GRAHAM, JOHN HAMILTON, administrateur scolaire, professeur, auteur et homme d’affaires, né le 5 novembre 1826 à Overtown (Strathclyde, Écosse) ; décédé le 12 août 1899 à Hartford, Connecticut, et inhumé le 15 à Richmond, Québec.

John Hamilton Graham naquit dans une famille presbytérienne des Highlands. Il fréquenta une école paroissiale et la Johnstone Academy. Il se préparait à entrer à la University of Glasgow lorsque ses parents immigrèrent au Vermont, probablement au début des années 1840. Ils s’installèrent près de la frontière bas-canadienne, dans Orleans County, où Graham poursuivit ses études dans divers collèges, après quoi il alla les terminer à la Brown University de Providence, au Rhode Island. Il enseigna un moment, puis devint directeur de la Barton Academy et ensuite de la Northfield Institution, deux établissements du Vermont. Il milita au sein du mouvement qui réclamait la création d’écoles normales d’État au Vermont, rédigea un projet de loi sur l’éducation, adopté en 1856, et présida, à divers moments, trois associations d’enseignants.

S’étant taillé une excellente réputation, Graham accepta en 1858 la direction d’une grammar school pour garçons à Richmond, au Bas-Canada, et devint en même temps professeur de mathématiques au St Francis College, dans la même ville. Il fut titulaire de la chaire d’humanités et de littérature anglaise au collège en 1860 ; plus tard dans l’année, il devint directeur de l’établissement. Sous sa direction, le St Francis College attira des étudiants des autres colonies et des États-Unis, tant il était réputé offrir une formation complète et appliquer une discipline stricte.

Graham avait continué de s’intéresser aux associations d’enseignants, et à la première assemblée annuelle de la District of St Francis Teachers’ Association, en 1858, il proposa la création d’un organisme provincial. En 1863–1864, avec le président de cette association, Jasper Hume Nicolls*, il participa à la formation de la Provincial Association of Protestant Teachers, dont il devint président en 1870. Il fut aussi, à un moment donné, président de la District of St Francis Teachers’ Association.

À la faveur des pourparlers qui se déroulaient en 1865–1866 en vue de la fédération des colonies britanniques d’Amérique du Nord, Graham fit vigoureusement pression sur Alexander Tilloch Galt afin que le projet d’union assure le développement de l’instruction protestante dans la province de Québec. Admirateur du système d’enseignement qu’avait établi Egerton Ryerson* dans le Haut-Canada, il stigmatisa celui du Bas-Canada dans une série de lettres qui parurent d’abord dans le Montreal Herald, puis sous forme d’opuscule. Graham dénonçait la nomination, au conseil de l’Instruction publique [V. Louis Giard*], d’hommes politiques – nommément Galt et Timothy Lee Terrill* – qui n’avaient pas le temps d’assister aux réunions du comité protestant du conseil ni de défendre les droits des protestants. L’enseignement, affirmait-il, devait plutôt être administré par les enseignants. Ils dirigeraient le conseil et les bureaux d’examen et d’octroi d’autorisations, tout comme les médecins, avocats et membres des autres professions libérales. Il demandait « la reconnaissance officielle du statut professionnel de l’instituteur ». Il accusait le surintendant du département de l’Instruction publique, Pierre-Joseph-Olivier Chauveau*, de tenter d’instaurer une « séparation de l’instruction » au Bas-Canada en s’opposant à la création d’un regroupement provincial des instituteurs de toutes confessions et à l’admission d’instituteurs francophones à la District of St Francis Teachers’ Association. Graham dénonçait en outre l’insuffisance du financement des établissements protestants. Importer à grands frais des manuels de New York, de Londres et de Paris était une pratique qu’il condamnait ; d’après lui, il fallait produire des manuels scolaires afin d’encourager « les talents et les initiatives du pays » et de cultiver « un patriotisme, qui fai[sait] cruellement défaut ». Pourtant, il reprochait à Chauveau d’avoir donné son aval à l’ouvrage de François-Xavier Garneau*, Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu’à nos jours, dont une traduction était parue à Montréal en 1860. C’était l’un des seuls livres canadiens recommandés aux écoles, mais Graham le trouvait « rempli de sentiments déloyaux, traîtres même ».

