WILCOCKE, SAMUEL HULL, auteur, éditeur et rédacteur en chef, né vers 1766 à Reigate, Angleterre, fils du révérend Samuel Wilcocke ; décédé le 3 juillet 1833 à Québec.

Le père de Samuel Hull Wilcocke fut longtemps ministre de l’Église d’Angleterre à Middelburg (Pays-Bas). Il regagna l’Angleterre avec sa famille en 1794, au moment de l’invasion des troupes françaises. Il est certain que Samuel Hull fit la plus grande partie de ses études en Europe : ses écrits révèlent, en effet, une formation continentale, particulièrement en linguistique, et une connaissance de la littérature classique et anglaise. Peu de temps après son retour, il se mit à rédiger des articles pour des revues littéraires britanniques, ainsi que des traductions de textes hollandais, allemands et français. Ses travaux, toutefois, prirent bientôt’« une tournure commerciale » car il appliqua ses connaissances et ses recherches à la traduction et à la publication de volumes sur les Indes orientales et sur Buenos Aires (ouvrages qui servaient les intérêts commerciaux en plein essor de Liverpool). En 1800, Wilcocke était « en place dans une entreprise commerciale pleine de promesses » de cette ville. Pendant les quelque 20 années de son séjour à Liverpool, il prit part à la vie municipale et à des activités littéraires et théâtrales qu’il allait plus tard citer en exemple aux citoyens de Montréal.

Wilcocke était marié, à cette époque, mais on ne connaît pas le nom de sa femme. Des problèmes de ménage furent au nombre des raisons qui l’incitèrent à quitter l’Angleterre. En 1817, probablement avec quelques-uns de ses enfants et leurs familles, il arriva au Canada pour travailler comme publiciste de la North West Company. Un conflit opposait alors cette firme à la Hudson’s Bay Company au sujet des tentatives faites par lord Selkirk [Douglas*] en vue d’établir une colonie à la rivière Rouge. Wilcocke fit paraître en 1817 A narrative of occurrences in the Indian countries of North America [...], en réponse au texte de John Halkett*, Statement respecting the Earl of Selkirk’s settlement of Kildonan, upon the Red River, paru à Londres la même année, puis, en 1818 et 1819, trois comptes rendus de procès tenus pendant ces années.

En 1820, une dispute éclata entre Wilcocke et la North West Company. Au mois d’octobre, averti qu’il allait être arrêté sous le prétexte qu’il se trouvait en possession de documents et de secrets préjudiciables aux intérêts de la compagnie, Wilcocke s’enfuit à Burlington, dans le Vermont. Des agents de la North West Company le capturèrent aux États-Unis et le ramenèrent à Montréal avant la fin du mois en l’accusant d’avoir pris la fuite avec une somme de £1 500 appartenant à la compagnie. Il passa une année en prison avant de subir un procès, et il fut alors acquitté des accusations de faux et de vol important. Remis en prison immédiatement pour dettes impayées, il fut détenu jusqu’à ce que des pressions exercées par les États-Unis, où il avait été capturé illégalement, n’entraînent sa libération. Ces événements l’incitèrent à choisir un nouveau mode d’expression : le 28 juin 1821, pendant qu’il était encore en prison, il fonda un journal, le Scribbler. Libéré le 8 mai de l’année suivante, il fut obligé de s’exiler, mais il continua de rédiger le Scribbler à Burlington, où il était en sécurité, et à d’autres endroits des États-Unis, et à le faire imprimer à Montréal. Ce journal lui permit enfin d’exprimer son talent, de se défendre mais aussi d’attaquer plusieurs citoyens de Montréal.

