SLOCUM, JOSHUA, marin et auteur, né le 20 février 1844 à Mount Hanly, Nouvelle-Écosse, fils de John Slocum et de Sarah Jane Southern ; le 31 janvier 1871, il épousa à Sydney (Australie), Virginia Albertina Walker (décédée en 1884), et ils eurent sept enfants, puis le 22 février 1886, à Boston, sa cousine germaine Henrietta Miller Elliot, et le couple n’eut pas d’enfants ; décédé le ou peu après le 14 novembre 1909 dans l’océan Atlantique.

Descendant de loyalistes du Massachusetts, Joshua Slocum avait huit ans quand sa famille alla s’établir au bout de la pointe ouest de la Nouvelle-Écosse. Deux ans plus tard, il quittait l’école. Issu de familles de marins, quoique son père ait travaillé à terre, il fut pendant un certain temps cuisinier sur un bateau de pêche local. En 1860, peu après la mort de sa mère, il se fit matelot.

Un an plus tard, Slocum se trouvait dans le Pacifique, où il passerait la plus grande partie des 23 années suivantes et deviendrait un marin et un navigateur accomplis. Vers 1869, il prit la citoyenneté américaine. En 1875, il construisit un navire dans les Philippines et reçut en salaire un petit bateau, le premier dont il ait été propriétaire. Il constitua un équipage pour aller pêcher au large de la Sibérie et emmena avec lui sa femme Virginia Albertina, enceinte de jumeaux, et ses trois enfants. Il vécut sur deux autres bateaux plus grands ; le deuxième, le Northern Light, était selon lui le « meilleur voilier américain qui soit ». Mais l’ère des voiliers tirait à sa fin. Au début de l’année 1884, le Northern Light eut besoin de réparations. Les conditions économiques ne pouvant justifier un tel investissement, on en fit un chaland à charbon. Le métier de Slocum était en voie de disparition.

Slocum acheta un nouveau navire, l’Aquidneck, « d’une beauté presque parfaite » dirait-il plus tard, et il se rendit en Amérique du Sud. C’est là que sa femme mourut. Selon ses fils, il ne s’en remit jamais. Deux ans plus tard cependant, il se remaria ; avec sa nouvelle femme et deux de ses fils, il repartit pour l’Amérique du Sud six jours plus tard. À la fin de l’année 1887, après bien des difficultés, l’Aquidneck, qui n’était pas assuré, s’échoua dans le sable. Avec les matériaux qu’ils trouvèrent sur place, Slocum et sa famille construisirent le Liberdade et le pilotèrent jusqu’à Washington, où il fut exposé à la Smithsonian Institution. Slocum raconta son aventure dans un livre qu’il publia et vendit lui-même sans beaucoup de succès. Comme on ne lui offrait plus de bateau, il occupa pendant un certain temps un emploi dans un chantier naval de Boston et sa femme travailla comme couturière. En 1892, une connaissance lui donna un vieux sloop, le Spray, qu’il reconstruisit en entier, et dont il se servit pour une saison de pêche, infructueuse, en 1894. À 50 ans, il devait tâter de divers métiers pour vivre. Personne n’accordait de valeur à ses talents de marin.

C’est alors que, résolu à mettre lui-même en valeur ces talents, Slocum décida de faire ce que personne n’avait encore entrepris : le tour du monde en solitaire. Le 24 avril 1895, il quitta Boston à bord du Spray. Il s’arrêta en Nouvelle-Écosse pour la première fois en 35 ans afin de revoir des amis d’enfance. À Yarmouth, il acheta une horloge avec une seule aiguille qu’il appellerait, à la blague, son chronomètre de bord. Sous cette plaisanterie, il dissimulait ses talents de navigateur, lui qui était capable de trouver la longitude par des calculs complexes en observant la lune. Il dissimulait aussi sa spiritualité : naviguer à la lune, c’était pour lui « lire au ciel l’horloge du Grand Architecte ». Slocum traversa l’Atlantique jusqu’à Gibraltar où, craignant les pirates de la Méditerranée et de la mer Rouge dont on lui avait raconté les hauts faits, il changea de direction. Il prit la route du sud-ouest vers le cap Horn, et s’arrêta en route sur la tombe de Virginia Albertina. Au bout des Amériques, là où l’Atlantique et le Pacifique se heurtent pour former la plus dangereuse mer du monde, Slocum eut « la plus grande aventure de [sa] vie ». Après avoir traversé le difficile passage de 400 milles du détroit de Magellan, il dériva dans la tempête quatre jours durant vers le cap Horn. Croyant à tort l’avoir contourné, il se dirigea vers le nord et aboutit dans l’un des endroits les plus mortels des océans, l’entrée peu profonde du canal Cockburn. Dans la nuit glaciale traversée de violentes rafales, il mit à grand-peine le cap sur le large, puis, au jour, il réussit à remonter vers le nord pour reprendre le détroit de Magellan et retrouver ainsi sa route vers le Pacifique.