Graham s’élevait aussi contre ce qu’il percevait comme une domination du système d’enseignement par l’Église catholique. Selon lui, Chauveau, par les livres qu’il sélectionnait pour les remises de prix, et le conseil de l’Instruction publique, en recommandant certains ouvrages religieux aux écoles, tendaient à faire du système d’enseignement un agent de la Propagande. Graham affirmait que l’Église catholique dominait l’instruction religieuse dans les écoles qui regroupaient protestants et catholiques et que c’était là « l’un des nombreux moyens par lesquels les conquis dict[aient] leurs conditions [...] aux conquérants ». En fait, d’après lui, « protestants et catholiques [devaient] renoncer à tenter de faire enseigner leur « foi » dans des écoles subventionnées en tout ou même en partie par les fonds publics ». L’affectation de fonds publics aux écoles catholiques, soutenait-il, constituait une « quasi-reconnaissance de cette Église par l’État ». Graham soulignait que ses vues n’étaient pas anticatholiques, mais représentatives de celles d’« un bon nombre de protestants et catholiques libéraux ».

Graham espérait que la Confédération serait l’occasion de procéder à des réformes radicales du système provincial d’enseignement. Il revendiquait notamment une répartition moins arbitraire des fonds publics entre les écoles ; la création d’une surintendance et d’un conseil protestants de l’Instruction publique ; la constitution d’une fondation permanente qui libérerait les établissements de haut savoir de leur dépendance envers les subventions gouvernementales ; la reconnaissance nationale, et non pas seulement provinciale, des diplômes de collège et d’université ; l’élection, par les instituteurs et étudiants, de membres du Parlement qui veilleraient précisément aux intérêts de l’enseignement. En 1872, il quitta la direction du St Francis College pour se présenter sous la bannière libérale dans la circonscription fédérale de Richmond and Wolfe, mais il perdit. Des amis le qualifiaient à la blague de « radical écossais », de « libéral anglais », de « républicain des États-Unis » et de « libéral-conservateur canadien ».

Après sa défaite, Graham se fit commerçant, mais il consacrait beaucoup de son temps à donner des leçons particulières, à écrire et à œuvrer dans la franc-maçonnerie. En 1855, il avait subi les rites d’initiation à la De Witt Clinton Lodge de Northfield, au Vermont. Quatre ans plus tard, après s’être installé au Bas-Canada, il entra à la St Francis Lodge, dont il fut maître de 1863 à 1866. Il agit aussi en qualité de grand registrar de la Grand Lodge of Canada en 1863. Comme à l’époque un antagonisme amer régnait entre les francs-maçons et l’Église catholique, il ne fait guère de doute que l’ascension de Graham dans la franc-maçonnerie était une conséquence de la part qu’il avait prise dans la controverse sur l’enseignement. De 1866 à 1868, il servit d’adjoint au grand maître d’un district de la Grand Lodge of Canada (celui des Cantons-de-l’Est) et, au moment de la Confédération, il prit la tête d’un mouvement en faveur de la création d’une loge centrale dans la nouvelle province de Québec. Il eut gain de cause et devint en 1869 le premier grand maître de la Grand Lodge of Québec. Il exerça cette fonction jusqu’en 1873, puis en 1875, et de 1879 à 1881.

