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HARRIS, CARRIE JENKINS, romancière, née vers 1858–1860 en Nouvelle-Écosse, fille de Henry Harris de Grand-Pré, Nouvelle-Écosse, et probablement d’Elizabeth Vincent ; décédée célibataire en 1903.

Carrie Jenkins Harris naquit dans une famille de cultivateurs, au cœur des vergers de la vallée d’Annapolis, qui inspira une grande partie de ses romans. Bien que ses parents aient été méthodistes, Carrie Jenkins Harris figure dans le recensement de 1881 comme membre de l’Église d’Angleterre, et dans celui de 1891, comme baptiste. Originaire de Wolfville, selon la couverture de ses romans (elle y vivait en 1881), elle habitait en 1891 la ferme familiale à Grand-Pré avec son père, veuf, et un frère aîné, capitaine au long cours.

Sauf une exception, les romans de Carrie Jenkins Harris furent imprimés dans la région par James J. Anslow, de Windsor, ce qui les priva de la diffusion et de la critique qui auraient permis à son auteure de se faire connaître davantage. Le fait que Carrie Jenkins Harris ait donné à la bibliothèque de prêt de Mlle L. Fairbanks, à Halifax, un exemplaire de son premier roman Mr. Perkins, of Nova Scotia : or, the European adventures of a would-be aristocrat, paru en 1891, permet de croire qu’elle tenta de diffuser elle-même ses livres ; cet exemplaire est encore conservé aujourd’hui avec la note qu’elle y avait inscrite.

Même si elle n’est pas aussi connue que ses contemporaines, les romancières canadiennes Alice Jones* ou Sara Jeannette Duncan*, Carrie Jenkins Harris leur ressemble par l’origine locale de ses personnages implantés dans un décor international. Dans Mr. Perkins, elle fait ressortir l’aspect comique des prétentions de la famille Perkins à l’ascension sociale et oppose le personnage du jeune Tom Perkins à l’indifférence égoïste de l’aristocratie britannique et au maquignonnage d’escrocs de Londres et de Paris quand il entreprend le tour de l’Europe destiné à parfaire son éducation. Comme dans les cinq romans de Mlle Harris, le dénouement de l’intrigue de Mr. Perlons repose trop sur des coïncidences, mais le roman renferme néanmoins des commentaires mordants sur la prétention et met en scène des personnages originaux qui donnent de la vie au texte. L’Acadian de Wolfville le trouva « extrêmement bien écrit » et jugea qu’il faisait « le plus grand honneur au talent de l’auteure ». Toutefois, le journal fut moins enthousiaste pour Mr. Perkins dans sa critique de A romantic romance, publié en 1893, et déclara que le raffinement « de l’invention » et l’envergure de ce roman manquaient au premier. Avec Grand-Pré comme point de départ, à l’instar de A modern Evangeline qui parut en 1896, A romantic romance s’articule autour d’une fausse lettre et d’un malentendu entre deux amoureux qui serviront d’éléments catalyseurs à une idylle contrariée. Tels les héros de A modern Evangeline, des Néo-Écossais s’aventurent dans les grandes villes de New York et de Boston afin de poursuivre leurs études et leur carrière, et comme dans tous ses romans populaires, l’auteure ajoute sa touche moralisatrice : « Sois prudente, ma chère Eva. Si les vieilles braises se rallument rapidement, prends garde, dans ton cas, qu’elles ne s’enflamment subitement et n’enveloppent le bonheur de ta vie dans une redoutable conflagration. Pendant que tu prépares les pierres de la vengeance à jeter à ton amant d’autrefois, assure-toi d’être assez forte pour les lancer d’une main ferme, sinon elles peuvent rebondir et détruire ton propre cœur aimant. »

Quoique A romantic romance se termine sur le mariage des personnages principaux, Carrie Jenkins Harris revient sur le thème de la fidélité dans ses trois derniers romans. Dans Cyril Whyman’s mistake, publié à Toronto en 1894 par la maison d’édition de William Bryce, la même qui fit paraître les romans de Sara Jeannette Duncan et de Louisa May Alcott, elle bâtit une histoire d’amour qui se passe à Digby, en Nouvelle-Écosse ; la duplicité et la faiblesse de caractère y séparent les protagonistes, qui voyagent jusqu’à Victoria et dans la région de Cariboo. La fidélité de Marion Whyman envers son frère Cyril et l’amant qu’elle croit mort (« Fidélité, tu es un joyau. ») confère l’unité à une intrigue complexe qui se dénoue avec la visite des amants à Digby et des commentaires sur les répercussions du transport à vapeur et de l’électricité sur une ville que les pêches et le tourisme américain viennent de rendre prospère. Faith and friends, paru en 1895, est le récit délicat d’un amour fidèle qui amène le héros néo-écossais jusqu’aux Antilles et l’héroïne, elle aussi de la Nouvelle-Écosse, à mener une carrière d’infirmière à Boston, avant qu’ils ne se rencontrent à nouveau, des années plus tard, sur un bateau fluvial américain. Dans A modern Evangeline, Carrie Jenkins Harris fait appel aux souvenirs de l’Évangéline de Henry Wadsworth Longfellow, paru en 1847, où sa fidélité à l’exilé Gabriel condamne Évangéline à une vie d’errance. Presque consacrée au service des pauvres, l’héroïne de Longfellow trouve finalement Gabriel gisant miséreux et mourant. L’Evangeline Mortimer de Carrie Jenkins Harris, issue d’une lignée acadienne où la fidélité fait l’objet d’une malédiction, poursuit son amant errant de Grand-Pré jusqu’au sud de l’Afrique par sens de l’honneur et par amour, pour finalement le voir mourir sous ses yeux. Elle entre alors au couvent pour servir les pauvres, devenant une « Évangéline moderne » qui, dans sa relation avec autrui, renforce les thèmes de l’amour perdu et du renouveau qui troublent tous les personnages de ce roman, qu’ils soient à Grand-Pré, Boston ou Cape Town.

Bien que Carrie Jenkins Harris ne possède pas le style fouillé et le raffinement d’une Alice Jones ou d’une Sara Jeannette Duncan, elle traite néanmoins de voyages à l’étranger, de femmes intelligentes, de l’acquisition de l’aisance à l’âge d’or et d’un certain nombre d’autres sujets des années 1890, dans des romans populaires qui transcendent le régionalisme par la largeur de sa perspective. La diffusion locale de ses publications la condamna cependant à l’anonymat, et ses livres en édition bon marché, qui se vendaient entre 0,10 et 0,30 $, ont presque disparu.

Gwendolyn Davies

On trouve encore quelques exemplaires originaux des romans de Came Jenkins Harris, mais ils sont aussi conservés sur microfiches à l’ICMH et consignés dans son Répertoire.

AN, RG 31, C1, 1881, Kings County, dist. 17 : 16 ; 1891, Grand-Pré, N.-É., no 22 (mfm aux PANS).— PANS, Churches, Horton Methodist/United (Grand-Pré), reg. of marriages, 29 janv. 1855 (mfm).— Acadian (Wolfville, N.-É.), 26 juin 1891, 1er déc. 1893.

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Gwendolyn Davies, « HARRIS, CARRIE JENKINS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 15 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/harris_carrie_jenkins_13F.html.

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Auteur de l'article:    Gwendolyn Davies
Titre de l'article:    HARRIS, CARRIE JENKINS
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    15 oct. 2024