En naviguant vers l’ouest, Slocum, qui était un lecteur passionné, s’arrêta sur des îles qui avait une signification littéraire pour lui : Mas-a-Tierra (île Robinson-Crusoé), où Alexander Selkirk, qui avait inspiré le personnage de Robinson, avait fait naufrage, et Upolu (Samoa occidentales), où il rendit visite à la veuve de l’écrivain Robert Louis Stevenson. Il arriva en Australie le 1er octobre 1896. La nouvelle de son voyage l’avait précédé, et il fut reçu avec curiosité et honneur. Il donna des entrevues à des journalistes, amassa de l’argent en faisant visiter son bateau, accepta les invitations qu’on lui faisait, rencontra les parents de sa première femme, et attendit la nouvelle saison. Slocum quitta l’Australie le 24 juin 1897 et se rendit dans le sud de l’Afrique. Son exploit était désormais fameux ; l’explorateur Henry Morton Stanley et le chef boer Paul Kruger le reçurent. Il rentra dans l’Atlantique par le cap de Bonne-Espérance et arriva à Newport, dans le Rhode Island, le 27 juin 1898 après avoir parcouru 46 000 milles. Il se disait alors plus heureux, plus jeune et plus en santé qu’au moment de son départ.

Slocum avait vécu dans une solitude inimaginable et pourtant, en un sens, il n’avait jamais été tout à fait seul. Sur son navire, il s’était lié d’amitié avec une araignée ; les tortues, les marsouins et les otaries avaient écouté ses chants ; malade, il avait confié son voilier au pilote de la Pinta de Christophe Colomb. Bien qu’il ne semble jamais avoir été particulièrement chrétien, Slocum éprouvait une sympathie respectueuse pour toutes les religions et, en mer, il ressentait le caractère sacré de bien des choses. Retiré du monde, il avait fait de l’océan son pays.

Joshua Slocum fut accueilli avec curiosité et scepticisme par le public américain. Le récit de son voyage, qu’il publia en feuilleton en 1899 et 1900, obtint un succès populaire, tout comme son livre Sailing alone around the world, paru à New York, en 1900. Grâce au revenu qu’il tira de conférences et de la vente du livre, il acheta une ferme avec sa femme. Mais la terre ne l’intéressait pas. Il retourna à bord du Spray et commença à passer ses hivers dans les Antilles. Pendant qu’il se trouvait au New Jersey pour donner une conférence à un yacht-club en 1906, il fut accusé d’avoir violé une petite fille de 12 ans ; après 42 jours en prison, il ne contesta pas l’accusation moins forte d’attentat à la pudeur. Il se replia de plus en plus sur lui-même. Le 14 novembre 1909, il quitta le Massachusetts et mit cap au sud. On n’entendit jamais plus parler de lui.

Brian D. Murphy

Les Néo-Écossais reconnaissent Joshua Slocum comme un des leurs. Un monument à sa mémoire a été dévoilé à Westport en 1961 ; on trouve dans la presse de plus en plus d’articles à son sujet ; son livre sur son voyage autour du monde a été adapté pour la radio en 1984. Sa résistance à l’égard du monde changeant, considérée autrefois comme une attitude étrange ou négative, est aujourd’hui autant à son honneur que ses qualités de marin.