La fondation de la Grand Lodge of Québec souleva une tempête dans la franc-maçonnerie canadienne car on avait créé la nouvelle institution à partir de la Grand Lodge of Canada, et en concurrence avec elle. Aux yeux de Graham, la formation de la Grand Lodge of Québec était l’exercice d’un « droit naturel », celui de « l’autonomie locale des maçons », parce que, affirmait-il, la province de Québec nouvellement instituée jouissait d’une autonomie législative considérable au sein de la Confédération. En fait, il exagérait les pouvoirs constitutionnels de la province afin de justifier l’existence de la nouvelle loge centrale devant la franc-maçonnerie internationale. En même temps, peut-être à cause de son expérience de la franc-maçonnerie américaine, il estimait que toute loge centrale était souveraine sur son territoire, principe non reconnu dans la tradition de la maçonnerie britannique. Il eut en conséquence des démêlés avec plusieurs loges québécoises qui continuaient d’agir sous les ordres des grandes loges du Canada, d’Écosse et d’Angleterre.

En 1874, Graham obtint du prince de Galles l’autorisation d’établir au Canada un Supreme Council of the Ancient and Accepted Scottish Rite of Masonry. Deux ans plus tard, on lui permettait d’instaurer le Sovereign Great Priory of Knights Templar. En décembre 1876, il participa à la fondation du Grand Chapter of Royal Arch Masons of Québec et devint l’un des trois principaux officiers du premier grand conseil de ce chapitre. Sa vaste expérience de la franc-maçonnerie lui permit de publier en 1892 Outlines of the history of freemasonry in the province of Quebec, qui fait encore autorité.

John Hamilton Graham reçut à titre honorifique une maîtrise ès arts de la University of Vermont et du McGill College, ainsi qu’un doctorat honorifique en droit de la Norwich University de Northfield, au Vermont. Il s’était marié, mais on ne sait rien de sa femme, qui mourut avant lui. Le couple avait eu deux fils et deux filles, qui vivaient aux États-Unis. En août 1899, au cours d’une visite en Nouvelle-Angleterre, Graham mourut subitement à Hartford, au Connecticut ; on l’inhuma à Richmond selon tout le rituel maçonnique. Dix ans plus tard, la Grand Lodge of Québec dévoila un monument à sa mémoire au cimetière St Anne de Richmond. La carrière de Graham avait ressemblé à celle de bien des presbytériens écossais établis au Canada au xixe siècle : son travail acharné et son goût de la controverse lui avaient apporté une certaine réussite.

Hereward Senior

John Hamilton Graham est l’auteur de : Letters to the superintendent of education for Lower Canada (Montréal, 1865) ; Letters on public education in Lower Canada (Montréal, 1866) ; Arithmetic (Montréal, 1866) ; et Outlines of the history of freemasonry in the province of Quebec (Montréal, 1892). Un portrait de Graham se trouve face à la page 232 dans ce dernier ouvrage.

AC, Saint-François (Sherbrooke), État civil, Presbytériens (Richmond), 15 août 1899.— AN, MG 24, L15 ; MG 29, D61, 9 : 3430–3461.— Grand Masonic Lodge of Quebec, Proc. (Montréal), 1891 : 24 ; 1895 : 122–123 ; 1899 : 82 ; 1900 : 3, 19, 56, 111 ; 1905 : 91.— Gazette (Montréal), 14 août 1899.— Montreal Daily Herald, 15 août 1899.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— Morgan, Bibliotheca canadensis.— A. J. B. Milborne, Freemasonry in the province of Quebec, 1759–1959 ([Québec], 1960).— A. D. Talbot, P.A.P.T. : the first century (s.l., [1964]).— J. I. Cooper, « Some early teachers’ associations in Quebec », Educational Record of the Prov. of Quebec (Québec), 80 (1964) : 81–87.— É.-Z. Massicotte, « Leblanc de Marconnay », BRH, 26 (1920) : 177–179.— « La Première Édition du Devoir du chrétien », BRH, 46 (1940) : 323–324.— Eugène Rouillard, « la Franc-maçonnerie canadienne », BRH, 4 (1898) : 214–215.

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Hereward Senior, « GRAHAM, JOHN HAMILTON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/graham_john_hamilton_12F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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