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GWATKIN, sir WILLOUGHBY GARNONS, officier, né le 11 août 1859 à Twickenham (Londres), fils de Frederick Gwatkin, solicitor, et de Louisa Isabella Stapleton ; le 23 juin 1888, il épousa à Hurst, Lancashire, Angleterre, Edith Campbell Rowley ; décédé le 2 février 1925 à Twickenham.
En 1882, après des études à la Shrewsbury School, au King’s College de Cambridge et au Royal Military College de Sandhurst, Willoughby Garnons Gwatkin obtint un poste d’officier dans le Manchester Regiment. Adjudant de son bataillon de 1888 à 1892, il fut promu capitaine en 1890 et reçut en 1895 son diplôme du Staff College de Camberley. En mars 1899, après une courte période à l’état-major en Égypte, il entra au ministère de la Guerre, où il servit quelque temps dans l’illustre section de mobilisation du colonel Percy Henry Noel Lake*. En 1900, il accéda au grade de major. Le 31 octobre 1903, il reprit du service régimentaire en Afrique du Sud – expérience essentielle pour un officier ambitieux.
En 1905, Lake, devenu chef d’état-major général au Canada, ordonna à Gwatkin, nommé au poste de directeur des opérations et des services d’état-major, de mettre au point des plans et méthodes pour la milice, qui était en train de devenir une armée [V. sir Frederick William Borden*]. L’année suivante, sur les instances de Gwatkin, plus de 250 soldats ayant fait partie de son ancien régiment se portèrent volontaires pour l’armée permanente du Canada, alors en pleine expansion. Gwatkin demeura le bras droit de Lake jusqu’au 20 octobre 1909. Puis, promu colonel, il retourna en Angleterre afin de servir comme officier d’état-major général de 1re classe au commandement territorial de l’Est.
À l’été de 1911, Gwatkin revint à Ottawa en tant qu’officier d’état-major général à la mobilisation. Convaincu que la guerre contre les États-Unis était « très lointaine “, il conçut quand même un plan pour augmenter l’effectif de la milice dans l’Ouest, région vulnérable. Comme une guerre européenne était plus probable, il prépara une proposition en vue de la création d’une division d’infanterie et d’une brigade de cavalerie destinées à servir dans « un pays civilisé au climat tempéré “. De plus, il fit discrètement pression pour que soit formé un comité interdépartemental de coordination des préparatifs de guerre. À l’été de 1914, le comité, présidé par sir Joseph Pope, aurait à peine terminé le Livre de guerre du Canada.
La victoire des conservateurs aux élections fédérales de 1911 plaça Gwatkin sous l’autorité d’un nouveau ministre, le colonel Samuel Hughes, officier de milice qui exécrait les officiers et soldats réguliers britanniques. Dès l’été de 1913, le supérieur de Gwatkin, le major-général Colin John Mackenzie, fut victime de la disgrâce de Hughes. Le 1er novembre 1913, comme le ministère de la Guerre tentait de négocier de meilleures conditions pour un successeur, Hughes promut tout simplement Gwatkin. Par crainte de perdre toute influence rationnelle au ministère de la Milice et de la Défense, Gwatkin résolut de s’entendre avec Hughes. Il n’était pas au bout de ses peines. Lorsque la guerre éclata en août 1914, Hughes jeta au rebut le plan de mobilisation de Gwatkin, convoqua les volontaires à Valcartier, au Québec, et se mit à organiser son propre contingent en choisissant les officiers, en formant les unités et en prenant toutes les décisions. Puis il alla réclamer, à Londres, le droit de commander les Canadiens en campagne. Pendant son absence, Gwatkin reprit son propre plan et réussit à mettre sur pied un deuxième contingent pour le Corps expéditionnaire canadien.
Gwatkin demanda l’autorisation de rejoindre l’armée britannique, mais, promu major-général par le ministère de la Guerre le 26 février 1916, il dut rester en poste à Ottawa. Au prix d’un nombre incroyable d’heures de travail, il assurait le fonctionnement du quartier général de la milice. Plus éprouvant pour ses nerfs était son ministre, de plus en plus capricieux. Pouvait-on réserver les écoles militaires aux futurs officiers du Corps expéditionnaire canadien ? Non, déclarait Hughes, tous les candidats devaient recevoir une formation. Hughes tenait à nommer les colonels et à créer de nouveaux bataillons. Cette méthode donnait vite des résultats mais, au bout du compte, elle représentait un gaspillage d’hommes et d’argent et elle sapait le moral. Même si le recrutement et la formation de centaines de milliers d’hommes lui incombaient, Gwatkin était tenu dans l’ignorance des tactiques et des techniques employées outre-mer. Son avis le plus judicieux fut que les engagements du Canada en matière d’hommes reflètent la disponibilité des volontaires, soit deux ou trois divisions. Hughes, lui, prétendait avec insistance que l’on pourrait doter six ou huit divisions avec des Canadiens.
