ELLIS, JOHN VALENTINE, journaliste et homme politique, né le 14 février 1835 à Halifax, fils de Michael Ellis et de Margaret Mary Walsh ; le 2 novembre 1864, il épousa à Fredericton Mary Caroline Babbitt, et ils eurent au moins six fils, dont l’un mourut jeune, et deux filles ; décédé le 10 juillet 1913 à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick.

Immigrant irlandais comme sa femme, Michael Ellis était employé au chantier naval de Halifax. Son fils John Valentine ne put donc pas fréquenter l’école longtemps. Dès sa jeunesse, il travailla comme typographe au Morning Chronicle de Halifax, puis fit de brefs séjours à New York et à Montréal en tant que reporter du Montreal Herald. Arrivé à Saint-Jean en 1857, il trouva un emploi de typographe, d’abord chez Edward Willis*, puis au Morning News de George Edward Fenety*. Celui-ci remarqua son potentiel et, bientôt, le fit écrire à l’occasion dans le News. En 1861, Ellis s’associa à Christopher Armstrong pour acheter un quotidien en assez mauvaise posture, le Daily Evening Globe. Sous leur direction, le Globe – rebaptisé Saint John Globe en 1867 – devint l’un des principaux journaux libéraux de la ville.

Ellis exposerait très clairement ses positions politiques dans les pages éditoriales du Globe. Fervent adepte des principes du libéralisme britannique, il soutenait le Parti libéral, sans pour autant se sentir obligé d’en suivre la ligne. Ses amis comme ses ennemis ont noté son indépendance d’esprit. Un jour, Ellis confia à Wilfrid Laurier qu’il se trouvait peut-être « trop radical » pour la politique canadienne. Il préconisait des mesures progressistes telles la syndicalisation et l’extension du droit de vote, aux femmes notamment.

Dès le début des tumultueuses années 1860 au Nouveau-Brunswick, Ellis aborda les questions d’actualité dans son style vif et lapidaire. Contrairement à la majorité de ses concitoyens des Maritimes, il appuya les Nordistes pendant la guerre de Sécession ; à son avis, les Sudistes représentaient un danger pour la liberté. Toutefois, la question brûlante de la Confédération comptait davantage pour lui. L’union des provinces de l’Atlantique avec le Canada lui semblait peu avantageuse ; il favorisait plutôt leur annexion aux États-Unis. Le projet de Confédération de 1865, affirmait-il, aurait pour seul effet de rendre les Maritimes « tributaires du Canada et de [...] pressurer [leurs habitants] pour payer les dettes [de celui-ci] ». En 1868, il devint l’un des dirigeants de la New Brunswick League, association de formation récente qui faisait pression pour que la province quitte la Confédération.

En 1874, pour défendre ses idées sécessionnistes et annexionnistes, Ellis se présenta aux élections fédérales dans la circonscription regroupant le comté et la ville de Saint-Jean. Sa candidature divisa le Parti libéral, et il fut battu. Deux ans plus tard, le gouvernement libéral d’Alexander Mackenzie* le nomma maître de poste de Saint-Jean ; les conservateurs lui retireraient cette fonction en 1879.

Ellis remporta la victoire dans la circonscription provinciale de la ville de Saint-Jean en 1882 et en 1886. Son second mandat fut court : des irrégularités électorales survenues dans sa circonscription le forcèrent à démissionner. En février 1887, il tenta à nouveau sa chance sur la scène fédérale et, cette fois, il se fit élire dans la ville de Saint-Jean grâce au soutien de plusieurs quartiers traditionnellement conservateurs. Ses prises de position en faveur de la réciprocité, cause en laquelle il croyait depuis longtemps, lui coûtèrent son siège aux élections de 1891, qui se soldèrent par une défaite des libéraux, favorables eux aussi au libre-échange. Cependant, il sortit vainqueur du scrutin fédéral de 1896, tout comme les libéraux. Nommé au Sénat le 3 septembre 1900, il y fut président du comité des débats jusqu’à sa mort.

Ellis se distingua en politique par sa fougueuse indépendance et par son appui à des causes libérales, mais on se souvient de lui surtout en raison d’un incident qui mit en cause son intégrité de journaliste. Au scrutin fédéral de 1887, des pratiques électorales douteuses dans le comté de Queens, au Nouveau-Brunswick, déclenchèrent une vive controverse. Le 10 mars, dans le Globe, Ellis dénonça la façon dont le juge William Henry Tuck s’occupait de la cause : « toute cette affaire [...], dit-il, est un scandale des plus abominables ». Son attaque la plus cuisante parut le lendemain dans un éditorial intitulé « Government by fraud » et lui valut une inculpation d’outrage au tribunal. La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre et des rédacteurs en chef de tout le pays se portèrent à sa défense. Il perdit son procès en 1889, mais il en appela à la Cour suprême du Canada, qui statuerait sur son cas seulement en 1893. Cette année-là, il irrita encore une fois le pouvoir judiciaire en publiant un éditorial où il accusait Acalus Lockwood Palmer, juge de la Cour suprême du Nouveau-Brunswick, d’avoir pratiqué le népotisme et accepté 5 000 $ dans une affaire de mise sous séquestre.

