SPROAT, GILBERT MALCOLM, homme d’affaires, fonctionnaire, magistrat et auteur, né le 19 avril 1834 à Brighouse Farm, près de Borgue, Kirkcudbrightshire, Écosse, fils d’Alexander Sproat, fermier, et de Hectorine Shaw ; le 23 décembre 1862, il épousa à Victoria Katherine Ann (Anne) Wigham, et ils eurent une fille et deux fils ; décédé dans cette ville le 4 juin 1913.

Issu d’une nombreuse famille aux moyens modestes, Gilbert Malcolm Sproat fréquenta la Borgue Grammar School et le Haddon Hall de Dumfries. En 1860, même s’il avait étudié en vue d’entrer dans la fonction publique en Inde, il partit pour l’île de Vancouver en tant qu’employé de l’Anderson and Company, qui projetait de construire une scierie sur le canal Alberni (inlet Alberni, Colombie-Britannique). Il arriva à Victoria en avril avec les hommes et l’équipement nécessaires et avec une lettre de recommandation à l’intention du gouverneur James Douglas*. En 1863, il succéda à Edward Stamp* à titre de directeur local de l’Anderson and Company. Douglas lui offrit un siège au Conseil législatif de la colonie, mais il refusa. Le 24 juillet 1863, Sproat prêta serment pour être juge de paix de l’île de Vancouver. Il devint ainsi, dans les faits, l’agent du gouvernement sur la côte ouest de l’île.

L’entreprise du canal d’Alberni fut liquidée en 1865 après qu’un incendie eut détruit la scierie. Sproat retourna en Angleterre. Cependant, son séjour sur la côte du Pacifique avait changé sa vie. Non seulement avait-il acquis de l’expérience dans les affaires et l’administration publique, mais il avait été témoin du conflit entre colons et Amérindiens quand il avait dû construire la scierie sur des terres autochtones. Ce contact lui inspira son livre le plus connu, Scenes and studies of savage life. Parue en 1868, cette étude sur les Ahts de la côte ouest de l’île de Vancouver, auxquels James Cook* avait donné le nom de Nootkas, comprenait un glossaire étoffé (Sproat avait appris leur langue) et constituait, pour l’époque, un portrait documenté, attentif et compatissant de ces gens. Sproat présenta également des communications à l’Ethnological Society of London.

En Angleterre, il mit sur pied le « comité londonien d’observation des affaires de la Colombie-Britannique ». Au moment de la fusion de l’île de Vancouver et de la Colombie-Britannique continentale, en 1866, ce comité chercha à faire instaurer, dans la nouvelle colonie, des institutions représentatives comme celles de l’île. L’échec de cette tentative convainquit Sproat que l’Angleterre était et demeurerait terriblement ignorante des affaires britanno-colombiennes et que, pour que le ministère des Colonies adopte ce que lui-même considérait comme des mesures convenables, il fallait absolument le renseigner et exercer des pressions sur lui. Durant toute cette période, il continua de s’intéresser à la Colombie-Britannique. Il laissa même son nom figurer sur la liste des candidats possibles au poste de gouverneur en 1869.

Après une courte visite en Colombie-Britannique au moment de l’entrée de cette colonie dans la Confédération en 1871, Sproat devint de son propre chef le premier agent général de la province à Londres. Il se dépensa sans compter comme conseiller et publiciste en émigration, et produisit entre autres un guide pour les émigrants en 1873. Toutefois, il allait jouer un rôle important seulement après son retour en Colombie-Britannique, probablement en 1876. La province et Ottawa, dans l’espoir de résoudre leurs différends sur les titres fonciers et les réserves autochtones, avaient convenu de mettre sur pied une commission des réserves indiennes qui allouerait des terres aux diverses nations autochtones. Au début de 1876, chacun des deux gouvernements nomma un représentant. Alexander Caulfield Anderson* fut mandaté par le gouvernement fédéral et Archibald McKinlay, par la province. Sproat serait le commissaire nommé par les deux gouvernements.

