WHITNEY, HENRY MELVILLE, entrepreneur, né le 22 octobre 1839 à Conway, Massachusetts, deuxième des sept enfants de James Scollay Whitney et de Laurinda (Lucinda) Collins ; le 3 octobre 1878, il épousa à Brookline, Massachusetts, Margaret Foster Green, et ils eurent quatre filles et un fils ; décédé le 25 janvier 1923 à cet endroit.

Henry Melville Whitney grandit dans un milieu aisé à Conway. Tout comme son frère William Collins (futur secrétaire de la marine sous la première administration de Stephen Grover Cleveland), il obtint en 1859 son diplôme du Williston Seminary d’Easthampton, au Massachusetts. Au cours des sept années suivantes, il occupa divers emplois de bureau, spécula sur le coton en Bourse et concocta des plans en vue de renflouer des navires coulés pendant la guerre de Sécession. À l’issue de ces expériences, il put échanger des histoires de spéculations infructueuses avec son père et son frère. En 1866, il se rendit à Boston à titre d’agent de la florissante entreprise paternelle, la Metropolitan Steamship Company, dont il devint président à la mort de son père en 1878. Après avoir fondé la West End Land Company en 1886, il excéda ses possibilités, de sorte que, pour promouvoir son projet de développement foncier, il lia cette compagnie à une autre société toute nouvelle, la West End Street Railway Company. De plus, il absorba cinq autres entreprises de tramways de la région bostonienne. La West End Land Company et la West End Street Railway Company se révélèrent lucratives. Whitney avait trouvé le mode de fonctionnement qu’il privilégierait tout au long de sa carrière : fusions, associations d’entreprises, activités spéculatives. Dans le but de remplacer les 10 000 chevaux de la West End Street Railway Company, il mit des tramways électriques à l’essai en 1888. L’année suivante, il engagea Frederick Stark Pearson* comme ingénieur en chef de cette société.

Plus tôt en 1889, Frederick Stark Pearson s’était associé à Benjamin Franklin Pearson*, un des promoteurs de la People’s Heat and Light Company Limited de Halifax, qui projetait d’utiliser du charbon afin de produire du gaz combustible pour le chauffage et l’éclairage. Frederick Stark Pearson et Whitney s’intéressaient aussi au charbon néo-écossais, car ce dernier pourrait alimenter en combustible les entreprises de Whitney en Nouvelle-Angleterre. Leur groupe – bientôt surnommé le « Syndicat » (c’est-à-dire le consortium) dans les cercles provinciaux – ne tarda pas à acheter une mine de charbon et à obtenir des options sur d’autres mines situées dans la région houillère au sud du port de Sydney. L’idée d’associer les mines rivales du Cap-Breton pour assurer l’expansion de l’industrie néo-écossaise de la houille convenait assez au premier ministre de la province, William Stevens Fielding. Son gouvernement offrit donc au consortium un bail de 99 ans à redevances fixes, ce qui ne s’était jamais vu. Whitney plaisait particulièrement aux libéraux parce que ses navires à vapeur et ses génératrices de tramways consommaient beaucoup de charbon. Le consortium exerça ses options en sélectionnant la plupart des houillères en exploitation dans l’est du Cap-Breton, avec des hommes d’affaires de l’endroit, tels John Stewart McLennan* et David MacKeen*.

