Moir, Susan Louisa (Allison), enseignante, éleveuse pionnière, commerçante, historienne et auteure, née le 18 août 1845 à Colombo, Ceylan (Sri Lanka), troisième enfant de Stratton Moir et de Susan Louisa Mildern ; le 3 septembre 1868, elle épousa à Hope, Colombie-Britannique, John Fall Allison (décédé en 1897), et ils eurent 14 enfants ; décédée le 1er février 1937 à Vancouver.

Susan Louisa Moir naquit au Ceylan. Elle perdit son père, planteur de café d’origine écossaise, à l’âge de quatre ans. Sa mère l’emmena alors, ainsi que son frère, Stratton, et sa sœur, Jane Shaw, vivre chez des parents en Grande-Bretagne. Malgré ses revenus limités, Mme Moir envoya ses enfants dans des écoles londoniennes. La jeune Susan Louisa se passionna pour le savoir et les chroniques familiales. En 1855, Mme Moir convola en justes noces avec Thomas Glennie. Le nouveau mari avait reçu plusieurs héritages considérables, mais les avait tous dépensés. En 1860, il décida de chercher fortune comme gentleman-farmer dans la colonie de Colombie-Britannique, où il espérait s’enrichir durant la ruée vers l’or. Il partit avec sa femme, Susan Louisa et Jane Shaw.

Selon les souvenirs de Susan Louisa, sa sœur et elle étaient « avides d’aventure ». Grâce à certaines personnes rencontrées au centre minier de Hope – notamment William Charles*, de la Hudson’s Bay Company, et sa femme, Mary Ann, de la famille de commerçants de fourrures Birnie –, elles s’adaptèrent au mode de vie des pionniers. Quant à Glennie, dépensier invétéré, il ne réussit pas à s’établir comme fermier, et abandonna sa famille après le mariage de Jane Shaw avec l’arpenteur Edgar Dewdney*, en mars 1864.

En 1865, Susan Louisa et sa mère quittèrent Hope, ville alors en déclin, et s’installèrent chez Jane Shaw à New Westminster. Susan Louisa trouva un emploi à Victoria : Amelia Birnie, sœur de Mary Anne Charles et mariée à John McAdoo Wark, l’engagea comme gouvernante. Avec l’argent d’un modeste héritage, elle passa ensuite une saison à New Westminster. Son frère, qui avait eu vent des difficultés financières de sa mère et de sa sœur, s’embarqua pour la Colombie-Britannique, mais mourut en route en octobre 1866. L’année suivante, Susan Louisa retourna à Hope avec sa mère pour ouvrir une école. Elle noterait qu’elle « n’aimait pas enseigner, mais que cela bonifiait [son] petit revenu ».

Susan Louisa ne tarda pas à fréquenter John Fall Allison. De 20 ans son aîné, cet éleveur né en Angleterre avait vécu dans l’est des États-Unis avant de s’aventurer dans les champs aurifères de la Californie, puis en Colombie-Britannique. Il fit de la prospection et de l’arpentage, tout en démarrant un ranch dans la vallée Similkameen. Il passait par Hope en conduisant son bétail vers les marchés à l’ouest. En se mariant avec lui en 1868, Susan Louisa se vit confrontée à d’autres aspects de l’existence de pionnier et initiée au charme romantique de ce qu’elle appellerait « la vie sauvage, libre ». Il y avait peu de colons dans la partie sud de l’intérieur de la colonie et aucun près de leur ranch. Quand John Fall s’absentait pour la transhumance, Susan Louisa s’occupait de la gestion du ranch, ainsi que du poste de traite et du bureau de poste qu’il avait établis dans leur maison. Elle apprit le pidgin chinook [V. Jean-Marie-Raphaël Le Jeune*], et se lia d’amitié avec des employés et des voisins similkameens. Entre juillet 1869 et août 1892, elle donna naissance à 14 enfants. Des femmes autochtones l’aidèrent à les mettre au monde et à les élever, mais elle scolarisa elle-même la plupart d’entre eux.