La commission connut des débuts difficiles. La province mit du temps à accepter le choix du commissaire et fit valoir qu’elle ne devrait pas être obligée de contribuer aux frais de la commission, car les affaires indiennes étaient exclusivement de compétence fédérale. Elle finit par adoucir sa position, mais les négociations sur le montant exact de la contribution financière de Victoria furent si longues que les commissaires se mirent au travail tardivement, et dans des circonstances peu propices, à l’automne de 1876. Puis, en 1877, lorsque la province commença à recevoir les comptes de frais, elle se plaignit à nouveau. Pour des raisons d’économie, Sproat effectua seul les travaux de la commission de 1878 à 1880.

Tout en reconnaissant que le déplacement des habitants autochtones serait inévitable, Sproat était beaucoup plus sensible que ses contemporains aux ambiguïtés morales et juridiques de ce processus. Il était même surpris de voir combien les colons vivant dans le voisinage des Amérindiens les connaissaient mal, quoique cette méconnaissance n’eût pas empêché la plupart d’entre eux de croire que les autochtones n’avaient aucun droit. Par ailleurs, Sproat admirait Douglas et entendait bien veiller, autant que le gouverneur l’avait fait, à ce que les Amérindiens reçoivent assez de bonnes terres pour assurer leur subsistance. Cette prise de position suscita des protestations dans la presse et au Parlement. Dans un cas célèbre, Sproat accusa Cornelius O’Keefe de tenter d’exercer illégalement un droit de préemption sur des terres dont il savait qu’elles étaient revendiquées depuis longtemps par les autochtones. Voyant que le gouvernement provincial semblait prendre le parti d’O’Keefe, il menaça de transformer cette querelle sur une réserve en un litige sur les droits territoriaux des autochtones. Or, le gouvernement fédéral avait décidé de ne pas soulever la question de ces droits si la province acceptait de créer une commission et collaborait avec elle.

Au fil de ses quelque trois ans et demi à la commission, Sproat éprouva de plus en plus de sympathie pour les Amérindiens en voyant comment le gouvernement provincial les traitait. Dès 1879, il avait la conviction que la province ne reconnaîtrait jamais leurs droits territoriaux et ferait tout pour leur concéder le moins de réserves possible. En plus, il devait faire face aux obstacles juridiques que le premier ministre George Anthony Walkem* élevait à la concession des réserves et, au dire d’un fonctionnaire, évoquer les questions autochtones devant Walkem était « comme lui signaler la présence d’un serpent à sonnettes ». Comme, à l’époque, les gouvernements provinciaux étaient instables et dépendaient beaucoup du vote des colons, la position de Sproat ne tarda pas à devenir intenable. Il s’attira d’autres critiques de la population pour son encouragement à ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui des initiatives d’autonomie gouvernementale de la part des Indiens de la rivière Thompson ; il remit sa démission en 1880 en déclarant au gouvernement du dominion qu’il ne voulait pas se faire l’instrument par lequel Ottawa communiquerait son désaccord aux Amérindiens. Son successeur en tant qu’unique commissaire des réserves était le beau-frère de Joseph William Trutch*, Peter O’Reilly*, dont les idées s’accordaient peut-être mieux que les siennes à la conception provinciale de la politique sur les réserves.

En 1883, Sproat se rendit pour la première fois dans la région de Kootenay. Il agissait encore comme représentant du gouvernement, mais il avait le mandat de faire un rapport sur ce territoire. Dès lors, il fut longtemps attaché à cette région, surtout après être devenu le magistrat rémunéré à Farwell (Revelstoke) en 1885, puis commissaire de l’or et des terres de la région en 1886. On peut lui attribuer la fondation de plusieurs localités, dont Revelstoke et New Denver. Les habitants de ce coin de pays en vinrent à le surnommer « le juge » et « le père de [la région de] Kootenay ». Il cessa de travailler pour le gouvernement en 1889, mais resta un certain nombre d’années dans l’arrière-pays à vendre et à acheter des propriétés.

