— Les Bourgeois de la Compagnie du Nord-Ouest (Masson), 2 : 165.— Docs. relating to NWC (Wallace), 492.— Wis., State Hist. Soc., Coll., 10 (1888) : 502 ; 18 (1908) : 439, 441 ; 19 (1910) : 173–174 ; 20 (1911) : 397, 403, 430, 454.— Morice, Dict. hist. des Canadiens et des Métis (1908), 227.— C. N. Bell, The earliest fur traders on the upper Red River and Red Lake, Minn., 1783–1910 (Winnipeg, 1928), 16.— Benoît Brouillette, la Pénétration du continent américain par les Canadiens français, 1763–1846 [...] (Montréal, 1939), 136–142.— P.-B. Casgrain, la Vie de Joseph-François Perrault, surnommé le père de l’éducation du peuple canadien (Québec, 1898), 17, 22–24, 147.— Joseph Tassé, les Canadiens de l’Ouest (2 vol., Montréal, 1878), 1 : 337, 340.

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Louis-Philippe Cormier, « PERRAULT, JEAN-BAPTISTE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/perrault_jean_baptiste_7F.html.

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Auteur de l'article:    Louis-Philippe Cormier
Titre de l'article:    PERRAULT, JEAN-BAPTISTE
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
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