WHITAKER, GEORGE, prêtre de l’Église d’Angleterre et éducateur, né le 9 octobre 1811 à Bratton, dans le Wiltshire, Angleterre, huitième enfant de Philip Whitaker, fermier, et d’Anne Andrews ; le 22 octobre 1844, il épousa Arundel Charlotte Burton, et ils eurent au moins huit enfants ; décédé le 27 août 1882, à Salisbury, Angleterre.

George Whitaker, dont les parents étaient baptistes, fit ses études à la Frome Grammar School et à la Charterhouse School. En 1829, il entra au Queens’ College de l’University of Cambridge, où il obtint sa licence ès lettres en 1833 et sa maîtrise ès lettres en 1836. Il avait été boursier de l’université en 1834 et chargé de cours d’humanités l’année suivante. Devenu un membre de l’Église d’Angleterre, il y fut ordonné diacre le 4 juin 1837 et prêtre le 27 mai de l’année suivante. Il quitta le Queens’ College à l’automne de 1840, pour occuper la cure du collège d’Oakington, Cambridgeshire.

En 1851, Whitaker devint premier principal et premier professeur de théologie de l’University of Trinity College, que l’on était à construire à Toronto. Il avait été choisi par un comité composé de quatre membres éminents du clergé, en Angleterre, à qui l’évêque John Strachan* avait demandé, en février 1851, de sélectionner les candidats au poste de principal et à deux chaires d’enseignement de la nouvelle université. Ces candidats ne devaient « appartenir à aucune des deux tendances extrémistes de l’Église [d’Angleterre] ais [...] être les fils fidèles de l’Église, non des adhérents de la Low [Church], appelée aussi évangélique, mais se situer à égale distance du romanisme et de la dissidence ». Whitaker arriva à Toronto au début de novembre 1851, et sa nomination fut confirmée le 8 décembre suivant ; le même jour, le révérend Edward St John Parry était nommé titulaire de la chaire d’humanités et le révérend George Clerk Irving, de celle de mathématiques.

Lorsque le Trinity College ouvrit ses portes à 30 étudiants, le 15 janvier 1852, Whitaker se trouva immédiatement aux prises avec des difficultés. Le bâtiment n’était qu’à moitié terminé, et, en mai, sa propre maison, construite à l’une des extrémités, n’avait encore ni chambre ni salle de bain. Whitaker décida que le collège devait imposer une discipline sévère pour venir à bout de la suffisance des étudiants en théologie, venant de la Diocesan Theological Institution de la petite ville de Cobourg, qui avait fermé ses portes. Il établit des règlements stricts à la chapelle et aux repas ; les étudiants qui sortaient devaient porter la casquette et la toge du collège et rentrer avant la prière du soir, heure à laquelle on fermait les portes à clé. Les étudiants trouvaient Whitaker sec, distant, peu communicatif et doté d’un « tempérament plutôt irascible, qu’il parvenait habituellement cependant à maîtriser, ou à dominer, grâce à [son] esprit chrétien et à [son] jugement sûr ». En 1858, dans un accès de colère, Whitaker renvoya du collège George Taylor Denison* III, surpris en train de griffonner sur son cahier pendant un cours sur le 30e Article. Ses élèves finirent malgré tout par le respecter et découvrirent un homme timide, dont le visage intelligent pouvait s’éclairer et prendre un air « très affable lorsque la conversation s’animait ou qu’il racontait ou écoutait une bonne histoire ». Quoique plutôt terne, Whitaker était un véritable érudit qui devait faire face à la tâche difficile de donner tous les matins des cours de théologie portant sur des sujets aussi variés que l’hébreu de l’Ancien Testament, le grec du Nouveau Testament, la doctrine chrétienne et la théologie pastorale. « Son point fort résidait dans une précision rigoureuse et scrupuleuse, qui ne s’obtenait que par un examen détaillé et approfondi de chaque question. »

Ce souci de perfection et cette rigueur rendirent à Whitaker de grands services dans les débuts du Trinity College. Administrant avec compétence cette petite institution, il s’occupait à la fois des conditions de scolarité requises, des amendements aux statuts du collège et de la discipline. Il laissait généralement l’économe, Charles Magrath, s’occuper des questions financières, mais fut étroitement mêlé aux tentatives que fit le conseil du collège pour soumettre à son autorité la faculté de médecine du Trinity College et son doyen, James Bovell*, tentatives qui entraînèrent la démission de l’ensemble de la faculté, le 2 juillet 1856.