La Dominion Coal Company Limited fut constituée juridiquement le 1er février 1893. Whitney en était président, Frederick Stark Pearson, ingénieur en chef, et Benjamin Franklin Pearson, secrétaire. Bientôt, l’entreprise fit preuve de son efficacité et procéda à de nombreuses améliorations. Moins de dix ans après sa création, elle compterait 4 000 employés et sa production aurait quadruplé. En outre, elle accumula les erreurs coûteuses et les dépenses extravagantes. Elle n’exerçait pas un contrôle suffisant et bon nombre des personnes en cause ne connaissaient rien aux charbonnages. L’établissement de la Dominion Coal s’était accompagné de l’émission d’une grande quantité d’actions de promotion. Leur valeur chuta lorsque l’on apprit que, en dépit des pressions de Whitney, le droit américain perçu sur le charbon serait maintenu. Les spéculateurs s’en donnèrent alors à cœur joie. Tandis que Benjamin Franklin Pearson se démenait sans succès afin de trouver des débouchés pour le charbon, notamment à Newcastle-upon-Tyne, des perspectives plus intéressantes axées sur l’utilisation du coke se dessinèrent aux États-Unis et un nouveau projet commença à prendre forme. Dès que Whitney l’annonça, en janvier 1896, des observateurs comprirent que ce projet avait un rapport avec la Dominion Coal Company Limited. En effet, la Massachusetts Pipe Line Gas Company achèterait du gaz d’une autre entreprise contrôlée par Whitney, la New England Gas and Coke Company, et celle-ci serait approvisionnée par la Dominion Coal. Le 30 septembre 1897, la New England Gas and Coke Company et la Dominion Coal signèrent un contrat. Moins de deux ans plus tard, malgré le droit américain, une nouvelle usine, grande consommatrice de charbon, tournait à Everett, au Massachusetts. Malheureusement, cette entente privait la Dominion Coal Company Limited d’un vaste marché à plus gros prix. Cela faillit la ruiner et amena certaines personnes à conclure que le contrat s’inscrivait dans une stratégie visant à faire grimper la valeur des actions des compagnies de gaz de Whitney en Nouvelle-Angleterre.

Des concessions de l’administration locale du Cap-Breton et des libéraux provinciaux du premier ministre George Henry Murray, de même que la promesse de primes fédérales, pavèrent la voie en juin 1899 à l’organisation de la Dominion Iron and Steel Company Limited, constituée juridiquement en mars. Selon Whitney, aucun autre endroit au monde ne présentait plus d’avantages pour la sidérurgie que Sydney. Au début, la concurrence internationale s’inquiéta. Whitney devint président de la nouvelle compagnie et six de ses amis hommes d’affaires, qui avaient aussi fait partie du premier conseil d’administration de la Dominion Coal, entrèrent au conseil de la Dominion Iron and Steel. Les visages n’étaient pas les seuls éléments qui donnaient une impression de déjà vu. Encore une fois, il y eut des dépenses imprudentes et extravagantes, de mauvais calculs et un contrôle insuffisant, en partie à cause de l’inexpérience, si bien qu’un tiers des premiers crédits affectés à la construction furent gaspillés. Pareille incompétence eut pour effet de hausser les coûts pendant longtemps : l’usine serait rentable seulement en périodes de prix élevés. Un contrat conclu entre la compagnie de charbon et la compagnie d’acier se révéla nuisible pour les deux. En 1901, on estima que 90 % de la production de la Dominion Coal Company Limited servait à remplir des contrats à bas prix. Les actions de la compagnie d’acier devinrent le jouet des spéculateurs. De leur côté, les mineurs et les ouvriers sidérurgistes devaient se contenter de maigres salaires. Halifax aussi subit les conséquences d’une telle incurie. La People’s Heat and Light, qui avait obtenu une charte en 1893, avait Whitney comme président et Benjamin Franklin Pearson comme secrétaire. Même si elle avait l’avantage de pouvoir acheter du charbon à bas prix, elle « s’écroula sous le poids de ses dettes » en moins d’une décennie, pour reprendre les termes de Kyle Jolliffe, parce qu’elle avait des matériaux inférieurs aux normes, était sujette aux spéculations boursières et avait une piètre expérience du développement industriel.

