ROE, HENRY, ministre de l’Église d’Angleterre, professeur et auteur, né le 22 février 1829 à Henryville, Bas-Canada, huitième des dix enfants de John Hill Roe, médecin, et de Jane Elizabeth Ardagh ; en 1855, il épousa Elizabeth Julia Smith (morte en 1896) et ils eurent quatre filles dont trois atteignirent l’âge adulte, puis le 19 octobre 1897, à Stanstead, Québec, Alexia Agnes Vial (morte en 1915) ; décédé le 3 août 1909 à Richmond, Québec.
Henry Roe connut une vie familiale mouvementée durant sa jeunesse. Sa famille vécut d’abord à Henryville, puis à Dorchester (Saint-Jean-sur-Richelieu) et ensuite à Christieville (Iberville). Deux de ses frères étaient morts bébés avant sa naissance ; quand il eut quatre ans, sa mère et son frère cadet moururent ; trois ans plus tard, une de ses sœurs décéda à son tour. Quelques mois après, la rébellion de 1837 éclata. La famille craignit un assassinat en raison de l’allégeance loyaliste du père et Henry fut envoyé vivre chez une tante au Vermont. En 1842, trois ans après son retour, son père mourut dans un accident de bateau sur la rivière Richelieu. Dénués de tout, les six enfants survivants habitèrent ensemble à Montréal durant un an et demi, puis prirent chacun leur chemin. Henry, alors âgé de 14 ans, s’inscrivit au McGill College et s’installa en résidence, car il avait remporté la bourse octroyée par le baron de Longueuil, Charles William Grant.
Les Roe avaient grandi au sein de l’Église d’Angleterre et, comme Henry le rappela plus tard, il était « en quelque sorte convenu (comment, [il] ne le sa[vait] pas) » qu’il serait ordonné ministre du culte. L’influence dominante qu’il subit semble avoir été celle de sa sœur aînée Frances, personne pieuse qui l’éleva après la mort de leur mère. Quand l’Église d’Angleterre ouvrit le Bishop’s College à Lennoxville à l’automne de 1845, Roe s’y inscrivit à la suggestion de son ministre. Il subit alors l’influence du jeune directeur et professeur de théologie de cet établissement, Jasper Hume Nicolls*, qui avait étudié à Oxford, à l’Oriel College, foyer du tractarianisme. Des relations de la famille Roe au penchant nettement évangélique furent alarmées et le ramenèrent à Montréal, mais il était trop tard. Après avoir occupé un emploi de teneur de livres pendant un an, il retourna au Bishop’s College, où il termina ses études en lettres, enseigna à la grammar school, et suivit des cours de théologie. Il fut ordonné diacre en 1852 et prêtre en 1853 par George Jehoshaphat Mountain*, évêque anglican de Québec. Il reçut sa licence ès arts tardivement en 1854, année où le Bishop’s College décerna ses premiers diplômes. Le collège lui accorderait par la suite une maîtrise ès arts en 1867, un doctorat en théologie en 1879, puis un doctorat en droit canon en 1896.
Roe consacra le reste de sa vie au ministère dans le diocèse de Québec. Ce n’était pas un choix avisé selon des critères matérialistes puisque, comparativement au diocèse voisin de Montréal, celui de Québec donnait à l’observateur anglican l’impression d’être économiquement désavantagé, intellectuellement pauvre et socialement limité. Sa faible population anglophone était peu susceptible de permettre la création de paroisses anglicanes florissantes. C’est pourquoi Roe en étonna plusieurs en 1852 quand il refusa la cure de la cathédrale Christ Church, à Montréal, qui regroupait la congrégation anglicane la plus prestigieuse au Bas-Canada, pour faire du ministère auprès de la communauté isolée de New Ireland, au sud de Québec, où il demeura de 1852 à 1855. Après son mariage, en 1855, il céda aux vœux de sa femme et de son évêque en s’installant à Québec, mais au moins, sa paroisse, St Matthew – qui se trouvait alors en banlieue –, desservait une population d’artisans et de petits commerçants. Durant l’année 1868, la dernière qu’il passa à St Matthew, il quitta Québec et, tout en continuant de recevoir son traitement, devint l’assistant du professeur de théologie du Bishop’s College.
Roe se sentit alors poussé à établir une présence anglicane dans les Cantons-de-l’Est. La région avait connu une croissance spectaculaire depuis 1852, année où l’on avait terminé le chemin de fer entre Montréal et Sherbrooke [V. sir Alexander Tilloch Galt*]. Il fut nommé en 1868 titulaire d’une paroisse qui comprenait les villages de Richmond et de Melbourne ; c’est de là qu’il fonderait de nouvelles églises dans d’autres villages. Tout en enseignant au Bishop’s College de 1873 à 1891, il continua son travail missionnaire, organisant de nouvelles congrégations dans les environs de Lennoxville et recrutant ses étudiants pour présider le culte et enseigner à l’école du dimanche. En 1891, on le nomma agent missionnaire général pour établir de nouvelles églises, pourvoir aux paroisses sans clergé et recueillir des fonds pour les missions. Il remplit cette fonction durant trois ans, puis termina sa carrière comme titulaire de la charge de Windsor Mills (Windsor) de 1894 à 1899. En tout, Roe construisit 12 nouvelles églises dans les Cantons-de-l’Est et en reconstruisit une autre. La plupart avaient atteint l’autosuffisance quand il les quitta, ce dont il tirait quelque fierté, car jusqu’en 1862, l’évêque Mountain avait déclaré que des congrégations anglicanes autosuffisantes tenaient de l’impossible.