En tant que principal d’un collège de l’Église d’Angleterre, Whitaker fut également associé, sur un plan plus vaste, aux controverses entre les adhérents à la High Church et à la Low Church, qui avaient connu des rebondissements depuis que les écrits du mouvement d’Oxford étaient parvenus au Canada, à la fin des années 1830. Benjamin Cronyn*, évêque évangélique du diocèse de Huron, fut profondément offensé par une motion présentée à son synode diocésain, en juin 1860, demandant d’appuyer plus fermement le Trinity College. Par la suite, Cronyn adressa des lettres à Whitaker, attaquant son enseignement théologique qu’il qualifiait de papiste et qu’il soumettait à une critique calviniste. Whitaker se défendit vigoureusement, affirmant qu’il avait souvent répété que la mariolâtrie constituait une barrière infranchissable entre le romanisme et l’anglicanisme. Il était opposé aux prières pour les morts et jugeait présomptueux d’invoquer les saints. Il n’utilisait le terme de « sacrement » que pour le baptême et l’eucharistie et « réprouverai[t] n’importe quel jeune homme sous [ses] soins qui l’appliquerait à toute autre cérémonie ». Cronyn faisait allusion à un manuscrit intitulé « The Provost’s Catechism » qui, disait-il, était remis aux étudiants en théologie, à leur entrée au collège, et contenait une série d’énoncés doctrinaux non orthodoxes de Whitaker, que ceux-ci devaient apprendre. Whitaker expliqua que ses cours avaient été copiés par ses élèves et passés à d’autres.

Au cours de cette polémique, Whitaker fut soutenu par de nombreux membres du clergé, y compris Edward Henry Dewar*, qui souligna que ni Whitaker ni ses élèves n’avaient approché, même de loin, les extrêmes atteints par beaucoup de tractariens en Angleterre. La confiance que Strachan avait en Whitaker ne faiblit à aucun moment, et il repoussa la proposition faite par Cronyn à la « corporation » du Trinity College en septembre 1862, voulant que le principal soit nommé directeur du département d’humanités et qu’on désigne un nouveau professeur de théologie « pouvant convenir à toutes les parties ».

En septembre 1863, quatre des cinq évêques de la province ecclésiastique du Canada (Cronyn étant la seule exception) avaient donné leur appui à Whitaker et, lorsque la corporation du Trinity College vota en faveur du principal, Cronyn et ses représentants diocésains se retirèrent de l’organisme. Mais le collège devint la bête noire des adhérents à la Low Church, et l’hostilité envers le Trinity College fut au centre des querelles qui divisèrent le diocèse de Toronto au cours des décennies 1860 et 1870. Pourtant, Whitaker, partisan traditionnel de la High Church, critiquait les ritualistes tels que William Stewart Darling, qui introduisirent les hymnes processionnels et raccourcirent les offices à l’église Holy Trinity de Toronto. Dans un sermon prononcé en 1866, il mit les fidèles en garde contre « une violente réaction puritaine ». Actif dans les débats du synode, il devint candidat à la charge d’évêque coadjuteur de Strachan, en septembre 1866. Il n’avait pas recherché cette fonction, et se retira lorsqu’il vit que la majorité des votes laïcs allaient à Thomas Brock Fuller ; il permit ainsi l’élection d’Alexander Neil Béthune*, de la High Church.