Une fois de retour à Victoria en 1898, Sproat passa la plus grande partie de son temps à faire de la recherche, à écrire et à corriger ceux qui, selon lui, donnaient publiquement une fausse idée de l’histoire des débuts de la Colombie-Britannique. Il publia des lettres et quelques éditoriaux dans les journaux ; il rédigea et édita des textes qui parurent dans des quotidiens et des hebdomadaires. En outre, il composa des sections importantes d’un ouvrage d’histoire sur les colonies britanniques du Pacifique Nord. Même sans compter cet ouvrage, dont il ne subsiste que certaines parties, la liste de ses publications est plus que digne du victorien autodidacte qu’il était. L’ex-premier ministre de la province Amor De Cosmos* aurait dit : « [Sproat est un] homme qui en a oublié plus en un jour que la plupart d’entre nous peuvent en apprendre dans toute une vie. »

Vers la fin de sa vie, Gilbert Malcolm Sproat souffrit de problèmes cardiaques. Séparé de sa femme, qui avait choisi de rester en Angleterre, il passa ses derniers jours chez Brenda Peers, petite-fille de James Murray Yale*, qui avait été chef de poste à la Hudson’s Bay Company. Selon elle, Sproat était « d’un naturel agréable et plutôt tranquille. Toujours raffiné et poli mais sévère au besoin. » Le lac Sproat, près de l’extrémité de l’inlet Alberni, perpétue sa mémoire.

Hamar Foster

Une nouvelle édition de Scenes and studies of savage life, de Gilbert Malcolm Sproat, préparée par Charles Lillard a paru à Victoria en 1987 sous le titre The Nootka : scenes and studies of savage life. Sproat a lui-même édité les souvenirs de John Tod*, « Career of a Scotch boy who became Hon. John Tod : an unfashionable true story », publié dans le Victoria Daily Times, 30 sept.–23 déc. 1905 (republié par la suite sous le titre « Career of a Scotch boy », Madge Wolf- enden, édit., dans British Columbia Hist. Quarterly (Victoria), 18 (1954) : 133–238) ; Sproat est aussi l’auteur de « Sir James Douglas, k.c.b. », dans le Week, de Victoria, 9 sept.–11 nov. 1911 (on trouve aussi ce texte aux pages 96 à 103 de l’album de coupures de journaux de John Thomas Walbran aux BCARS, S/S/W14).

On trouve 40 rapports et notes de service de Sproat, ou le concernant dans les documents des Affaires indiennes aux AN, RG 10, 3611–3612, 3617, 3637, 3645–3647, 3650, 3653, 3656–3657, 3663, 3666–3668, 3670, 3698–3700, 3707, 3711–3712, 3716, 7537 (mfm aux BCARS). D’autres textes écrits par Sproat sont conservés dans ses papiers aux BCARS, Add. mss 257, et dans deux autres collections gardées au même endroit, sous les cotes Add. mss 354 et G/N32/C69 : 399.

BCARS, GR 494 ; W/Sp8S.—C.-B., Papers connected with the Indian land question, 1850–1875 (Victoria, 1875 ; réimpr., 1987 avec un supplément, « Papers connected with the Indian land question, 1877 ») ; Legislative Assembly, Sessional papers, 1878 : 499–505 ; 1884 : 309–323 ; 1885 : 391402.— Robin Fisher, « An exercise in futility : the joint commission on Indian land in British Columbia, 1875–1880 », SHC, Communications hist. (Ottawa), 1975 : 7994.— T. A. Rickard, « Gilbert Malcolm Sproat », British Columbia Hist. Quarterly, 1 (1937) : 2132.

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Hamar Foster, « SPROAT, GILBERT MALCOLM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/sproat_gilbert_malcolm_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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