Au milieu de l’année 1916, malgré ses réserves extraordinaires de tact et de patience, Gwatkin était presque au bout du rouleau. S’il ne démissionna pas, selon un de ses proches, Charles Frederick Hamilton*, c’est que Hughes finit par être licencié. Gwatkin tint bon sous l’autorité de sir Albert Edward Kemp et de deux ministres de la Milice dans le gouvernement de coalition, le major-général Sydney Chilton Mewburn et Hugh Guthrie*. Après avoir planifié et géré de son mieux l’expansion du Corps expéditionnaire canadien pendant les hostilités, il eut à en superviser le rapatriement, la démobilisation et la réorganisation une fois la paix revenue. Les plans qu’il soumit en 1917 proposaient une armée permanente de 20 000 soldats, de fortes garnisons côtières et le service militaire pour tous. En outre, les Britanniques lui confièrent l’opération impériale dans le cadre de laquelle deux de leurs bataillons furent placés sous commandement canadien à Vladivostok, en Sibérie. Il quitta le poste de chef d’état-major général en 1920 avec le titre de chevalier commandeur de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges.
Pendant les hostilités, Gwatkin s’était opposé à ce que le Canada ait une armée de l’air indépendante. Toutefois, avec son esprit encyclopédique, il sut entrevoir les problèmes et possibilités de l’aviation dans la période d’après-guerre. Attentif à ses idées, inquiet de son épuisement et obligé d’employer les chefs du Corps expéditionnaire canadien, le gouvernement le nomma vice-maréchal et inspecteur général de l’aviation canadienne. Gwatkin jugeait impossible de maintenir une véritable force aérienne avec des hommes qui serviraient à temps partiel comme des miliciens (telle était la proposition gouvernementale) et comprenait à quel point des avions pourraient être utiles à de nombreux organes gouvernementaux. Grâce à son prestige, il obtint que l’aviation canadienne ait ses propres grades et uniformes. Avec sir Arthur William Currie*, l’inspecteur général de la milice, le major-général James Howden MacBrien*, son successeur au poste de chef d’état-major général, et sir Eugène Fiset*, le sous-ministre de la Milice, il convainquit le gouvernement du Canada de réunir tous les services de défense en un seul et même ministère, la Défense nationale. En même temps, il lutta contre l’armée afin que l’aviation canadienne ait autant d’indépendance que la Royal Air Force en Grande-Bretagne en avait après la guerre. Féru d’héraldique, il rendit un dernier service au Canada en faisant partie du comité qui dessina les nouvelles armoiries du pays en 1919–1920.
À la retraite à compter de 1922, Gwatkin demeura à Ottawa ; son intention était de partager son temps entre le Canada et l’Angleterre. À l’été de 1924, il retourna à Londres, où il reçut le titre de colonel de son ancien régiment. Ses amis, au courant de la détérioration de son état, ne furent pas surpris d’apprendre sa mort, survenue au St John’s Hospital de Twickenham, où il avait été admis pour une sciatique. En travaillant de longues heures pendant la guerre, souvent pendant qu’il souffrait de graves maux d’estomac, il avait abrégé ses jours.
En dehors des petits cercles officiels d’Ottawa, sir Willoughby Garnons Gwatkin était peu connu. Ceux qui ont évoqué sa mémoire, tel Charles Frederick Hamilton, ont parlé d’« un homme d’une rare culture, à l’esprit curieux “, qui avait écrit sur des sujets aussi divers que l’ornithologie canadienne ou les traces de la présence des Basques au Canada et publié dans des périodiques savants, sous le couvert de l’anonymat, des vers latins et macaroniques. Ses jugements, parfois tranchants, souvent perspicaces, étaient rendus avec une brièveté et une précision exceptionnelles. Installé dans une cité où la myopie politique était la règle, il voyait plus loin que la plupart.
Erindale College, Univ. of Toronto (Mississauga, Ontario), Desmond Morton, Canadian Expeditionary Force research files, Donald MacKinnon papers, MacKinnon à des parents, 14 oct. 1915.— Gazette (Montréal), 25 mars 1922.— Times (Londres), 27 juin 1888, 4 févr. 1925.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 3.— G.-B., War Office, The monthly army list (Londres), 1900–1905.— C. F. Hamilton, « Lieut.-General Sir Willoughby Gwatkin : an appreciation “, Revue canadienne de défense (Ottawa), 2 (1924–1925) : 226–230.— S. J. Harris, Canadian brass : the making of a professional army, 1860–1939 (Toronto, 1988).— R. G. Haycock, Sam Hughes : the public career of a controversial Canadian, 1885–1916 (Waterloo, Ontario, 1986).— Histoire officielle de l’Aviation royale du Canada (3 vol. parus, [Ottawa], 1982– ), 2 (W. A. B. Douglas, la Création d’une aviation militaire nationale, 1987).— Desmond Morton, A peculiar kind of politics : Canada’s overseas ministry in the First World War (Toronto, 1982) ; When your number’s up : the Canadian soldier in the First World War (Toronto, 1993).— Nicholson, CEC.
Desmond Morton, « GWATKIN, sir WILLOUGHBY GARNONS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gwatkin_willoughby_garnons_15F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/gwatkin_willoughby_garnons_15F.html |
Auteur de l'article: | Desmond Morton |
Titre de l'article: | GWATKIN, sir WILLOUGHBY GARNONS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 4 déc. 2024 |