Les années qui suivirent accentuèrent l’attitude sereine, pratique et déterminée de Whitaker devant les questions touchant sa vie, le collège ou les affaires du diocèse. La situation financière du Trinity College demeurant menaçante, après que le gouvernement eut cessé, en 1862, de subventionner les collèges du Haut-Canada, il participa à la création, en 1869, d’un comité chargé d’étudier les possibilités d’affiliation avec l’University of Toronto. Il joua aussi un rôle de premier plan dans la reconstitution d’une faculté de médecine au Trinity College, en mars 1871, avec Edward Mulberry Hodder* comme doyen. Bien que cherchant à appuyer Béthune dans les violentes querelles partisanes qui faisaient rage autour de celui-ci dans le diocèse de Toronto, Whitaker essaya de rester le plus possible en dehors des controverses. En avril 1873, il révélait à un ami, le révérend Henry Roe du Bishop’s College à Lennoxville, dans la province de Québec : « ’avoue que je suis toujours très mal à l’aise lorsqu’il s’agit de parler de l’Eucharistie. Tout langage semble s’effondrer quand on discute de cette question. » Mais Whitaker fut quand même obligé de se défendre et de défendre le collège contre des accusations de ritualisme dans les offices religieux.

Le 1er octobre 1875, Whitaker, tout en demeurant principal, fut nommé par Béthune archidiacre de Toronto, cela en dépit de l’hostilité manifestée surtout par les laïcs. Les anglicans évangéliques s’opposèrent sans succès, en février 1878, à la tenue d’une élection pour le poste de coadjuteur de Béthune, qui était souffrant et devait se rendre en Angleterre l’été suivant afin d’assister à la Conférence de Lambeth ; ils craignaient la victoire probable de Whitaker. Celui-ci fut déclaré vainqueur à l’issue du cinquième scrutin, mais une intervention d’un laïc évangélique, James Kirkpatrick Kerr, entraîna la tenue d’un nouveau scrutin, pour des raisons de procédure. Lorsque les résultats d’un sixième scrutin, où un tenant de l’évangélisme, Robert Machray*, arrivait second derrière Whitaker, furent de nouveau invalidés, Béthune annula l’élection. Whitaker déclara que ce geste était pour lui « un grand soulagement personnel », car la position de coadjuteur aurait été « très embarrassante et très fâcheuse ». En février de l’année suivante, après la mort de Béthune, Whitaker fut de nouveau proposé comme candidat par ses partisans antiévangéliques, cette fois contre le révérend Edward Sullivan*. Au bout de 19 scrutins, on n’avait toujours pas réussi à élire un candidat, Whitaker n’obtenant jamais la majorité des votes laïcs. Finalement, un candidat de compromis, Arthur Sweatman*, partisan modéré de l’évangélisme, fut élu évêque de Toronto, au 24e scrutin.

Après cette troisième défaite électorale, Whitaker conclut que, désormais, sa présence dans le diocèse ne pouvait qu’apporter la discorde dans l’Église, et il se prépara à quitter Toronto pour retourner en Angleterre. Malheureusement, il n’était pas facile de lui trouver un successeur au Trinity College, à cause de la controverse entourant cette institution et de la présence du collège évangélique, appelé par la suite Wycliffe College, fondé à Toronto en 1877. Après que Joseph Albert Lobley ainsi que d’autres eurent refusé le poste de principal, un Anglais, le révérend Charles William Edmund Body, fut nommé au début de juin 1881. Whitaker se retira alors dans une cure située dans la campagne anglaise, à Newton Toney, près de Salisbury. Il mourut à ce dernier endroit le 27 août 1882, un peu plus d’un an après être rentré en Angleterre ; il fut enterré à Newton Toney. Une notice nécrologique de Henry Roe présenta Whitaker comme « un homme reconnu pour favoriser le savoir, l’éloquence, la dévotion et toutes les grandes qualités, le premier homme d’Église de la province ecclésiastique ».

