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ABISHABIS (Small Eyes), chef religieux cri ; décédé le 30 août 1843 à Severn House (Fort Severn, Ontario).

En 1842–1843, un puissant mouvement religieux se répandit, telle une traînée de poudre, parmi les Indiens cris qui vivaient dans la région comprise entre le fort Churchill (Churchill, Manitoba) et la rivière Moose (Ontario). Les annales de poste et la correspondance de la Hudson’s Bay Company, ainsi que les documents de George Barnley, missionnaire méthodiste à Moose Factory (Ontario), permettent de retracer assez bien l’ascension et la chute rapides du grand prophète de ce mouvement, Abishabis.

On relève pour la première fois un bouleversement dans l’activité religieuse des Cris au fort Churchill et à Severn House dans les derniers mois de 1842, soit en même temps que s’étendait l’influence du missionnaire méthodiste James Evans, établi depuis deux ans à Norway House (Manitoba). Ainsi, le 4 septembre 1842, à Severn House, John Cromartie notait à propos des Indiens rassemblés à cet endroit : « ils m’exaspèrent […] parce que chanter des psaumes et peindre des livres ont été leurs seules occupations depuis trois semaines ». Le 15 septembre, ils ne faisaient « rien d’autre que hurler et chanter nuit et jour au lieu de chasser l’oie ». Dès la fin d’octobre, les Indiens étaient plus nombreux ; « les bois retentissent [...] de leur musique, écrivait Cromartie, et en même temps ils ont le ventre vide et je crains qu’il n’en soit encore ainsi [...] s’ils continuent d’agir comme ils l’ont fait depuis le début de l’automne ».

Le 6 octobre 1842, à Moose Factory, Barnley fut lui aussi témoin de manifestations d’exaltation religieuse, celles-là liées explicitement aux activités d’Evans. Deux Indiens venus de Severn House lui demandèrent de « déchiffrer un passage écrit par un Indien [... où] les caractères employés [étaient] de l’invention du rév. J. Evans ». Comme il ne connaissait pas encore ce nouveau code syllabique, Barnley échoua, ce qui renforça peut-être l’influence des Cris qui, eux, le possédaient. Il nota plus tard qu’Abishabis et ses compagnons avaient ajouté à leur répertoire symbolique d’autres textes et cartes, ainsi que des pictogrammes gravés sur bois.

Le mouvement s’étendit au cours de l’hiver de 1842–1843, et sa vigueur se manifesta à l’évidence au fort Albany (Fort Albany, Ontario) lorsque les Indiens s’y réunirent au printemps. Le 8 juin, George Barnston*, fonctionnaire de la Hudson’s Bay Company et responsable du fort, jugea nécessaire de réunir ses chasseurs cris pour leur parler d’Abishabis (qu’on appelait Jésus-Christ) et de Wasiteck (« la Lumière ») qui, croyaient les chasseurs, étaient « allés au ciel et en [étaient] revenus afin de dispenser bienfaits et enseignements à leurs frères ». Il affirma que « ces imposteurs [...] se faisaient passer pour des personnages que les Indiens ne connaissaient pas avant d’avoir entendu prêcher les missionnaires ». Il qualifia leurs prétentions, notamment celle de pouvoir indiquer le « chemin du paradis » en traçant des lignes sur du papier ou du bois, de mensonges et de « ruses du Diable ». Sur ce, les Indiens lui répondirent qu’ils abandonneraient « ces idées folles » et lui remirent une feuille où était dessiné le chemin du paradis pour qu’elle soit brûlée par « la prêtresse, une vieille femme venue à pied d’York Factory l’automne précédent ». Le mouvement inquiétait Barnston et d’autres employés de la Hudson’s Bay Company pour deux raisons : ses adeptes se désintéressaient de la chasse aux animaux à fourrure, de sorte que la traite en souffrait, et certains, disait-on, étaient si absorbés par leur nouvelle foi qu’ils renonçaient à toute activité et se laissaient mourir de faim. Ce fut notamment le cas d’un Indien du fort Albany qui, selon les mots de Barnston, « se fiait, pour tous ses besoins, aux cartes des chemins du ciel et de l’enfer qu’il avait en sa possession. Ces rayures insignifiantes, faites sur du papier ou du bois [...], il ne cessa pas de [les] regarder, à compter du moment où il planta sa tente à l’automne jusqu’à l’heure de sa mort. »

Au milieu de 1843, en partie à cause de l’opposition de la Hudson’s Bay Company, le mouvement devint moins visible dans la région comprise entre le fort Churchill et York Factory. Abishabis lui-même, disait-on, perdait de l’influence. Selon James Hargrave*, il avait, à titre de prophète, prélevé auprès de ses fidèles une grande quantité de « tributs constitués de vêtements, d’armes et de munitions ». Cependant, sa popularité déclina après qu’il leur eut réclamé cinq ou six femmes : « certains donn[èrent] leurs filles et d’autres [furent] obligés de lui céder leur compagne », avec un supplément de matériel. Hargrave apprit au printemps de 1843, à York Factory, qu’Abishabis était « dans une situation de mendicité aussi grande que celle dont il s’était sorti au début ».