Au début, le Scribbler conserva l’attitude prudente et réservée qui convenait au premier journal du Bas-Canada à adopter un point de vue critique ; autre nouveauté, le journal devait être relié en volumes. Après sa sortie de prison, Wilcocke mit davantage de lui-même dans son hebdomadaire. Celui-ci acquit de plus en plus une réputation de « rosserie » à mesure que son rédacteur en chef multipliait les attaques contre les agents et les autorités de la North West Company et contre la réputation d’éminents citoyens anglophones de Montréal. Le journal présentait des scandales, de prétendues « nouvelles », des insinuations, des surnoms à peine déguisés pour ses victimes (tels que « Mr Reaper » pour Nahum Mower, « Tommy Changling » pour Thomas Andrew Turner, « Horatio Bigdoors » pour Horatio Gates et « lord Goddamnhim » pour Thomas Thain), des mots à double sens et parfois des obscénités. En donnant à ses plaisanteries les apparences de la fiction et de l’allégorie, Wilcocke faisait goûter à ses lecteurs de la colonie, mais non à ses victimes, une expérience littéraire qui était répandue chez les journalistes britanniques de l’époque. Il mit en scène des centaines de personnes dans le décor, habilement décrit, du Montréal de la fin du xviiie siècle et du début du xixe.

Dans une série d’articles intitulée « Letters from Pulo Penang », Wilcocke donna une version à peine transposée des mauvais traitements que lui-même, et surtout sa femme Ann, avaient endurés. En 1819, Ann Lewis, de South Lambeth (Londres), était venue le rejoindre au Bas-Canada. D’après Wilcocke, leur mariage avait eu lieu à Montréal en 1821 et avait été tenu secret « par prudence à cause d’actions intentées en revendication ». Ils se remarièrent le 22 août 1825 à Rouses Point, dans l’état de New York. La dédicace qu’il rédigea pour le premier volume du Scribbler vantait l’amour et le dévouement d’Ann : elle s’était rendue tous les jours à la porte de la prison et avait assuré la gestion et la distribution de l’hebdomadaire. Il est probable qu’elle avait également joué le rôle du reporter municipal et du « correspondant » pseudonyme. En fait, il se peut que, dans une large mesure, le journal ait été rédigé par le mari et la femme sous des douzaines de pseudonymes. Le Scribbler pourrait avoir sa place en littérature canadienne, car il constitue avant tout une « confession », une autobiographie d’un genre étrange et peu commun. C’est le récit d’une des histoires d’amour les plus mystérieuses qui se déroulèrent au Canada.

Le journal publia des poèmes originaux écrits par Wilcocke et par de « nouveaux » poètes locaux, des recensions de livres canadiens, des controverses avec des journalistes rivaux, des descriptions de la vie des citoyens anglophones de Montréal et des remarques constructives concernant les organismes municipaux. Wilcocke était fier d’encourager les écrivains de Montréal et des environs à utiliser l’anglais correct. Il fit paraître un grand nombre des premiers poèmes et des contes qu’il avait rédigés tandis qu’il était en fuite. Son érudition apparut en particulier dans une série d’études, le plus souvent à caractère linguistique, qu’il écrivit sur le théâtre de Philip Massinger, dramaturge du temps des rois Charles.

Wilcocke tenta à plusieurs reprises de publier d’autres journaux. Voulant éviter que le Scribbler ne devienne un lieu de discussions politiques, il fonda un journal dans le but de s’opposer au projet de loi visant à unir le Bas et le Haut-Canada. Le Free Press fut publié du 10 octobre 1822 au 4 septembre 1823, le plus souvent à Burlington, même si la rubrique de l’éditeur indiquait Montréal comme adresse. Ensuite, Wilcocke alla s’établir à Rouses Point où il lança un autre journal. Le Harbinger s’avéra une désastreuse excursion dans la politique américaine à cause de mésententes qui opposèrent Wilcocke et ses partisans républicains. Le 1er mars 1827, dans un de ses derniers numéros, le Scribbler annonçait la publication du Colonial Magazine, journal mensuel qui devait s’adresser à l’ensemble des lecteurs. Un numéro pour compte rendu fut publié en octobre 1827, mais rien ne permet de croire à la parution d’un deuxième.