Christopher Fergus Headon

George Whitaker est l’auteur de : « The duty of mutual toleration by parties within the church », Dominion Churchman (Toronto), 11, 25 juill., 22 août, 19 sept., 17 oct., 5 déc. 1878 ; The office of ritual in Christian worship : a sermon preached at St. George’s Church, St. Catharines, on Wednesday, April 4, 1866 [...] (Toronto, 1866) ; St. John the Baptist an exemplar to Christian ministers : a sermon preached in the chapel of Trinity College, Toronto, on Sunday, June 24, 1860 (Toronto, 1860) ; A sermon : preached in the chapel of Trinity College, Toronto, on Sunday, June 27, 1852 [...] (Toronto, 1852) ; Sermons preached in Toronto ; for the most part in the chapel of Trinity College (Londres et Toronto, 1882) ; Soberness of mind ; a sermon : preached in the chapel of Trinity College, Toronto, on Sunday, June 25, 1865 (Toronto, 1865) ; et de Two letters to the lord bishop of Toronto, in reply to charges brought by the lord bishop of Huron against the theological teaching of Trinity College, Toronto [...] (Toronto, 1860).

AO, Strachan (John) papers, Letterbooks, 1839–1866, 16 févr. 1851 ; 1854–1862, 29 sept. 1862.— Église épiscopale du Canada, General Synod Arch. (Toronto), J. W. Knight, « High church – low church controversy in the Anglican Church in the diocese of Toronto with emphasis on the episcopacy of Alexander Bethune, second bishop of Toronto » (copie dactylographiée, 1971).— Trinity College Arch. (Toronto), Beverley Jones papers ; Henry Roe papers ; Trinity College records, A/II/2, A/II/4.— Church of England, Diocese of Toronto, Synod, Journal (Toronto), 1865–1871 ; Proc. (Toronto), 1861–1864.— [Benjamin Cronyn], The bishop of Huron’s objections to the theological teaching of Trinity College, with the provost’s reply (Toronto, 1862).— E. H. Dewar, Plain words for plain people : an appeal to the laymen of Canada, in behalf of common sense and common honesty, being a review of the « Strictures » on the two letters of Provost Whitaker (Toronto, 1861).— The judgments of the Canadian bishops, on the documents submitted to them by the corporation of Trinity College, in relation to the theological teaching of the college (Toronto, 1863).— The protest of the minority of the corporation of Trinity College, against the resolution approving of the theological teaching of that institution [...] (London, Ontario, 1864).— John [Strachan], An address delivered to the clergy and lay delegates of the diocese of Toronto, on Tuesday, June 25, 1861, by John, lord bishop of Toronto, in justification of Trinity College from recent attacks made upon that institution (Toronto, 1861).— Adam Townley, A letter to the lord bishop of Huron : in personal vindication : and on the inexpediency of a new diocesan college (Brantford, Ontario, 1862).— Trinity College conducted as a mere boys’ school, not as a college, [G. T. Denison, édit.] (Toronto, 1858).— Guardian (Londres), 27 déc. 1860, 3 févr. 1864, 17 janv., 24 oct. 1866, 29 janv. 1873, 26 févr., 2 avril 1879, 30 août 1882.— Toronto Daily Mail, 29 août 1882.— C. F. Headon, « The influence of the Oxford movement upon the Church of England in eastern and central Canada, 1840–1900 » (thèse de ph.d., McGill Univ., Montréal, 1974).— A history of the University of Trinity College, Toronto, 1852–1952, T. A. Reed, édit. ([Toronto], 1952).— H. E. Turner, « The evangelical movement in the Church of England in the diocese of Toronto, 1839–1879 » (thèse de m.a., Univ. of Toronto, 1959).— M. E. Reeves, « George Whitaker (1811–1882) : a forgotten native of Bratton », Wiltshire Archæological Magazine (Devizes, Angl.), 72–73 (1980) : 135–139.— C. E. Thomson, « The provost », Rouge et Noir (Toronto), 2 (1881), n3 : 4s. ; « The Reverend Geo. Whitaker, m.a., first provost, 1852–1881 », Trinity Univ. Rev. (Toronto), 15 (1902) : 100s.

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Christopher Fergus Headon, « WHITAKER, GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/whitaker_george_11F.html.

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Auteur de l'article:    Christopher Fergus Headon
Titre de l'article:    WHITAKER, GEORGE
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
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