En octobre 1893, après le rejet de son appel par la Cour suprême du Canada, Ellis comparut de nouveau devant la Cour suprême du Nouveau-Brunswick, qui le condamna à 30 jours de prison, à 200 $ d’amende et aux frais (qui s’élèveraient à 3 000 $). Palmer se trouvait parmi les trois juges, ainsi que John James Fraser*, qui avait été la cible de critiques à la suite desquelles le journaliste John Thomas Hawke avait été incarcéré pour outrage au tribunal. Les journaux canadiens furent outrés à la fois par ce conflit d’intérêts patent et par cette violation flagrante de la liberté de presse. Le 13 novembre, après avoir purgé sa peine, Ellis fut accueilli en héros par 10 000 partisans à Saint-Jean. Il se trouva encore sous les feux de la rampe l’année suivante : son châtiment fit l’objet de deux jours de débats aux Communes.

Parallèlement à ses activités journalistiques et politiques, Ellis participa à la vie de son milieu. Il fut membre du conseil scolaire de Saint-Jean et du conseil universitaire de la University of New Brunswick, qui lui décerna en 1897 un doctorat honorifique en droit civil. Parrain de nombreuses œuvres de bienfaisance, il appartint au conseil d’administration de diverses organisations locales. En outre, il exerça les plus hautes fonctions provinciales au sein de la franc-maçonnerie, de l’Independent Order of Odd Fellows et du Royal Order of Scotland.

Comme John Valentine Ellis était tombé malade au cours de la session parlementaire du printemps de 1913, sa mort ne surprit personne. Les souvenirs évoqués dans les jours suivants par des journalistes et des hommes politiques de tout le pays témoignent de sa renommée et du respect qu’il inspirait. Peut-être l’hommage le plus concis et le plus approprié fut-il celui de James Alexander Macdonald*, rédacteur en chef du Globe de Toronto : Ellis, écrivit-il, était « un homme à la réputation sans tache, très prestigieux dans la collectivité, et le rédacteur en chef d’un journal hautement estimé pour sa modération et son indépendance ».

Jennifer Allaby

Malgré sa popularité comme orateur dans tout le Nouveau-Brunswick, J. V. Ellis n’a publié qu’un essai, New Brunswick as a home for emigrants : with the best means of promoting immigration and developing the resources of the province ([Saint-Jean, N.-B. ?], 1860). Les seuls papiers personnels d’Ellis qui existent sont conservés au Musée du N.-B. et comprennent surtout une série de conférences prononcées devant différents auditoires. Les sujets sont variés : grands auteurs comme George Eliot, franc-maçonnerie, allocution livrée en 1910 et intitulée « Address to the University of New Brunswick graduating class », et, bien sûr, certaines questions politiques et sociales.

AN, MG 26, G (mfm aux APNB) ; MG 27, I, D15.— APNB, MC 1156, VII.— Evening Times and Star (Saint-Jean), juill. 1913.— Saint John Globe, 1867–1913.— St. John Morning Telegraph, (Saint-Jean), juill. 1867, févr.–mars 1868, remplacé par le Daily Telegraph, janv.–mars 1887, et le Daily Telegraph and the Sun, juill. 1913.— Canada, Chambre des communes, Débats, 1887–1888, 1893–1894.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— J. A. Cooper, « The editors of the leading Canadian dailies », Canadian Magazine, 12 (nov. 1898–avril 1899) : 336–352.— Ex parte Baird : in re Ellis (1888), New Brunswick Reports (Saint-Jean et Fredericton), 27 : 99–129.— Fate, hope and editorials : contemporary accounts and opinions in the newspapers, 1862–1873, microfilmed by the CLA/ACB Microfilm Project, Helen Elliot, compil. (Ottawa, 1967).— H. B. Jefferson, « The great Pooh-Bah case » et « The Ellis case », Atlantic Advocate (Fredericton), 54 (1963–1964), no 1 : 45–51 et no 7 : 46–54, respectivement.— Regina v. Ellis : ex parte Baird (1889), New Brunswick Reports, 28 : 497–550 ; (1893), 32 : 561–565.— R. G. Thorne, « Aspects of the political career of J. V. Ellis, 1867–1891 » (mémoire de m.a., Univ. of N.B., Fredericton, 1981).

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Jennifer Allaby, « ELLIS, JOHN VALENTINE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ellis_john_valentine_14F.html.

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Auteur de l'article:    Jennifer Allaby
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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