En 1828, Samuel Hull Wilcocke était de retour à Montréal. Pendant les cinq dernières années de sa vie, il fit le compte rendu des débats de la chambre d’Assemblée à Québec à l’intention des journaux de la province et, se fondant sur ses notes sténographiques, il rédigea The history of the session of the provincial parliament of Lower Canada for 1828–29, ouvrage que William Stewart Wallace* considéra comme « la première version du Hansard au Canada ». En 1831, dans une pétition adressée au gouverneur général, lord Aylmer [Whitworth-Aylmer*], Wilcocke décrivait cette aeuvre comme « le compte rendu quotidien et fidèle des délibérations, discussions et opinions des représentants du peuple », et demandait de lui accorder £100 pour poursuivre la publication de son ouvrage historique. Même si la Gazette de Québec et le Quebec Mercury lui versèrent une compensation financière pour ses textes, il était, en 1831, âgé, pauvre et affligé « d’une douloureuse affection ». Après avoir été gravement malade durant plusieurs semaines, il mourut à Québec le 3 juillet 1833.

Carl F. Klinck

Samuel Hull Wilcocke est l’auteur de : A narrative of occurrences in the Indian countries of North America [...] (Londres, 1817 ; réimpr., 1818 ; East Ardsley, Angl., et New York, 1968), œuvre qui a été traduite sous le titre de Récit des événemens qui ont eu lieu sur le territoire des sauvages, dans l’Amérique septentrionale (Londres, 1818) et qui a été parfois attribuée à Edward Ellice* ou Simon McGillivray*. Wilcocke est également l’auteur de : Report of the trials of Charles de Reinhard and Archibald M’Lellan, for murder [...] (Montréal, 1818) ; Report of the proceedings connected with the disputes between the Earl of Selkirk and the North-West Company, at the assizes, held at York in Upper Canada, October 1818 (Montréal, 1819) ; A letter to the sollicitor general on the seizure of papers (Montréal, 1821) ; The history of the session of the provincial parliament of Lower Canada for 1828–29 (s.l.n.d.) ; et « Narrative of circumstances attending the death of the late Benjamin Frobisher, Esq., a partner of the North-West Company », les Bourgeois de la Compagnie du Nord-Ouest (Masson), 2 : 179–226. Il est éditeur du Scribbler, 28 juin 1821–mars 1827, du Free Press (Montréal), 10 oct. 1822–4 sept. 1823, du Harbinger (Rouses Point, N.Y.), nov. 1823–nov. 1824 et du prospectus du Colonial Magazine (Montréal), 11 avril 1827. Pour une liste des œuvres écrites et traduites par Wilcocke voir National union catalog.

ANQ-Q, P-68 ; P-1000-1-18.— Canadian Courant and Montreal Advertiser, 28 oct., 1er, 18 nov. 1820.— Montreal Gazette, 5, 19 déc. 1821, 2, 16 janv. 1822.— Beaulieu et Hamelin, la Presse québécoise, 1 : 41, 43, 60.— Wallace, Macmillan dict.— M. L. MacDonald, « The literary life of English and French Montreal from 1817 to 1830 as seen through the periodicals of the time » (thèse de m.a., Carleton Univ., Ottawa, 1976).— C. F. Klinck, « Samuel Hull Wilcocke », Journal of Canadian Fiction (Montréal), 2 (1973), no 3 : 13–21 ; « The world of The Scribbler », 4 (1975), no 3 : 123–148.— W. S. Wallace, « The literature relating to the Selkirk controversy », CHR, 13 (1932) : 45–50.— A. H. U. Colquhoun, « A victim of Scottish Canadians », Dalhousie Rev., 3 (1923–1924) : 286–290.

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Carl F. Klinck, « WILCOCKE, SAMUEL HULL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/wilcocke_samuel_hull_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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