FROBISHER, BENJAMIN JOSEPH, trafiquant de fourrures, homme politique, juge de paix et officier de milice, né le 26 mars 1782 à Montréal, deuxième enfant de Joseph Frobisher* et de Charlotte Jobert ; décédé le 18 mars 1821 à Québec.

Comme il est fréquent dans les familles anglophones aisées de la colonie, on envoie Benjamin Joseph Frobisher en Angleterre en 1791 afin qu’il y poursuive ses études. Il est confié à son oncle Nathaniel Frobisher, auquel son père recommande « de placer Ben dans une bonne école et de n’épargner aucun frais pour son éducation ». En 1799, à l’âge de 17 ans, Benjamin Joseph entre au service de la North West Company et est envoyé dans l’Ouest pour y faire son apprentissage de la traite des fourrures. Après quelques années, il est promu au poste de commis au département de la rivière aux Anglais, voisin de celui de l’Athabasca.

En 1804, Frobisher réside à Québec où il se dit marchand, quoiqu’il semble plutôt exercer la fonction de commis chez un commerçant probablement lié à la North West Company. Le 6 février, il y épouse, selon le rite anglican, Isabella Grant, âgée d’environ 18 ans, nièce de sir William Grant, maître des rôles en Angleterre, et belle-fille du commissaire général John Craigie*. Au cours de la même année, il se fait élire député de la circonscription de Montréal, qu’il représente jusqu’en avril 1808. De nouveau candidat aux élections de 1810, cette fois dans la circonscription de Dorchester, il se désiste avant la fin du scrutin, parce qu’il a récolté moins de votes que ses trois adversaires, et c’est John Caldwell* qui remporte la victoire. En 1805, Frobisher est l’un des directeurs du club social l’Assemblée de Québec et, de 1806 à 1812, il est membre de la Société du feu. En juillet 1805, il reçoit une commission de juge de paix pour le district de Trois-Rivières, commission qui est renouvelée en décembre 1811 et juillet 1815 ; en novembre de cette année-là, il en obtient une pour le district de Québec. Il fait également partie de la milice du district de Trois-Rivières, d’abord comme capitaine (1810) de la paroisse Sainte-Geneviève-de-Batiscan, puis comme major (1812) et lieutenant-colonel (1815) du bataillon de Sainte-Anne. À ces titres s’ajoute, en avril 1815, la charge d’officier payeur de ce bataillon. La même année, il devient aide de camp provincial de l’administrateur sir Gordon Drummond* et, à compter de 1816, il remplit cette fonction auprès du nouveau gouverneur sir John Coape Sherbrooke.

Pendant ce temps, Frobisher continue à travailler pour la North West Company. Dans ses rapports avec la compagnie, il tient davantage de son oncle Thomas, le voyageur, que de son oncle Benjamin* ou même de son père. Même si, après la mort de ce dernier en 1810, la compagnie verse à Benjamin Joseph la somme annuelle de £500 jusqu’en 1814 pour la part dont il a hérité, il demeure jusqu’à la fin de sa vie un employé subalterne, voyageant et travaillant souvent dans les régions de traite. Ainsi, en 1806, il est commis de Charles Chaboillez* au fort Dauphin (Manitoba) ; en 1812, il se trouve au fort Gibraltar (Winnipeg) en route vers le lac Athabasca.

Frobisher participe à la traite des pelleteries à l’époque où se produit le déclin de l’économie des fourrures. C’est le moment où la pression des concurrents américains ne cesse de se renforcer et où la lutte contre la Hudson’s Bay Company devient violente. Non seulement les modifications qu’effectue cette compagnie dans les tactiques de la traite inquiètent les bourgeois du Nord-Ouest, mais l’établissement en 1812 de la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba) par lord Selkirk [Douglas*], actionnaire important de la Hudson’s Bay Company, entraîne les deux compagnies rivales dans un conflit qui prend vite l’allure d’une guerre privée. Miles Macdonell, qui a été nommé gouverneur d’Assiniboia par la Hudson’s Bay Company, ne se contente pas de favoriser l’établissement des colons, qui commencent à arriver au début de l’automne de 1812 ; il met en œuvre une stratégie qui tend à briser le système par lequel les bourgeois du Nord-Ouest se ravitaillent en provisions de bouche. En 1816, Colin Robertson*, fonctionnaire de la Hudson’s Bay Company, attaque le fort Gibraltar, qu’il détruit, et ses hommes s’emparent du fort Daer (Pembina, Dakota du Nord). La situation continue de s’envenimer et conduit au massacre de Seven Oaks (Winnipeg) le 19 juin 1816 [V. Cuthbert Grant*].