En juillet 1843, rejeté et désespéré, Abishabis assassina une famille d’Indiens dans la région d’York Factory et vola tous ses biens, manifestement pour assurer sa subsistance pendant qu’il retournait chez lui, dans le district de Severn. Il arriva à Severn House le 9 août, mais trois jours plus tard John Cromartie le mit aux fers. Les Indiens de l’endroit, informés de son crime, « se plaignaient de ce qu’il les menaçait [de se venger] s’ils ne satisfaisaient pas à ses demandes en lui donnant, entre autres, de la nourriture, et ils craignaient même de quitter les lieux pendant qu’il y était ». Le 13 août, Cromartie lui permit de s’enfuir, tout en espérant qu’il allait « quitter les environs une fois libéré ». Toutefois, il ne s’absenta pas longtemps : le 28 août, il était de nouveau sous les verrous. Le 30, trois de ses compatriotes décidèrent de se faire justice : ils le tirèrent de sa prison, lui ouvrirent le crâne d’un coup de hache et brûlèrent son cadavre dans une île voisine « pour s’assurer de ne pas être hantés par un « windigo », esprit cannibale associé aux humains dangereux.

Dans la région du fort Albany, le mouvement conserva des fidèles pendant une bonne partie de l’hiver suivant, surtout chez les Indiens de l’arrière-pays qui ignoraient la mort d’Abishabis. Thomas Corcoran, responsable à Albany, prévint ses collègues de Moose Factory et de Martin Falls (Ontario) de surveiller les manifestations du mouvement et se plaignit au gouverneur sir George Simpson* de ses effets sur la traite. Assuré par Hargrave que la mort d’Abishabis avait « tout à fait neutralisé le ferment » dans le Nord, Simpson informa Corcoran qu’il n’y avait plus guère lieu de s’inquiéter.

Cependant, le mouvement persista parmi les Cris. En février 1844, de retour à Moose Factory après une absence, Barnley découvrit que les Indiens étaient toujours sous la « pernicieuse influence » des doctrines d’Abishabis. En août, il apprit que « le ramassis d’absurdités et de faussetés conçu à Severn » se répandait parmi les Cris de la côte est de la baie d’Hudson et de la baie James. Le révérend William Mason rencontra à Norway House pendant l’hiver de 1847–1848 un Cri dénommé James Nanoo, qui disait avoir été ordonné ministre de la nouvelle religion. Il semble cependant que, conscients de la désapprobation de la Hudson’s Bay Company et des missionnaires, la plupart des adeptes en vinrent à dissimuler toute manifestation de leur foi, synthèse originale des religions crie et chrétienne. Aussi ne trouve-t-on guère d’allusions écrites à ce sujet au cours des années suivantes.

Dans les années 1930, l’anthropologue John Montgomery Cooper découvrit, en écoutant ses informateurs de Moose Factory, qu’il subsistait des traditions orales bien vivantes concernant le mouvement, même si son message avait été modifié. Sauf son nom de famille, les Indiens avaient tout oublié de Barnley, premier missionnaire de l’endroit, et attribuaient à Abishabis et à ses compagnons le mérite de les avoir initiés au christianisme.

Jennifer S. H. Brown

APC, MG 19, A21, James Hargrave corr., Robert Harding à Hargrave, 23 juin 1843 ; MG 24, J40 (mfm).— PAM, HBCA, B.3/a/148 : fo 22 ; 149 : fo 30 ; B.3/b/70 : fos 9–10, 19, 27, 45 ; B.42/a/177 : fos 3, 6, 17 ; B.198/a/84 : fos 9–10, 13 ; 85 : fos 5–6, 8, 13 ; B.239/a/157 : fo 50 ; 163 : fo 4 ; D.5/9 : fos 308–309.— SOAS, Methodist Missionary Soc. Arch., Wesleyan Methodist Missionary Soc., corr., Canada, William Mason, « Extracts from my journal », 1847–1848 (mfm à l’UCC-C).— UWOL, Regional Coll., James Evans papers.— J. S. H. Brown, « The track to heaven : the Hudson’s Bay Cree religious movement of 1842–1843 », Papers of the thirteenth Algonquian conference, William Cowan, édit. (Ottawa, 1982), 53–63.— J. S. Long, « Shaganash » : early Protestant missionaries and the adoption of Christianity by the Western James Bay Cree, 1840–1893 » (thèse de d.ed., Univ. of Toronto, 1986).— J. M. Cooper, « The Northern Algonquian Supreme Being », Primitive Man (Washington), 6 (1933) : 41–111.— N. J. Williamson, « Abishabis the Cree », Studies in Religion (Waterloo, Ontario), 9 (1980) : 217–241.

Bibliographie générale

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Jennifer S. H. Brown, « ABISHABIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 18 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/abishabis_7F.html.

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Auteur de l'article:    Jennifer S. H. Brown
Titre de l'article:    ABISHABIS
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
Date de consultation:    18 mars 2024