L’industrie du charbon et de l’acier promue par Whitney emploierait des milliers de personnes tout au long du xxe siècle et laisserait une marque indélébile dans l’île du Cap-Breton. Bien que lui-même et ses collègues hommes d’affaires n’aient pas été les seuls à pratiquer une mauvaise gestion ni à toujours vouloir de plus gros bénéfices d’exploitation, ils contribuèrent à assombrir les premières années de l’industrie moderne dans cette région. Comme la situation ne s’arrangeait pas, Whitney se retira tôt du Cap-Breton. En 1901, les intérêts majoritaires qu’il détenait dans la compagnie de charbon et la compagnie d’acier passèrent à un groupe dirigé par le financier montréalais James Ross*. Il démissionna du conseil d’administration de la Dominion Coal Company Limited en décembre 1903 et, tout en restant lié à de plus petites entreprises du Cap-Breton et en demeurant jusqu’en 1909 au conseil d’administration de la Dominion Iron and Steel Company Limited, il concentra de nouveau ses énergies en Nouvelle-Angleterre. Élu en 1904 à la présidence de la Chambre de commerce de Boston, il brigua les suffrages deux fois, dans les années suivantes, dans l’espoir d’accéder à un poste de l’État. Dans les deux cas, il prôna la réforme tarifaire et la réciprocité commerciale entre le Canada et les États-Unis.

Henry Melville Whitney était un promoteur et un rêveur qui avait une prédilection pour les fusions et les associations d’entreprises. Un témoignage sur sa jeunesse rapporte que, à l’âge de 10 ans, il était « un gars minutieux en matière de finances ». Pourtant, dès l’âge de 25 ans, il avoua en avoir soupé d’échafauder sur papier des plans magnifiques qui se révélaient dénués de valeur. Selon sa fille, il adorait concevoir des projets mais, ennuyé par la routine, il s’en désintéressait bien vite. Les personnes à qui il confiait la prise de décisions et les affaires courantes ne se montraient pas toujours à la hauteur. On ignore dans quelle mesure il fut mêlé aux spéculations boursières, mais ses entreprises en Nouvelle-Écosse et en Nouvelle-Angleterre, notamment à cause de leur structure, attirèrent des gens qui n’avaient guère le souci du bien commun. Atteint de troubles auditifs depuis l’enfance, cet homme agréable et sympathique dans le privé demeura le même dans sa vieillesse : il continua de rêver, de concevoir des plans et de subir des pertes. Il succomba à une pneumonie chez lui, à Brookline, le 25 janvier 1923. Lorsque la succession de ce « supposé multimillionnaire », comme le dit le New York Times, fut homologuée, on apprit avec surprise qu’elle ne valait que 1 221 $.

Don MacGillivray

T. W. Acheson, « The National Policy and the industrialization of the Maritimes, 1880–1910 », dans Atlantic Canada after confederation ; the « Acadiensis » reader : volume two, P. A. Buckner et David Frank, compil. (Fredericton, 1985), 176–201.— Ron Crawley, « Class conflict and the establishment of the Sydney steel industry, 1899–1904 », dans The Island : new perspectives on Cape Breton’s history, 1713–1990, Kenneth Donovan, édit. (Fredericton et Sydney, N.-É., 1990), 145–186.— W. J. A. Donald, The Canadian iron and steel industry : a study in the economic history of a protected industry (Boston, 1915).— E. A. Forsey, Economic and social aspects of the Nova Scotia coal industry (Toronto, 1926).— M. D. Hirsch, William C. Whitney, modern Warwick (New York, 1948 ; réimpr., [Hamden, Conn.], 1969).— Kyle Jolliffe, « A saga of Gilded Age entrepreneurship in Halifax : the People’s Heat and Light Company Limited, 1893–1902 », N.S. Hist. Rev. (Halifax), 15 (1995), nº 2 : 10–25.— T. W. Lawson, Frenzied finance (New York, 1905).— Don MacGillivray, « Henry Melville Whitney comes to Cape Breton : the saga of a Gilded Age entrepreneur », Acadiensis (Fredericton), 9 (1979–1980), nº 1 : 44–70.— National cyclopædia of American biography [...] (63 vol., New York, [etc.], 1892–1984), 10.— N.-É., House of Assembly, Debates and proc., 13 mars 1892 : 123s. ; Journal and proc., 1893, app.16 : 1–8.— David Schwartzman, « Mergers in the Nova Scotia coalfields : a history of the Dominion Coal Company, 1893–1940 » (thèse de ph.d., Univ. of Calif., Berkeley, 1953).

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Don MacGillivray, « WHITNEY, HENRY MELVILLE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/whitney_henry_melville_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
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