Les hostilités se poursuivent et Benjamin Joseph Frobisher s’y trouve directement mêlé. En 1817, il fait partie d’un groupe d’employés de la North West Company lancé à l’attaque du fort de la compagnie rivale à Île-à-la-Crosse (Saskatchewan), et il somme en vain ses adversaires d’engager la lutte. Deux ans plus tard, le nouveau gouverneur de la Hudson’s Bay Company, William Williams*, voulant couper les voies de communication de ses rivaux, décide de s’emparer des rapides Grand (Manitoba). C’est l’endroit tout indiqué car, selon Samuel Hull Wilcocke, écrivain au service de la North West Company, « la seule route praticable pour aller ou venir de l’Athabasca et des départements de la traite des fourrures situés dans le Nord [...] emprunte la sortie nord-ouest du lac Winnipeg qui, passant par le lac des Cèdres ou Bourbon, mène à la rivière Saskatchewan. Entre ce lac et le lac Winnipeg se trouve les rapides Grand. » C’est là que le 18 juin 1819 le canot de John Duncan Campbell et de Frobisher est arrêté. Battu parce qu’il proteste contre la conduite de Williams, Frobisher est sérieusement blessé à la tête. Puis il est emmené avec les autres prisonniers vers York Factory où il arrive le ler juillet. Sa détention dans des conditions particulièrement pénibles prend fin le 30 septembre, quand il parvient à s’échapper avec deux autres prisonniers. Dans le récit qu’il a fait de ces événements, Wilcocke prétend que Frobisher épuisé a dû s’arrêter au bord du lac des Cèdres où son corps est retrouvé sans vie le 27 novembre. En réalité, Frobisher revient à Québec, mais sa santé est sans doute gravement compromise, car il meurt moins de deux ans plus tard dans la maison qu’il occupe rue Mont-Carmel. Il est inhumé le 21 mars 1821 et, le 24 avril, sa femme renonce à la succession au nom de leur fils James Joseph, seul enfant issu de leur mariage.

Fernand Ouellet

ANQ-M, CE1-63, 31 mars 1782.— ANQ-Q, CE1-61, 6 févr. 1804 ; CN1-230, 9 avril 1821 ; CN1-262, 6 févr. 1804.— Les Bourgeois de la Compagnie du Nord-Ouest (Masson), 1 : 115–154 ; 2 : 179–226.— Docs. relating to NWC (Wallace), 300, 446.— La Gazette de Québec, 9 févr. 1804, 10 janv., 28 nov. 1805, 12 juin 1806, 2 juill. 1807, 21 janv. 1808, 5, 12 avril 1810, 26 déc. 1811, 2 juill. 1812, 26 juin, 20 avril 1815, 18 juill., 8 août 1816, 9 août 1819, 7 janv. 1821.— Almanach de Québec, 1805 : 15 ; 1810 : 34, 53 ; 1815 : 60, 104 ; 1820 : 106.— F.-J. Audet, les Députés de Montréal, 357–359 ; « les Législateurs du B.-C. ».— Desjardins, Guide parl., 133.— Wallace, Macmillan dict.— Wilkins Campbell, NWC (1973), 32, 70, 198–253.— W. S. Wallace, « Northwesters’ quarrel », Beaver, outfit 278 (déc. 1947) : 9.

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Fernand Ouellet, « FROBISHER, BENJAMIN JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/frobisher_benjamin_joseph_6F.html.

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Auteur de l'article:    Fernand Ouellet
Titre de l'article:    FROBISHER, BENJAMIN JOSEPH
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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