PIGAROUICH, baptisé Étienne, shaman algonquin et chrétien apostat ; circa 1639–1643.

Pigarouich maintint qu’il avait acquis ses pouvoirs de shaman en jeûnant pendant cinq jours et cinq nuits dans une cabane isolée. Il donnait des « festins à tout manger », chantait à tue-tête pendant les fêtes et interprétait les songes ; il s’accompagnait sur le tambour et, pour guérir les malades, il consultait les « génies », ou « ceux qui font la lumière ». Il tuait des hommes par sa sorcellerie. En récompense de ses services comme guérisseur, il acceptait des couvertures faites de peaux ou d’autres présents et exigeait que l’on offrît des cadeaux aux malades. Pour assurer le succès de la chasse, il chantait un chant qu’il avait appris en rêve. Comme tous les principaux sorciers, son peuple le craignait beaucoup.

Bien qu’il eût brûlé les outils de son métier quelque deux ans plus tôt, sa conversion et son baptême, dont fait mention le père Paul Le Jeune, eurent lieu en 1639. Au cours d’une expédition, il avait échappé de juste-se à des guerriers iroquois quelque temps auparavant et attribuait sa bonne fortune à la prière. Il se remaria peu après selon le rite chrétien. (Sa première femme et ses enfants avaient péri plus tôt dans une épidémie.)

A l’époque où il était encore sorcier, Pigarouich avait de longues discussions avec les prêtres et avouait parfois « toutes ses fourberies » avec la plus grande sincérité. Il craignait fort de voir les Européens nuire à ses pratiques. Discuteur habile, il inquiéta beaucoup les pères, tant avant qu’après son baptême.

Pigarouich s’entretint avec le père Le Jeune de la cérémonie de la tente tremblante, On installait une tente d’une hauteur d’environ sept pieds au moyen de perches retenues par un « cerceau » de bois, puis on la recouvrait de peaux et de couvertures. Le sorcier invoquait les génies en chantant et la tente, bien que solidement bâtie, était violemment secouée par le vent. Elle pliait parfois presque jusqu’à terre et on pouvait voir les bras et les jambes du sorcier. Il arrivait même à la tente d’être si fortement secouée que le sorcier, croyant que la terre allait s’ouvrir sous lui, fuyait, terrifié, pendant que la tente continuait à branler.

A Sillery, en 1643, il réunit de nombreux Indiens pour les faire prier. Il châtiait les pécheurs et prêchait dans la chapelle avec éloquence ; « un jour, il avoit aussi bien parlé que le Père Bressani qui venoit de prêcher fort bien », assure la Relation.

Pigarouich était de nature audacieuse, active et passionnée. Molesté par ses propres gens à Trois-Rivières, probablement parce qu’il avait abandonné son emploi de sorcier, il se rendit à Québec, où il retomba dans ses mauvaises habitudes. Bien que parfois profondément repentant, il s’adonna souvent à ses pratiques non chrétiennes durant l’hiver de 1643–1644 et fut à l’occasion banni tant par les Français que par les Indiens.

Ayant décidé de se joindre à un groupe de guerriers et craignant pourtant la mort, Pigarouich se rendit à Trois-Rivières pour supplier le père de Brébeuf de l’absoudre de ses péchés. Celui-ci lui refusa l’absolution. Il alla trouver le père Buteux à Montréal ; ce dernier entendit sa confession et écrivit plus tard qu’il n’avait « jamais ouy Sauvage mieux parler ny plus hardiment qu’il fit en l’Eglise l’espace d’un quart d’heure », ajoutant que « de sçavoir ce qu’il fera, il n’appartient qu’à Dieu, comme il ny a que luy qui sçache s’il est vrayement contrit ». Les Jésuites reconnurent, toutefois, que Pigarouich pouvait faire beaucoup pour favoriser ou pour entraver le progrès du christianisme parmi les Indiens. Il n’est plus question de lui après 1644.

Elsie McLeod Jury

JR (Thwaites).

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Elsie McLeod Jury, « PIGAROUICH, baptisé Étienne », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/pigarouich_1F.html.

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Auteur de l'article:    Elsie McLeod Jury
Titre de l'article:    PIGAROUICH, baptisé Étienne
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    1986
Date de consultation:    5 nov. 2024