Dans les années 1870, Allison et son associé, Silas W. Hayes, déplacèrent la partie principale du ranch sur la rive ouest du lac Okanagan. Là, à Sunnyside Ranch, Susan Louisa aimait participer à des activités avec ses enfants et écouter les histoires racontées par les Okanagans, aussi connus sous le nom de Syilx. Elle traversa des moments difficiles durant l’agitation autochtone à la fin des années 1870. Son mari entretenait de bonnes relations avec les chefs des Premières Nations et recommandait vivement que le gouvernement règle la question des terres [V. Gilbert Malcolm Sproat*]. Les communautés autochtones l’associaient néanmoins aux représentants du gouvernement ; par exemple, à partir de sa nomination comme juge de paix en 1876, on établirait un lien entre le juge John Carmichael Haynes* et lui. En outre, Susan Louisa s’inquiétait des méfaits du hors-la-loi Allan McLean* et de ses frères.

Des pertes financières et la dissolution de son partenariat avec Hayes, au début des années 1880, poussèrent Allison à vendre ses propriétés de l’Okanagan et à retourner dans la vallée Similkameen. Il ouvrit un poste de traite faisant aussi office de magasin, semblable à celui qu’il avait précédemment établi à cet endroit. Susan Louisa n’aimait pas tenir le magasin ; dans ses mémoires, elle se dit « condamnée » à cette tâche. Elle affronta quelques crises, dont un incendie qui ravagea la maison du ranch en 1882 et une inondation qui la détruisit de nouveau, de même que 13 autres bâtiments, en 1894. Malgré ces difficultés, les Allison reçurent avec courtoisie et hospitalité des visiteurs illustres, tel le général américain William Tecumseh Sherman, de passage dans la région en 1883. Susan Louisa avait peu de temps pour consigner les chroniques familiales ou les histoires des Similkameens, avec lesquelles elle divertissait sa progéniture. Heureusement, les Dewdney s’installèrent à Victoria en 1892 ; ils l’aidèrent en hébergeant certains des enfants Allison, afin qu’ils poursuivent leurs études.

Allison mourut en 1897. Des mines et des villes (Granite Creek et Princeton) s’étaient alors déjà développées près du ranch. Susan Louisa dut surmonter plusieurs défis : l’inexistence de liaison ferroviaire, la concurrence des détaillants, l’échec des projets miniers et le départ de ses fils aînés.

Peu après son mariage, Susan Louisa, pour suppléer à la compagnie de John Fall durant ses absences, avait commencé à s’adonner à l’écriture. Elle notait des histoires, des incidents et des coutumes autochtones dans ses livres de comptes. Toutefois, ce ne fut que plus tard dans sa vie qu’elle envisagea de les soumettre à un lectorat plus large. Ses premières publications s’inspiraient de ses relations avec les membres des Premières Nations. Dans un article paru dans le Report of the sixty-first meeting de la British Association for the Advancement of Science en 1892, elle s’inquiète du fait que les Similkameens s’étaient « détériorés » au cours « des vingt dernières années et s’éteignaient rapidement ». Elle ne parle pas de leur résistance incessante dans le dossier des terres. Elle n’y mentionne pas non plus (tel qu’elle le ferait dans ses mémoires) que son mari avait eu des liaisons avec des femmes similkameens, que l’on reconnaissait localement comme des Allison les enfants métis nés de ces unions, ni qu’elle estimait entretenir avec l’une d’elles, Lily, une profonde amitié. Dans un deuxième article, plus long, paru la même année dans le Journal de l’Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, Susan Louisa ne décrit pas les Similkameens comme appartenant à une nation moribonde, mais comme des gens « fiers et indépendants » : « Ils ont leurs propres fermes dans la réserve et emploient de la main-d’œuvre blanche et chinoise. »

En 1900, Mme Allison publia à Chicago, sous le pseudonyme de Stratton Moir, un poème narratif basé sur l’histoire des Similkameens intitulé In-cow-mas-ket. Plus tard, elle fit paraître, sous son vrai nom, des récits en prose de la vie autochtone et des débuts de la colonisation européenne dans le Similkameen Star de Princeton, et sa version de légendes autochtones dans les rapports annuels de l’Okanagan Historical and Natural History Society (appelée Okanagan Historical Society à partir de son rapport de 1935). Elle cessa ses activités et s’installa à Vancouver en 1928. Un journaliste du Vancouver Daily Province, Cecil Oscar Scott, l’encouragea alors à écrire ses mémoires, dont il planifia la publication en feuilleton dans 13 numéros de l’édition dominicale du journal en 1931. Leur qualité littéraire et leur façon intéressante de décrire la vie de pionnier attirèrent l’attention.