Slocum est l’auteur de trois livres sur sa vie de marin ; les deux premiers, Voyage of the « Liberdade » ; description of a voyage « down to the sea » (1890) et Voyage of the « Destroyer » from New York to Brazil (1894), ont été publiés à titre personnel à Boston. En 1894, une maison d’édition a publié, aussi à Boston, Voyage of the « Liberdade » en omettant certains textes en appendice ; l’ouvrage a été réimprimé à New York en 1967. « Sailing alone around the world » a d’abord paru par tranches mensuelles dans Century Illustrated Monthly Magazine (New York et Londres), sept. 1899–mars 1900, puis a été publié sous forme de monographie à New York en 1900. Cet ouvrage a par la suite fait l’objet de nombreuses réimpressions et éditions, ainsi que de plusieurs traductions.

Les textes complets des livres de Slocum, y compris les appendices accompagnant Voyage of the « Liberdade », publiés en 1890, ainsi qu’un grand nombre de ses lettres, figurent dans The voyages of Joshua Slocum, nouvelle édition préparée par Walter Magnes Teller (New Brunswick, N.J., 1958 ; 2e éd., Dobbs Ferry, N.Y., 1985).

Les archives sur Slocum sont disséminées et relativement peu abondantes. Tous ses papiers sont disparus avec le Spray. On trouve de l’information sur ses jeunes années dans un livre de son fils aîné, Victor Slocum, Capt. Joshua Slocum : the life and voyages of America’s best known sailor (New York, 1950 ; réimpr., Homewell, Angleterre, 1981) ; cet ouvrage a été publié en Grande-Bretagne sous le titre The life and voyages of Captain Joshua Slocum (Londres, 1952). Dans The voyages of Joshua Slocum, Teller donne une indication sur les sources ; de la documentation additionnelle est mentionnée dans sa biographie préliminaire, The search for Captain Slocum, a biography (New York, 1956), et dans la version largement revue et augmentée de cet ouvrage, Joshua Slocum (New Brunswick, 1971).

Les principaux documents détenus par les établissements publics se trouvent aux États-Unis. On trouve aussi de l’information à la Mitchell Library, à Sydney, en Australie. La documentation conservée aux PANS est décevante. Le seul document relatif à Slocum consiste en quelques pages de notes conservées dans les papiers C. B. Fergusson et classées à MG 1, 1846, F/3 ; cependant, la collection de documents généalogiques et les dossiers de coupures de journaux des PANS contiennent certains renseignements utiles. On trouve aussi certaines notes et coupures de journaux intéressantes aux archives du Yarmouth County Muséum and Hist. Research Library, à Yarmouth, en Nouvelle-Écosse, dont un compte rendu de la visite de Slocum tiré de l’édition du 29 septembre 1897 du Planters & Commercial Gazette de Port Louis, île Maurice.

Une « autobiographie » romancée de Slocum rédigée par Robert Blondin, 7º de solitude ouest : autobiographie apocryphe reconstituée à partir de souvenirs recueillis au grenier de la légende volontaire du héros, a été publiée à Montréal en 1989, et est maintenant offerte en version anglaise : The solitary Slocum (Halifax, 1992).

Les marins de l’ère moderne qui naviguent en solitaires considèrent Slocum comme une source d’inspiration et un exemple. Cependant, ils voyagent à bord d’embarcations à la fine pointe de la technologie et sont reliés à leur port d’attache par radio. On constate dans quelle mesure ces marins ne sont plus isolés en consultant l’article de Dan Chu et Bonnie Bell, « While Bill Pinkney sails the world alone, thousands of Chicago school kids are keeping him company », People Weekly (Chicago), 26 nov. 1990 : 101–105. [b. d. m.]

R. B. Powell, « First solo trip around the world », Chronicle-Herald (Halifax), 15 août 1964 : 9.— Along the clipper way [...], Francis Chichester, édit. (Londres, 1966).— D. B. Sharp, « Joshua Slocum – sailing master », Nautical Quarterly (New York), n° 3 (avril 1978) : 88–97.— W. [M.] teller, « The Canadian who sailed alone around the world », Canadian Geographic (Ottawa), 100 (1980–1981), n° 3 : 74–79.

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Brian D. Murphy, « SLOCUM, JOSHUA », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/slocum_joshua_13F.html.

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Auteur de l'article:    Brian D. Murphy
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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