En 1873, Roe était devenu le seul professeur de théologie du Bishop’s College, établissement minuscule dont le nombre total d’étudiants inscrits en lettres et en théologie ne dépassait pas 25. Ses connaissances étaient plus étendues qu’approfondies, et il ne publia aucune savante étude. Il excellait toutefois dans la collecte de fonds. Il parvint à réunir des sommes considérables qui permirent de pourvoir au poste de recteur et à deux charges de professeurs au Bishop’s College et au Collège des dames de Compton, et à doter de nombreuses fondations paroissiales, églises et fonds de mission. En 1875, on le nomma doyen et en 1882, vice-recteur.
La théologie de Roe s’inspirait de la Haute Église. Il croyait que la structure anglicane – l’organisation de son clergé, l’autorité de ses prêtres, sa vie sacramentelle, ses rites liturgiques, ses croyances, son souci des Écritures – était apostolique par son origine et ecclésiastique par son essence. Il rejetait catégoriquement les historiens qui démontraient qu’une grande partie de la structure de l’Église était héritée des Grecs et ne venait pas du Christ. Il n’avait que faire de l’anglicanisme de la Basse Église et de son lien insuffisant avec la tradition, ou du protestantisme dissident et du catholicisme romain et de leurs formes impures. En fait, une motivation importante de son travail missionnaire dans les Cantons-de-l’Est était de contrer les efforts des méthodistes et des baptistes. En même temps, cependant, il intégrait à son ministère des pratiques évangéliques comme la prière libre, les sermons improvisés, les hymnes chantées avec émotion, les appels évangélistes, les réunions de prières régulières en petits groupes, l’école du dimanche et les aides laïques.
Ce qui distingua Roe tout au long de sa carrière fut son penchant pour la controverse. Encore étudiant en théologie, il débattit de la régénération baptismale dans la presse religieuse. Quand le régime synodal fut introduit dans le diocèse de Québec en 1857, il mena la lutte contre un mouvement qui cherchait à étendre l’autorité des laïques. L’une de ses réunions du conseil d’administration de la paroisse à St Matthew attira une assistance courroucée et la police dut intervenir. Critiqué en 1858 pour avoir diffusé un catéchisme inspiré de la Haute Église, il publia une réplique si virulente que, prétendit-il, son principal adversaire fut forcé de quitter le diocèse. En 1859, une commission épiscopale enquêta sur des accusations portées contre lui, qui se révélèrent sans fondement, voulant qu’il ait invité une paroissienne à se confesser, pratique considérée comme « papiste ». En qualité de correspondant du Church Journal de New York et plus tard du Guardian de Londres, il publia des rapports provocateurs et empreints de parti pris sur les affaires ecclésiastiques canadiennes. En 1876, il fit imprimer une lettre qui attaquait la dépendance de la grammar school à l’égard du Bishop’s College, ce qui provoqua une riposte mordante du président des administrateurs du collège, Richard William Heneker*. En 1890–1891, il se querella avec le recteur, Thomas Adams, qui, selon lui, était trop permissif au chapitre de la discipline imposée aux étudiants, et il démissionna de sa charge de professeur. Si l’on en juge d’après ceux qui ont été imprimés, ses sermons avaient un accent polémiste. Il publia des traités théologiques et des lettres dans la presse contre plusieurs doctrines de l’Église catholique. Il fit une mise en garde contre la vague d’établissements canadiens-français dans les Cantons-de-l’Est. Bien qu’il ne soit pas passé inaperçu dans les synodes diocésains et provinciaux, il se retrouvait souvent du côté minoritaire. Il soumit même son futur gendre à un interrogatoire en théologie avant de lui accorder sa fille en mariage.
Pendant près d’un demi-siècle, Henry Roe fut une force importante au sein de l’Église d’Angleterre au Canada et contribua largement à amplifier la présence anglicane au Québec. En 1888, il fut nommé archidiacre, fonction qui, dans le diocèse de Québec, ne le cédait en autorité et en prestige que devant l’évêque. Par son enseignement, ses écrits et son ministère pastoral, il fit progresser la pensée de la Haute Église au sein de l’anglicanisme canadien et en fit la norme dans le diocèse de Québec. Il fit peu, cependant, pour élargir la vision intellectuelle du petit univers de l’anglicanisme dans la province.
Les papiers de Henry Roe, dont une autobiographie manuscrite, des journaux intimes, de la correspondance et des documents familiaux, font partie de la coll. Mountain-Roe-Jarvis (M74-5) de l’EEC, General Synod Arch. (Toronto). Roe n’a pas publié d’œuvres importantes, mais il a écrit une foule d’articles de journaux, des lettres à la presse religieuse et à la presse profane, et divers rapports. La plupart des sermons et des opuscules polémiques qu’il a publiés sont énumérés dans le Répertoire de l’ICMH. On peut consulter les autres à la MTRL. [a. l. h.]
AC, Saint-François (Sherbrooke), État civil, Anglicans, Lennoxville, 6 août 1909.— ANQ-E, CE1-48, 19 oct. 1897.— Canadian Churchman, 23 sept. 1909 : 571.— Église d’Angleterre, Church Soc. of the Diocèse of Quebec, Annual report, 1870–1890 ; Diocèse of Quebec, Journal of the synod, 1870–1890.— D. C. Masters, Bishop’s University, the first hundred years (Toronto, 1950).
Alan L. Hayes, « ROE, HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/roe_henry_13F.html.
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Auteur de l'article: | Alan L. Hayes |
Titre de l'article: | ROE, HENRY |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 8 oct. 2024 |