À sa mort, en 1937, Susan Louisa Allison avait déjà acquis une réputation d’historienne locale. On l’avait nommée présidente honoraire de la Similkameen Historical Association en 1932 et de l’Okanagan Historical Society en 1935. Son travail inspira l’auteure Dorothy Livesay* et la musicienne Barbara Lally Pentland*, et les encouragea à cosigner un opéra, The lake, terminé en 1952 et présenté deux ans plus tard. En 1976, l’édition de A pioneer gentlewoman in British Columbia : the recollections of Susan Allison, préparée par l’historienne Margaret Anchoretta Ormsby, incita des érudits en anthropologie, en histoire et en littérature à s’attarder à son œuvre. À l’instar de Margaret Anchoretta Ormsby, ils y virent l’une des rares sources primaires relatives aux expériences des femmes en Colombie-Britannique au xixe siècle, et l’une des seules à parler de la vie des Premières Nations. Plus récemment, certains chercheurs discréditèrent les écrits de Mme Allison à cause de son statut de colonisatrice blanche, alors que d’autres admirent le caractère remarquable de ses amitiés avec des Similkameens et des Okanagans, et de sa promotion de leurs histoires. Les chercheurs peuvent s’appuyer sur des études ethnohistoriques et littéraires pour explorer les histoires autochtones qu’elle consigna, ses souvenirs de pionnière et ses esquisses inédites, comparables à la production d’Emily Pauline Johnson* et de Susanna Moodie [Strickland*]. Le long article de Mme Allison de 1892, que des historiens découvrirent en 2000, permet en outre de mettre ses rapports ethnologiques en parallèle avec ceux de ses contemporains britanniques et canadiens. En 2007, le gouvernement canadien en fit une personne d’importance historique nationale.

Jacqueline Gresko

Les mémoires de Susan Louisa Moir (Allison) ont paru sous le titre A pioneer gentlewoman in British Columbia : the recollections of Susan Allison, M. A. Ormsby, édit. (éd. abrégée, Vancouver, 1976). Mme Allison a écrit : « Account of the Similkameen Indians of British Columbia », British Assoc. for the Advancement of Science, Report of the sixty-first meeting (Londres, 1892), 815. Un article plus long sous le même titre a paru dans Anthropological Instit. of G.B. and Ireland, Journal (Londres) 21 (1892) : 305–318. Sous le nom de plume de Stratton Moir, elle a publié In-cow-mas-ket (Chicago, 1900). Elle a également rédigé « The Similkameen Indians », Similkameen Star (Princeton, C.-B.), 20 mars 1912 ; « Early history of Princeton », Princeton Star, 5, 19 janv., 9, 23 févr., 9 mars 1923 ; « Some recollections of a pioneer of the “sixties” », Vancouver Daily Province, 22 févr., 1, 8, 15, 22, 29 mars, 5, 12, 19, 26 avril, 3, 10, 17 mai 1931 ; et un article en quatre parties, « Allison Pass memoirs », Canada West Magazine (Summerland, C.-B.), 1 (1969), no 4 : 25–28 ; 2 (1970), no 1–3 : 19–23 ; 20–23 ; 18–21. On trouve trois de ses articles dans Okanagan Hist. and Natural Hist. Soc., Annual reports (Vernon, C.-B.) : « Ne-hi-la-kin : a legend of the Okanagan Indians written fifty-two years ago », 2 (1927) : 6–8 ; « The big men of the mountains : a legend of the Okanagan Indians written fifty-two years ago », 2 : 8–11 ; et « The aurora in the Okanagan », 5 (1931) : 21–22.

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Jacqueline Gresko, « MOIR, SUSAN LOUISA », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/moir_susan_louisa_16F.html.

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Auteur de l'article:    Jacqueline Gresko
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
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Date de consultation:    7 déc. 2024